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16/10/2015

Air - France, retour sur désinvestisement

Que se passe-t-il lorsque les philosophes professionnels veulent rejoindre les professionnels de la politique tout en faisant preuve de dilettantisme et d'arrogance ? A moins que l'arrogance et le dilettantisme soit une clef pour entrer en philosophie comme on entre en politique, Raphaël Enthoven vient de démontrer brillamment comment faire usage de quelques "moisissures argumentatives pour concours de mauvaise foi". Ce qui n'est pas pour contredire la société du spectacledécrite par Guy Debord et offre la possibilité d'organiser la diversion.

Air-France, le retour de la lutte des classes

« L’affaire de la chemise » remet la lutte des classes en pleine lumière.

On l’oublie souvent, même à gauche, il y a une lutte des classes. Elle se définit tout autant par son degré de conflictualité que par les divergences idéologiques qu’elle révèle.

Premièrement, il y a la violence symbolique, celle des managers qui, au nom de la rentabilité, peuvent rayer d’un trait de plume, la destinée des simples salariés. L’annonce des plans sociaux masque sous le vocable même la violence. La vidéo de la salariée qui se heurte à un mur d’indifférence des cadres supérieurs nous donne à voir cette violence là. La morgue et le déni des classes dirigeantes, sures de leur bon droit. On doit y ajouter les paroles mêmes du patron d’Air France, De Juniac, qui manifeste le même détachement lorsqu’il entend disserter joyeusement du fait que l’on pourrait faire travailler les enfants, ou qu’ailleurs on met en prison ceux qui réclament les droits sociaux.

Cette violence symbolique se traduit par l’inégalité de traitement entre les salariés et les puissants. Aussi bien Jean de Lafontaine, dans ses fables, que Trotski ; dans leur morale et la nôtre, nous avaient prévenus : riche ou misérable, la justice n’est pas la même.

« Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
LaFontaine

L’arrestation au petit matin des salariés d’Air France est sans commune mesure avec le traitement des dirigeants, entendus en « témoins assistés ».

Cette violence symbolique doit être présentée pour ce qu’elle est : une violence réelle. Celle qui licencie, celle qui, dans le cas des Conti, arrache « compromis » après « compromis » pour finir par licencier quand-même.

C’est pour mieux masquer ces violences là que les défenseurs de l’ordre libéral accentuent la dénonciation des violences ouvrières. La chemise devient affaire d’État. Les salariés sont des voyous, des criminels. Jamais on ne parle ainsi des délinquants en cols blancs. Pour une bousculade, pour une chemise, on assimile les révoltés à de grands délinquants. Le couteau entre les dents n’est pas loin… À cette
caricature des ouvriers, souvent montrés comme sales, brutaux, Chaplin, dans les temps modernes avait eu l’intelligence d’opposer celui d’une jeune femme souriante, se battant pour survivre, et n’hésitant pas pour cela à aller au-delà des convenances morales.

Cet événement a donc un double mérite : celui de nous rappeler la violence de la classe supérieure, et celui de nous montrer que les rapports de force ne se résorbent pas dans une « culture du dialogue », « un compromis acceptable ». C’est dans la lutte que se nouent les rapports entre classes. Cette lutte n’est pas désincarnée. Elle est ici réalisée dans la figure d’une chemise. Elle n’est pas nouvelle. C’est d’elle dont parlait Jaurès en 1895 :

« Il se peut que les ouvriers exaspérés par l’injustice et la misère se laissent aller à la violence par la violence. Au jour du danger je serai avec eux, devant eux, et si le gouvernement et les patrons ont le triste courage de faire tirer sur ces braves gens, coupables avant tout d’être républicains, que le sang versé retombe sur le triste régime qui, sous le nom usurpé de République aura préparé et toléré un tel crime. »