Le Sillon 04
Ligue des Droits de l'Homme / Manosque & bassin manosquin
2021-10-06T13:58:42+02:00
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Dans les cuisines de l’investigation
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2019-09-06T15:50:22+02:00
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À qui profite la lutte anticorruption ? Ils incarnent le...
<div class="cartouche"><p class="crayon article-surtitre-60338 surtitre"><span style="color: #000000;">À qui profite la lutte anticorruption<small class="fine"> </small>?</span></p><div class="crayon article-chapo-60338 chapo"><p><span style="color: #000000;">Ils incarnent le contre-pouvoir : des journalistes qui enquêtent sur la corruption des puissants. Ces investigateurs font démissionner des ministres, trembler des conseillers, tomber des patrons — plus rarement. Mais les chantres de la transparence entretiennent toujours une zone d’ombre. Sur la manière dont ils travaillent, sur ce qui les oppose, sur ce qui les motive, le public ne sait rien. Pierre Péan, qui fut une figure marquante de ce milieu, jette sur ses coulisses une lumière crue.</span></p></div><div class="dates_auteurs crayon article-metadonnees-60338 "><span style="color: #000000;">par <span class="auteurs">Pierre Péan</span> </span><div class="actions-article"><span style="color: #000000;"><a class="ecouter_son" style="color: #000000;" title="Écouter cet article" href="https://www.monde-diplomatique.fr/"> </a></span></div></div></div><div class="crayon article-texte-60338 texte colore"><figure class="spip_document_24928 spip_documents spip_documents_center justecol" style="width: 650px;"><div class="limage"><span style="color: #000000;"><img class="spip_logos" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;" src="https://www.monde-diplomatique.fr/local/cache-vignettes/L650xH720/img001-20-e6fe3.jpg?1566923929" alt="JPEG - 64.4 ko" width="222" height="232" /></span></div><figcaption><div class="crayon document-titre-24928 spip_doc_titre" style="width: 650px; text-align: center;"><span style="color: #000000;">Mircea Suciu. – «<small class="fine"> </small>Border<small class="fine"> </small>» (Frontière), 2008</span></div><div class="crayon document-descriptif-24928 spip_doc_descriptif" style="width: 650px; text-align: center;"><span style="color: #000000;">Photographie : Peter Cox - Zeno X Gallery, Anvers</span></div></figcaption></figure><p><span style="color: #000000;"><span class="mot-lettrine"><span class="lettrine">D</span>epuis</span> le milieu des années 1980, la vie publique française semble marquée par un paradoxe. D’un côté, la montée du chômage, des inégalités sociales et géographiques, la mondialisation économique, le désengagement de l’État- providence tel qu’il fut conçu après la seconde guerre mondiale et son redéploiement au profit des entreprises privées ont scandé notre temps. De l’autre, le monde médiatique a hissé au sommet de sa hiérarchie non pas l’enquête sociale ou le reportage économique, susceptibles d’éclairer ces transformations, mais un genre et une figure qui d’ordinaire prospèrent quand tout se délite : le scandale de corruption politico-financière et le journaliste dit «<small class="fine"> </small>d’investigation<small class="fine"> </small>».</span></p><p><span style="color: #000000;">On égrène le nom des «<small class="fine"> </small>affaires<small class="fine"> </small>» comme on fredonne les tubes qui impriment leur mélodie dans les sillons de la mémoire collective : Botton, Schuller-Maréchal, Urba, Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF), HLM de Paris, HLM des Hauts-de-Seine, Elf, Pelat, cassette Méry, Crédit lyonnais, Dumas, Balkany, Takieddine, Woerth-Bettencourt, Cahuzac… Tour à tour, elles font la «<small class="fine"> </small>une<small class="fine"> </small>», défont les destins politiques et installent l’idée d’une société structurée non plus par l’affrontement de forces sociales et politiques, mais par le combat du bien — un tout petit nombre d’individus décidés à purger notre belle démocratie des moutons noirs qui la défigurent — contre le mal — une brochette d’élus et de hauts fonctionnaires corrompus. Ces anges dévolus corps et âme à la vertu suprême, le droit à l’information, forment une élite au sein de leur profession.</span></p><p><span style="color: #000000;">Au cours des années 1970, le rapport de forces entre la presse et le pouvoir, déséquilibré en faveur du second, situait leur activité à la marge, du moins jusqu’à ce qu’une paire d’enquêteurs du <em>Washington Post</em> fasse tomber le président des États-Unis. Mythe fondateur<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh1" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb1" rel="appendix">1</a>)</span> devenu modèle à imiter, au point que l’on a importé l’expression américaine — «<small class="fine"> </small>investigation<small class="fine"> </small>» plutôt qu’enquête —, l’affaire du Watergate a fixé une fois pour toutes les règles de l’exercice : l’investigateur prend pour adversaire l’État, source supposée de toute puissance et de toute nuisance, au moment précis où celui-ci amorce son retrait au profit des entreprises privées.</span></p><p><span style="color: #000000;">Passé des colonnes irrévérencieuses du <em>Canard enchaîné</em> vers la fin des années 1970 à celles, de référence, du <em>Monde</em> au milieu des années 1990, le journalisme d’investigation spécialisé dans les affaires politico-financières a profondément changé le théâtre démocratique. L’observateur est désormais acteur, et parfois metteur en scène, de la pièce jouée par les partis, les élus, les électeurs. Ses révélations ont rebattu les cartes de l’élection présidentielle française de 2017 en contribuant à l’élimination de M. François Fillon, comme elles ont entraîné la démission du vice-chancelier autrichien, M. Heinz-Christian Strache, en 2019. Le contre-pouvoir s’est hissé au rang de pouvoir. Mais qui connaît son fonctionnement<small class="fine"> </small>? Comment sortent ces «<small class="fine"> </small>révélations<small class="fine"> </small>»<small class="fine"> </small>? Qui choisit leur calendrier, leurs cibles<small class="fine"> </small>?</span></p><p><span style="color: #000000;">Une singularité de cette activité menée au nom de la morale et de l’exigence de transparence est son opacité. Un gouffre sépare en effet l’image du journaliste d’investigation véhiculée par la presse elle-même à coups de portraits d’enquêteurs, individus au regard ombreux et aux facultés supposées exceptionnelles, photographiés dos à dos comme sur les affiches des films d’espionnage<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh2" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb2" rel="appendix">2</a>)</span>, et la pratique quotidienne du métier.</span></p><p><span style="color: #000000;">C’est qu’il existe au fond deux manières d’enquêter. L’une, revendiquée notamment par l’auteur de ces lignes, pourrait se définir comme un banal journalisme lent : l’enquêteur choisit son sujet et lui consacre un temps, une énergie que la plupart des rédactions refuseraient d’investir. Il avance à l’aveugle, progresse par à-coups et prend le risque de se tromper. Ses recherches débouchent généralement sur des affaires peu judiciarisées, comparativement aux scandales politico-financiers qui font la «<small class="fine"> </small>une<small class="fine"> </small>». Il en tirera un livre dont l’avance couvre, grosso modo, les frais engagés et dont les ventes aideront au démarrage de la recherche suivante. C’est un modèle fragile : quelques échecs commerciaux successifs accompagnés de procédures en diffamation suffisent à priver le journaliste de la possibilité (et de l’envie) de recommencer. Pour restaurer le crédit ébréché des médias, certaines rédactions, y compris dans l’audiovisuel, ont aménagé des cases permettant d’enquêter sur des sujets économiques ou de société («<small class="fine"> </small>Cash investigation<small class="fine"> </small>», l’émission d’Élise Lucet sur France 2), mais le phénomène demeure marginal.</span></p><p><span style="color: #000000;">Et pour cause. Bien qu’elles prétendent généralement suivre ce chemin escarpé, la plupart des têtes d’affiche du journalisme d’investigation travaillent d’une manière radicalement différente. Il ne s’agit pas d’enquêter, mais d’attendre une fuite. Celle d’un procès-verbal d’audition ou d’enquête que transmet un juge, un policier, un avocat. Le document arrive, hier par fax, aujourd’hui par messagerie chiffrée. L’intrépide limier s’emploie ensuite à le réécrire en style journalistique : des faits détaillés, des dates précises, des noms connus ou qui le seront sous peu. Ce travail de transposition s’accompagne de quelques coups de téléphone permettant de recueillir les démentis ou les bredouillements embarrassés des personnes mises en cause, preuve indéniable d’un travail de tout premier ordre.</span></p><p><span style="color: #000000;"><em>«<small class="fine"> </small>L’affaire des HLM a permis de découvrir une catégorie particulière de la corporation des gens de presse : les journalistes d’investigation. Du temps où j’étais encore naïf, je pensais que leur métier était… d’investiguer,</em> a écrit le juge Éric Halphen. <em>Erreur<small class="fine"> </small>!</em> (…) <em>À de rares exceptions près, et je pense notamment ici au</em> Canard enchaîné (…), <em>les journalistes d’investigation ne font donc pas d’enquête</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh3" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb3" rel="appendix">3</a>)</span>…<em><small class="fine"> </small>»</em> Le magistrat racontait alors en off avoir reçu une proposition des deux grands investigateurs de l’époque de <em>«<small class="fine"> </small>marcher ensemble<small class="fine"> </small>»,</em> qu’il refusa.</span></p><h3 class="spip" style="color: #81674a; max-width: 503.43px;"><span style="color: #000000;">«<small class="fine"> </small>Nous avons pour règle de nous caler sur les instructions judiciaires<small class="fine"> </small>»</span></h3><p><span style="color: #000000;">L’ascension de ce journalisme qui défraie la chronique découle ainsi d’une alliance de circonstance entre une petite fraction du monde judiciaire et une tête d’épingle du monde médiatique<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh4" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb4" rel="appendix">4</a>)</span>. Cette coalition des marges aux effets puissants présente plusieurs caractéristiques. En premier lieu, le journaliste d’investigation n’est généralement pas à l’initiative de son sujet d’enquête : celui-ci lui parvient tout ficelé par un magistrat, un policier ou un avocat, lequel a ses priorités, ses intérêts — débloquer par exemple les freins politiques à une enquête judiciaire sur une personnalité en vue en la rendant publique. <em>«<small class="fine"> </small>Nous avons pour règle de nous caler sur les instructions,</em> a expliqué Ariane Chemin, du <em>Monde. Nous ne faisons pas d’enquête d’initiative</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh5" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb5" rel="appendix">5</a>)</span>.<em><small class="fine"> </small>»</em></span></p><p><span style="color: #000000;">L’affaire du possible financement libyen de la campagne de M. Nicolas Sarkozy en 2007, exposée par le site Mediapart, fournit un bon éclairage des cuisines de l’investigation. Les principaux acteurs de la pièce sont les responsables de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Ce service de la police judiciaire sis à Nanterre interroge les protagonistes libyens et français cités dans l’enquête. Le commandant responsable du dossier numérise régulièrement les nouveaux procès-verbaux. Un avocat de l’association Sherpa, partie civile dans cette instruction, récupère les derniers disques compacts contenant les documents. Dans les jours qui suivent, un journaliste de Mediapart sort un nouvel élément de l’«<small class="fine"> </small>enquête<small class="fine"> </small>» évidemment bien documenté. Dépositaire de tous les actes judiciaires et devenu le meilleur spécialiste de l’affaire, Fabrice Arfi complète le travail de l’OCLCIFF en s’aidant des procès-verbaux, lesquels contiennent les noms, les lieux, les adresses des acteurs ainsi que de leurs proches. L’investigation consiste donc à sélectionner les documents d’une instruction judiciaire qui peuvent intéresser les lecteurs, à les réécrire, puis à les compléter<small class="fine"> </small>; l’enquêteur est un gestionnaire de fuites.</span></p><p><span style="color: #000000;">Le deuxième aspect tient justement à l’origine et à l’usage de ces informations. Leur exploitation repose sur la violation de deux lois, la présomption d’innocence et le secret de l’instruction, au nom d’un principe, le droit à l’information. Ces entorses donnent à la poignée d’«<small class="fine"> </small>investigateurs<small class="fine"> </small>» qui parlent au nom de la profession des moyens excédant le droit commun, ceux de la justice et de la police, mais sans l’encadrement administratif et judiciaire qui normalement les accompagne. Formé au <em>Monde</em> et devenu directeur de la rédaction du <em>Journal du dimanche,</em> Hervé Gattegno admettait au début des années 2000 travailler peu ou prou comme un juge d’instruction. Il avait pour habitude de laisser sa carte de visite dans la boîte aux lettres d’un protagoniste injoignable au téléphone avec cette simple mention : <em>«<small class="fine"> </small>Hervé Gattegno souhaite vous entendre.<small class="fine"> </small>»</em></span></p><p><span style="color: #000000;">Dans l’affaire Cahuzac (qui, précisons-le, procédait d’une vraie enquête d’initiative), le directeur de Mediapart Edwy Plenel n’a pas hésité à écrire au procureur de la République pour exiger qu’il prenne un réquisitoire supplétif afin que le juge instruise les faits nouveaux révélés par le site. En d’autres termes, le journaliste ne se contente plus d’aider à la manifestation de la vérité et d’éclairer le jugement des lecteurs : il se fait, dans le cas d’espèce, auxiliaire de justice, voire de police. Cette posture peut paraître légitime pour le public quand il s’agit de dénoncer au procureur un ministre du budget qui fraude le fisc, comme dans le cas de M. Jérôme Cahuzac. Mais le journaliste dénoncera-t-il demain au juge un adversaire politique, un ennemi personnel, un concurrent en affaires<small class="fine"> </small>? Tant qu’aucun contre-pouvoir ne contrebalance le pouvoir médiatique, une part du débat public dépendra de la sélection par quelques enquêteurs de fuites mises à leur disposition<small class="fine"> </small>; un tri effectué de manière à taper <em>«<small class="fine"> </small>là où ça fait mal, dans l’espoir qu’il y ait moins de mal, moins de malheur et de souffrance, d’injustice et de misère, un jour</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh6" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb6" rel="appendix">6</a>)</span><em><small class="fine"> </small>».</em></span></p><p><span style="color: #000000;">Si chacun a intérêt à théâtraliser cet affrontement supposé entre le juste et l’indigne, à commencer par les juges et la police, qui y voient un moyen d’agir sans paraître, nul ne se berce d’illusions : c’est en suivant ses propres critères, ses priorités politiques, son calendrier ou celui de ses informateurs que l’enquêteur décidera par exemple de publier les documents saisis lors d’une perquisition au domicile d’une personnalité en vue et que la police s’est empressée de lui transmettre. Verra-t-on par exemple la vie privée de M. Jean-Luc Mélenchon, dont les ordinateurs et les correspondances personnelles ont été saisis en octobre 2018, opportunément mise en ligne à la veille d’une échéance politique<small class="fine"> </small>? Ou les informations recueillies par les détectives de M. Bernard Arnault sur la vie du député François Ruffin et ses rapports avec l’équipe de <em>Fakir </em><small class="fine"> </small>?</span></p><p><span style="color: #000000;">Tout se passe comme si quelques personnages de la scène journalistique étaient subrepticement parvenus à changer l’ordre des articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en faisant passer la présomption d’innocence (article 9) après la libre communication des pensées et des opinions (article 11). Et encore : le droit à l’information n’y figure pas. Cette notion concernant l’ensemble des citoyens, qui en sont théoriquement les bénéficiaires, n’est définie que par les professionnels de l’information dans des textes corporatistes (comme la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de Munich de 1971) — elle est également inscrite dans la convention européenne des droits de l’homme. Incombe-t-il à la presse de trancher seule cette question ou celle de la protection de la vie privée<small class="fine"> </small>?</span></p><p><span style="color: #000000;">Le débat sur l’utilisation des écoutes téléphoniques par les vedettes de l’investigation illustre bien cette tension. Comme tous ceux qui travaillent sur des questions sensibles, Plenel, alors journaliste au <em>Monde,</em> a fait l’objet d’une surveillance. Il a raconté dans un livre cette épreuve. <em>«<small class="fine"> </small>Un dialogue au téléphone, c’est comme une conversation avec soi-même,</em> écrit-il dans <em>Les Mots volés</em> (Stock, 1997). <em>Si l’interlocuteur est un intime, on s’y livre, on s’y met à nu, on y pense tout haut, on parle trop vite, on exprime ce qu’on ne pense pas vraiment, on ment, on profère des bêtises, on dit n’importe quoi, on affirme comme une vérité ce dont on doute profondément</em> (…). <em>On se croit chez soi, à l’abri, dans une intimité protectrice.<small class="fine"> </small>»</em> Vingt ans après la rédaction de ce texte percutant et sincère, il invoque la notion d’<em>«<small class="fine"> </small>intérêt public<small class="fine"> </small>»</em> pour justifier la publication par Mediapart d’autres «<small class="fine"> </small>mots volés<small class="fine"> </small>», ceux du majordome de Liliane Bettencourt, l’héritière de L’Oréal, ou de M. Alexandre Benalla. Indéniablement, les révélations suscitent un intérêt public. Mais leurs ressorts ne sont pas toujours aussi moralement impeccables que le voudraient les justiciers de plume. La joie mauvaise de voir tomber les corrompus a souvent pour corollaire l’impuissance face aux structures corruptrices, qui, elles, restent en place quand un ministre chasse l’autre. On se croit vengé, mais rien n’a changé<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh7" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nb7" rel="appendix">7</a>)</span>.</span></p><h3 class="spip" style="color: #81674a; max-width: 503.43px;"><span style="color: #000000;">Présenté comme un service rendu au public, un scoop rapporte de l’argent</span></h3><p><span style="color: #000000;">Si ce n’est le compte en banque ou la surface sociale du média qui a sorti l’affaire. Car l’intérêt public si souvent évoqué entretient avec l’intérêt privé des liens étroits. Toujours présenté comme un service rendu au public, un scoop rapporte. Il fait la «<small class="fine"> </small>une<small class="fine"> </small>», suscite des reprises télévisées et radiophoniques, crépite sur les réseaux sociaux, se convertit en notoriété, en crédibilité puis en ventes, en abonnements, en hausses du tarif des publicités. D’où la technique exaspérante du «<small class="fine"> </small>feuilletonnage<small class="fine"> </small>», qui consiste à saucissonner la publication des procès-verbaux afin de faire durer la révélation et d’en amplifier l’impact, tout en présentant ce procédé commercial digne d’un bateleur de foire comme une dramaturgie inhérente aux rebondissements de l’enquête. Cet étalement déstabilise parfois le déroulement des confrontations politiques : en période de campagne électorale, il permet de centrer le débat sur les suspicions dont fait l’objet un candidat plutôt que sur son programme.</span></p><p><span style="color: #000000;">La production même du scoop obéit à des critères économiques. Accéder aux documents de justice permet de gagner du temps, et donc de l’argent. Les journalistes-justiciers qui reçoivent ces pièces bénéficient d’enquêtes non seulement prémâchées, mais également prépayées, puisque les procès-verbaux qui en constituent la matière première synthétisent des investigations effectuées par la police et la justice grâce à l’argent public. Les quelques signatures qui «<small class="fine"> </small>sortent les affaires<small class="fine"> </small>» grâce aux fuites capturent ce faisant une forme de subvention dont l’attribution dépend de leurs contacts personnels et dont leurs confrères se trouvent privés. Les voies de la vertu et du combat contre l’État sont décidément sinueuses<small class="fine"> </small>!</span></p><p><span style="color: #000000;">Cette économie de l’investigation a un double effet pervers. Les journalistes qui acceptent de nouer l’alliance médiatico-judiciaire payent l’accès aux documents d’une extrême dépendance aux sources. Quand les procès-verbaux émanent des avocats des parties civiles, les articles épousent généralement les combats de celles-ci. Compte tenu du tout petit nombre de magistrats, d’avocats et de policiers qui acceptent de s’affranchir du secret de l’instruction, le nombre de «<small class="fine"> </small>grands journalistes d’investigation<small class="fine"> </small>» se consacrant aux affaires fortement judiciarisées s’est jusqu’ici limité en France à une douzaine. L’inégalité d’accès à l’information qu’implique cette structure comporte elle aussi une dimension économique : puisqu’un quarteron d’enquêteurs détient le monopole de l’accès aux pièces d’instruction des affaires sensibles, tous les autres se trouvent contraints de reprendre leurs informations, de les citer, et donc de contribuer à la promotion de leurs concurrents.</span></p><p><span style="color: #000000;">Trois décennies après son irruption au centre de la vie publique française, ce journalisme qui transforme certaines instructions politico-financières en affaires n’a pas seulement perturbé le jeu démocratique en substituant à l’affrontement idéologique des partis le spectacle d’un tribunal de vertu orchestré par les médias. Il a également déréglé la balance de la justice en introduisant un second échelon de jugement public des prévenus. Le premier, judiciaire, se base sur l’application de la loi. Le second, médiatique, utilise les moyens du premier mais se fonde sur la morale — celle du journaliste-instructeur. Ce dernier prononce son verdict avant le procès, dont il influence nécessairement le déroulement. D’autant qu’il présente l’effarante singularité d’être sans appel. Ni droit de réponse ni action en justice ne suffisent à effacer le jugement médiatique. Ainsi, au cours de l’affaire Elf, qui se déroula dans la seconde moitié des années 1990, l’ancien ministre des affaires étrangères Roland Dumas fit l’objet de cinquante-deux «<small class="fine"> </small>unes<small class="fine"> </small>» et appels de «<small class="fine"> </small>une<small class="fine"> </small>» dans <em>Le Monde</em><small class="fine"> </small>; il fut lavé en appel de toutes les accusations, mais son nom est resté associé à cette malversation.</span></p><p><span style="color: #000000;">Certes, objectera-t-on, mais M. Cahuzac<small class="fine"> </small>? La morale publique ne s’en trouve-t-elle pas grandie<small class="fine"> </small>? On touche ici aux limites de la «<small class="fine"> </small>révélation<small class="fine"> </small>». Les ramifications non développées de certaines affaires sont parfois plus lourdes de sens que celles qui ouvrent le journal de 20 heures. À quel moment et pourquoi les sources institutionnelles se tarissent-elles soudain, laissant le journaliste sans preuves<small class="fine"> </small>? La réponse est en général assez simple : quand l’avancée de l’enquête ne met plus en cause un quidam remplaçable et corrompu, mais le système corrupteur lui-même.</span></p></div><div class="lesauteurs"><p class="nom"><span style="color: #000000;">Pierre Péan</span></p><div class="crayon article-signature-60338 bio"><span style="color: #000000;">Journaliste. Ce texte a été rédigé en mai dernier. Décédé quelques semaines plus tard, le 25 juillet, Pierre Péan collaborait au <em>Monde diplomatique</em> depuis 1975. L’un de ses articles les plus marquants, «<small class="fine"> </small><a class="spip_in" style="color: #000000;" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2002/09/PEAN/9409">Sabra et Chatila, retour sur un massacre</a><small class="fine"> </small>» (2002), est en accès libre sur notre site.</span></div></div><div class="notes surlignable"><div id="nb1"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 1" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh1" rev="appendix">1</a>) </span>Lire Serge Halimi, «<small class="fine"> </small><a class="spip_in" style="color: #000000;" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/06/HALIMI/59983">Une icône du journalisme</a><small class="fine"> </small>», <em>Le Monde diplomatique,</em> juin 2019.</span></p></div><div id="nb2"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 2" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh2" rev="appendix">2</a>) </span><em>Cf.</em> par exemple le dossier «<small class="fine"> </small>Le retour des chasseurs de “unes”<small class="fine"> </small>», <em>Télérama,</em> Paris, 3 mars 2012.</span></p></div><div id="nb3"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 3" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh3" rev="appendix">3</a>) </span>Éric Halphen, <em>Sept Ans de solitude,</em> Denoël, Paris, 2002.</span></p></div><div id="nb4"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 4" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh4" rev="appendix">4</a>) </span><em>Cf.</em> Dominique Marchetti, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2000_num_131_1_2663" rel="external">Les révélations du “journalisme d’investigation”</a><small class="fine"> </small>», <em>Actes de la recherche en sciences sociales,</em> no 131-132, Paris, mars 2000.</span></p></div><div id="nb5"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 5" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh5" rev="appendix">5</a>) </span>Cité dans Jean-Marie Charon et Claude Furet, <em>Un secret si bien violé. La loi, le juge et le journaliste,</em> Seuil, Paris, 2000.</span></p></div><div id="nb6"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 6" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh6" rev="appendix">6</a>) </span>Edwy Plenel, <em>Le Journaliste et le Président,</em> Stock, Paris, 2006.</span></p></div><div id="nb7"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 7" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/PEAN/60338#nh7" rev="appendix">7</a>) </span>Lire Razmig Keucheyan et Pierre Rimbert, «<small class="fine"> </small><a class="spip_in" style="color: #000000;" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2013/05/KEUCHEYAN/49087">Le carnaval de l’investigation</a><small class="fine"> </small>», <em>Le Monde diplomatiqu</em>e, mai 2013, et Denis Robert, <em>Pendant les «<small class="fine"> </small>affaires<small class="fine"> </small>», les affaires continuent,</em> Stock, Paris, 1996.</span></p></div></div><p> </p>
C.CF
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Immigration, le « hors sujet » d’Emmanuel Macron
tag:lesillon04.hautetfort.com,2019-05-10:6149954
2019-05-10T16:27:23+02:00
2019-05-10T16:27:23+02:00
Alors que l’immigration n’était ni au cœur des revendications...
<section class="top-article noprint"><div class="container"><div class="content-topArticle width-article payant"><div class="desc"><p><span style="color: #000000;">Alors que l’immigration n’était ni au cœur des revendications des « gilets jaunes » ni du « grand débat », Emmanuel Macron l’a inscrite dans sa lettre aux Français, et plus récemment dans sa conférence de presse en des termes qui rappellent sensiblement ceux d’un ancien président : Nicolas Sarkozy. Mais, si le chef de l’État veut rassembler et apaiser, pourquoi évoquer un sujet aussi clivant ?</span></p></div></div></div></section><section class="bottom-article"><div class="container"><div class="width-article"><p class="first-paragraph"><span style="color: #000000;">Dans le propos liminaire de sa première conférence de presse élyséenne, Emmanuel Macron a dit souhaiter apporter des réponses à la crise des « gilets jaunes ». Et très vite, il a évoqué l’immigration. Il faut s’interroger sur ce parti pris. Déjà dans sa lettre aux français pour cadrer le « grand débat », le président y avait consacré un paragraphe et suggéré des quotas <a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_edn1" name="_ednref1">[1]</a>, une idée portée par Nicolas Sarkozy en 2007. Mais, au final, le sujet avait été rétrogradé en sous-thème et très peu évoqué dans les débats. 5000 contributions sur plusieurs centaines de milliers y font référence aussi bien pour demander un meilleur accueil des réfugiés que le contrôle des frontières.</span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/02/3821106879.jpg" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-5989467" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/02/1245484424.jpg" alt="H&F projet.jpg" /></a></p><p><span style="color: #000000;">Alors pourquoi ce « hors sujet » pendant ce grand oral à l’Élysée ? La réponse est à chercher dans le vocabulaire utilisé comme « l’immigration subie » et les propositions comme la remise en cause de Schengen : Macron fait du Sarkozy au mot près, sur l’immigration comme sur le « travailler plus ». Il n’est pas anodin de reprendre des termes utilisés il y a douze ans par un autre président dans un autre contexte, et d’évoquer qui plus est des mesures qui ont fait « pschitt » comme celle des quotas. Emmanuel Macron s’inscrit dans une lignée politique. Il envoie un signal à des électeurs qui ont voté pour le parti de Nicolas Sarkozy, pas aux siens. <a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_edn2" name="_ednref2">[2]</a></span></p><p><span style="color: #000000;">Si l’on analyse la sociologie de l’électorat d’Emmanuel Macron et de la République en marche en 2017, on y retrouve des catégories sociales plutôt ouvertes sur la question migratoire car plus diplômées, avec des revenus relativement élevés, souvent des cadres, habitant dans des métropoles ou des villes multiculturelles. Les quelques enquêtes dont on dispose sur l’électorat de Macron le confirment. Ainsi, dans un <a style="color: #000000;" href="https://jean-jaures.org/nos-productions/le-regard-des-francais-sur-l-immigration-0" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #000080;">sondage</span> <span style="color: #000080;">IFOP/fondation Jean Jaurès/American Jewish Committee</span></a> de décembre 2018, 83 % des sympathisants LREM interrogés répondaient que l’accueil des migrants fuyant la guerre et la misère était « le devoir de notre pays », 81 % des sympathisants PS, alors que ce n’était le cas que de 58 % chez les LR. Une minorité de sympathisants LREM (39% contre 41% sympathisants PS) considère que l’impact de l’immigration serait négatif pour l’avenir du pays à long terme alors que c’est le cas pour 65 % des sympathisants LR et 88 % des sympathisants RN.</span></p><p><span style="color: #000000;">Cette étude est anecdotique, mais elle confirme les vagues récentes des enquêtes internationales longitudinales : l’immigration est un enjeu qui polarise de plus en plus l’opinion en Europe et au-delà. La dernière vague de la <em>European Social Survey</em> qui pose des questions sur l’immigration (2014) a ainsi montré que les positions se durcissent en Europe avec de moins en moins de personnes sans opinion ou souhaitant le statu quo et, a contrario, plus de personnes très opposées ou très favorables à <a style="color: #000000;" href="https://www.europeansocialsurvey.org/docs/findings/ESS7_toplines_issue_7_immigration.pdf" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #000080;">l’immigration</span></a><span style="color: #000080;">.</span></span></p><p><span style="color: #000000;">Si le président français veut rassembler et apaiser, pourquoi évoquer un sujet clivant alors qu’il n’était pas saillant ces derniers mois dans les mobilisations ou le « grand débat » ? Pour rappel, dans le <span style="color: #000080;"><a style="color: #000080;" href="https://www.cncdh.fr/sites/default/files/essentiels_rapport_racisme_2018_vdef.pdf" target="_blank" rel="noopener">rapport 2019</a></span> de la CNCDH sur la lutte contre le racisme et la xénophobie, l’indice de tolérance envers les immigrés et les minorités n’a jamais été aussi haut depuis qu’il est mesuré, sauf pour les Roms, alors même que les attaques violentes restent très élevées. <a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_edn3" name="_ednref3">[3]</a> Là, il serait possible d’aller dans le sens de l’opinion sur le temps long plutôt que de continuer à polariser.</span></p><p><span style="color: #000000;">La communication du président français ne s’inscrit pas du tout dans une logique pédagogique sur l’immigration.</span></p><p><span style="color: #000000;">Ou alors, serait-ce une tactique offensive ? Occuper le terrain des « populistes », des « nationalistes » qu’Emmanuel Macron dénonce de l’Italie à la Hongrie, qualifiés respectivement, sans les nommer dans la <a style="color: #000000;" href="https://www.youtube.com/watch?v=hE_XPKUpk04" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #000080;">conférence de presse</span></a>, de « laxistes » et d’irresponsables non solidaires. De nombreux chercheurs se sont interrogés sur les façons dont les dirigeants et partis politiques qui s’opposaient à l’extrême droite ou aux « populistes » traitaient justement de l’immigration. Comme le souligne le politiste <a style="color: #000000;" href="https://www.victoria.ac.nz/__data/assets/pdf_file/0007/778921/tim-bale.pdf" target="_blank" rel="noopener">Tim Bale</a>, presque toutes les stratégies souvent réactives ont été essayées depuis les années 1980 : du « cordon sanitaire » aux coalitions et à l’imitation pure et simple sans endiguer pour autant les succès électoraux des partis anti-immigration.</span></p><p><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="https://www.socialeurope.eu/left-must-respond-on-immigration?fbclid=IwAR0wb4gkI_Pz3T38n4XD9Ynhl4bmI3hDNyDJgdZLoJ8fsD6KomyIBuSD7Zg" target="_blank" rel="noopener">Sheri Berman</a>, quant à elle, a récemment critiqué la stratégie de l’évitement de certains partis traditionnels, comme celle des socio-démocrates suédois ou les partis Tory et Labour au Royaume-Uni comme ineffective. Ne pas communiquer sur la réalité de l’immigration, ne pas assumer publiquement les politiques publiques conduites, selon elle, a permis à de nombreux entrepreneurs politiques « populistes » ou des partis d’extrême droite d’exister et de prospérer. Par ailleurs, nous l’avons rappelé l’an dernier dans un <a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/analyse/2018/02/20/maitriser-limmigration-petite-histoire-dune-hypocrisie-organisee/" target="_blank" rel="noopener"><span style="color: #000080;">article d’AOC</span></a>, il y a dans la plupart des pays d’immigration un « <em>policy gap</em> », un écart entre les discours politiques et les politiques menées et le nombre de nouveaux migrants, qui peut avoir des effets sur l’opinion publique, de défiance notamment.</span></p><p><span style="color: #000000;">Mais, dans le cas d’espèce, la communication du président français ne s’inscrit pas du tout dans une logique pédagogique sur l’immigration. Il n’informe pas sur le cadre législatif français ou européen, sur l’immigration en tant que telle, sur ce qui a été fait sous son mandat. Surtout, il n’incarne jamais ce terme d’immigration, comme s’il s’agissait d’un concept abstrait, comme celui de mondialisation, un phénomène immanent et non des hommes ou des femmes qui ont leurs raisons de traverser les frontières. Il véhicule des raisonnements erronés notamment sur la relation entre migration et développement en Afrique.</span></p><p><span style="color: #000000;">Or, il faut rappeler que les opinions sur l’immigration se fondent essentiellement sur des perceptions erronées. En 2018, <span style="color: #000080;"><a style="color: #000080;" href="http://www.antoniocasella.eu/nume/Alesina_June2018.pdf" target="_blank" rel="noopener">Alberto Alesina, Armando Miano et Stefanie Stantcheva</a></span> ont analysé les réponses de 22 500 personnes interrogées aux États-Unis et dans cinq pays européens dont 4000 en <a style="color: #000000;" href="https://www.nber.org/papers/w24733" target="_blank" rel="noopener">France</a>. Dans tous les pays, toutes les catégories d’enquêtés « surestiment largement le nombre total des immigrants, pensent qu’ils sont plus éloignés d’eux en termes de culture et de religion, plus fragiles économiquement – moins éduqués, plus au chômage, plus pauvres et plus dépendants des aides publiques – qu’ils ne sont en réalité. » En France, les personnes estiment en moyenne le pourcentage d’immigrés à près de 30% alors que les données de l’INED recensent 9% d’habitants nés à l’étranger. Ce biais de perception est significatif et les déclarations politiques peuvent l’alimenter.</span></p><p><span style="color: #000000;">Et la question se pose alors des médiateurs. Qui entre les citoyens et le message présidentiel ? Cela renvoie à un ensemble plus large d’acteurs dont les biens nommés média. Qui entre le président et les sondages ? Il s’agit d’identifier les conseillers du Prince, les visiteurs du soir, sachant qu’à l’Élysée, il n’y a qu’une seule personne qui s’y intéresse et que la question reste l’apanage des conseillers du ministère de l’Intérieur. Comme dans d’autres domaines, ceux qui ne sont plus écoutés sont les membres des corps intermédiaires, des associations et syndicats, et les élus locaux, les <span style="color: #000080;"><a style="color: #000080;" href="https://www.youtube.com/watch?v=rx0V6mCtZ-s" target="_blank" rel="noopener">maires</a></span> notamment qui dénoncent la Convention de Dublin et les conditions d’accueil des migrants.</span></p><p><span style="color: #000000;">Le verbe et la geste du président actuel sur les étrangers participent comme sur d’autres sujets à une stratégie « libérale autoritaire ».</span></p><p><span style="color: #000000;">Les plus démunis face au manque d’écoute du président sont sans doute ceux qui ont pu penser qu’il était au « centre » au sens historique du terme. En effet, les plus anciens et fervents défenseurs d’une approche non manichéiste des migrations ont été des associations catholiques, comme les Scalabriniens au XIXe siècle, puis protestantes dont les avatars tels que les partis ou journaux chrétiens démocrates ou syndicats réformistes auraient pu être macron-compatible.</span></p><p><span style="color: #000000;">Par ailleurs, ceux qui adoptent une position libérale qui consiste à défendre « en même temps » le marché et les droits de l’homme associée après-guerre au centre politique ont été des alliés voire des entrepreneurs de la cause des migrants. Mais ils ne sont pas consultés par le président. Cela ne les empêche pas bien sûr de transmettre leur message à leurs publics. Et certains de ces acteurs ont même essayé d’informer les élus de la majorité en « humanisant » leur vision de l’immigration : le Secours Catholique a ainsi organisé des <span style="color: #000080;"><a style="color: #000080;" href="https://www.secours-catholique.org/actualites/loi-asile-quand-des-deputes-rencontrent-des-migrants" target="_blank" rel="noopener">rencontres</a></span> entre des députés LREM et des migrants avant le vote de la loi Asile et Immigration en 2018.</span></p><p><span style="color: #000000;">Le verbe et la geste du président actuel sur les étrangers participent comme sur d’autres sujets à une stratégie qualifiée de « libérale autoritaire » par Michaël Fœssel ou Jean-François Bayart, et disséquée par Gilles Dorronsoro dans son dernier livre sur le <span style="background-color: #000080; color: #000080;"><a style="color: #000080; background-color: #000080;" href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/le-reniement-democratique-9782213712727" target="_blank" rel="noopener"><em><span style="background-color: #ffffff;">Reniement démocratique</span></em></a></span> (Fayard), stratégie qui dissocie libéralisme politique et économique, sacrifiant l’un sur l’autel de l’autre. On a l’habitude de dater ce tournant libéral-sécuritaire ou libéral-identitaire aux années 1980. En écoutant la conférence de presse d’Emmanuel Macron, difficile de ne pas penser à un autre jeune président libéral, Valéry Giscard d’Estaing qui tout au long de son septennat (1974-1981) s’attaque aux travailleurs étrangers, au regroupement familial, au renouvellement des permis de séjour, d’un million d’Algériens <span style="color: #000080;"><a style="color: #000080;" href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-actuel/La-France-et-ses-etrangers" target="_blank" rel="noopener">notamment</a></span>. Difficile donc de ne pas y voir une autre filiation présidentielle, après celle de Nicolas Sarkozy. Macron fait du Giscard.</span></p><p><span style="color: #000000;">Qu’en conclure ? De prime abord, les propos sur l’immigration du président français ressemblent à une opération de diversion ou le résultat d’un calcul électoral. Peut-être sont-ils « trop subtils, trop intelligents », en allant à contrepied des attentes de ses électeurs, en brouillant les pistes. Je fais une hypothèse plus simple : Emmanuel Macron « s’en fiche » de l’immigration, mais il l’utilise comme un raccourci idéologique dans l’esprit de ses prédécesseurs Giscard et Sarkozy.</span></p><p class=""><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/auteur/guiraudon-virginie/">Virginie Guiraudon</a></span></p><p class=""><span style="color: #000000;">Sociologue politique, Directrice de recherche au CNRS, Centre d'études européennes</span></p><hr /><p><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_ednref1" name="_edn1">[1]</a> « En matière d’immigration, une fois nos obligations d’asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ? »</span></p><p><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_ednref2" name="_edn2">[2]</a> En France, l’Elysée commence à surveiller l’opinion sur l’immigration comme le lait sur le feu sous François Mitterrand avec notamment les analyses de Gérard Le Gall.</span></p><p><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="https://aoc.media/opinion/2019/05/09/immigration-demmanuel-macron/#_ednref3" name="_edn3">[3]</a> La CNCDH, Commission nationale consultative des droits de l’Homme publie une enquête annuelle depuis 1990 et, depuis 2008, publie un indice de tolérance conçu par Vincent Tiberj.</span></p></div></div></section>
C.CF
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L’indomptable Julian Assange
tag:lesillon04.hautetfort.com,2019-05-01:6147806
2019-05-01T18:55:24+02:00
2019-05-01T18:54:00+02:00
Par Juan Branco L’indomptable Julian Assange Réfugié...
<div class="cartouche"><p class="crayon article-surtitre-59876 surtitre"><span style="color: #000000;">Par Juan Branco</span></p><h1 class="crayon article-titre-59876 h1" style="color: #cc5600;"><span style="color: #000000;">L’indomptable Julian Assange</span></h1><div class="crayon article-chapo-59876 chapo"><p><span style="color: #000000;">Réfugié politique depuis 2012 dans l’ambassade d’Équateur à Londres, Julian Assange a été livré aux autorités britanniques le 11 avril. S’il est extradé aux États-Unis, le fondateur de WikiLeaks risque gros. En dévoilant des millions de documents sensibles, il a fait le travail qu’on attend des journalistes<small class="fine"> </small>; est-ce pour cela que tant de ses confrères l’ont abandonné<small class="fine"> </small>?</span></p><p style="text-align: center;"><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/00/352367239.png" target="_blank" rel="noopener"><img id="media-5985836" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/00/917755765.png" alt="Branco, Assange" /></a></span></p></div></div><div class="crayon article-texte-59876 texte colore"><p><span style="color: #000000;">À Londres, ce 9 novembre 2016, l’aurore peine à naître. Un Australien de 45 ans, haut d’un mètre quatre-vingt-huit, s’affaire, recroquevillé sur son ordinateur. Au rez-de-chaussée d’un bâtiment en brique, caressant sa barbe et ses cheveux blanc cassé, il se sait, comme tous les jours depuis quatre ans, entouré d’une cinquantaine de policiers et d’un nombre inconnu d’agents du renseignement qui l’observent en se tenant prêts à intervenir au moindre mouvement. Ce matin-là, M. Donald Trump vient d’être élu 45e président des États-Unis. Un léger flottement semble s’être emparé du monde. Les abords de l’ambassade d’Équateur tremblent, eux, d’un quotidien inaltéré.</span></p><p><span style="color: #000000;">Quelques mois plus tôt, en plein cœur de l’été, Julian Assange déjouait la surveillance de ses geôliers et publiait, au nez et à la barbe de la première puissance mondiale, des milliers de courriels révélant comment la direction du Parti démocrate avait manipulé ses primaires afin de favoriser Mme Hillary Clinton au détriment de son concurrent de gauche Bernie Sanders. L’homme le plus surveillé du monde, arpentant, hagard, les étroits couloirs de l’appartement défraîchi qui sert d’emprise diplomatique à la République de l’Équateur, avait réussi à tromper la vigilance de tous ses ennemis. En un coup d’éclat, voilà que son sort se retrouvait au centre du jeu géopolitique mondial. Le réfugié politique le plus connu de la planète, coupable d’avoir publié des informations vérifiées, démontrait sa capacité à ne pas s’effondrer. En février 2016, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait, par l’intermédiaire de son groupe de travail ad hoc, condamné le Royaume-Uni et la Suède (car elle est à l’origine du mandat d’arrêt européen), jugeant arbitraire la détention d’Assange et exigeant sa libération. Tout semblait autoriser une résolution heureuse. Pourtant, la divulgation des courriels de M. John Podesta, le directeur de campagne de Mme Clinton, allait provoquer une onde de choc médiatique qui rendrait inaudible toute parole raisonnable, à commencer par les conclusions de M. Barack Obama favorables à WikiLeaks<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh1" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb1" rel="appendix">1</a>)</span>.</span></p><p><span style="color: #000000;">Dix-neuf mai 2017. M. Baltasar Garzón, directeur de l’équipe de défense d’Assange, souhaite avancer avec précaution. La Suède vient d’abandonner ses poursuites contre son client, soupçonné d’agression sexuelle. Mais l’homme qui fit arrêter Augusto Pinochet et qui lutta contre Al-Qaida et contre M. George W. Bush sait que le plus difficile est devant lui. La situation de l’État équatorien, dont le revenu annuel n’atteint pas un septième du budget militaire américain, est précaire.</span></p><p><span style="color: #000000;">Des années de résistance aux pressions de Washington ont fini par entamer la combativité de son administration. M. Lenín Moreno, qui s’apprête à être investi président à la place de M. Rafael Correa, a refusé de rencontrer Assange. Et WikiLeaks vient de rendre public l’arsenal numérique de la Central Intelligence Agency (CIA), désactivant de facto l’ensemble des armes utilisées par l’agence pour pirater ses cibles. L’administration Trump, furieuse, comprend enfin qu’elle a face à elle un dissident, et non l’allié qu’elle avait cru pouvoir absorber.</span></p><p><span style="color: #000000;">Lorsque, en 2006, Assange crée une œuvre radicale qu’il fait nommer WikiLeaks, il est déjà une figure importante dans le milieu des hackeurs. Mais personne ne s’attend à ce que cet homme au visage encore juvénile fasse naître les fuites les plus massives de l’histoire, plongeant successivement ses lecteurs dans les manigances des ambassades proche-orientales, dans les arcanes du régime de M. Bachar Al-Assad ou dans les jeux oligarchiques des capitales africaines, sans oublier la corruption endogamique de la haute société américaine ou les relations du Service fédéral de sécurité (FSB) russe avec ses sous-traitants. Du manuel de la scientologie au fonctionnement d’une importante banque suisse en passant par le règlement intérieur de la prison de Guantánamo, les premières publications de WikiLeaks provoquent de sérieux remous. Et amènent le ministère de la défense américain à produire une enquête sur l’organisation… que WikiLeaks réussit à publier. D’importantes malversations sont révélées en Islande<small class="fine"> </small>; au Kenya, l’élection présidentielle de 2007 bascule après la divulgation d’un rapport secret concernant le candidat favori. Mais il manque encore au site un fait de gloire qui permette d’asseoir définitivement sa réputation.</span></p><p><span style="color: #000000;">En avril 2010, une vidéo d’un genre particulier va jouer ce rôle. Elle s’intitule <em>Collateral Murder.</em> Sur fond de commentaires oiseux, on y assiste, en noir et blanc, à l’assassinat de civils et de journalistes de Reuters par les forces américaines en Irak. Le carnage, filmé comme un jeu vidéo, avec en fond sonore les rires des assassins, suscite une onde de choc au sein des rédactions occidentales. Se découvrant visées, celles-ci affectent de découvrir le véritable visage des «<small class="fine"> </small>guerres propres<small class="fine"> </small>» menées par les États-Unis au Proche-Orient depuis 2001<small class="fine"> </small>; des conflits qu’elles avaient très majoritairement soutenus jusqu’alors. Les preuves de milliers de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité publiées dans les mois qui suivent par WikiLeaks dans le cadre des «<small class="fine"> </small>Afghanistan War Logs<small class="fine"> </small>» et des «<small class="fine"> </small>Iraq War Logs<small class="fine"> </small>», en partenariat avec les plus prestigieuses rédactions occidentales, portent Assange au pinacle d’un espace médiatique en crise.</span></p><h3 class="spip" style="color: #cc5600;"><span style="color: #000000;">«<small class="fine"> </small>Du sang sur les mains<small class="fine"> </small>»</span></h3><p><span style="color: #000000;">Alors qu’une palanquée d’organisations lui attribuent des prix, d’Amnesty International au <em>Time</em> en passant par <em>The Economist</em> et <em>Le Monde,</em> WikiLeaks enclenche la publication de dizaines de milliers de rapports de guerre, puis de 243 270 câbles diplomatiques américains. Ils révèlent l’étendue de la corruption des régimes arabes proches de Washington, et sont brandis par les manifestants tunisiens quelques jours avant la chute de M. Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011. Mme Clinton, alors secrétaire d’État du président Obama, doit se résoudre à une tournée au cours de laquelle elle présente ses excuses aux alliés des États-Unis.</span></p><p><span style="color: #000000;">Universitaires et médias du monde entier se précipitent sur ces archives pour expliquer rétroactivement quelques-uns des événements majeurs des dernières années. Des milliers de procédures qui s’appuient sur les publications de WikiLeaks sont engagées devant les cours de justice. Les rédactions partenaires du site commencent alors à s’inquiéter. Elles se montrent débordées par un mode de fonctionnement qui fait fi des liens de consanguinité unissant les journalistes à leurs sources. Si elles doivent suivre celui qu’on présente comme le nouvel Hermès, elles laissent s’installer une tension grandissante, qui débouchera sur une rupture définitive.</span></p><p><span style="color: #000000;">Dès le 30 juillet 2010, les premiers articles accusant Assange d’avoir <em>«<small class="fine"> </small>du sang sur les mains<small class="fine"> </small>»</em> paraissent, y compris dans des journaux alliés à l’organisation<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh2" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb2" rel="appendix">2</a>)</span>. Alors que le département d’État américain met en place une équipe de plus de deux cents diplomates chargée d’étouffer WikiLeaks, une incrimination d’agression sexuelle visant Assange émerge en Suède. Elle ouvre la voie à un imbroglio juridique de plus de six ans dans lequel la presse va s’engouffrer. La rupture intervient quand WikiLeaks se désolidarise des méthodes de censure que les médias tentent d’appliquer aux câbles diplomatiques. Sur les chaînes d’information américaines, des intervenants se succèdent pour appeler à l’arrestation <em>«<small class="fine"> </small>coûte que coûte<small class="fine"> </small>»</em> de son fondateur, voire, comme M. Trump en 2010, à son exécution<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh3" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb3" rel="appendix">3</a>)</span>. Quand, en décembre 2010, Assange est arrêté à Londres, il ne peut déjà plus compter sur le soutien de ceux qui l’avaient célébré.</span></p><p><span style="color: #000000;">Sept ans et demi plus tard, le 28 juin 2018, M. Michael Pence, vice-président des États-Unis, rencontre le président Moreno à Quito. La rupture entre Assange et l’Équateur est consommée. Contre toute attente, le successeur de M. Correa s’échine à trahir son héritage<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh4" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb4" rel="appendix">4</a>)</span>, et il réclame l’appui financier des États-Unis. M. Pence se frotte les mains. Quelques mois plus tôt, le ministre de la justice américain, M. Jefferson («<small class="fine"> </small>Jeff<small class="fine"> </small>») Sessions, a fait de l’arrestation d’Assange une priorité. En avril 2017 déjà, le futur secrétaire d’État Michael Pompeo, alors directeur de la CIA, avait qualifié WikiLeaks d’<em>«<small class="fine"> </small>agence de renseignement non étatique hostile<small class="fine"> </small>».</em> Assange a en effet pris le risque d’une confrontation directe avec M. Trump, comme il l’avait fait avec Mme Clinton lorsque celle-ci était pourtant donnée favorite.</span></p><p><span style="color: #000000;">Alors que l’isolationnisme du président des États-Unis l’oppose souvent à des administrations — diplomatiques et militaires — qui craignent pour leurs prérogatives et leurs budgets, Assange lui apparaît comme une monnaie d’échange commode dans la guerre d’usure qui l’oppose à l’«<small class="fine"> </small>État profond<small class="fine"> </small>». M. Moreno, lui-même inquiété par des révélations de WikiLeaks pointant un enrichissement illicite, se dit prêt à des concessions<small class="fine"> </small>? Des accords commerciaux, économiques et militaires sont rapidement négociés, et le sort d’Assange est scellé. L’Équateur obtiendra un prêt de 10,2 milliards d’euros des institutions financières internationales sous influence américaine (Banque mondiale, Fonds monétaire international). Assange comprend alors que ses jours à l’ambassade sont comptés. Sollicité par mes soins, l’Élysée se refuse à intervenir pour accueillir celui qui a un enfant sur notre territoire et qui a rendu d’importants services à notre pays, notamment en révélant, en 2015, l’espionnage systématique par les services de renseignement américains des présidents français et des entreprises nationales participant à des appels d’offres supérieurs à 200 millions de dollars.</span></p><p><span style="color: #000000;">Lorsque l’arrestation d’Assange à l’ambassade d’Équateur intervient, le 11 avril 2019, en violation de toutes les conventions internationales relatives au droit d’asile, les rédactions occidentales, du <em>Washington Post</em> au <em>Monde</em> en passant par le <em>Guardian</em> et le <em>New York Times,</em> se montrent timorées, voire hostiles. Le sort d’un journaliste détenu depuis près de sept ans dans vingt mètres carrés, sans accès à l’air libre et au soleil, soumis à des mois d’isolement complet, dans des conditions de vie proches de la torture, le tout pour avoir fait son travail, ne les émeut pas. Assange a beau apparaître affaibli, le visage rongé par la solitude, il n’est plus des leurs.</span></p><p><span style="color: #000000;">Une âme naïve pourrait trouver étrange que celui qui a rendu publics certains des plus importants méfaits du XXIe siècle se retrouve à ce point esseulé lorsque la solidarité est requise. Lui qui, pas à pas et dans un extrême dénuement, aura constitué la plus importante bibliothèque des appareils de pouvoir de l’histoire a de surcroît accompli un exploit auquel aucun de ses concurrents ne peut prétendre : il n’a jamais, en treize ans, et tout en divulguant des millions de documents, publié la moindre fausse information<small class="fine"> </small>! Cela n’empêchera pas <em>Le Monde</em> d’estimer que <em>«<small class="fine"> </small>Julian Assange n’est pas un ami des droits de l’homme</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh5" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb5" rel="appendix">5</a>)</span><em><small class="fine"> </small>»,</em> Mediapart de titrer sur sa <em>«<small class="fine"> </small>déchéance</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh6" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb6" rel="appendix">6</a>)</span><em><small class="fine"> </small>»,</em> ou <em>The Economist</em> de se réjouir qu’il soit incarcéré<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh7" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb7" rel="appendix">7</a>)</span>.</span></p><p><span style="color: #000000;">Pour comprendre cette rupture avec le monde médiatique, il faut mesurer que le journalisme moderne fonctionne dans un cadre bourgeois, au sein d’un marché de l’information où la proximité avec les pouvoirs est une condition de survie dans un espace concurrentiel. Divers modèles coexistent. Des organes comme Mediapart en France, d’apparence plus transgressifs, pratiquent un «<small class="fine"> </small>journalisme de révélation<small class="fine"> </small>» qui recycle coups tordus et trahisons sans remettre en question le système dans lequel ces médias s’insèrent. En cela, ils ne se distinguent pas du journalisme de révérence qu’incarnent des institutions comme <em>Le Monde,</em> le <em>Guardian</em> ou le <em>New York Times.</em></span></p><p><span style="color: #000000;">Assange a rompu avec ces deux modèles. Auteur d’une théorie sur le «<small class="fine"> </small>journalisme scientifique<small class="fine"> </small>», il s’est écarté des pratiques de ce qu’il considère comme un métier de connivence et, à mesure qu’il a révélé des informations plus importantes, il a appris à se tenir à distance de tout appareil de pouvoir. Il s’est contenté de publier des données rigoureusement sourcées, triées et analysées après avoir été filtrées via une plate-forme d’anonymisation dont lui seul détient les clés. Toute information figurant sur sa plate-forme est accompagnée d’une source brute qui permet à chacun de la vérifier et de s’en emparer, ce qui supprime les privilèges que la caste journalistique s’est octroyés.</span></p><p><span style="color: #000000;">Un tel pari sur l’intelligence collective renverse les principes de notre temps. Au-delà de l’effet de révélation immédiat, il permet l’émergence d’un regard critique partagé, éloigné de toute forme de connivence. Devenu une sorte de métamédia, WikiLeaks écrase toute concurrence et suscite d’intenses jalousies.</span></p><p><span style="color: #000000;">La radicalité de la démarche d’Assange n’autorise aucune forme de compromission avec les institutions existantes. Elle menace donc un espace médiatique qui s’est accommodé du confort que lui offre sa proximité avec les dominants. Et elle inquiète les appareils de pouvoir traditionnels, qui redoutent à tout moment de voir leurs forfaits exposés. Devenu un dissident malgré lui dans l’espace occidental, l’outsider australien a logiquement vu se succéder des accusations de viol, d’antisémitisme, de complotisme, et même d’inféodation aux services secrets russes. Huit ans après sa brusque émergence, celui qui était un héros est donc apparu, au moment de son arrestation, comme un <em>«<small class="fine"> </small>absolutiste de la transparence</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh8" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb8" rel="appendix">8</a>)</span><em><small class="fine"> </small>»</em> pour les uns et, pour les autres, comme un <em>«<small class="fine"> </small>ennemi des libertés</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh9" class="spip_note" style="color: #000000;" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nb9" rel="appendix">9</a>)</span><em><small class="fine"> </small>».</em></span></p></div><div class="lesauteurs"><p class="nom"><span style="color: #000000;">Juan Branco</span></p><div class="crayon article-signature-59876 bio"><span style="color: #000000;">Avocat, membre de l’équipe juridique de Julian Assange.</span></div></div><div class="notes surlignable"><div id="nb1"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 1" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh1" rev="appendix">1</a>) </span>Dernière conférence de presse de M. Obama à la Maison Blanche, 18 janvier 2017.</span></p></div><div id="nb2"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 2" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh2" rev="appendix">2</a>) </span>David Leigh, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.theguardian.com/world/2010/jul/30/us-military-wikileaks-afghanistan-war-logs" rel="external">WikiLeaks “has blood on its hands” over Afghan war logs, claim US officials</a><small class="fine"> </small>», <em>The Guardian,</em> Londres, 30 juillet 2010. <em>Cf.</em> «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://theguardian.fivefilters.org/assange/" rel="external">The Guardian’s war on Assange</a><small class="fine"> </small>». Le quotidien britannique a également cherché à accabler Assange en prétendant, sans preuve, qu’il avait rencontré à Londres le directeur de campagne de M. Trump, une information inexacte sur laquelle il n’est pourtant jamais revenu.</span></p></div><div id="nb3"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 3" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh3" rev="appendix">3</a>) </span>Nick Collins, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/wikileaks/8172916/WikiLeaks-guilty-parties-should-face-death-penalty.html" rel="external">WikiLeaks : Guilty parties “should face death penalty”</a><small class="fine"> </small>», <em>The Telegraph,</em> Londres, 1er décembre 2010.</span></p></div><div id="nb4"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 4" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh4" rev="appendix">4</a>) </span>Lire Franklin Ramírez Gallegos, «<small class="fine"> </small><a class="spip_in" style="color: #000000;" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/12/RAMIREZ_GALLEGOS/59327">En Équateur, le néolibéralisme par surprise</a><small class="fine"> </small>», <em>Le Monde diplomatique,</em> décembre 2018.</span></p></div><div id="nb5"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 5" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh5" rev="appendix">5</a>) </span>«<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/13/la-trajectoire-ambivalente-de-julian-assange_5449804_3232.html" rel="external">La trajectoire ambivalente de Julian Assange</a><small class="fine"> </small>», <em>Le Monde,</em> 14-15 avril 2019.</span></p></div><div id="nb6"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 6" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh6" rev="appendix">6</a>) </span>Jérôme Hourdeaux, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.mediapart.fr/journal/international/110419/julian-assange-l-histoire-d-une-decheance" rel="external">Julian Assange, l’histoire d’une déchéance</a><small class="fine"> </small>», Mediapart, 11 avril 2019.</span></p></div><div id="nb7"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 7" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh7" rev="appendix">7</a>) </span>«<small class="fine"> </small><a class="spip_out" style="color: #000000;" href="https://www.economist.com/britain/2019/04/12/julian-assange-journalistic-hero-or-enemy-agent" rel="external">Julian Assange : journalistic hero or enemy agent<small class="fine"> </small>?</a><small class="fine"> </small>», <em>The Economist,</em> Londres, 12 avril 2019.</span></p></div><div id="nb8"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 8" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh8" rev="appendix">8</a>) </span>«<small class="fine"> </small>La trajectoire ambivalente de Julian Assange<small class="fine"> </small>», <em>op. cit.</em></span></p></div><div id="nb9"><p><span style="color: #000000;"><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" style="color: #000000;" title="Notes 9" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/05/BRANCO/59876#nh9" rev="appendix">9</a>) </span>«<small class="fine"> </small>Profession journaliste<small class="fine"> </small>», rencontre avec Fabrice Arfi, Bibliothèque publique d’information, Paris, 17 avril 2019.</span></p></div></div>
C.CF
http://lesillon04.hautetfort.com/about.html
L'illusion démocratique
tag:lesillon04.hautetfort.com,2019-03-16:6136421
2019-03-16T11:22:29+01:00
2019-03-16T11:22:29+01:00
Au moment où le pays est vendu aux nantis, au moment où les lobbyistes ont...
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 10pt; background-color: #ffffff; color: #000000;">Au moment où le pays est vendu aux nantis, au moment où les lobbyistes ont libre accès dans les sphères visibles et potentiellement exposées du pouvoir, le mépris est la règle, la corruption généralisée, l'hypocrisie utilisée comme bouclier ...<br />Juan Branco n'est ni le premier ni le seul à être ostracisé. Il a encore l'énergie nécessaire pour réagir.<br />Un discours à entendre, un exemple.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 10pt; background-color: #ffffff; color: #000000;">"Fils d'ouvriers, quartiers chaud, etc.. je me suis retrouvé du jour au lendemain au milieu de ces gens via le lycée Henri IV, la Sorbonne, Normal Sup... J'en ai tiré un profond ressentiment pour le système français. Absolument dégouté par les conditions de vie qui nous sont réservées quand on fait des études à Paris au milieu de la grande bourgeoisie : la violence sociale, l'injustice, l'hypocrisie, etc.... Tout est verrouillé...</span></p><p></p>
C.CF
http://lesillon04.hautetfort.com/about.html
Un investisseur, un citoyen, la planète
tag:lesillon04.hautetfort.com,2019-02-12:6128335
2019-02-12T21:35:06+01:00
2019-02-12T21:33:00+01:00
Dans une tribune au « Monde », 27 associations, syndicats et ONG,...
<p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Dans une tribune au « Monde », 27 associations, syndicats et ONG, dont la Ligue des droits de l’Homme appellent les députés européens à rejeter un projet d’accord commercial entre l’UE et Singapour, comparable au très contesté CETA.<br />Les droits des investisseurs ne doivent pas être mieux protégés que ceux des citoyens ou de la planète<br /></span></p><p><span style="font-size: 10pt;"><a href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/00/01/1547919367.jpg" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><img id="media-5952142" style="margin: 0.7em auto; display: block;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/00/01/1408439058.jpg" alt="ISDS,CETA" /></a></span><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Dans la lignée du CETA, les eurodéputés doivent se prononcer le 13 février sur un nouveau traité de protection des investissements avec Singapour qui contient un mécanisme similaire de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS en anglais). La Commission et les États membres ont ils pensé qu’un accord avec un si petit territoire passerait inaperçu ? La portée de ce vote est pourtant considérable : l’adoption de ce texte ouvrirait la voie à toute une série de traités bilatéraux d’investissement équivalents finalisés avec le Vietnam ou Mexico ou en cours de négociations avec le Japon, le Chili, la Chine, l’Indonésie, la Malaisie ou la Birmanie. Il appartient aujourd’hui au Parlement européen d’enrayer cette fuite en avant et de prendre exemple sur le Canada qui vient de décider d’abandonner l’ISDS dans l’accord commercial renégocié avec les États-Unis.</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;"><strong>L’ISDS permet aux entreprises multinationales d’attaquer les États qui adoptent des politiques publiques d’intérêt général contraires à leurs intérêts et d’exiger des centaines de millions d’euros de compensation pour le manque à gagner.</strong> Il a été utilisé par Philip Morris pour contester les politiques de santé publique en Uruguay et en Australie ou l’énergéticien Vattenfall pour attaquer l’Allemagne après sa décision de sortir du nucléaire. Si les entreprises n’obtiennent pas toujours gain de cause, elles savent manier cet outil pour dissuader les États de légiférer. En France, l’entreprise canadienne Vermillon a ainsi récemment contribué à affaiblir la loi Hulot sur les hydrocarbures par la simple menace auprès du Conseil d’État d’un recours à l’arbitrage.</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Cette justice d’exception a été au cœur de la vague de mobilisation européenne contre les accords transatlantiques avec plus de 3,3 millions de citoyens signataires de la pétition demandant leur abandon. En dépit de l’échec des négociations du TAFTA et de l’adoption au forceps du CETA, la Commission et les États membres refusent de revoir leur politique en la matière. Ils entendent continuer à étendre les droits des investisseurs et négocier toujours plus de traités incluant ce fameux mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, dans une version à peine remaniée.</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Sans compter que Singapour est un paradis fiscal notoire et un hub financier stratégique en Asie du Sud-Ouest. Qualifié de centre financier offshore y compris par le service de la Commission européenne, Eurostat, Singapour est classé par le Tax Justice Network comme le cinquième pays le plus nocif en matière d’opacité fiscale. Sans surprise, un demi-million de documents du scandale des “paradise papers” provenait ainsi d’une entreprise de service offshore singapourienne. Son vaste réseau de traités fiscaux fait de lui une plaque tournante majeure pour soustraire les investissements à l'impôt. Plus de 10 000 entreprises européennes ont ainsi leurs bureaux régionaux à Singapour.</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Les droits des investisseurs apparaissent aujourd’hui bien mieux protégés que ceux des citoyens ou de la planète et trop souvent à leur détriment. Il est urgent de corriger ce déséquilibre. Les entreprises multinationales ne doivent plus pouvoir disposer de tels privilèges qui leur permettent d’exercer un droit de regard sur les politiques publiques adoptées démocratiquement par les États. En quelques jours, plus de 300 000 citoyens européens ont soutenu la campagne « Stop Impunité » lancée par plus de 150 organisations dans plus de 16 pays européens. Ils demandent aux décideurs européens de mettre fin à l’arbitrage entre investisseurs et États et de soutenir à la place l’élaboration d’un traité contraignant à l’ONU pour exiger le respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises multinationales. A quelques semaines des élections, tous les regards se tourneront vers les parlementaires européens pour l’examen de cet accord d’investissement avec Singapour.</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;"> </span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Signataires : Action aid France - Peuples solidaires, AEDH, AITEC, Amis de la terre, Attac France, Bloom, CCFD-Terre solidaire, Ceras, CGT, Collectif Éthique sur l’étiquette, Collectif Stop Tafta/Ceta, Comité Pauvreté et politique, Commerce équitable France, Confédération paysanne, Crid, Emmaüs International, Fédération syndicale unitaire, Foi et justice Afrique Europe, Fondation Nicolas Hulot, Foodwatch France, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Institut Veblen, Ligue des droits de l’Homme, Notre affaire à tous, React, Sherpa, Union syndicale Solidaires</span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;"> </span></p><p><span style="color: #000000; font-size: 10pt;">Paris, le 12 février 2019</span></p>
C.CF
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Lordon, Casaux, Ziegler, etc. : faut-il être anticapitaliste pour « sauver la planète » ?
tag:lesillon04.hautetfort.com,2019-01-10:6119577
2019-01-10T00:08:18+01:00
2019-01-10T00:08:18+01:00
Par Jean Gadrey - 29 décembre 2018...
<div id="featured"><div class="featured-inner has_single_featured"><div class="featured-content"><div class="element element-headline featured-entry-title"><span style="color: #000000;"> </span></div><div class="clear"><span style="color: #000000;">Par Jean Gadrey - 29 décembre 2018</span><br /><div id="sidebar_layout"><div class="sidebar_layout-inner"><div class="grid-protection"><div id="content"><div class="inner"><div class="article-wrap single-post"><article id="post-27583" class="post-27583 post type-post status-publish format-standard has-post-thumbnail hentry category-edito category-opinions-debats tag-rechauffement-climatique"><div class="entry-content"><div class="pf-content"><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Frédéric Lordon vient de poster sur son blog un texte qui condamne « sans appel » divers appels qui ont circulé récemment, en particulier sur le climat. Ce texte s’intitule « <a style="color: #000000;" href="https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-1?fbclid=IwAR3PquOOetaua5VLKLnyW4-BvyvJlEcGBxbAz_SVERIKuBKsKqWXe-h6Xto"><strong>Appels sans suite</strong> </a>». En voici trois courts passages pour ceux et celles qui ne l’auraient pas lu (mais ils ou elles devraient le faire) :</span></p><p style="text-align: center;"><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/00/4269263409.jpg" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><img id="media-5937258" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/00/2507127290.jpg" alt="illustration-la-conference-des-oiseaux_1-1535102700.jpg" /></a></span></p><div class="crayon document-titre-2811 spip_doc_titre" style="text-align: center;"><span style="color: #000000;"><em><small class="fine"> </small>La conférence des oiseaux<br /></em></span></div><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">« Que faire quand les choses vont mal ? Des appels bien sûr. Pour demander qu’elles aillent mieux, naturellement. C’est important que les choses aillent mieux… » « On se demande combien de temps encore il faudra pour que ces appels à sauver la planète deviennent capables d’autre chose que de paroles sans suite, de propos en l’air et de mots qui n’engagent à rien — pas même à articuler le nom de la cause : capitalisme. »…</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">… « Ce qui détruit la planète, ça n’est pas l’”homme” : c’est le capitalisme. On comprend que de partout, entre niaiserie humaniste des uns et refus catégorique des autres, on peine à se rendre à cette idée qui, si elle était prise au sérieux, serait, en effet, de quelque conséquence. »</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Il se trouve que, comme signataire de certains de ces appels, je suis concerné par ce réquisitoire, que je prends d’ailleurs au sérieux en dépit de son ton polémique, qui fait partie des charmes d’écriture de Frédéric Lordon. J’ai un peu de mal à me situer entre la niaiserie humaniste et le refus catégorique de prendre parti sur le capitalisme…</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Lordon n’est pas le seul à sembler faire du combat explicite contre le capitalisme la précondition ou le cadre nécessaire de toute mobilisation pour sauver le climat, ou ce qui peut encore l’être. C’est ainsi que Jean Ziegler estime pour sa part que <strong>« <a style="color: #000000;" href="https://www.algeriepatriotique.com/2018/08/13/jean-ziegler-pour-sauver-la-planete-il-faut-detruire-le-capitalisme/?fbclid=IwAR2KiLDgo835TbKnF5rLNn3SASwuK5nDvV579qFHlpX3WiMWRJh9nG47EHs">Pour sauver la planète, il faut détruire le capitalisme</a> »</strong> et que Nicolas Casaux, que je ne connaissais pas avant de le découvrir sur Facebook, s’en prend aux nombreux jeunes youtubeurs talentueux qui se sont engagés collectivement pour le climat (et dont <a style="color: #000000;" href="https://www.facebook.com/servigne.collapsologie/videos/275199636439296/UzpfSTEwMDAwNDEyMzYzNDkwNjoxMTQxMDgxMzU5MzcyNjQx/">la vidéo</a> a été vue à ce jour plus de 9 millions de fois !). Il écrit ainsi : « nos <em>youtubeurs</em>… embrayent directement sur divers problèmes plus ou moins spécifiques… sans poser de diagnostic, sans déterminer la cause des problèmes, sans cibler le système économique dominant — le capitalisme. »</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">J’explique en deux temps mon désaccord (partiel) avec ces points de vue, en privilégiant l’analyse de Frédéric Lordon qui est la plus complète et la plus radicale. Je serai bref sur le rôle du capitalisme dans l’effondrement écologique en cours, un peu plus explicite sur la condamnation sans appel de ces appels divers et de diverses autres initiatives, dont celles qui concernent la décroissance ou la post-croissance. Il faut d’ailleurs reconnaître à Lordon une certaine constance dans son manque d’appétence pour la critique de la croissance : « C’est d’ailleurs là le mot magique : pour ne pas avoir à dire « capitalisme », il suffit de dire « décroissance » ou, si la chose sent encore un peu trop le macramé, « post-croissance ». Brillant comme d’hab. mais pas forcément juste, j’y viens.</span></p><h2 style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Le capitalisme, arme de destruction massive de la planète, oui</span></h2><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Sur ce premier point, je vais faire court, car je m’en suis souvent expliqué ici et là, notamment dans ce billet de blog de 2010, qui m’a valu quelques réserves des plus sociaux-démocrates de mes amis (ils se reconnaîtront) : <strong>« <a style="color: #000000;" href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2010/02/22/peut-on-s-en-sortir-dans-le-cadre-d-un-capitalisme-reforme">Peut-on s’en sortir dans le cadre d’un capitalisme réformé ?</a> »</strong>. J’y présentais « neuf caractéristiques structurelles du capitalisme qui font douter de sa capacité à nous sortir de la zone des tempêtes à répétition. » Et je concluais ainsi : « il me semble que ceux mes amis qui pensent qu’un capitalisme régulé pourrait faire l’affaire devraient tenter soit de répondre aux questions qui précèdent, soit de m’expliquer en quoi elles sont mal posées. »</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Je suis donc d’accord avec Lordon, Ziegler, Casaux et d’autres sur l’énorme responsabilité (dans l’effondrement écologique, mais aussi dans d’autres domaines) du capitalisme et de ses acteurs, et plus encore du capitalisme financier dont Lordon est l’un des meilleurs analystes. Il y a certes cet argument : on a connu, dans l’histoire, des systèmes non capitalistes tout aussi productivistes et destructeurs des écosystèmes. Exact, mais… il n’y en a plus… Une variante : certaines grandes entreprises publiques (non capitalistes) ont été ou sont encore clairement « climaticides », de même que certaines collectivités locales qui encouragent et financent de « grands projets inutiles », des aéroports par exemple, etc. C’est vrai, mais on peut rétorquer que le capitalisme néolibéral, avec ses lobbies, ses moyens de corruption, sa capacité à faire élire certains de ses meilleurs avocats et à orienter les grands médias (qu’il possède), est très largement à la manœuvre dans ces orientations publiques.</span></p><p><span style="color: #000000;">On peut donc passer au point suivant.</span></p><h2><span style="color: #000000;">Faut-il être explicitement et prioritairement anticapitaliste pour « sauver la planète» ?</span></h2><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Pour moi, cette option désigne une stratégie d’une part perdante, d’autre part contradictoire avec ce que Frédéric Lordon lui-même écrivait dans son livre de 2009 « la crise de trop », qui est toujours pour moi une grande référence, je reste un étudiant de la « Lordon School of Economics »… Dans ce livre, les perspectives d’un dépassement du capitalisme ne sont évoquées qu’à l’extrême fin, dans une « projection » fort intéressante intitulée « Et pourquoi pas plus loin ? ». Mais le gros des propositions pour sortir de la crise, rassemblées dans les parties I (« Arraisonner la finance ») et II (« Défaire le capitalisme antisalarial » [traduisez : capitalisme actionnarial et financier]), est constitué de « réformes » certes ambitieuses, mais qui ne consistent en rien à se débarrasser du capitalisme. Je cite : « à défaut du grand saut postcapitaliste, une transformation suffisamment profonde des structures actionnariales et concurrentielles serait déjà à même de produire le renversement non pas du capitalisme tout court, mais de ce capitalisme-là, le capitalisme antisalarial » (p. 160). Et, deux pages avant : « <strong>Le parti que je prends ici tient l’hypothèse que la sortie du capitalisme, dût-on le regretter, est l’issue la moins probable de la crise actuelle</strong> ». Positions que je partage depuis longtemps.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;"> Ce qui me sépare des points de vue critiques des « appels » en tout genre sur le climat ou sur le dogme de la croissance, ou de la critique des youtubeurs par Casaux, ne réside pas dans la portée, assez faible, de ces appels que je signe parfois. Non, ce qui me sépare est qu’il ne me viendrait pas à l’idée de reprocher à des initiateurs/trices ou signataires de ces textes, ou aux youtubeurs, de ne pas désigner explicitement le capitalisme comme adversaire principal. La seule question que je me pose avant de signer ou pas est : la cause ou les causes que ce texte met en avant, et ce qu’il revendique, invitent-ils ou non à agir en vue d’une réforme significative du « système » actuel dans ce qu’il a de plus détestable ? Ce n’est guère différent de mon attitude à l’égard de ce que Lordon propose pour « arraisonner la finance ».</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Prenons l’exemple de l’appel « nous voulons des coquelicots » (encore un que j’ai signé, en me déplaçant jusqu’à une mairie le 5 octobre pour le faire connaître). J’imagine que ça fait bien rigoler Lordon, Casaux et d’autres, qui doivent trouver ça au mieux « fleur bleue », si j’ose dire. Or de quoi est-il question : d’interdire les pesticides de synthèse, en tentant de mobiliser bien au-delà des cercles écolos usuels. Difficile de trouver plus clairement « anticapitaliste » : les multinationales des pesticides sont les premières cibles, avec l’agrobusiness. C’est assez comparable à l’interdiction des produits toxiques… des banques. Pourtant, le capitalisme n’est pas désigné en tant que tel dans l’appel. Ni dans les innombrables actions de désobéissance civique menées pour mettre fin aux paradis fiscaux ou aux investissements « climaticides » des banques.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Depuis plus de quinze ans que j’ai quitté la recherche, je baigne dans des réseaux associatifs militants et je vois autrement les possibilités de s’en prendre au « système » en le mettant en difficulté par tous les bouts possibles, partout où il s’en prend à des biens communs auxquels les gens tiennent. Parmi ces biens communs à reconquérir en les « sortant du capitalisme financier », on trouve la monnaie et le climat, mais aussi la protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, une alimentation saine, la qualité de l’air en ville, les terres arables et les sols vivants, les forêts, etc.</span></p><p style="text-align: justify;"><strong><span style="color: #000000;">Mon hypothèse est, d’une part, que le néolibéralisme et le capitalisme financier ont plus à craindre de ces nouveaux mouvements sociaux autour de biens communs multiples que des discours anticapitalistes. Et que, d’autre part, la prise de conscience de la nocivité du « système » du capitalisme financier et de ses multinationales a plus de chances de se développer au cours de ces mouvements qu’en l’exigeant comme préalable à l’action.</span></strong></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">Quant aux « appels », un peu d’observation de ce qu’ils produisent est utile. Pour certains, rien de significatif, c’est vrai. Mais d’autres produisent du débat public et de l’action collective, par exemple le 8 septembre et le 13 octobre dernier à propos du climat. Et ce que j’ai vu, en participant à des réunions de préparation des actions (300 personnes à Lille pour préparer une marche qui a rassemblé 5000 personnes), c’est la forte présence de personnes, souvent jeunes, qui n’avaient jamais milité nulle part. Et qui sont souvent venues à la suite de ces « appels », dans la mesure où ils ont été relayés sur le terrain.</span></p><h3><span style="color: #000000;">ANNEXE : voici un court extrait d’une <a style="color: #000000;" href="https://www.bastamag.net/Climat-et-effondrement-Seule-une-insurrection-des-societes-civiles-peut-nous">interview de Christophe Bonneuil</a> (Basta, 16 octobre), avec laquelle je suis en phase.</span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;">« Après l’effacement de tant de systèmes politiques au cours des 50 derniers siècles et alors que de toutes parts nous parviennent des rapports sur les bouleversements qui affectent la Terre, n’est-il pas téméraire de considérer le capitalisme industriel et consumériste comme immortel ? Étant donné qu’il est la cause du dérèglement planétaire, il me semble plutôt intéressant de penser son effondrement, voire même de le préparer !</span></p><h3><span style="color: #000000;"><strong>Comment ?</strong></span></h3><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;"><strong>En multipliant par exemple les actes de non-coopération avec le modèle consumériste, en résistant aux dérives fascisantes ou aux oppressions que la crise écologique ne manque pas de favoriser, en s’opposant aux projets inutiles et à la poursuite de l’extraction des énergies fossiles comme des minerais, en renforçant les alternatives qui émergent.</strong> À l’image du « dernier homme » post-apocalyptique et individualiste hollywoodien, je préfère plutôt l’image des collectifs qui participent à l’effondrement d’un vieux monde productiviste : ceux qui bloquent les mines et font chuter le cours des actions des multinationales, ceux qui réinventent des communs – du mouvement de la transition aux zones à défendre. Une autre fin du monde est possible ! »</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="color: #000000;"><span class="author vcard"><a class="url fn n" style="color: #000000;" title="View all posts by Lucienne Gouguenheim" href="https://nsae.fr/author/gouguenheim/" rel="author">Lucienne Gouguenheim</a></span> <span class="sep"> in </span> <a style="color: #000000;" href="https://nsae.fr/category/opinions-debats/edito/">Éditorial</a> <span class="comments-link"> <a style="color: #000000;" href="https://nsae.fr/2018/12/29/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitaliste-pour-sauver-la-planete/#respond"><span class="leave-reply">No Comments</span></a> </span></span></p><p><span style="color: #000000;"><strong>Source</strong> : <a style="color: #000000;" href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/16/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitaliste-pour-sauver-la-planete">https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/16/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitaliste-pour-sauver-la-planete</a></span></p></div></div></article></div></div></div></div></div></div></div></div></div></div>
C.CF
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Communiqué LDH - MRAP / Spagnou - Sisteron
tag:lesillon04.hautetfort.com,2018-12-29:6116678
2018-12-29T17:42:26+01:00
2018-12-29T17:37:00+01:00
Communiqué de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et du Mouvement contre...
<p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 10pt; color: #000000;"><strong>Communiqué de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) suite à déclaration de la municipalité de Sisteron</strong></span></p><p style="text-align: center;"><a href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/00/00/237355915.jpg" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><img id="media-5932613" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/00/00/3231149399.jpg" alt="15353.jpg" width="240" height="244" /></a></p><p><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 10pt;"><strong><img id="media-5932602" style="margin: 0.7em auto; display: block;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/00/02/1125026784.jpg" alt="Spagnou" width="240" height="262" /></strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: 10pt; color: #000000;"><em><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif;">Castaner - Spagnou, une connivence politicienne qui illustrerait l'amitié entre les peuples ?!</span></em></span></p><blockquote><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;"><span style="font-size: 18pt;"><strong>"</strong></span>Le comité régional LDH PACA et le MRAP 06 sont indignés par le vote à l'unanimité d'une motion du conseil municipal, proposée par le maire de Sisteron, Président de l'Association des Maires 04, qui veut <span style="text-decoration: underline;"><strong>"que la France ... arrête d'accueillir la misère du monde".</strong></span></span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">Outre qu'elle est loin de pratiquer cette vertu, loin derrière l'Allemagne, bien loin derrière les pays du Moyen Orient dont les camps d'accueil chiffrent par millions le nombre de réfugiés, c'est nier la vocation d'accueil de notre République consacrée solennellement dans le préambule de la constitution de 1946 qui s'impose à tous et encore plus à un maire élu précisément de cette République.</span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">Mais surtout c'est oublier que la 6 ème puissance économique a les incontestables moyens de recevoir, éduquer, soigner et former, bref d'intégrer, des personnes qui ne demandent qu'à partager notre avenir. <span style="text-decoration: underline;"><strong>"Nous voulons que la France arrête de vivre au dessus de ses moyens" </strong></span>arguent ils. Proposent-ils de mettre fin aux coûteuses interventions militaires et géopolitiques de la France hors de ses frontières ? Non, simplement de s'en prendre à ses victimes collatérales !</span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">C'est de toute façon nier toutes les études économiques, quand elles ne sont pas téléguidées par des objectifs racistes de l'extrême droite, qui concluent au solde positif de l'intégration des étrangers dans notre système économique et social.</span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">C'est enfin s'aveugler devant les inquiétudes des démographes quant au ralentissement du renouvellement et au vieillissement de notre population.</span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">En toute hypothèse c'est nier les immenses et futurs bouleversements mondiaux tant écologiques qu'économiques qui vont rendre inéluctables les migrations de masse. Les conseillers municipaux de Sisteron sont-ils prêts à envoyer leurs enfants dans les guerres que les pays européens pourraient déclencher en murant leurs frontières dans un détestable égoïsme ?</span></p><p><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif; color: #000000;">La raison, la fraternité que proclame notre République imposent l'accueil et l'intégration de ces étrangers.<br /><span style="font-size: 18pt;"><strong>"</strong></span></span></p></blockquote><p><span style="color: #000000;"><span style="font-family: arial, helvetica, sans-serif; font-size: 10pt;">H. </span><span style="font-size: 10pt; font-family: arial, helvetica, sans-serif;">ROSSI Délégué régional LDH PACAC. <br />Ch.MASSON Président MRAP 06</span></span></p>
C.CF
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Immigration, un débat biaisé
tag:lesillon04.hautetfort.com,2018-12-18:6113938
2018-12-18T16:32:34+01:00
2018-12-18T16:32:34+01:00
Immigration, un débat biaisé En Europe, la population...
<h2>Immigration, un débat biaisé</h2><div id="conteneur"><div id="contenu"><div class="contenu-principal surlignable type_article ouvert"><div class="contenu-principal surlignable type_article ouvert"><div class="crayon article-chapo-59238 chapo"><p>En Europe, la population stagne et vieillit<small class="fine"> </small>; de l’autre côté de la Méditerranée, elle s’accroît et rajeunit. De ce constat, beaucoup concluent que l’explosion des flux migratoires devient inévitable. Il faudrait par conséquent soit se barricader, soit ouvrir les frontières. Cette analyse n’est-elle pas inutilement fataliste<small class="fine"> </small>?</p></div><br class="dates_auteurs crayon article-metadonnees-59238 " /><div class="crayon article-texte-59238 texte colore"><figure class="spip_document_23192 spip_documents spip_documents_center xl" style="width: 890px;"><div class="limage"><img class="spip_logos" src="https://www.monde-diplomatique.fr/local/cache-vignettes/L890xH890/img001-9-cc3d4.jpg?1540913300" alt="JPEG - 301 ko" width="610" height="798" /></div><figcaption><div class="crayon document-titre-23192 spip_doc_titre" style="width: 890px;">Marie-Laure Vareilles. – De la série «<small class="fine"> </small>Tous pareils, tous pas pareils<small class="fine"> </small>» , 2016</div><div class="crayon document-descriptif-23192 spip_doc_descriptif" style="width: 890px;">© Marie-Laure Vareilles - <a class="spip_url spip_out auto" href="http://www.artphotomailo.com" rel="nofollow external">www.artphotomailo.com</a></div></figcaption></figure><p><span class="mot-lettrine"><span class="lettrine" style="color: #7f4c4c;">L</span>es</span> flux migratoires en direction de l’Union européenne ont atteint leur plus bas niveau depuis le début de la «<small class="fine"> </small>crise des réfugiés<small class="fine"> </small>» déclenchée par la guerre en Syrie. Le nombre de franchissements illégaux des frontières du continent a été divisé par neuf, passant de 1,8 million en 2015 à 204 219 en 2017, selon l’agence Frontex. Pourtant, on parle toujours autant d’immigration. Le thème risque même de dominer les élections européennes du printemps 2019.</p><p>C’est en tout cas le souhait conjoint de MM. Emmanuel Macron et Viktor Orbán. Craignant une <em>«<small class="fine"> </small>invasion<small class="fine"> </small>»,</em> le premier ministre hongrois explique : <em>«<small class="fine"> </small>Il y a actuellement deux camps en Europe. Macron est à la tête des forces politiques soutenant l’immigration. De l’autre côté, il y a nous, qui voulons arrêter l’immigration illégale.<small class="fine"> </small>»</em> Les ténors de l’extrême droite, portés par les sondages et par leurs bons résultats aux dernières élections, s’imaginent désormais majoritaires en Europe. <em>«<small class="fine"> </small>En Pologne, en Autriche, en Hongrie, nos idées sont au pouvoir<small class="fine"> </small>»,</em> s’est réjouie Mme Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, le 16 septembre. De son côté, M. Macron a désigné ces <em>«<small class="fine"> </small>nationalistes<small class="fine"> </small>»</em> qui <em>«<small class="fine"> </small>prônent un discours de haine<small class="fine"> </small>»</em> comme ses adversaires prioritaires (29 août).</p><p>Faire du président français le <em>«<small class="fine"> </small>chef d’un parti promigrants<small class="fine"> </small>»,</em> selon les mots de M. Orbán, témoigne d’un aveuglement qu’on peine à croire sincère. Avec la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (promulguée le 10 septembre), il a allongé la durée de la rétention administrative jusqu’à quatre-vingt-dix jours (contre quarante-cinq auparavant), y compris pour les familles accompagnées d’enfants<small class="fine"> </small>; il a instauré le fichage des mineurs isolés, banalisé les audiences de demande d’asile par visioconférence, durci l’accès à un titre de séjour pour les parents d’enfants français, limité le droit du sol à Mayotte, etc.</p><p>Au milieu de ce brouhaha, la gauche radicale semble se déchirer entre les partisans de l’ouverture des frontières et ceux d’une régulation qui s’attaquerait aux causes des déplacements de population<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh1" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb1" rel="appendix">1</a>)</span>. Un objectif hors de portée, rétorquent les premiers, car le développement des pays du Sud, loin de diminuer les flux migratoires, contribuera au contraire à les alimenter.</p><p>Cette objection connaît un succès grandissant depuis la parution, en février dernier, d’un ouvrage de Stephen Smith qui prophétise une <em>«<small class="fine"> </small>ruée<small class="fine"> </small>»</em> de la <em>«<small class="fine"> </small>jeune Afrique<small class="fine"> </small>»</em> vers l’Europe et une <em>«<small class="fine"> </small>africanisation<small class="fine"> </small>»</em> du Vieux Continent<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh2" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb2" rel="appendix">2</a>)</span>. Appuyée sur une multitude de chiffres et de statistiques, la démonstration de cet ancien journaliste passé par <em>Libération, Le Monde</em> et Radio France Internationale (RFI) paraît implacable. L’Afrique serait soumise à un <em>«<small class="fine"> </small>rouleau compresseur démographique<small class="fine"> </small>»</em> alimenté par la fécondité très élevée au sud du Sahara. D’après certaines estimations des Nations unies, sa population passera de 1,2 milliard d’habitants en 2017 à 2,5 milliards en 2050, et même à 4,4 milliards en 2100. Pendant ce temps, le continent connaîtra un important développement économique, les revenus des habitants augmenteront, et un nombre croissant d’entre eux disposeront <em>«<small class="fine"> </small>des moyens nécessaires pour aller chercher fortune ailleurs<small class="fine"> </small>».</em> Il faut donc s’attendre à une <em>«<small class="fine"> </small>levée en masse<small class="fine"> </small>»</em> du continent, à tel point que, dans trente ans, 20 à 25<small class="fine"> </small>% de la population européenne sera d’origine africaine (contre 1,5 à 2<small class="fine"> </small>% en 2015).</p><p>Avec de telles prédictions, Smith redoutait de <em>«<small class="fine"> </small>soulever passions et polémiques<small class="fine"> </small>».</em> Son livre, bientôt traduit en anglais, en allemand, en espagnol et en italien, a au contraire reçu le prix de la <em>Revue des deux mondes,</em> une récompense de l’Académie française et le prix Brienne du livre géopolitique décerné par le ministère des affaires étrangères, ce qui lui vaut d’être désormais assorti en librairies d’un bandeau rouge portant l’estampille du Quai d’Orsay. Tandis que le philosophe Marcel Gauchet voudrait rendre sa lecture <em>«<small class="fine"> </small>obligatoire pour tous les responsables politiques<small class="fine"> </small>»</em> (<em>L’Obs,</em> 27 juin), M. Macron considère qu’il a <em>«<small class="fine"> </small>parfaitement décrit</em> (...) <em>cette démographie africaine qui est une véritable bombe<small class="fine"> </small>»</em> (15 avril). Pendant six mois, à l’exception de celle de l’anthropologue Michel Agier, dans un entretien croisé<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh3" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb3" rel="appendix">3</a>)</span>, aucune voix n’a porté la contradiction à Smith.</p><p>La première attaque en règle est finalement venue en septembre, sous la plume de François Héran. Dans une note de l’Institut national d’études démographiques (INED), puis dans un article destiné au grand public<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh4" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb4" rel="appendix">4</a>)</span>, ce professeur au Collège de France, titulaire de la chaire migrations et sociétés, rappelle que 70<small class="fine"> </small>% des émigrés africains restent sur leur continent, un chiffre stable depuis les années 1990. Mais il conteste surtout la méthode et les données utilisées par Smith. Exploitant la base bilatérale des migrations établie par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il calcule que les Africains et leurs descendants constitueront 3 à 4<small class="fine"> </small>% de la population européenne vers 2050, <em>«<small class="fine"> </small>très loin des 25<small class="fine"> </small>% redoutés<small class="fine"> </small>».</em></p><p>Héran ne discute pas l’idée d’une «<small class="fine"> </small>levée en masse<small class="fine"> </small>» de l’Afrique<small class="fine"> </small>; il considère simplement qu’elle n’aura pas lieu avant 2050. Pour déterminer l’ampleur des futures migrations africaines, Smith a repris les ordres de grandeur d’anciens mouvements de population, en particulier la grande migration transatlantique — au cours de laquelle, au XIXe siècle, cinquante millions d’Européens se sont installés en Amérique — et l’émigration des Mexicains vers les États-Unis entre 1970 et 2015. Dénonçant cette méthode peu rigoureuse, Héran objecte : <em>«<small class="fine"> </small>Si l’on place l’indice de développement humain sur une échelle de 1 à 10, la plupart des pays subsahariens se situent en 1, tandis que le Mexique est en 6, la France en 9 et les États-Unis en 10. Autant les migrations du niveau 6 vers le niveau 10 sont massives (25 millions de personnes dans les diasporas concernées), autant celles qui vont du niveau 1 aux niveaux 9 et 10 sont limitées (moins de 2,3 millions). Or qui peut croire qu’à l’échéance de 2050 l’Afrique subsaharienne aura brûlé les étapes du développement pour rejoindre la position relative actuelle du Mexique<small class="fine"> </small>?<small class="fine"> </small>»</em> Autrement dit, dans les trois décennies qui viennent, l’Afrique sera encore trop pauvre pour faire ses valises.</p><h3 class="spip" style="color: #7f4c4c;">Les jeunes laissés pour compte</h3><p>Au-delà de leurs divergences, Smith et Héran partagent donc un même diagnostic : les populations des pays très pauvres se déplacent peu et le développement économique, loin de freiner l’émigration, contribue à l’encourager. <em>«<small class="fine"> </small>Vous faites voler en éclats l’une de nos certitudes les plus ancrées<small class="fine"> </small>»,</em> s’ébahit Alain Finkielkraut en interviewant le premier<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh5" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb5" rel="appendix">5</a>)</span>. Le philosophe semble alors découvrir un phénomène solidement établi depuis 1971. Avant cette date prévalait un modèle dit «<small class="fine"> </small>néoclassique<small class="fine"> </small>» : on considérait que tout rapprochement du niveau économique entre les pays de départ et d’arrivée engendrait mécaniquement une diminution des flux migratoires. Puis ce schéma fut remis en cause par le géographe Wilbur Zelinsky, qui, pour la première fois, avança l’hypothèse d’une <em>«<small class="fine"> </small>transition dans la mobilité<small class="fine"> </small>»,</em> désormais plus souvent appelée transition migratoire, dont il distingue plusieurs étapes<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh6" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb6" rel="appendix">6</a>)</span>. À mesure que les pays très pauvres se développent, leurs taux de mortalité, notamment infantile, chutent<small class="fine"> </small>; la population rajeunit et le taux d’émigration augmente. Une fois atteint un niveau de richesse élevé, les départs d’habitants diminuent et les arrivées d’étrangers s’accroissent — sauf en cas de circonstances exceptionnelles (guerre, effondrement économique, crise politique...) qui peuvent radicalement changer la donne.</p><p>Depuis quarante ans, de nombreuses études de cas ont confirmé ce modèle. Jadis pays d’émigration, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, la Corée du Sud, la Malaisie ou encore Taïwan ont achevé ce cycle et sont devenus des pays d’immigration. D’autres, comme la Turquie, l’Inde, la Chine ou le Maroc, pourraient opérer ce basculement dans les décennies qui viennent. Plus généralement, les économistes Michael Clemens et Hannah Postel ont constaté qu’entre 1960 et 2010 le taux d’émigration avait augmenté dans 67 des 71 États qui sont passés du statut de pays à revenu faible à celui de pays à revenu intermédiaire<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh7" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb7" rel="appendix">7</a>)</span>. Le phénomène est si récurrent, indépendamment des lieux et des époques, qu’il paraît presque naturel. À moins que l’Afrique ne fasse exception à la règle, la croissance économique pourrait donc y provoquer une hausse spectaculaire de l’émigration, notamment dans la partie subsaharienne. <em>«<small class="fine"> </small>Avec l’aide au développement, dont on pensait que c’était justement le moyen de fixer les Africains chez eux et qui est souvent invoquée, les pays riches se tirent une balle dans le pied<small class="fine"> </small>»,</em> s’affole Finkielkraut.</p><p>Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs ont avancé plusieurs raisons. L’une d’elles, la seule que retient Smith et la plus souvent invoquée, concerne l’assouplissement de la contrainte financière. Émigrer coûte cher<small class="fine"> </small>; il faut payer le visa, le voyage, les frais d’installation : un frein pour les plus pauvres. L’augmentation des revenus permet mécaniquement à un nombre croissant d’individus de disposer des fonds nécessaires pour se lancer dans l’aventure migratoire, le vivier des candidats au départ étant d’autant plus important que la proportion de jeunes s’accroît.</p><p>Mais, si le manque de ressources peut assurément contrecarrer un projet migratoire, encore faut-il se demander pourquoi certains veulent quitter un pays en pleine croissance. La réponse apportée par les chercheurs est simple : dans les États les plus pauvres, le développement économique n’est pas synonyme de prospérité pour tout le monde. La hausse de la productivité agricole transforme le monde rural et laisse sur le carreau une main-d’œuvre abondante, souvent jeune, de plus en plus formée, que l’économie industrielle et urbaine émergente ne parvient pas à absorber, notamment en lui offrant des emplois qualifiés en nombre suffisant. Bloqués dans les campagnes ou aux marges des villes, les laissés-pour-compte sont distancés par ceux qui tirent leur épingle du jeu et peuvent profiter des bienfaits de la consommation. Dans un contexte de meilleur accès à l’information, cet écart alimente le désir de tenter sa chance ailleurs, que l’augmentation des revenus permet d’assouvir.</p><p>Dans bien des cas, désormais, le développement économique se conjugue en outre avec l’instauration du libre-échange, dont les effets sur les mouvements de population ont été largement démontrés. Le Mexique constitue à ce titre un cas d’école. Signé en 1992, l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) fut présenté à la population comme un moyen de réduire les flux migratoires. <em>«<small class="fine"> </small>Les Mexicains n’auront plus besoin d’émigrer au nord pour trouver un emploi : ils pourront en trouver un ici<small class="fine"> </small>»,</em> promettait alors le président Carlos Salinas de Gortari<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh8" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb8" rel="appendix">8</a>)</span>. De son côté, l’économiste Philip L. Martin prédisait déjà l’effet inverse<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh9" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb9" rel="appendix">9</a>)</span>, et la suite lui a donné raison. Délivrés des barrières douanières, les États-Unis ont inondé leur voisin de maïs subventionné et issu de l’agriculture intensive. La baisse des prix a déstabilisé l’économie rurale, jetant sur les routes des millions de <em>campesinos</em> qui ne trouvaient à s’employer ni sur place ni dans les nouvelles usines installées à la frontière. En moins de dix ans, le nombre de clandestins mexicains aux États-Unis a augmenté de 144<small class="fine"> </small>%, passant de 4,8 millions en 1993 à 11,7 millions en 2002. En signant, en 2014, des accords de libre-échange avec une trentaine de pays africains, l’Union européenne pourrait ainsi alimenter l’immigration qu’elle prétend combattre.</p><p>À aucun moment Smith n’évoque le caractère inégalitaire de la croissance, les effets des logiques de marché, les processus d’accumulation du capital et d’accaparement des terres par de gros propriétaires qui détruisent l’économie paysanne en y introduisant le salariat<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh10" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb10" rel="appendix">10</a>)</span>. Si les études sur la transition migratoire aboutissent toutes aux mêmes résultats, c’est sans doute parce qu’elles observent le même type de développement, fondé non pas sur la recherche du plein-emploi et la réduction des inégalités, mais sur le libre-échange, les privatisations, la flexibilité du marché du travail, la maximisation des «<small class="fine"> </small>avantages comparatifs<small class="fine"> </small>» pour attirer les investissements directs étrangers.</p><p>En réalité, ce n’est pas le développement qui provoque l’émigration, mais l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi, en particulier pour les jeunes. <em>«<small class="fine"> </small>Toutes les données indiquent qu’un marché de l’emploi tendu dans les pays d’origine décourage les départs</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh11" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb11" rel="appendix">11</a>)</span> <em><small class="fine"> </small>»,</em> souligne l’économiste Robert Lucas, tandis que Clemens et Postel précisent : <em>«<small class="fine"> </small>Il y a indubitablement une relation négative entre le taux d’emploi des jeunes et l’émigration. Le taux d’émigration dans les pays dont le taux d’emploi des jeunes dépasse 90<small class="fine"> </small>% est inférieur de moitié à celui des pays où seulement 70<small class="fine"> </small>% des jeunes ont un emploi</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh12" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb12" rel="appendix">12</a>)</span>. <em><small class="fine"> </small>»</em> Invitant à ne pas confondre corrélation et causalité, le professeur Hein de Haas souligne enfin qu’une démographie dynamique n’engendre pas mécaniquement une forte émigration. <em>«<small class="fine"> </small>Les gens ne migrent pas</em> à cause <em>de la croissance démographique,</em> rappelle-t-il. <em>Ils migrent seulement si la croissance de la population s’accompagne d’une croissance économique lente et d’un fort taux de chômage.</em> (...) <em>Quand une forte croissance démographique coïncide avec une croissance économique forte, comme dans la plupart des monarchies pétrolières du Golfe, l’émigration est faible</em><span class="spip_note_ref"> (<a id="nh13" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb13" rel="appendix">13</a>)</span>. <em><small class="fine"> </small>»</em></p><h3 class="spip" style="color: #7f4c4c;">Division des classes populaires</h3><p>L’idée que des dizaines de millions d’Africains, poussés par l’absence de perspectives, les guerres ou le changement climatique, prendront le chemin de l’exil est aujourd’hui largement partagée sur le Vieux Continent. Les artificiers des paniques identitaires s’en saisissent pour réclamer plus de restrictions — <em>«<small class="fine"> </small>L’Europe n’a pas vocation à devenir africaine<small class="fine"> </small>»,</em> justifie Finkielkraut. D’autres exigent, mais à partir d’un constat fataliste, la liberté de circulation et l’ouverture des frontières. <em>«<small class="fine"> </small>Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires.</em> (...) <em>Dans les décennies qui viennent, les migrations s’étendront, volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages, et notre propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés. Les réfugiés poussés par les guerres et les catastrophes climatiques seront plus nombreux<small class="fine"> </small>»,</em> détaille par exemple le «<small class="fine"> </small>Manifeste pour l’accueil des migrants<small class="fine"> </small>» lancé par <em>Politis, Regards</em> et Mediapart.</p><p>Une autre voie serait possible, qu’ils n’explorent pas. Plus escarpée, elle partirait d’une remise en cause du modèle économique dominant afin de rendre leurs sociétés désirables aux populations souhaitant les quitter. Postuler pour le Sud un destin tissé de crises et de misère ne manifeste-t-il pas un certain pessimisme<small class="fine"> </small>?</p><p>Le ressentiment observé dans les pays d’accueil n’est pas non plus écrit d’avance. Il naît dans l’austérité généralisée, la déstabilisation de la protection sociale, l’affaiblissement des services publics, le choix politique de mettre en concurrence des pauvres avec de plus pauvres, public et privé, actifs et retraités, smicards et chômeurs, pour l’obtention d’une aide, d’un logement social ou d’une place en crèche. L’arrivée de migrants apparaît alors comme une pression supplémentaire sur des ressources devenues rares, permettant à l’extrême droite de jouer sa stratégie de division des classes populaires. <em>«<small class="fine"> </small>Moi, je fais le choix de privilégier les Français parce que je pense que c’est vers eux que nous devons diriger notre solidarité nationale, et l’idée que l’on accueille de manière inconséquente et irresponsable des milliers de migrants pour laisser des sans-domicile-fixe dans la rue me révulse<small class="fine"> </small>»,</em> s’exclame Mme Le Pen<span class="spip_note_ref"> (<a id="nh14" class="spip_note" title="" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nb14" rel="appendix">14</a>)</span>. Là encore, une autre voie est possible. Elle implique non pas de signer des manifestes et de réclamer l’ouverture des frontières tout en sachant qu’elle n’interviendra pas, mais de s’astreindre au patient travail politique qui propulserait au pouvoir une force réellement capable de changer le cours des choses.</p></div><div class="lesauteurs"><p class="nom">Benoît Bréville</p></div><div class="notes surlignable"><div id="nb1"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 1" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh1" rev="appendix">1</a>) </span>Lire «<small class="fine"> </small><a class="spip_in" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/BREVILLE/57387">Embarras de la gauche sur l’immigration</a><small class="fine"> </small>», <em>Le Monde diplomatique,</em> avril 2017.</p></div><div id="nb2"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 2" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh2" rev="appendix">2</a>) </span>Stephen Smith, <em>La Ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent,</em> Grasset, Paris, 2018. Sauf mention contraire, les citations sont tirées de cet ouvrage.</p></div><div id="nb3"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 3" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh3" rev="appendix">3</a>) </span>«<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180209.OBS1958/la-jeunesse-africaine-est-elle-un-danger-pour-l-europe.html" rel="external">La jeunesse africaine est-elle un danger pour l’Europe<small class="fine"> </small>?</a><small class="fine"> </small>», <em>L’Obs,</em> Paris, 18 février 2018.</p></div><div id="nb4"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 4" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh4" rev="appendix">4</a>) </span>François Héran, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.ined.fr/fr/publications/population-et-societes/europe-spectre--migrations-subsahariennes/" rel="external">L’Europe et le spectre des migrations subsahariennes</a><small class="fine"> </small>», <em>Population et Sociétés,</em> n° 558, Paris, septembre 2018<small class="fine"> </small>; «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://laviedesidees.fr/migrations-afrique-prejuge-stephen_smith-oracle" rel="external">Comment se fabrique un oracle</a><small class="fine"> </small>», <em>La vie des idées,</em> 18 septembre 2018.</p></div><div id="nb5"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 5" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh5" rev="appendix">5</a>) </span>«<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/faut-il-avoir-peur-de-lafrique" rel="external">Migrations : faut-il avoir peur de l’Afrique<small class="fine"> </small>?</a><small class="fine"> </small>», «<small class="fine"> </small>Répliques<small class="fine"> </small>», France Culture, 17 mars 2018.</p></div><div id="nb6"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 6" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh6" rev="appendix">6</a>) </span>Wilbur Zelinsky, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.jstor.org/stable/213996" rel="external">The hypothesis of the mobility transition</a><small class="fine"> </small>», <em>Geographical Review,</em> vol. 61, n° 2, New York, avril 1971.</p></div><div id="nb7"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 7" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh7" rev="appendix">7</a>) </span>Michael A. Clemens et Hannah M. Postel, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.cgdev.org/publication/can-development-assistance-deter-emigration" rel="external">Can development assistance deter emigration<small class="fine"> </small>?</a><small class="fine"> </small>», Center for Global Development, Washington, DC, février 2018.</p></div><div id="nb8"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 8" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh8" rev="appendix">8</a>) </span>Carlos Salinas de Gortari, <a class="spip_out" href="https://infinitehistory.mit.edu/video/president-carlos-salinas-de-gortari%E2%80%941993-mit-commencement-address" rel="external">discours au Massachusetts Institute of Technology</a> (MIT), Cambridge, 28 mai 1993.</p></div><div id="nb9"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 9" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh9" rev="appendix">9</a>) </span>Philip L. Martin, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/011719689300200306" rel="external">Trade and migration : the case of Nafta</a><small class="fine"> </small>», <em>Asian Pacific Migration Journal,</em> vol. 2, n° 3, Thousand Oaks (Californie), septembre 1993.</p></div><div id="nb10"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 10" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh10" rev="appendix">10</a>) </span>Douglas S. Massey, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.jstor.org/stable/1972195" rel="external">Economic development and international migration in comparative perspective</a><small class="fine"> </small>», <em>Population and Development Review,</em> vol. 14, no 3, New York, septembre 1988.</p></div><div id="nb11"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 11" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh11" rev="appendix">11</a>) </span>Robert E. B. Lucas, <em>International Migration and Economic Development : Lessons from Low-Income Countries,</em> Edward Elgar Publishing, Northampton, 2005.</p></div><div id="nb12"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 12" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh12" rev="appendix">12</a>) </span>Michael A. Clemens et Hannah M. Postel, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.cgdev.org/publication/can-development-assistance-deter-emigration" rel="external">Can development assistance deter emigration<small class="fine"> </small>?</a><small class="fine"> </small>», <em>op. cit.</em></p></div><div id="nb13"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 13" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh13" rev="appendix">13</a>) </span>Hein de Haas, «<small class="fine"> </small><a class="spip_out" href="https://www.imi.ox.ac.uk/publications/wp-24-10" rel="external">Migration transitions : A theoretical and empirical inquiry into the developmental drivers of internation migration</a><small class="fine"> </small>», International Migration Institute, université d’Oxford, janvier 2010.</p></div><div id="nb14"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 14" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh14" rev="appendix">14</a>) </span><a class="spip_out" href="https://www.rtl.fr/actu/politique/marine-le-pen-est-l-invitee-de-rtl-ce-lundi-16-janvier-7786753344" rel="external">RTL</a>, 16 janvier 2017.</p></div></div><div class="notebox plein"><div id="nb14" class="visible"><p><span class="spip_note_ref">(<a class="spip_note" title="Notes 14" href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/11/BREVILLE/59238#nh14" rev="appendix">14</a>) </span><a class="spip_out" href="https://www.rtl.fr/actu/politique/marine-le-pen-est-l-invitee-de-rtl-ce-lundi-16-janvier-7786753344" rel="external">RTL</a>, 16 janvier 2017.</p></div></div></div></div></div></div>
C.CF
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APPEL ANTIAUTORITAIRE SANS FRONTIÈRE
tag:lesillon04.hautetfort.com,2018-12-04:6110247
2018-12-04T01:11:44+01:00
2018-12-04T01:11:44+01:00
Pour une journée de résistance simultanée, sans frontières, le 10...
<div align="left"><div align="left"><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 14pt;"><strong><span class="ds33" style="color: #000000;">Pour une journée de résistance simultanée, sans frontières, le 10 décembre 2018, contre le durcissement du capitalisme et de la société autoritaire</span></strong></span></p><p style="text-align: center;"><span style="color: #000000;"><a style="color: #000000;" href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/01/1959795503.JPG" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><img id="media-5923159" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/01/4167250371.JPG" alt="cerises3.JPG" /></a></span></p></div></div><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Partout dans le monde, au prétexte de la dette des États, le pouvoir ne cesse d’accroitre les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres et de détruire la planète.</span></p><div align="left"><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Partout dans le monde, ce recul de nos droits et ce saccage de la vie s’accompagnent d’une amplification de la surveillance et de la répression contre tous ceux qui s’y opposent.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Partout dans le monde, le pouvoir tente de diviser pour mieux régner en détournant la colère sur le dos des migrants qu’il fait passer pour les principaux responsables du malheur des opprimés.<br /> Partout dans le monde, le fascisme ne cesse de monter, stade ultime du capitalisme, paroxysme de la société autoritaire, prêt à éliminer ses opposants et tous ceux qui lui déplaisent.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Partout dans le monde, le pouvoir se prétend légitime au prétexte, d’une part, de lois qu’il écrit lui-même pour conserver et renforcer sa position, et, d’autre part, d’élections périodiques qui n’ont rien de démocratiques puisqu’elles sont le produit de la fabrique de l’opinion par les médias de masse qui appartiennent à la classe dominante.<br /> Partout dans le monde, le pouvoir usurpe sa position et nous vole nos vies.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">À la différence des classes opprimées du 19ème siècle, au temps où elles commencèrent à s’organiser au niveau international et à se révolter, nous sommes aujourd’hui face à deux problèmes nouveaux qui s’ajoutent aux précédents : la course contre la montre technologique face à un pouvoir qui ne cesser de se renforcer grâce à de nouveaux moyens de surveillance et de répression, ce qui rappelle les œuvres prophétiques de Orwell et de Huxley, et la course contre la montre écologique face à un capitalisme qui, en plus de nous exploiter, arrive maintenant à un stade où la destruction de la Terre sera bientôt irréversible.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Nous ne pouvons donc plus attendre. Nous ne pouvons plus nous contenter de lutter chacun de notre côté, chacun à l’intérieur de nos frontières, chacun dans le cadre de nos luttes spécifiques sur toutes sortes de sujets, chacun avec nos différentes façons de penser et d’agir.<br /> Il devient urgent de faire converger nos résistances, un jour par mois, à compter du 10 décembre 2018 et, par la suite, tous les 10 de chaque mois, en même temps, partout dans le monde, parallèlement à nos luttes locales quotidiennes.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Nous proposons un jour par mois d’actions simultanées contre le durcissement du capitalisme et de la société autoritaire. Un jour par mois pour rappeler partout que cette lutte est globale. Un jour par mois pour évoquer l’urgence de nous mobiliser partout et d’en finir avec le pouvoir et l’exploitation. Un jour par mois pour entrer dans un compte à rebours, reprendre confiance en nous, devenir plus nombreux, et préparer ensemble la fin de la société autoritaire et du capitalisme.<br /> Le 10 de chaque mois est le premier jour à deux chiffres, comme un changement d’ère, d’époque, de maturité. Car nous devons sortir de la préhistoire politique et économique de l’humanité avant qu’il ne soit trop tard.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: 10pt;"><strong><span class="ds8" style="color: #000000;">Parmi nous, pas de chef, pas de responsable, pas de direction syndicale, pas de bureau d’un parti, pas d’homme providentiel, pas de d’avant-garde éclairée : nous proposons uniquement et simplement un jour de convergence globale par mois, mais nous ne voulons en rien diriger ni coordonner quoi que ce soit. Juste donner une impulsion de départ, avec ce texte et les actes qui vont s’ensuivre.</span></strong></span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">Nous ne proposons pas non plus une marche à suivre, une façon de faire, un cadre précis à nos actes ce jour-là : à chacun de lutter comme il l’entend là où il se trouve et de cibler ce qui lui semble important. Descendre dans la rue un même jour, partout dans le monde, est déjà quelque chose d’important, ne serait-ce que pour parler et préparer la suite en occupant des places, des terres, des usines, et plus, beaucoup plus, si certains le souhaitent.</span></p><p style="text-align: justify;"><span class="ds8" style="color: #000000; font-size: 10pt;">À chacun d’imaginer sa façon de résister ce jour-là et de la faire savoir, éventuellement avec des photos ou des vidéos, à travers nos médias libres et autogérés partout dans le monde, comme les <span style="color: #800000;"><a style="color: #800000;" title="Indymedia" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Indymedia"><strong>indymedia</strong></a></span>, par exemple.<br /> À chacun de traduire dans d’autres langues ce message et de le propager, sur Internet et jusque sur les murs des villes, pour que chaque 10 du mois, nous soyons toujours plus nombreux et plus déterminés.<br /> Personne ne nous libérera que nous-mêmes : c’est à nous de prendre au plus tôt nos vies en mains.</span></p></div>
C.CF
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De la légalité à la légitimité de la gouvernance
tag:lesillon04.hautetfort.com,2017-07-21:5964919
2018-11-03T14:17:35+01:00
2018-11-03T14:16:00+01:00
C e texte est un extrait du livre « la Démocratie en miettes »...
<div class="Intro_Bloc"><p class="TXT"><span class="lettrine">C</span>e texte est un extrait du livre « la Démocratie en miettes » Pierre Calame, ed Charles Léopold Mayer .</p><p class="TXT">Dans les régimes démocratiques on fait comme si la légalité de l’exercice du pouvoir, c’est-à-dire sa conformité à des lois, suffisait à en assurer la légitimité. Or la légitimité est une notion beaucoup plus subjective et exprime l’adhésion profonde de la population à la manière dont elle est gouvernée. Or on observe un peu partout dans le monde que le fossé se creuse entre légalité et légitimité du pouvoir.</p><p style="text-align: center;"><img id="media-5909730" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/01/01/2005082013.jpg" alt="état de droit" /></p><p class="TXT">La gouvernance, pour être légitime, doit réunir cinq qualités :</p><ul class="LIST DEPTH1"><li><p class="LI">répondre à un besoin ressenti par la communauté ;</p></li><li><p class="LI">reposer sur des valeurs et des principes communs et reconnus ;</p></li><li><p class="LI">être équitable ;</p></li><li><p class="LI">être exercée efficacement par des gouvernants responsables et dignes de confiance ;</p></li><li><p class="LI">appliquer le principe de moindre contrainte</p></li></ul></div><div class="PageFiche_Corps"><div class="Entete_dossier_fiche" style="display: block;"><p class="Entete_Bloc_Titre tdb">Table des matières</p><div id="toc"><ul><li>1. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h1">a) Répondre à un besoin ressenti par une communauté</a></li><li>2. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h2">b) Reposer sur des valeurs et des principes communs et reconnus</a></li><li>3. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h3">c) Être équitable</a></li><li>4. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h4">d) Être exercée efficacement par des gouvernants responsables et dignes de confiance</a></li><li>5. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h5">e) Appliquer le principe de la moindre contrainte</a></li></ul><p> </p><p> </p><ul><li>1. <a href="http://www.institut-gouvernance.org/fr/analyse/fiche-analyse-24.html#h1">Les fondements contractuels de la gouvernance et du partenariat</a></li></ul></div></div><p class="TXT">Dans une « société de contrat », la légalité des actes des gouvernants ne suffit pas à asseoir leur autorité. En effet, on constate un peu partout dans le monde qu’un fossé se creuse entre légalité et légitimité de la gouvernance. Nous avons d’ailleurs noté, analysant dans les crises de la gouvernance, qu’une des impasses actuelles est de faire comme si par définition, au moins dans les pays démocratiques, la légalité de la gouvernance suffisait à en asseoir la légitimité aux yeux du peuple. Il faut s’attarder ici sur cette distinction qui sera au cœur de la gouvernance de demain.</p><p class="TXT">Une gouvernance est légale quand l’exercice du pouvoir est régi par un ensemble de règles et de principes issus de la tradition ou consignés dans une Constitution, des lois écrites et des jurisprudences.</p><p class="TXT">La légitimité de la gouvernance est une notion beaucoup plus subjective. Elle renvoie au sentiment de la population que le pouvoir politique et administratif est exercé par les « bonnes » personnes, selon de « bonnes » pratiques et dans l’intérêt commun. Cette adhésion profonde de la population et d’une société tout entière à la manière dont elle est gouvernée est une dimension essentielle de la gouvernance. Pour durer, celle-ci ne peut jamais, quelque soit l’autoritarisme d’un régime et l’importance des moyens répressifs à sa disposition, s’imposer par la pure contrainte ; elle doit rencontrer dans le cœur de la société un minimum d’écho et d’adhésion.</p><p class="TXT">La démocratie a toujours tendance à considérer qu’une gouvernance légale est automatiquement légitime puisque l’adhésion populaire aux formes d’exercice du pouvoir s’est manifestée par le vote majoritaire des Constitutions et des lois et que l’adhésion aux modalités concrètes de l’exercice de ce pouvoir se renouvelle périodiquement par les élections. La réalité est bien plus complexe que la théorie. Si, dans certains pays, la Constitution est l’acte fondateur de la communauté, dans beaucoup d’autres c’est un document pour spécialistes, mal connu du peuple et sans lien réel avec la pratique du pouvoir. Le jeu démocratique lui-même peut parfaitement faciliter une tyrannie des intérêts de la majorité, dans laquelle d’importantes minorités ne se reconnaissent pas. Dans beaucoup de pays, en Afrique, en Amérique Latine, en Asie, où le modèle de la démocratie parlementaire a été importé dans les valises de l’ancienne puissance coloniale, le nouveau système politique s’est superposé à des régulations anciennes, consacrées et légitimées par la tradition. Ces régulations anciennes ont été contraintes de se travestir ou de se dissimuler mais elles restent néanmoins vivantes. On le constate chaque jour, par exemple, avec la superposition des droits fonciers ou des modes de règlement des conflits.</p><p class="TXT">Au sein même des sociétés où est née la démocratie parlementaire on note un discrédit croissant de la politique, le déclin du respect de la chose publique, un décalage entre les modes d’exercice du pouvoir et les aspirations de la société ou la nature des défis à relever. C’est le révélateur d’un fossé en train de se creuser entre légalité et légitimité du pouvoir ; ce fossé, s’il persistait, serait une menace pour la démocratie elle-même.</p><p class="TXT">L’efficacité de la gouvernance et sa légitimité se renforcent ou se dégradent mutuellement. Pour être moteur d’une politique de développement un Etat, par exemple, doit être fort et respecté, doit pouvoir convier les acteurs à se mobiliser ensemble, faire respecter des règles, lever l’impôt, mobiliser l’épargne. Il ne saura le faire, régime démocratique ou pas, s’il n’est pas respecté. Et il n’est pas respecté s’il apparaît inefficace ou corrompu. Comment défendre l’idée d’une action publique renforcée si celle qui existe est jugée inefficace, conduite dans l’intérêt d’une minorité sans réel souci du bien commun ou si l’Etat impose des réponses à des questions qu’il n’a pas comprises ? Comment plaider pour l’action publique si l’administration est perçue comme peuplée de fonctionnaires au mieux bornés, au pire paresseux, incompétents et corrompus ?</p><p class="TXT">Renforcer la légitimité de la gouvernance, du local au mondial, constitue aujourd’hui un enjeu essentiel.</p><p class="TXT">La gouvernance, pour être légitime, doit réunir cinq qualités :</p><ul class="LIST DEPTH1"><li><p class="LI">répondre à un besoin ressenti par la communauté ;</p></li><li><p class="LI">reposer sur des valeurs et des principes communs et reconnus ;</p></li><li><p class="LI">être équitable ;</p></li><li><p class="LI">être exercée efficacement par des gouvernants responsables et dignes de confiance ;</p></li><li><p class="LI">appliquer le principe de la moindre contrainte.</p></li></ul><p class="TXT">Ces cinq qualités doivent se trouver à tous les niveaux de gouvernance. Je les illustrerai ici par le cas de la gouvernance mondiale car c’est elle qui, de toutes, fait face au plus grand déficit de légitimité.</p><p class="TXT">D’un côté les régulations actuelles ne sont pas à la hauteur des interdépendances de la société mondiale actuelle. De l’autre, toute initiative pour renforcer ces régulations peut ne rencontrer aucune adhésion populaire si la légitimité de celles qui existent déjà est sujette à caution. Or, c’est le cas : l’ONU est souvent perçue comme une mascarade coûteuse. Sa légitimité démocratique est limitée, coincée entre le droit de veto de quelques grands pays au Conseil de Sécurité et l’hypocrisie du principe « un Etat, une voix » qui fait semblant de mettre sur le même pied le Népal, le Burkina Faso et les USA. Même crise de légitimité pour la Banque Mondiale et le FMI, devenus dans la pratique des outils d’action des pays riches sur les pays pauvres. Les règles internationales énoncées par des autorités sans visage, sans mandat clair, sans instance de recours identifiable prolifèrent, minant l’autorité de ces règles et leur effectivité mais discréditant aussi à l’avenir la prétention d’en formuler d’autres, y compris dans les domaines où l’on dénonce la loi de la jungle et la prolifération des injustices. D’autant plus que la cohérence entre les actions des agences des Nations Unies n’est pas assurée et que les moyens financiers et réglementaires de promouvoir leurs idées et d’imposer l’application des règles qu’elles édictent leur font en général défaut. La gouvernance mondiale actuelle, principalement faite de relations entre Etats nationaux, cumule les déficits de légitimité : ceux qui tiennent au déficit de légitimité des Etats eux-mêmes et ceux qui tiennent aux modalités des relations entre Etats.</p><h3><span id="h1"></span>1. a) Répondre à un besoin ressenti par une communauté</h3><p class="TXT">Toute gouvernance crée un équilibre entre la protection de l’autonomie de chacun et les contraintes imposées au nom du bien commun. Dès que le bien commun perd de son urgence ou de son évidence, que les objectifs poursuivis sont obscurs, que les moyens d’atteindre ces objectifs ne sont pas transparents, les contraintes imposées au nom du bien commun perdent leur légitimité et chacun cherche à s’y soustraire. Tous les peuples ou presque connaissent des législations d’exception correspondant aux situations où la société se sent menacée et où cette menace justifie la suspension temporaire des libertés, un effort de solidarité fiscale particulière ou le sacrifice des vies humaines. La contrainte est acceptée en proportion de sa nécessité. On peut vérifier cette règle dans de nombreuses sociétés où la fraude fiscale est un sport national et où, pourtant, des communautés plus petites n’ont aucun mal à se cotiser pour réaliser un ouvrage d’intérêt commun. C’est pourquoi il est nécessaire de réduire au maximum les règles uniformes « venues d’en haut » , qui ne permettent pas à chaque communauté plus petite de se réapproprier la nécessité qui fonde ces règles. C’est pourquoi aussi nous avons souligné, à propos de la crise de la gouvernance, l’importance de référer toute règle au contexte et aux nécessités qui ont présidé à sa naissance.</p><h3><span id="h2"></span>2. b) Reposer sur des valeurs et des principes communs et reconnus</h3><p class="TXT">Nous avons vu à propos de l’éthique qu’il n’y a pas d’un côté des valeurs collectives, s’appliquant aux institutions, et de l’autre des valeurs individuelles, s’appliquant aux personnes. Les dilemmes des sociétés - entre liberté et bien commun, entre défense de leurs propres intérêts et reconnaissance de ceux des autres, entre paix et justice, entre préservation de l’identité et nécessité d’évoluer, etc… - se retrouvent au niveau des personnes. L’impératif de responsabilité n’est pas propre aux gouvernants ; il renvoie chaque personne et chaque acteur social à ses propres devoirs. Il ne peut pas y avoir d’un côté une morale publique et de l’autre une morale privée. Les plus belles Chartes du monde ne seront jamais que chiffon de papier si elles ne trouvent pas un écho dans le cœur de chacun. L’expérience des « codes de conduite », dans les entreprises par exemple, montre que c’est le processus collectif d’élaboration du code par l’ensemble des personnes auquel il s’appliquera qui en fait toute la valeur. Ce qui signifie en particulier que les principes de responsabilité, comme les droits de l’homme eux-mêmes, doivent être redécouverts, réinventés, génération après génération. Il n’y a pas de gouvernance légitime si la charte des valeurs ou le préambule de la constitution ne sont plus que des documents poussiéreux, bons tout juste pour les livres d’histoire, et si les gouvernants ne conforment pas leur comportement aux valeurs qu’elles proclament.</p><p class="TXT">C’est pourquoi la légitimité de la gouvernance dépend de son enracinement culturel. Chaque société a inventé au fil de son histoire ses propres modes de régulation, ses propres conceptions de la justice, du règlement des conflits, de la préservation du bien commun, du partage des ressources naturelles, de l’organisation et de l’exercice du pouvoir. L’art de concilier unité et diversité vaut pour la gouvernance elle-même puisqu’il faut concilier des principes universels et leur déclinaison dans chaque culture. Chaque communauté doit pouvoir dire comment elle entend s’organiser et se gérer pour atteindre les buts d’intérêt commun : pour gérer l’eau et les sols, pour organiser le partenariat entre acteurs, pour prendre des décisions, etc.. Loin d’être préjudiciable à l’unité d’une nation ou de la planète la réinvention locale des règles par une communauté est, un acte fondateur par lequel sont reconnues à la fois son identité (manifestée par des règles inventées en commun) et son appartenance à une communauté plus large (manifestée par la prise en compte de principes directeurs universels).</p><h3><span id="h3"></span>3. c) Être équitable</h3><p class="TXT">A l’échelle des individus comme à l’échelle des pays, la légitimité de la gouvernance repose sur le sentiment d’équité. Chacun, personne ou pays, puissant ou misérable, est-il également pris en considération et écouté ? chacun bénéficie-t-il d’un même traitement et des mêmes droits, est-il soumis aux mêmes contraintes, aux mêmes exigences et aux mêmes sanctions ? Quand ceux qui n’ont pas les savoirs, les revenus ou les réseaux d’influence suffisants constatent qu’ils ne sont pas dans la pratique en mesure de faire valoir leurs droits, quand les abus de pouvoir sont monnaie courante et les recours sont inefficaces ou dissuasifs par leur coût et leurs délais, le sentiment d’équité disparaît.</p><p class="TXT">Il importe souvent moins à une personne ou une communauté de savoir qu’une décision a suivi les voies légales que de vérifier que son point de vue a été écouté, entendu et pris en compte. Et c’est pourquoi les mécanismes démocratiques traditionnels, compatibles avec une tyrannie de la majorité, ne suffisent plus à garantir la légitimité de la gouvernance.</p><p class="TXT">Cette question de l’équité est au cœur des difficultés de la gouvernance mondiale actuelle. Certes, le temps d’une démocratie mondiale réellement représentative n’est pas encore arrivé mais on peut d’ores et déjà faire beaucoup mieux que le système censitaire inégal qui prévaut actuellement où les pays les plus riches ont, notamment faute d’une fiscalité mondiale, le monopole du pouvoir. Système censitaire où le G8 se pose en directoire du monde, les USA en censeur ou en gendarme, où le pouvoir des actionnaires - privés dans le cas des entreprises, publics dans le cas des institutions de Bretton Woods - l’emporte de loin sur le pouvoir des citoyens. Système où les technostructures des pays riches et des institutions internationales ont le monopole de définition des termes de la négociation.</p><p class="TXT">Pour être légitimes, les dispositifs de la gouvernance mondiale doivent avoir été réellement négociés avec toutes les régions du monde et être jugés équitables. Et, surtout, les priorités doivent correspondre aux préoccupations réelles des peuples les plus nombreux et les plus pauvres.</p><p class="TXT">Tant que ce qu’il est acceptable ou non de négocier est fixé par les seuls pays riches (par exemple la circulation des biens oui, la circulation des personnes non ; les modalités de développement des pays pauvres oui, la remise en cause du mode de vie des pays riches, non ; les permis négociables oui, la propriété des ressources naturelles, non, etc), la gouvernance mondiale et les contraintes qui en découlent ne seront acceptées par tous les autres que du bout des lèvres. Tant que les pays riches, souvent sous l’influence de leurs acteurs économiques, prétendent au monopole des concepts (par exemple dans la définition de ce qui est marchandise et ce qui est bien public) et des stratégies (par exemple la promotion de grands équipements ou de techniques sophistiquées au détriment de solutions socialement plus adaptées), les autres peuples ne se sentiront pas impliqués, ni même engagés par ce que leurs élites administratives et politiques auront éventuellement négocié en leur nom.</p><p class="TXT">L’équité commande, enfin, que les sanctions au non respect des règles soient dissuasives pour les plus puissants aussi. Ce n’est pas encore le cas, comme le montre l’exemple de l’OMC où les pays pauvres n’ont pas les moyens de connaître et de maîtriser la complexité des règles, de financer des actions contentieuses et, s’ils ont gain de cause, de faire appliquer des sanctions dissuasives contre un pays économiquement puissant. Pour que les sanctions le soient, elles doivent être automatiquement appliquées par l’ensemble des pays et pas par le seul pays lésé.</p><h3><span id="h4"></span>4. d) Être exercée efficacement par des gouvernants responsables et dignes de confiance</h3><p class="TXT">Au bout du compte et quels que soient les contrôles et les contre pouvoirs qui encadrent leur action et limitent leurs dérives c’est la légitimité des gouvernants - depuis les responsables politiques jusqu’aux fonctionnaires subalternes - qui fonde leur droit à imposer et à exiger au nom du bien commun. La légitimité d’un gouvernant, comme celle de tout détenteur de pouvoir, procède de plusieurs considérations : le pouvoir s’exerce selon les règles ; le pouvoir est dévolu à des personnes qui méritent de l’exercer (par leur naissance, leur histoire, leur compétence, leur expérience) ; le pouvoir est réellement utilisé au bénéfice du bien commun. C’est pourquoi la justiciabilité des gouvernants est essentielle, y compris au plan symbolique, pour garantir que ceux qui détiennent du pouvoir au nom de la communauté méritent la confiance placée en eux.</p><h3><span id="h5"></span>5. e) Appliquer le principe de la moindre contrainte</h3><p class="TXT">Comme la gouvernance impose à chacun contraintes, solidarités ou sacrifices au nom du bien commun, chacun doit pouvoir vérifier qu’ils n’ont pas été consentis en vain. Il n’y aurait pas d’art de la gouvernance s’il s’agissait seulement pour les citoyens de choisir entre plus d’unité et plus de diversité, entre plus de solidarité et plus de liberté. L’art consiste au contraire à obtenir à la fois plus d’unité et de diversité. Il pourrait se définir par le principe de la moindre contrainte : atteindre un objectif de bien commun en limitant autant que possible les contraintes imposées à chacun pour l’atteindre. La légitimité de la gouvernance sera d’autant plus grande qu’elle aura montré sa capacité à concevoir des dispositifs adaptés aux objectifs poursuivis.</p><h2><span id="h1"></span>1. Les fondements contractuels de la gouvernance et du partenariat</h2><p class="TXT">J’ai montré au début du chapitre pourquoi la nécessité objective, incontournable et urgente de construire une communauté mondiale dont chaque communauté de taille inférieure n’est qu’une partie conduisait, dans l’impossibilité de se référer à des mythes fondateurs communs, à reconnaître et réhabiliter les fondements contractuels de la société. Nous avons découvert progressivement les deux composantes essentielles de ce contrat : le principe de moindre contrainte, qui assure le maximum de liberté à chacun dans la limite du respect du bien commun, et le principe de responsabilité qui fait assumer à chacun les conséquences de ses actes vis-à-vis des autres en reconnaissant ainsi aux autres les mêmes droits qu’à soi-même.</p><p class="TXT">Nous avons vu aussi, en analysant les crises de la gouvernance, qu’il ne fallait pas opposer règles et contrats et que toute gouvernance combinait au contraire règles et contrats. Nous avons pris l’exemple de l’OMC, et des institutions financières internationales pour montrer qu’un fondement purement contractuel, associé à une dissymétrie des forces entre les parties contractantes, était contraire au principe d’équité. L’idée d’accords contractuels à l’intérieur de principes directeurs communs qui s’imposent à chaque contrat s’est révélée féconde. C’est le meilleur moyen, en reconnaissant la spécificité de chaque situation et en se fondant sur la créativité de chacun, d’ouvrir à l’infini la palette des moyens possibles d’atteindre les objectifs communs dont les principes directeurs sont l’expression.</p><p class="TXT">Il nous faut maintenant examiner la manière dont l’idée de contrat social peut venir fonder les relations entre les acteurs de la société. Question cruciale quand on prétend faire du partenariat entre acteurs un des fondements de la gouvernance.</p><p class="TXT">En apparence, la notion de contrat social est, dans notre univers consumériste, tombée en désuétude : le type de question qu’on aborde au lycée en étudiant Jean-Jacques Rousseau et que l’on s’empresse ensuite d’oublier. Une notion rangée sur les étagères de l’histoire, plutôt qu’une notion vivante, vivifiante et susceptible de guider notre compréhension du monde, nos propres conduites. A mon sens, cela tient notamment au fait que les contrats sociaux sont comme les règles : à en oublier l’histoire et le contexte dans lequel ils sont nés, on finit par en oublier les fondements eux-mêmes.</p><p class="TXT">Mais, dans le même moment, l’émergence de l’idée de responsabilité réhabilite l’idée de contrat. La charte des responsabilités humaines énonce comme une des dimensions de la responsabilité que celle-ci est proportionnée aux savoirs et aux pouvoirs et, comme nous l’avons vu à propos des ingénieurs et des scientifiques, la question de la responsabilité est de plus en plus présente dans la réflexion des milieux professionnels. La société confère à un certain nombre d’acteurs et de milieux un pouvoir, celui d’entreprendre, celui de chercher, celui de gouverner, celui d’enseigner, celui de cultiver mais à condition que ce pouvoir soit exercé dans un esprit de responsabilité.</p><p class="TXT">Mais dira-t-on, les codes de déontologie sont déjà innombrables ! Quel rapport y a-t-il entre déontologie, responsabilité et contrat social.</p><p class="TXT">Le rapport entre la responsabilité et la règle déontologique est le même que le rapport entre obligation de résultat et respect d’une règle uniforme. Tant qu’on s’en tient aux règles déontologiques, la conformité du comportement à ces règles exonère de toute interrogation sur les finalités et les impacts de l’action. Ce n’est pas le cas avec la responsabilité. C’est le résultat final qui compte et pas seulement la question de savoir si les actes ont été respectueux de règles juridiques ou de règles énoncées par un milieu particulier comme constituant « l’état de l’art ».</p><p class="TXT">Comment revivifier la notion de contrat social appliquée aux différents milieux sociaux et professionnels et sur quelles bases fonder les contrats futurs ? En revenant à l’histoire, aux contextes et aux défis qui ont délimité à un moment donné les libertés, les pouvoirs, donc des responsabilités des différents milieux. Ainsi, nous retrouverons les fondements implicites ou explicites du contrat, le contexte matériel et intellectuel dans lequel il a émergé et nous serons ainsi mieux à même d’en juger la pertinence et l’actualité. Puis, la traduction de la charte des responsabilités humaines aux contextes propres de chaque milieu permettra d’énoncer les responsabilités de ce milieu face aux défis du 21ème siècle. Enfin, à l’intérieur de ce cadre général, il sera toujours possible d’inventer à plus petite échelle, à l’échelle d’un pays, d’une région ou même d’une ville, les principes et pratiques particuliers qui fonderont localement le partenariat entre les acteurs.</p><p class="TXT">L’élaboration de Chartes des responsabilités spécifiques à différents milieux a été entreprise dans le cadre de l’Alliance pour un Monde Pluriel et Solidaire. On la trouvera sur le site de l’Alliance (<a class="LINK EXTERNAL" href="http://www.alliance21.org">www.alliance21.org</a> <img src="http://www.institut-gouvernance.org/IMG/external.png" />) . Je me bornerai à l’illustrer ici par deux cas : celui de l’activité scientifique et celui de l’université.</p><p class="TXT">L’activité scientifique a une longue histoire. Néanmoins, longtemps réservée aux prêtres, aux philosophes, aux oisifs et aux esprits curieux, elle est devenue à partir du 18ème siècle et surtout à partir du 20ème une composante majeure de la vie de nos sociétés. La question s’est donc explicitement posée de ce qu’il fallait faire de la recherche, des raisons pour la société de la financer, de ses finalités profondes, bref du contrat social entre l’activité scientifique et la société. Ce contrat est symbolisé par le dialogue qui a eu lieu aux Etats-Unis à la fin de la deuxième guerre mondiale entre le président américain, Franklin Roosveelt, et le président de la société américaine des ingénieurs, Vanevar Bush. Jacques Mirenovicz dans son livre1….rend compte de manière très vivante de ce dialogue. Conversion de la recherche militaire en recherche civile était un des volets de la reconversion de l’économie de guerre à l’économie de paix. Or, comme le rappelle Jean-Jacques Salomon dans son livre « la science et le guerrier » 2 les rapports entre science, technique et guerre ont toujours été profonds (à la différence près que dans les discours actuels, la notion de guerre économique a en partie succédé à la notion de guerre tout court). Le raisonnement suivi, qui fonde le contrat social actuel entre activité scientifique et société est en gros le suivant : seul le développement de la science fondamentale peut donner naissance à des innovations techniques. Celles-ci sont la condition de la création permanente de nouveaux besoins, donc de la prospérité économique. La prospérité économique qui est seule de nature à assurer la cohésion sociale (le traumatisme de la crise de 1929 était encore dans tous les esprits). La cohésion sociale est la condition de la paix. Donc, de fil en aiguille, l’activité scientifique se justifie par sa contribution à une paix durable.</p><p class="TXT">Qu’en est-il aujourd’hui ? ce contrat social de l’après guerre garde-t-il son actualité ? L’enjeu de la construction de la paix demeure aussi important qu’il y a 60 ans. C’est même un des trois objectifs communs sur lesquels fonder la gouvernance mondiale. Par contre, les liens entre science, développement économique et paix sont devenus beaucoup moins évidents. D’autres risques majeurs sont apparus : la fuite en avant dans l’innovation scientifique ; la disparition de la démocratie par l’incapacité croissante des sociétés à maîtriser leur avenir, qui dépend pour l’essentiel d’évolutions scientifiques et techniques sur lesquelles elles n’ont pas de prise ; le développement durable est devenu un enjeu essentiel et impose des approches territorialisées et systémiques auxquelles l’activité scientifique traditionnelle est mal préparée. Le risque de privatisation des connaissances et leur contrôle par de grands acteurs économiques dominants est devenu évident, etc.. Ainsi, la reconnaissance des sources historiques particulières du contrat social actuel amène, comme le recommandait déjà Hans Jonas, à désacraliser la science et la technique pour la réintroduire dans le champ du contrat social. Cela se fera par l’énoncé et l’adoption d’une Charte des responsabilités des scientifiques.</p><p class="TXT">Le même raisonnement vaut, mutatis mutandis, pour l’université. Le contrat social historique dans ce cas, a deux racines. L’une remonte à la réorganisation de l’université allemande au 19ème siècle. Elle construit l’enseignement universitaire autour de disciplines enseignées dans des facultés spécialisées. L’autre affirme que la liberté d’enseigner des universitaires est la condition du progrès. Qu’en est-il aujourd’hui ? A un moment où les problèmes sont par essence interdisciplinaires, considérer que l’enseignement spécialisé reste l’alpha et l’oméga, à charge ensuite pour les praticiens de se débrouiller pour relier les disciplines entre elles, relève de l’hypocrisie. L’importance des approches territoriales et des relations devrait amener à s’intéresser non seulement à l’élaboration de lois scientifiques universelles mais aussi et surtout à leurs différentes contextualisations. Enfin, la liberté universitaire ne peut justifier que chaque discipline se développe selon sa logique propre ; il appartient à la société de dire quels sont les défis qui doivent être prioritairement pris en charge. L’enjeu de la réinsertion de l’université dans la cité est devenu un enjeu majeur de gouvernance</p></div><p></p>
C.CF
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POUSSIERE D'OMBRES
tag:lesillon04.hautetfort.com,2018-11-02:6102034
2018-11-02T18:28:59+01:00
2018-11-02T18:28:59+01:00
« Aux gouts du livre » accueille tout le mois de novembre 2018, au...
<p>« Aux gouts du livre » accueille tout le mois de novembre 2018, au 2 place de l’Hôtel de ville à Manosque, « Poussière d’ombres » de Christian Charles-f. </p><p>Il s’agit d’une exposition d’assemblages illustrant ou /et influencés par des textes de Louis Aragon, Berthold Brecht, Patti Smith, Arthur Rimbaud, Giorgio de Chirico, Friedrich Nietzsche, Fernand Deligny.</p><p>Ces assemblages sont des collages en trois dimensions. Ils intègrent des objets rejetés, déboutés de toute utilité, exclus ; la plupart du temps en bois, dans un cadre géométrique qui les maintient en équilibre et en ombres portées. Hétéroclites, ils peuvent par intermittence ou par fragment révéler leur identité propre, et donner naissance à une réalité autre, plus mystérieuse, moins raisonnable, inattendue. <br /> La couleur noire est là pour brouiller les pistes et accentuer une sensation d’étrangeté, de surprise, absorber différences et poussières.<br /> Les textes auxquels il est fait allusion sont entrés en résonance avec une musique intérieure qui a tenu lieu de fil conducteur. Ils laissent percevoir un monde personnel, un ensemble de préoccupations ancré dans une réalité sans pardon.</p><p style="text-align: center;"><a href="http://lesillon04.hautetfort.com/media/02/02/3019601764.jpeg" target="_blank" rel="noopener noreferrer"><img id="media-5909513" style="margin: 0.7em 0;" title="" src="http://lesillon04.hautetfort.com/media/02/02/4167874850.jpeg" alt="Poussière d'ombres" /></a></p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Rabot métaphysique »</strong></span></p><p>Né en 1888 en Grèce, Giorgio de Chirico s’installe en Italie, puis à Munich où se trouvait la meilleure école des Beaux-Arts. Il y découvre Nietzsche et les tableaux énigmatiques d’Arnold Böcklin ("l’île des morts"). Influences décisives : sur les tableaux qui suivront, on retrouve les places désertes, les ombres allongées, les arcades ne donnant sur rien. Au loin, un train qui passe et une tour. Parfois, des personnages solitaires. Les perspectives sont extravagantes, les couleurs sont des aplats sans nuances, les statues sont esquissées. De Chirico expliquait : "Sur la terre, il y a bien plus d’énigmes dans l’ombre d’un homme qui marche au soleil que dans toutes les religions, passées, présentes et futures."</p><p>Si ses premiers tableaux, "les métaphysiques", encensés par André Breton et les surréalistes, sont célébrissimes, ils ne sont le fruit que de 9 années du peintre. Par la suite, pendant 60 ans, il a peint "autre chose" : des tableaux néoclassiques, des pastiches et des "replay" de ses propres œuvres. Toute une production généralement ostracisée depuis que Breton traita De Chirico de traître. Mais peut-on diviser un peintre en périodes à ce point radicales ? Qui décide qu’il fut génial ou nul ? Quelle est l’unité cachée, l’énigme ?...</p><p>A 23 ans, il s’est représenté dans la pose même de Nietzsche, de profil et pensif. Il légende : "Et quid amabo nisi quod aenigma est ?", "Et qu’aimerais-je si ce n’est l’énigme ?". C’est la clé de tout le parcours « du » Chirico défiant les analystes et les critiques.</p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Dans Les silences de la varlope »</strong></span></p><p><strong>« La varlope rabote la surface des choses et des êtres, dévoile ce qui ne se donne pas à voir d’un seul regard et donne à entendre jusqu’au son des silences. »</strong> <br /> La citation est tirée de La varlope des mots ou la visualité du langage chez Fernand Deligny Par Daniel Terral – pour la revue Empan.<br />Fernand Deligny est né en 1913 près de Lille, est mort à Monoblet (Gard) en 1996. Instituteur, collaborateur de Henri Wallon, puis éducateur de jeunes-difficiles, il a créé en 1948 « La Grande Cordée », réseau d‘accueil, dans les Auberges de jeunesse, de jeunes délinquants. Il croise la psychothérapie institutionnelle à La Borde puis crée en 1967 un lieu de vie dans les Cévennes où il reçoit des jeunes autistes, jusqu’à sa mort. Écrivain et poète il a publié : Graine de crapule (Scarabée-Ceméa), Adrien Lomme (Gallimard/Maspéro), Nous et l’innocent (Maspéro), Traces d’être et bâtisse d’ombre (Hachette).</p><p>Deux films ont été tournés à Monoblet : Le moindre geste et Ce gamin-là. Communiste insoumis, penseur exigeant, il a œuvré à l’écart de l’éducatif institué et normalisant, partageant sa vie avec les « inéducables ».<br /> Dans Graines de crapules, il écrit : « Une nation qui tolère les quartiers de taudis, les égouts à ciel ouvert, les classes surpeuplées, et qui ose châtier les jeunes délinquants, me fait penser à cette vieille ivrognesse qui vomissait sur ses gosses à longueur de semaine et giflait le plus petit, par hasard, un dimanche, parce qu'il avait bavé sur son tablier. »</p><p> </p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Interjection ! »</strong></span></p><p><strong>« Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. »</strong> <br /> In Ecce Homo </p><p>Friedrich Nietzsche est un philologue, philosophe allemand né au milieu du 19èm siècle.<br /> Il fait la découverte de Schopenhauer, puis il rencontre Wagner dont il est un admirateur et deviendra un intime. Mais, il se brouillera rapidement avec ce dernier, jugeant Parsifal comme le sommet de la dégénérescence de l'art allemand. Il connaît l'échec de ses publications. Il voyage alors entre l'Allemagne et l'Italie et poursuit son œuvre. Malgré quelque insuccès, Nietzsche n'abandonne pas, et écrit Ainsi parlait Zarathoustra, où prend naissance la notion de surhumain. Sa philosophie, à travers une morale cynique, dresse une affirmation de l'être et organise une violente critique du christianisme, allant jusqu'à affirmer que "Dieu est mort". L'effondrement des valeurs prédit par Nietzsche permettra de dénoncer le risque totalitaire. Son dernier ouvrage Ecce homo, où domine le sentiment de joie, sera suivi d'une crise de démence. Il vivra encore onze ans, sans avoir retrouvé ses esprits.</p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Hurry up », totem</strong></span> (Dépêchez-vous)</p><p>Cet assemblage est associé au poème de Louis Aragon "J'arrive où je suis étranger". Jamais ce poème sur la fragilité, n'a été aussi actuel. Il nous faut rejoindre les amis perdus, rejoindre les déracinés. Rencontré sur ce que l’on appelle « les réseaux sociaux », une remarque colle au poème : "Un libéral est une chose, mettez-vous bien ça dans le crâne : ce n'est pas votre semblable. Vous n'avez de commun avec lui que quelques chromosomes. Ce ne sera jamais votre frère en humanité. Un libéral est une coquille vide, toute substance humaine lui a été enlevée, remplacée par un idéal mortifère". Les vies qui nous distancent en longévité et qui se sont évaporées entre nos doigts, sous une caresse, peuvent réveiller cette humanité en voie de disparition pourvu qu’on leur dresse un totem.</p><p><strong>« Rien n'est précaire comme vivre</strong><br /><strong> Rien comme être n'est passager</strong><br /><strong> C'est un peu fondre comme le givre</strong><br /><strong> Et pour le vent être léger</strong><br /><strong> J'arrive où je suis étranger</strong><br /> Un jour tu passes la frontière<br /> D'où viens-tu mais où vas-tu donc<br /> Demain qu'importe et qu'importe hier<br /> Le cœur change avec le chardon<br /> Tout est sans rime ni pardon<br /> Passe ton doigt là sur ta tempe<br /> Touche l'enfance de tes yeux<br /> Mieux vaut laisser basses les lampes<br /> La nuit plus longtemps nous va mieux<br /> C'est le grand jour qui se fait vieux<br /> Les arbres sont beaux en automne<br /> Mais l'enfant qu'est-il devenu<br /> Je me regarde et je m'étonne<br /> De ce voyageur inconnu<br /> De son visage et ses pieds nus<br /> Peu à peu tu te fais silence<br /> Mais pas assez vite pourtant<br /> Pour ne sentir ta dissemblance<br /> Et sur le toi-même d'antan<br /> Tomber la poussière du temps<br /> C'est long vieillir au bout du compte<br /> Le sable en fuit entre nos doigts<br /> C'est comme une eau froide qui monte<br /> C'est comme une honte qui croît<br /> Un cuir à crier qu'on corroie<br /> C'est long d'être un homme une chose<br /> C'est long de renoncer à tout<br /> Et sens-tu les métamorphoses<br /> Qui se font au-dedans de nous<br /> Lentement plier nos genoux<br /> Ô mer amère ô mer profonde<br /> Quelle est l'heure de tes marées<br /> Combien faut-il d'années-secondes<br /> À l'homme pour l'homme abjurer<br /> Pourquoi, pourquoi ces simagrées<br /> Rien n'est précaire comme vivre<br /> Rien comme être n'est passager<br /> C'est un peu fondre comme le givre<br /> Et pour le vent être léger<br /> J'arrive où je suis étranger. »</p><p> </p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Just kids »</strong></span> (référence à Patti Smith)</p><p>A propos de « Just Kids »<br /> <strong>« (…) « On dit que les enfants ne font pas la distinction entre les objets vivants et inanimés. Je crois au contraire que si. Un enfant fait don à sa poupée ou à son soldat de plomb d'un souffle de vie magique. » (…)</strong> »</p><p>« A l'évidence, il ne s'agit pas d'un livre rock'n'roll. Le jour précédent la mort de Robert, je lui avais promis d'écrire un livre sur notre amitié, l'amour que nous nous portions. Donc mon but n'était pas d'écrire sur le rock. Ma route m'a menée au rock'n'roll, mais avant il y a eu Robert. Je voulais aussi écrire un livre sur la loyauté, la découverte de soi, que ce soit à travers la poésie, le rock ou la photographie. Et que cela inspire d'autres générations. Car même si Robert est mort jeune, du sida, il n'était pas autodestructeur. Nous voulions tous les deux vivre. » Patti Smith</p><p> </p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Glaneurs de rêves »</strong></span> (référence à Patti Smith)</p><p>Citations : <strong>« Je n’ai pas pleuré. La complexité de mes émotions était si profonde qu’elle me portait au-delà du royaume des larmes. »</strong><br /> Ou encore :<br /> « Comme nous sommes heureux lorsque nous sommes enfants. Comme la voix de la raison étouffe la lumière. Nous errons à travers la vie - une monture sans pierre. »</p><p>Dans Glaneur de rêves, Patti Smith invoque un âge, quand elle était “une enfant sombre aux jambes chétives”, où les limites du réel, encore mouvantes, engendrent des visions irréelles. De ces “vérités sauvages et nébuleuses”, elle tire un mystérieux flux poétique au sein duquel des lieux et des figures inquiétantes se déploient : des chiens sauvages, un très vieil homme “vendeur d’appâts”, un cimetière, une salle de bal et une grange noire peuplée de chauves-souris...<br /> Sans oublier les “glaneurs de rêves”, ces créatures étranges parées d’une cape, de bottes et vivant dans les nuages.</p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>Schwarzwald, totem</strong></span></p><p>Sur un autre poème, de Bertolt Brecht (1898-1956), celui-là. D’une actualité cruelle... La forêt noire en Allemagne, les ombres se déplacent et rodent en silence autour des fermes chaleureuses et isolées… La forêt s’est étendue…<br /> Après sa mort, Brecht reste une référence pour les tenants d’une gauche sans concession, et qui ont en particulier retenu sa citation : « Nos défaites d’aujourd’hui ne prouvent rien, si ce n’est que nous sommes trop peu dans la lutte contre l’infamie, et de ceux qui nous regardent en spectateurs, nous attendons qu’au moins, ils aient honte. »</p><p>« Quand ceux qui luttent contre l’injustice<br /> Montrent leurs visages meurtris<br /> Grande est l’impatience de ceux<br /> Qui vivent en sécurité.</p><p>De quoi vous plaignez-vous ? demandent-ils<br /> Vous avez lutté contre l’injustice !<br /> C’est elle qui a eu le dessus,<br /> Alors taisez-vous</p><p>Qui lutte doit savoir perdre !<br /> Qui cherche querelle s’expose au danger !<br /> Qui professe la violence<br /> N’a pas le droit d’accuser la violence !</p><p>Ah ! Mes amis<br /> Vous qui êtes à l’abri<br /> Pourquoi cette hostilité ? Sommes-nous<br /> Vos ennemis, nous qui sommes les ennemis de l’injustice ?</p><p>« Quand ceux qui luttent contre l’injustice sont vaincus<br /> L’injustice passera-t-elle pour justice ?<br /> <strong>Nos défaites, voyez-vous,</strong><br /><strong> Ne prouvent rien, sinon</strong><br /><strong> Que nous sommes trop peu nombreux</strong><br /><strong> À lutter contre l’infamie,</strong><br /><strong> Et nous attendons de ceux qui regardent</strong><br /><strong> Qu’ils éprouvent au moins quelque honte »</strong></p><p> </p><p><span style="font-size: 12pt;"><strong>« Vierge folle »</strong></span> </p><p>Vierge folle est écrit entre 1872 et 1873, période évoquant la vie que menèrent Rimbaud et Verlaine. Ce poème a été écrit après la séparation des deux poètes. <br /> La relation avec Verlaine débute en 1871, et se concrétise de Septembre 1872 à Avril 1873. Rimbaud rédigera Une Saison en Enfer bilan des aventures poétiques et spirituelles du couple Rimbaud / Verlaine).<br /> Une saison est une période très courte et « en enfer » marque la débauche de la violence des personnes, c'est un excès de leur vie. Rimbaud veut rompre cette damnation. Ce poème a été écrit après la séparation des deux poètes.</p><p>Extrait :</p><p>« (…) Je voyais tout le décor dont, en esprit, il s'entourait ; vêtements, draps, meubles : je lui prêtais des armes, une autre figure. Je voyais tout ce qui le touchait, comme il aurait voulu le créer pour lui. <strong>Quand il me semblait avoir l'esprit inerte, je le suivais, moi, dans des actions étranges et compliquées, loin, bonnes ou mauvaises : j'étais sûre de ne jamais entrer dans son monde.</strong> A côté de son cher corps endormi, que d'heures des nuits j'ai veillé, cherchant pourquoi il voulait tant s'évader de la réalité. Jamais homme n'eut pareil vœu. Je reconnaissais, -sans craindre pour lui, -qu'il pouvait être un sérieux danger dans la société. -Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu'en chercher, me répliquais-je. (…) »</p><p> </p><p><br /> </p><p><br /> </p><p> </p>
C.CF
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Une saison en enfer
tag:lesillon04.hautetfort.com,2018-10-15:6097019
2018-10-15T02:03:56+02:00
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