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14/01/2011

Soutien à la Tunisie

De nombreux appels ont été lancés pour qu’une alternance démocratique soit mise en place en Tunisie. Comment ne pas s’y associer ? Celui qui suit, signé Prochoix, est l’un des plus clair et concis.

Pendant ce temps, on aura noté l’extrême mauvaise foi de nos tours opérateurs gouvernementaux qui, soit se taisent et refusent de prendre position pour ne pas compromettre leur prochaines vacances chez leur ami Ben Ali, soit s’expriment de façon éhontée (1), soient continuent d’affirmer sans rougir que l’alternance n’est pas possible puisqu’il n’y aurait dans et pour ce pays aucune opposition capable de réagir.

Il n’y aurait pourtant qu’à permettre le retour en Tunisie de tous les exilés du général-président, ce qui serait en ces temps de « rilance », beaucoup plus rentable pour le budget de l’Etat sarkozien que d’exporter un savoir faire policier sur les plages d’Hammamet, Djerba ou les sables de Douz.
Les opposants au régime sont aujourd’hui en mesure de tenir les toutes dernières promesses piteuses et désespérées du dictateur encore en place et c’est eux, "les acteurs de la société civile tunisienne" , qu’il faut aider.

ALLIOT-MARIE propose d'aider la Tunisie dans la répression

Appel pour la solidarité avec le peuple tunisien, et pour une transition civile et démocratique

Au moment où des dizaines de jeunes tunisiens sont tués par la police, et des centaines gravement blessés, à la suite de plusieurs semaines de protestation pacifique, le gouvernement français – tout en poursuivant son soutien au régime dictatorial de Ben Ali et au pillage systématique du pays par sa famille – n'hésite pas, par la voix du ministre des affaires étrangère, à proposer le “savoir-faire” de la police française pour coopérer à la répression. C'est le déshonneur du gouvernement français. Nous demandons aux consciences en France et en Europe de sortir de leur silence pour refuser la complicité de leurs représentants avec des gouvernements qui font tirer sur des manifestants désarmés, et pour exprimer leur solidarité avec le peuple tunisien qui se soulève pour la liberté et pour la dignité.

Nous appelons les acteurs de la société civile tunisienne, qui disposent des intelligences et des forces politiques nécessaires – contrairement à ce que prétendent les ennemis de l'émancipation démocratique des peuples du Sud –, à s'unir pour offrir, très vite, la possibilité d'une transition démocratique, afin de ne pas donner prise au discours sur l'alternative entre “la répression ou le chaos”. C'est le moment de la responsabilité pour chacun et pour tous. © www.prochoix.org

02/11/2010

" Madame le garde des Sceaux, ...

Publié le 28 octobre 2010, par un syndicat de la magistrature tel qu’on l’aime :

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" Madame le garde des Sceaux,

Invitée hier matin sur France Inter, vous avez expliqué à votre manière, inimitable, le dépaysement de l’affaire Woerth-Bettencourt.


Gérald Dahan : lourdingue, mais réaliste !
Ca lui aura d'ailleurs valu d'être licencié illico par Ph. Val (source)


L’aplomb avec lequel vous leur avez livré ce conte pour enfants sages aura peut-être convaincu certains de nos concitoyens que, décidément, c’est la raison qui l’emporte et l’indépendance de la justice qui triomphe. Nous les invitons pourtant à dévider, avec vous, la pelote de fil blanc dont cette histoire est cousue.

Pour planter le décor, on retiendra d’abord de vos fortes paroles que « cette affaire n’est pas politique » et que « [vous] ne [voulez] pas qu’elle le soit ».

Nous voici donc sommés de comprendre que n’est pas politique une affaire dans laquelle un procureur de la République – qui ne dément pas ses liens avec le président de la République – enquête sur un financement illégal du parti de ce président ainsi que sur des trafics d’influence susceptibles de concerner un ministre et ce, alors même que des enregistrements ont révélé des liens directs entre ce même procureur et le conseiller justice de ce même président…

Que vous soyez désireuse d’ôter toute coloration politique à cette affaire ne surprendra personne ; avouez cependant qu’il fallait quand même oser aller aussi loin dans le déni !

Expliquant ensuite pourquoi le tribunal correctionnel de Nanterre, pourtant naturellement compétent, devait être désormais dessaisi de la procédure d’abus de faiblesse – qui fait l’objet d’un supplément d’information instruit par sa présidente – vous avez indiqué que « des soupçons se sont portés sur une juge », désignant à deux reprises cette présidente comme la cause de tous les maux affectant la juridiction nanterrienne.

Et sur le procureur qui s’est acharné à faire obstacle à ce supplément d’information, sur ce procureur qui mène seul, contre l’avis de tous et dans le secret, toutes les enquêtes dont cette procédure pour abus de faiblesse est la source, sur ce procureur qui explore les factures téléphoniques de sa collègue dans des conditions invraisemblables, ouvrant contre elle une enquête qui alimente opportunément les fameux « soupçons » dont on se saisit pour la… dessaisir : à l’égard de ce procureur, donc, aucun soupçon ? Allons, cherchez bien…

Expliquant encore pourquoi il avait fallu attendre si longtemps pour que des informations judiciaires soient ouvertes, vous avez déclaré que « ça n’était demandé par personne », que « ce sont les parties qui sont le plus directement intéressées » et que « si ça n’était pas demandé, c’est parce qu’il y avait des enquêtes qui étaient en cours et qui permettaient d’aller plus vite ».

Mélangeant allègrement les cadres juridiques respectifs des enquêtes préliminaires et de la procédure pour abus de faiblesse, vous voulez donc nous faire croire que le procureur de la République de Nanterre, maître de l’action publique et premier informé de tous les éléments justifiant l’ouverture d’une information judiciaire – information que toute la communauté judiciaire réclamait, procureur général près la Cour de cassation en tête – que ce procureur, donc, attendait servilement qu’une partie lui en fasse la demande ?

Glissons sur le fait que, si vous avez tenu à vous féliciter à plusieurs reprises de ce que « les enquêtes progressaient », les reproches adressés aux investigations du procureur de Nanterre n’ont jamais concerné leur lenteur mais bien le fait qu’elles se déroulaient dans l’opacité la plus totale et sans aucun autre contrôle que celui qu’exerçait le parquet général pour votre compte.

A propos de contrôle... Poursuivant votre démonstration du parfait fonctionnement de la justice jusqu’aux fâcheux « soupçons » venus disqualifier la présidente du tribunal correctionnel de Nanterre, vous vous êtes lancée dans une comparaison des garanties respectivement offertes par un procureur de la République et par un juge d’instruction, dont tout le sens visait à justifier la suppression du second au profit du premier. Vos auditeurs apprirent ainsi que « le juge d’instruction ne travaille pas sous le contrôle d’autres magistrats » et que « c’est l’un des problèmes avec l’Union européenne qui reproche qu’il n’y ait pas procès équitable lorsqu’une personne mène l’enquête et est juge de l’enquête ».

Sur le premier point, nos collègues des chambres de l’instruction, auxquelles faisait explicitement référence le journaliste qui vous interrogeait, seront heureux (ou pas...) d’apprendre que vous venez de les décharger de l’examen en appel des actes des juges d’instruction de leur ressort et du contrôle de leurs cabinets.

Sur le second point, votre propos est juridiquement aberrant à au moins deux titres, ce qui est doublement ennuyeux pour un ministre de la justice et mérite que l’on s’y attarde un peu.

Il est d’abord faux d’affirmer que le juge d’instruction est « juge de l’enquête ». Le juge de la légalité des actes de l’instruction, qu’il s’agisse des actes accomplis sur commission rogatoire ou de ceux réalisés par le juge d’instruction lui-même, est la chambre de l’instruction, seule compétente pour les annuler – le cas échéant à la demande du juge d’instruction, c’est dire ! – aux termes de l’article 170 du Code de procédure pénale. Le seul acte qui n’entre pas dans le champ de compétence de la chambre de l’instruction est l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui peut cependant être annulée par ce tribunal. Quant au fond, le juge d’instruction n’est évidemment pas juge de sa propre enquête puisqu’il est possible de faire appel de ses décisions et que le tribunal correctionnel peut ordonner un supplément d’information.

Il est ensuite faux d’affirmer que l’institution du juge d’instruction pose problème au regard du droit européen. La Cour européenne des droits de l’Homme – si c’est bien à elle que vous pensiez – a même affirmé le contraire dans le fameux arrêt Medvedyev c. France rendu par sa Grande chambre le 29 mars 2010 : « Les juges d’instruction (...) sont assurément susceptibles d’être qualifiés de “juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires” au sens de l’article 5§3 de la Convention » (paragraphe 128).

Vous le savez d’ailleurs parfaitement puisque le gouvernement français, représenté par vos services, a soutenu à Strasbourg que « si la Cour a jugé qu’un procureur ou un autre magistrat ayant la qualité de partie poursuivante ne pouvait être considéré comme un “juge” au sens de l’article 5§3, une telle hypothèse ne correspond aucunement au juge d’instruction », en prenant soin de rappeler que « la Cour a déjà jugé que le juge d’instruction remplit les conditions posées par l’article 5§3 (A.C c. France (déc.), n° 37547/97, 14 décembre 1999) » (paragraphe 114).

Enfin, vous occultez l’essentiel, à savoir la question de l’indépendance, qui est précisément celle du contrôle. Selon vous, qui du procureur de la République ou du juge d’instruction est sous le contrôle du pouvoir exécutif, que ce soit dans le régime actuel ou dans celui que vous prétendez instaurer à l’avenir ? Vous devez bien avoir une idée...

Vous le voyez, Madame le ministre, il eût sans doute mieux valu raconter la véritable histoire de ce dépaysement :

  • expliquer qu’il devenait impératif de dessaisir Isabelle Prévost-Desprez, non pas à cause de l’inimitié qui l’opposerait à Philippe Courroye et dont la mise en scène ne sert qu’à masquer les enjeux réels de ce dossier, en particulier l’impérieuse nécessité de garantir l’indépendance du ministère public, mais bien parce que ses investigations alarmaient de plus en plus le pouvoir exécutif ;
  • expliquer que ce dépaysement devait emporter celui des autres enquêtes et donc (enfin !) la désignation de juges d’instruction, à défaut de quoi l’inégalité de traitement entre les différents volets de l’affaire eût été inexplicable et la ficelle trop visible ;
  • expliquer que ce dépaysement général est finalement un moindre mal pour ceux qui ont si longtemps résisté à l’ouverture d’informations judiciaires, compte tenu du temps déjà gagné et de celui qui le sera encore, en attendant que les juridictions désignées, après avoir tout repris « à zéro » et fait face à la guérilla procédurale que le parquet ne manquera pas de continuer à mener, finissent un jour par être en mesure de statuer, idéalement après le printemps 2012...

Terminant en apothéose et bouclant la boucle, vous avez souhaité « que l’on s’abstienne désormais de continuer à vouloir faire de l’ingérence politique dans ces dossiers ».

Plutôt que de relever mesquinement qu’il y a donc bien eu, finalement, « de l’ingérence politique dans ces dossiers », nous vous disons seulement : chiche !

Nous vous prions d’agréer, Madame le garde des Sceaux, l’expression de la haute considération dans laquelle nous tenons vos fonctions.

Pour le Syndicat de la magistrature

Clarisse Taron, présidente "