26/11/2014
L’art d’ignorer les pauvres
En complément à l'intéressante discussion qui a suivi la projection de «Se Battre» à L’Escale le 25 novembre, un texte, une préface de Serge Halimi à «L'Art d'ignorer les pauvres» de John Kenneth Galbraith (Les Liens qui Libèrent - Le Monde Diplomatique).
«Jonathan Swift suggérait qu’à défaut d’être dévorés à temps, les enfants de pauvres importuneraient les passants et dès l’âge de six ans s’emploieraient à les détrousser. En revanche, insistait-il, un «nourrisson de boucherie engraissé à point fournira quatre plats d’une viande excellente». Devant une telle alternative, comment hésiter ? Le satiriste irlandais ne connaissait pas les textes de l’OCDE, mais déjà à son époque les libéraux proclamaient que la loi du marché celle qui, dans l’Irlande du XIXe siècle, occasionnerait une des plus meurtrières famines de l’histoire de l’humanité résoudrait tous les problèmes, y compris ceux de la surpopulation. Une seule condition : qu’on la laisse jouer à plein. Ceux qui proposaient autre chose ne pouvaient être que de doux rêveurs ou de dangereux agitateurs.»
Serge Halimi.
Ce qu’il manque peut-être au beau documentaire de J-P. Duret et A. Santana : une approche économique de la misère, sous forme de satire, pourquoi pas, pour tordre le cou aux préjugés qui en font spectacle ou sinécure.
«Se Battre» illustre une série de combats individuels qui ont pour enjeu une survie tout aussi individuelle. C’est aussi, en creux, l'illustration d'un combat entre une utopie et une réalité très noire faite de ressentiments et de peurs mal dissimulées, une peste brune nourrie d’indifférence.
Impossible, dans ces conditions, d'attendre d'associations telles que la LDH, que celles-ci jouent un rôle d'entremetteur pour l'ogre libéral ou qu'elles empêchent sa marmite d'exploser.
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