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02/12/2011

La gangrène et l’oubli

Dans « La gangrène et l’oubli », Benjamin Stora écrivait en 1998 :
«La levée des sanctions à l’égard de responsables d’atrocités commises pendant la guerre d’Algérie interdit de vider l’abcès, puisqu’il y a effacement des repères qui distinguent entre ce qui est crime et ce qui ne l’est pas. (…)»

A partir de la fin de la guerre d’Algérie, les autorités françaises ont promulgué une succession d’amnisties et de grâces vis-à-vis des militaires qui avaient eu recours à la torture. Le général Bigeard en a bénéficié. D’après Gilles Manceron, membre de la LDH et rédacteur d’une de ses revue « Hommes et Libertés » :

« Ce furent d’abord les décrets promulgués lors des accords d’Évian, les 20 mars et 14 avril 1962, qui effaçaient à la fois les "infractions commises avant le 20 mars 1962 en vue de participer ou d’apporter une aide directe ou indirecte à l’insurrection algérienne", et celles "commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne". Puis vinrent quatre lois successives. La première, du 17 décembre 1964, concernait les "événements" d’Algérie et fut suivie, le 21 décembre, d’une grâce présidentielle pour 173 anciens membres de l’OAS. Celle du 17 juin 1966 amnistiait les "infractions contre la sûreté de l’État ou commises en relation avec les événements d’Algérie". Vint ensuite, en pleine crise de Mai 68 et liée directement à elle, la grâce du 7 juin 1968 concernant, cette fois, tous les membres de l’OAS qui étaient encore détenus ; elle fut suivie de la loi du 24 juillet effaçant toutes les infractions liées aux "événements" y compris celles "commises par des militaires servant en Algérie pendant la période". Cette loi, malgré le dépôt d’un amendement socialiste allant dans ce sens, ne stipulait pas encore la réintégration des intéressés dans leurs fonctions civiles ou militaires ni dans leurs droits à porter leurs décorations. »

torture algérie, bigeard, invalides

« Ce fut chose faite après l’arrivée de la gauche au pouvoir. Déjà, en 1965, l’extrême droite proche de l’OAS avait été appelée à se rallier à la candidature de François Mitterrand ; l’année suivante, un projet de loi déposé par Guy Mollet, Gaston Deferre et le même François Mitterrand avait proposé le rétablissement des condamnés de l’OAS dans leurs grades et leurs fonctions ; et, en 1972, le programme commun de la gauche ne comportait aucune référence ou allusion aux suites de la guerre d’Algérie ni à la lutte pour la décolonisation. Avant les élections présidentielles de 1981, des négociations menées par des proches du candidat François Mitterrand aboutirent à l’appel du général Salan à voter Mitterrand et, entre les deux tours, à celui de l’organisation de rapatriés le RECOURS à "sanctionner" Valéry Giscard d’Estaing. C’est donc bien dans la ligne de cette politique que fut votée le 3 décembre 1982 la dernière des lois d’amnistie réintégrant dans l’armée les officiers généraux putschistes et permettant même les "révisions de carrière" nécessaires à la perception de l’intégralité de leurs retraites. Cela, au nom de l’argument formulé par François Mitterrand : "Il appartient à la nation de pardonner." »

Aujourd’hui, il n’est donc plus question de pardonner, mais d’honorer carrément le général Bigeard, commanditaire de la torture en Algérie (!!!) et ce, malgré des témoignages sans équivoque.

Une des chevilles ouvrières de cette histoire aussi grotesque qu’abjecte est l’actuel ministre de la Défense Gérard Longuet, créateur à l’époque du Mouvement Occident (extrême droite).
Ne pouvant pas faire disperser les cendres du général au dessus de Dien Biên Phù, les autorités vietnamiennes s’y opposant, notre ministre a adressé une lettre à la fille du général, pour lui proposer que les cendres de son père soient transférées aux Invalides. Celle-ci a finalement donné son accord à ce transfert, pour lequel aucune date n’a encore été fixée, a-t-on précisé au ministère de la Défense (AFP (17/11/2011 à 18:34).

Bien qu’aucune lettre ne nous soit parvenue pour que nous donnions notre avis (!), nous pouvons l’exprimer en signant une pétition qui s’oppose à cette provocation.