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28/05/2016

Mineurs isolés étrangers

Mineurs isolés étrangers. Toute déclaration pourra être retenue contre vous !

mineurs isolés étrangers

En mars 2015, la cour d’appel de Paris rendait une décision stupéfiante en remettant en cause la minorité d’un jeune étranger isolé de 17 ans qui présentait, à l’appui de sa demande de protection, un acte de naissance et une carte d’identité authentifiés par les services de police. Pour dénier toute valeur probante aux documents établissant la minorité de ce jeune, les juges relevaient l’existence d’erreurs de chronologie dans le récit de vie qu’il avait livré lors de son arrivée en France, sa mauvaise volonté supposée à se soumettre à une expertise osseuse ainsi qu’une « allure » et une « attitude » différentes de ce qu’ils estiment être celles d’un adolescent de 17 ans.

Le jeune s’est pourvu en cassation contre cette décision qui, en dépit de toute logique, donnait plus de poids à l’apparence qu’aux documents d’état civil. La Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature et le Gisti se sont joints à son action. Peine perdue, le 11 mai 2016, les juges de cassation ont rejeté ce pourvoi.  

Pour valider – « sauver » serait un terme plus juste – la décision de la cour d’appel, ils ont dû passer sous silence les deux arguments les plus fallacieux utilisés par celle-ci pour contester la minorité de ce jeune : pas un mot sur l’expertise osseuse ordonnée mais finalement jamais réalisée, rien, non plus, sur l’invocation de l’apparence du jeune étranger à l’audience. Après l’adoption, en mars dernier, par le Parlement, d’une disposition prohibant l’utilisation de ces tests osseux en cas de présentation de documents d’identité valables ou en l’absence de l’accord de l’intéressé, il était en effet difficile de reprocher à un mineur de ne pas s’être soumis à un tel examen. Il était encore plus inavouable de retenir l’argument « à la tête du client », utilisé par les juges d’appel. Ne restaient plus que les incohérences, dans les déclarations du jeune.

Pour la Cour de cassation, les déclarations d’un adolescent suffisent à jeter le doute sur le contenu de ses documents d’état civil étrangers, même s’ils ont été jugés par ailleurs authentiques.

En pratique, les déclarations de ces jeunes étrangers qui arrivent en France livrés à eux-mêmes sont souvent décousues, parfois incohérentes, et cela se comprend aisément. Ils vivent seuls, souvent dans la rue et ont parfois subi de lourds traumatismes au cours de leur périple vers l’Europe semé de dangers en tous genres, de violences et de mensonges.

En autorisant les juges du fond à récuser si facilement les documents d’état civil étrangers, les juges de la Cour de cassation valident un système inique de tri des mineurs étrangers isolés dont les départements ne veulent pas assumer la prise en charge, alors qu’elle leur revient de droit.

Décidément, le maquillage juridique de politiques publiques féroces et discriminatoires envers les étrangers est un exercice facile.

Paris, le 26 mai 2016
Communiqué commun LDH et Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s (Gisti)

Organisations signataires :

  • Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s
  • Ligue des droits de l’Homme

18/05/2015

Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve

À un adolescent malien seul en France, porteur d’un acte de naissance et d’une carte d’identité établissant sa minorité, la cour d’appel de Paris rétorque que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » (décision CA Paris du 26 mars 2015). Une affirmation lourde de conséquence puisque la cour laisse ce jeune à la rue en refusant sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû, aussi, tordre le droit. C’est l’article 47 du Code civil qui a fait les frais de l’opération.

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L’article prévoit que tout acte d’état civil étranger fait foi sauf si d’autres éléments établissent qu’il est irrégulier ou falsifié. En l’espèce, aucune preuve ni aucun indice d’irrégularité ou de falsification des actes d’état civil du mineur n’étaient joints au dossier : au contraire, le service chargé de traquer la fraude documentaire les avait jugés authentiques ! Peu importe : le récit qu’il a fait de sa vie leur ayant semblé peu cohérent, les magistrats ont imaginé de soumettre cet enfant à une expertise osseuse.

Non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée, ils ont prévu qu’il devrait être assisté de son avocat ou « d’un professionnel » d’une association d’aide aux mineurs. Peu importe, encore, que l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés qui est en fait un collectif d’associations) ait toujours refusé de cautionner ces examens osseux dont la fiabilité est déniée par les plus hautes autorités médicales. L’enfant s’étant rendu chez le médecin muni d’un courrier de l’ADJIE disant ne pouvoir être présente, les examens n’ont pas été réalisés. Les juges en ont pris prétexte pour le rendre responsable du « défaut d’exécution » de l’expertise.

Le raisonnement est doublement fallacieux. D’abord parce qu’il impose à un jeune en détresse, qui ne parle ni ne lit le français, de coopérer à la démonstration d’une minorité que les juges devait tenir pour acquise. Ensuite parce qu’il le rend comptable du refus légitime d’un collectif associations de s’associer à cet acharnement dans la suspicion. Et ce, pour conclure sans trembler que, quoi qu’en disent ses actes d’état civil, ce jeune aura l’âge qu’il a l’air d’avoir.

« La chronique quotidienne de l’enfance malheureuse rappelle aux pouvoirs publics l’urgente nécessité de renforcer la protection civile des mineurs » affirme le préambule de l’ordonnance de 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. Aujourd’hui, parce qu’ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité en utilisant les expédients de pseudo-expertises ou en tenant les apparences pour preuve.

Alors que la communauté scientifique s’accorde pour dénier toute force probante aux tests osseux et dentaires, que les documents d’identité font foi, l’administration et la justice persistent à recourir à cette technique inepte. Il est plus que temps d’y renoncer.


Communiqué commun LDH –Gisti – Syndicat de la magistrature
Paris, le 15 mai 2015