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26/01/2015

A propos des élections grecques

Un mois de janvier tonitruant, mais de belles analyses comme celle qui suit même si tout reste à faire...

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A PROPOS DES ÉLECTIONS GRECQUES par Danielle Bleitrach le 26 janvier 2015

Il est évident que l’on a toutes les raisons de se réjouir du vote du peuple grec en mesurant bien le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir pour que se dessine une issue pour les pays d’Europe et pour la France. Nous avons entendu des choses terribles sur le peuple grec de la part des conservateurs, les fanatiques du néo-libéralisme. Mais ce peuple a une histoire, celle de sa propre libération des nazis, celle de la lutte contre le fascisme des colonels et celle aujourd’hui du refus d’une autre dictature celle des financiers, du marché, du FMI et j’ajouterai des marchands d’armes, ça aussi c’est une vieille tradition grecque.

Nous devons féliciter le peuple grec et nous réjouir avec lui. D’abord se réjouir du fait que le peuple grec face à la situation terrible qui est la sienne ait repoussé le fascisme, la solution du capital pour dévoyer sa colère. Le score d’Aube doré demeure néanmoins non négligeable et le fascisme reste implanté dans l’appareil d’État, comme il trouve toujours une assise dans les couches en voie de marginalisation rapide et appui dans le grand patronat..

Le peuple grec a dit non à l’austérité, non à la troïka, à la logique de l’UE. C’est le sens du vote en faveur de Syriza mais aussi en faveur du KKE qui sont les seules forces à progresser (voir répartition des votes dans l’ancien parlement et celui d’aujourd’hui)..

Le fait que dans un tel contexte le KKE ne régresse pas mais au contraire progresse est un autre signe de maturité politique et une chance pour l’avenir parce que ce parti représente la volonté de conserver l’organisation dans la jeunesse et dans les couches populaires. Il donne un contenu de classe à une aspiration encore confuse mais forte.

Parce que Syriza, outre la figure de son leader charismatique, qui s’est présenté comme le renouvellement total d’une classe grecque enfermée dans une alternative sans espoir entre le Pasok (PS) et la droite, demeure une coalition non dénuée de contradictions et c’est là-dessus que tablent les vieilles forces et le capital pour  détourner le choix du peuple grec.

Nous avons connu en 1981, avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir une telle espérance ; rapidement  celle-ci a été trahie, pire encore cela a été l’installation du néo-libéralisme, le règne des cadeaux au patronat et la grande rupture entre les couches moyennes et le prolétariat privé de ses organisations.

Le parti socialiste en France a très vite d’ailleurs prétendu s’approprier la victoire en soulignant que le programme de Syriza est plus proche de la social démocratie que de tout aspect révolutionnaire. Quand on sait la manière dont le PS, en particulier son représentant en Europe Moscovici a tout fait pour torpiller le choix du peuple grec on ne peut qu’être stupéfait d’un tel culot. Mais considérons le positif une fois encore : il est temps de ne pas suivre la ligne de Macron. Désormais François Hollande quand il négocie à Bruxelles a deux alliés anti-austérité, l’Italie et la Grèce et le mouvement dans l’Europe du sud va dans le même sens sous des formes parfois différentes, alors on attend des résultats à la hauteur de la joie du PS. De même sur la question de la paix, en particulier de nouvelles relations avec la Russie, là encore le mouvement pousse avec l’élection grecque dans un sens favorable puisque Syriza et le KKE ont manifesté leur refus d’une confrontation au cœur de l’Europe, de la fascisation ukrainienne..

Maintenant est-ce que l’on peut considérer qu’un changement réel est intervenu par rapport à la crise que vit l’UE? Il s’agit d’une crise structurelle: un appareil coupé des peuples et soumis aux intérêts financiers avec comme seul facteur de régulation un monétarisme et une soumission de plus en plus marquée aux Etats-Unis, à son bellicisme, à sa destruction systématique de toute forme de coopération mutuellement avantageuse. Marquer le refus de l’austérité et se prononcer pour la paix est un grand pas dont on doit se réjouir, mais le mal est trop profond, il faudra d’autres mobilisations, d’autres interventions populaires.

Un pas a été fait, il ne faut pas le sous-estimer, il permet en tous les cas de porter le débat sur des solutions, il rompt avec la fatalité dans laquelle l’alternance PS et droite prétend depuis des années enfermer les nations européennes et qui conduisait immanquablement au fascisme par désespoir et abstention des couches populaires. Mais le risque est là, Syriza est une coalition comme Podemos en Espagne, marqué d’abord par le désaveu de l’alternance mais aussi à la recherche d’une solution qui ne change pas réellement le système, une sorte de volonté d’accommodement dans le changement espéré. Depuis des années, y compris dans les printemps arabes et dans d’autres mouvements encore plus détournés et manipulés comme l’euromaïdan, le capital sait renverser les aspirations d’une jeunesse qui proteste contre l’absence d’avenir. Une jeunesse que l’on a habituée à la suspicion de toute force organisée, élevée aussi dans l’anticommunisme, des couches moyennes diplômées qui voient se dégrader leur situation, mais qui croient encore à un certain spontanéisme et qui s’écroulent quand le capital envoie ses troupes fascistes reprendre en main leur mai 68 d’un jour. Une tentative est faite avec cette élection de donner corps à ces aspirations, c’est une bonne chose.
Voilà dit rapidement où je crois que nous en sommes, tout dépend alors de la capacité non pas à critiquer mais à chercher les moyens de favoriser l’intervention populaire pour imposer ce pourquoi elle a voté. En Grèce mais aussi en France et il faut bien constater que nous sommes démunis et qu’une des grandes questions qui se pose à nous est celle de la reconquête de couches populaires tentées par l’abstention et d’autres dérives.

Danielle Bleitrach