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03/06/2014

L'europe de l'exclusion

L’AEDH - Association Européenne pour la Défense des droits de l'Homme - s’adresse au nouveau Parlement européen : faire le choix de l’Europe des droits

Les résultats des élections au Parlement européen ont une fois de plus, mais de façon accentuée, montré combien le cours suivi dans l’Union a semblé aux électrices et aux électeurs être à cent coudées de leur préoccupations, de leur vie et de leurs difficultés.

Europe, aedh
Hans Holbein, The Expulsion of Adam and Eve from the Garden of Eden,
woodcut, in Les Simulachres et Historiées Faces de la Mort, 1538.

L’Association européenne des droits de l’Homme doit prendre la mesure de ce que signifie ce vote pour la démocratie.

Non seulement l’abstention reste très forte, mais plus encore l’envoi au parlement européen de représentants qui se réclament ouvertement de l’exclusion et très concrètement d’un traitement discriminatoire des résidents des États tiers, est l’agrégation d’une part d’un désaveu de la politique majoritaire, et d’autre part de stratégies carrément opposées à n’importe quelle construction européenne. Ainsi en plus des 6 électeurs sur 10 qui ne se sont pas déplacés, la victoire semble être celle des idées courtes : la chasse aux immigrés, la sortie de l’euro, le retour au simple marché, la fermeture des frontières... Comme si la concurrence de tous contre tous à tous les niveaux, locaux, nationaux, européens, voire mondiaux allait créer suffisamment de richesses dont le ruissellement naturel finirait par tomber sur les pauvres, pourvu qu’elles et ils soient blancs, chrétiens – tout du moins pas musulmans ! – et européens de « souche »... En France, en Hongrie, au Danemark, en Suède, en Grande-Bretagne, et ailleurs des forces politiques xénophobes, racistes, nationalistes, voire anti-sémites, ont travaillé des corps sociaux en souffrance face à la crise en leur offrant des solutions de misère intellectuelle et politique dont nombre de pays d’Europe ont déjà fait l’expérience.

Partout en Europe des forces progressent en exigeant d’exclure des populations entières des politiques d’égalité et de solidarité. Là ce seraient les immigrés qui abuseraient des prestations sociales, là ce seraient les chômeurs qui seraient des fraudeurs, là ce seraient les Roms qui seraient des voleurs par nature, là ce seraient les Flamands qui ne voudraient plus partager avec les Wallons, là ce seraient les Italiens du Nord qui ne voudraient plus des pauvres de leur Sud… L’imaginaire des prestataires de solutions gisant dans l’exclusion des plus pauvres, des plus faibles, des plus précaires est sans limite. Ces forces s’adressent à ceux qui voient leur situation se dégrader et surtout à ceux qui redoutent d’être les prochaines victimes d’une économie qui ne répond pas aux besoins de ceux qui sont en difficulté. Ces craintes, réelles ou supposées, font se retourner contre ceux qui sont les plus proches, qui partagent les mêmes situations, mais qui ne pourront pas bénéficier de cette infâme politique proposée, la préférence, locale, nationale, européenne. Si ces discours qui mettent en cause l’accès universel aux droits économiques, sociaux, environnementaux, civils et politiques trouvent une oreille chez un nombre croissant de nos concitoyens, c’est que les politiques publiques, européennes et nationales ne garantissent pas un avenir de solidarité.

Malgré ce désenchantement manifeste vis à vis de la construction européenne, les dirigeants qui peuplent les sphères de gouvernement de l’Union européenne continuent sous des formes pathétiques à la défendre. L’un remarque que les partis sérieux, c’est-à-dire de gouvernement, reste majoritaires et qu’il n’y a aucun problème dont une bonne coalition ne viendra pas à bout. L’autre dit qu’une absence de décision peut constituer une bonne politique à long terme. Un troisième pleure qu’il s’agit d’un message, d’une alerte, mais qu’il convient de durcir la même politique concédant ici ou là quelque autre forme. Le quatrième se lamente de la montée des « populismes » de droite et de gauche – autrement dit ceux qui ne comprennent pas qu’il n’y a pas d’alternative. Le dernier conclura que décidément on ne fait pas de politique avec des droits... et que le mieux est encore de retourner au partage des postes sans rien changer, ni dans les institutions, ni dans les politiques.

L’AEDH s’inquiète tout autant de cet aveuglement que du désenchantement des citoyennes et des citoyens européens. Si l’Union européenne connaît un tel désaveu, c’est surtout le résultat du comportement irresponsable de la plupart des gouvernements qui, alors qu’ils font la politique au sein du Conseil de l’Union européenne, rejettent ensuite sur « Bruxelles », un monstre indéterminé, les responsabilités de la politique d’austérité et des contraintes économiques, financières, réglementaires qu’eux-mêmes ont imposées, considérant les conséquences sociales comme un dégât collatéral inévitable.

L’Europe a besoin de plus de démocratie, de plus de politiques publiques qui répondent aux effets sociaux du fonctionnement de l’économie. L’Europe aspire à plus d’égalité et de solidarités. L’AEDH proclame qu’il n’y a de voie que dans les droits. C’est le sens de son Manifeste commun aux 31 organisations qui la composent et issues de 22 pays membres de l’Union et de la Suisse. Elle appelle toutes et tous à l’entendre, et à le suivre.

Communiqué de l’AEDH
Bruxelles, le 2 juin 2014