19/03/2010
De la consommation à la contribution
Pas plus «tard» que le 18 mars à 22H45, Bernard Stiegler a été sollicité pour faire une lumineuse description de ce dont la téléréalité est capable dans le contexte économique actuel. Transcription vidéo à venir ? Rare aujourd'hui d'entendre un discours limpide, cohérent, réaliste et à travers lequel une lueur d'espoir semble pourtant percer. Ce discours, Bernard Stiegler le tient, notamment pour dénoncer les pouvoirs exorbitants tombés aux mains de la «télécratie», alors que le sujet déborde très largement ce cadre.
Tout y est cohérent, du moment où le consumérisme, considéré comme invariant dans la plupart de nos sociétés développées, y a été pointé et où une économie contributive peut mécaniquement remplacer un «capitalisme financier ultra-spéculatif» en perte d'audience quoi qu'on en dise.
Tout y est lié, du pouvoir de la télévision à la perte de confiance éprouvée par les individus étouffés et pris pour cible par un marketing sans maître ni limite, en passant par une remise en cause de ce qui fonde les espaces dits démocratiques par le biais d'un décervelage quasi universel.
Reste à faire passer le raisonnement et espérer que l'autocritique devienne un facteur d'innovation et de reconstruction des individus avant que le château de cartes dans lequel nous vivons ne s'effondre.
A la question : un nouveau modèle économique peut-il émerger de la crise actuelle, B Stiegler répond ainsi :
«Selon moi, ce qui est en train de disparaître, c'est un monde où il existe d'un côté des producteurs et de l'autre, des consommateurs. D'autres modèles commencent à se développer avec la révolution numérique. Sur Internet, il n'y a ni des producteurs ni des consommateurs mais des contributeurs. On entre dans la nouvelle logique de l'économie contributive, qui repose sur des investissements personnels et collectifs et qui crée une autre forme de valeur. Les exemples ne manquent pas, du logiciel libre à Wikipédia. Une récente étude de l'Union européenne pronostique que près d'un tiers de l'activité dans l'économie numérique fonctionnera sur un tel modèle d'ici trois ans. Mais il ne concerne pas uniquement l'informatique, il peut également se décliner dans l'énergie, avec les modèles décentralisés, la distribution alimentaire ou la mode...»
La vidéo qui suit fait aussi partie de ce discours que l'on aimerait entendre plus souvent de la part de ceux qui, à gauche, souhaitent constituer une réelle alternative.
Bio Express de Bernard Stiegler : Philosophe de formation, élève de Jacques Derrida, Bernard Stiegler est l'auteur de «Ré enchanter le monde», «Pour en finir avec la mécroissance», «Economie de l'incurie et économie de la contribution»... Parallèlement, il dirige le département culturel du Centre Georges-Pompidou après avoir exercé des responsabilités à l'INA et à l'Ircam.
Il sera par ailleurs intéressant de confronter le constat d'une économie contributive basée sur la contestation du consumérisme et l'appréhension de ses limites, tel que décrit par le philosophe B. Stiegler, avec le concept d'économie distributive énoncée par Jacques Duboin, parlementaire au temps de Raymond Poincarré qui, outre le partage équitable des richesses produites, fait entrer en jeu, d'autres notions, quantitatives, telles que la valeur d'échange basée sur le montant de la masse monétaire émise pendant une période donnée, et égal au prix total des biens mis à la vente.
Deux analyses vraisemblablement complémentaires.