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29/01/2014

Les étrangers antifascistes à Marseille

Autour de Gilberto Bosques Saldivar
Un recueil de documents et de témoignages inédits sur la résistance au fascisme et au nazisme en Provence pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les étrangers antifascistes, antinazis et républicains chassés de leur pays par les dictatures, furent très nombreux en Provence et à Marseille.

Etrangers antifascistes à Marseille, Bosques Saldivar

Parmi eux il en est qui ont mené combat contre le fascisme et le nazisme sur le sol méridional, jouant un rôle non négligeable dans la lutte contre l'occupant.
Tous ont trouvé en Gilberto Bosques Saldivar (1892-1995), consul du Mexique en France et vétéran de la révolution mexicaine, un appui indéfectible. L'ouvrage, qui fait suite à une journée organisée le 11 octobre 2013 aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (dans le cadre du colloque "La culture de l'Europe en exil, Marseille, 1940-1944"), présente quatre cas emblématiques, au travers de témoignages.

  • Tout d'abord, celui de la jeune résistante autrichienne Mélanie Berger (née en 1921) qui, avec son groupe, œuvrait à la démoralisation des troupes allemandes. Arrêtée par la police de Vichy, lourdement condamnée par les juridictions d'exception de l’État français, incarcérée dans la prison des Baumettes, elle parvint toutefois à s'évader et à reprendre le combat.
  • Les mineurs espagnols de Meyreuil offrent un autre exemple d'engagement.Ces immigrés républicains faisaient partie du 6e GTE (groupe de travailleurs étrangers), structure crée par l’État français dans un but répressif et pour pallier au manque de main-d’œuvre. Ils s'organisèrent pour survivre, mais aussi, clandestinement, pour mener grèves et actions collectives. Leurs enfants, qui ont effectué un important travail de collecte de témoignages et de documents, évoquent ici leur vie à Meyreuil.
  • Le jeune communiste italien Giuliano Pajetta fut parmi les bénéficiaires d'un visa délivré par le consul du Mexique. Mais il choisit de ne pas partir pour les Amériques, s'évada du camp des Milles, relança l'action de son parti en Provence. Combattant en Italie, déporté à Mauthausen, il échappa à la mort. Sa fille Elvira, retrace son itinéraire de résistant, en Espagne, en France et dans son pays natal.
  • Une part importante de l'ouvrage est consacrée à Gilberto Bosques Saldivar, consul général du Mexique à Marseille et à son rôle essentiel dans le sauvetage de centaines de républicains espagnols, de combattants des brigades internationales et "d'indésirables", qu'il a pu faire partir pour le Mexique. Les deux filles du consul Bosques, Laura et Maria-Teresa, portent témoignage de son action, mais aussi de leur enfance à Marseille.
    Enfin, Gérard Malgat, auteur d'un important ouvrage sur Gilberto Bosques, apporte l'éclairage du biographe.

L'auteur : Robert Mencherini est historien spécialiste de l'histoire du monde et du mouvement ouvriers et participe à plusieurs équipes de recherche régionales et nationales. Il a coordonné l'écriture de cet ouvrage. Lequel fait suite à la Journée organisée par l'association PROMEMO avec le soutien du CG 13, de l'Office national des Anciens combattants - Victimes de Guerre des BdR (ONAC-VG), de l'Ambassade du Mexique en France, en partenariat avec l'association des Amis du Musée virtuel de la Résistance en PACA (MUREL), de l'association des anciens combattants de la Résistance (ANACR Marseille), de l'association Solidarité Provence Amérique du Sud (ASPAS) et des enfants de Républicains espagnols de Meyreuil.
L'ouvrage est actuellement en souscription (jusqu’au 4 mars) aux éditions Gaussen à Marseille.

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29/09/2012

Réquisition d’entreprises, septembre 44

C’est sous le titre de « Rendre au travailleur ses outils » que le journal Le Méridional (N°13 du 23 septembre 1944) a pu tenir des propos très proches de ceux développés aujourd’hui par tous ceux qui, à l’instar d’une gauche réelle, s’indignent du rôle joué par les détenteurs de capitaux qui n’ont d’égards que pour les profits boursiers et que mépris pour les artisans de l’économie réelle.

Le fait est d’autant plus étonnant qu’au bout de quelques années, la ligne éditoriale de ce journal  , un temps propriété du maire de Marseille, Gaston Deferre, a ouvert ses colonnes à une droite extrême. (À la Libération, en 1944, Le Méridional est le journal de la démocratie chrétienne depuis sa fondation en septembre. Racheté en 1947 puis fusionné en 1952 avec La France de Marseille par les soins de l’armateur Jean Fraissinet, il devient un « journal de la droite dure ». Il tire à l’époque à 100 000 exemplaires. Source : Jean Contrucci et Roger Duchène, Marseille, 2 600 ans d’histoire, Paris, Fayard, 1998)

Grâce à Robert Mencherini  , Professeur des Universités en histoire contemporaine , venu exposer dans le cadre des assemblées citoyennes de Manosque ce que furent les «réquisitions d’entreprises à Marseille», le texte qui suit est une entrée possible pour accéder à cette histoire de l’immédiat après-guerre, exemplaire à plus d’un titre.

Parmi les protagonistes et en première ligne, les ouvriers qui permettront à l’économie locale de redémarrer. Par leur lucidité, leur courage et leurs qualités humaines, ils s’opposent à leurs anciens patrons qui n’ont pas hésité à collaborer pour réaliser de honteux profits sous l’occupation.

Sollicités par Raymond Aubrac, jeune commissaire de la République convaincu d’avoir à appliquer les directives du Conseil National de la Résistance, 15 000 salariés permettent ainsi à une quinzaine d’entreprises marseillaises, autogérées par eux, de participer au rétablissement des activités du port de Marseille et de la région.

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Raymond Aubrac 

 « Rendre au travailleur ses outils »

« Huit des plus grosses entreprises industrielles de Marseille ont été réquisitionnées, les dirigeants mis dehors, de nouveaux directeurs ont été nommés, ils seront assistés d’un Conseil de membres du personnel et de représentants du Capital.

Cette mesure était justifiée par le passé récent et ancien de ces grosses maisons. Elle sera accueillie comme un pavé dans la marre des trusts où croassent d’innombrables grenouilles. On verra les ordinaires domestiques de l’argent roi s’élever contre elle avec de grands mots qui ne couvrent rien que des intérêts particuliers.

Mais de cette courageuse innovation, il faut tirer deux leçons.

D’abord, elle ne doit être considérée que comme un commencement exemplaire. Il faudra aller plus loin et débrider complètement l’abcès d’un capitalisme tentaculaire. A la faveur de cette libération qui a trempé les énergies et épuré les intentions, il faut reconsidérer tout le système économique et social de notre pays. Il est incontestable que le travail a sur la production des droits qui passent avant ceux du capital. Quelle que par, soit l’origine de l’argent investi, qu’il soit lui-même le fruit du travail, qu’il provienne d’un héritage où qu’il soit de nature plus ou moins fictive, plus ou moins légale, ne change rien à la chose. Si l’épargne devait servir en définitive à opprimer le travail, c’est que l’épargne serait à réformer elle-même. L’outil en principe n’est qu’un prolongement de l’homme, la machine comme la pelle ou la pioche. La machine n’existe pas en soi, elle n’est par nature qu’un enrichissement des moyens humains. Les moyens de production sont au travailleur avant d’être au capital. Le seul rôle de l’argent est de faciliter : de lui-même, il ne produit rien. Les œuvres des hommes sont toujours issues de leur cœur, de leur esprit et de leurs muscles. On dit : le machinisme est inhumain… ? C’est prendre le problème à l’envers. Ce qui est inhumain, ce n’est pas le machinisme, c’est la dépossession du travailleur. Qui a tiré de la mine le charbon et le minerai, qui a façonné les outils, qui a monté la machine ? Le travail et le travail seul. Qu’a fait le capital ? Il a avancé la paye des ouvriers jusqu’au jour où la machine a produit et, comme ce jour-là les ouvriers n’ont pu rembourser pour la raison que leur salaire leur avait servi à vivre, le capital a dit « la machine est à moi ». Rôle de banquier, de prêteur sur gage, c’est tout. Il n’est pas une chose faite par les hommes qui ne soit le pur produit de la main-d’œuvre.

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La seconde leçon à tirer est celle-ci : depuis que le machinisme est roi, une rupture de contact s’est révélée entre le travailleur et les moyens de production –et comment en aurait-il été autrement ? Un véritable abîme s’est creusé entre l’entreprise et la main-d’œuvre. Si le personnel veut reconquérir les moyens de production, il lui faut d’abord combler cet abîme. Et c’est à ce titre que les Conseils mixtes institués hier à Marseille sont précieux. Ils doivent être des écoles au sein desquelles les ouvriers seront amenés à réapprendre leurs métiers de producteurs, à reconsidérer les problèmes économiques et financiers. Pour cette tâche il faudra aux délégués du personnel, non seulement une grande bonne foi et une parfaite loyauté, mais aussi du courage. Ils devront parfois discuter les positions du capital investi dont certains intérêts sont respectables –ceux de l’épargne notamment. Ils devront aussi peut-être savoir prendre leurs responsabilités devant leurs camarades en faveur de la communauté. En exerçant pleinement leurs droits, tous doivent prendre conscience de leurs devoirs.

Le sang-froid, la discipline, le renoncement aux intérêts particuliers devant l’intérêt général sont la condition absolue d’un succès en quoi le monde du travail met tout son espoir et toute sa confiance. »

L’expérience qui n’aura duré que de 1944 à 1947, aurait pu être prolongée sans le temps et sur l’ensemble du territoire si la classe politique s’était évitée l’ambigüité de ses prétentions viciées par d’illégitimes conflits d’intérêt.

Aujourd’hui encore, la dictature ayant changé de visage, les réquisitions d’entreprises, même réaménagées, pourraient constituer une réponse aux plans sociaux qui se succèdent. Sauf que, les bonnes intentions du ministre délégué à l’ESS  (économie sociale et solidaire et à la consommation) - Benoit Hamon - paraissent bien insuffisantes en regard des pressions exercées par les détenteurs de capitaux, leurs lobbies et la mollesse sociale-démocrate du gouvernement auquel il a accepté d’appartenir.

Opus à consulter :