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29/12/2015

CONTROLE DE L'ETAT D'URGENCE

Pour répondre à la peur, instrument du pouvoir, il est de notre devoir d’agir et de dénoncer avec force les schémas et stratégies réductrices assimilant celles et ceux qui combattent le libéralisme et les inégalités qui s'en suivent, à des ennemis de la République, à des terroristes ou à des délinquants !

Pour nous, membres de la Ligue des Droits de l'Homme, c’est définitivement non !

Non au projet de déchéance de la nationalité, non à une démocratie sous état d’urgence, non à une réforme constitutionnelle imposée sans débat, en exploitant l’effroi légitime suscité par les attentats.

Nous n’acceptons pas la gouvernance de la peur, celle qui n’offre aucune sécurité mais qui assurément permet de violer nos principes les plus essentiels.

Notre rejet est absolu. Nous appelons tous ceux et celles qui partagent une autre idée de la France à le manifester.

Etat d'urgence, 13 novembreIllustration tirée de l'Institut Coopératif de l’Ecole Moderne – Pédagogie Freinet
Vence – dessin d’un enfant du CP « La peur, j’adore … »

Signez la pétition

 

A la suite des attentats du 13 novembre 2015, l’état d’urgence a été décrété et prolongé jusqu’au 26 février 2016. Il prévoit 13 mesures exceptionnelles (liste en bas de l'article).

L’Assemblée nationale déploie un dispositif inédit de contrôle et d’évaluation de l’application de ces mesures, dans le cadre duquel la CNCDH, autorité administrative indépendante, est appelée à jouer un rôle majeur pour veiller au respect des libertés et droits fondamentaux.

La CNCDH, lance un appel à l’ensemble des associations de défense des droits de l’homme, et plus largement à l’ensemble des citoyens, afin d’être informée des abus/dérives qu’ils constatent voire subissent lors de la mise en œuvre des mesures relatives à l’état d’urgence.

(Formulaire en ligne)

En sa qualité d’Institution nationale des droits de l’homme accréditée par les Nations unies, la CNCDH a pour mission permanente et générale de contrôler le respect par le Gouvernement français des engagements internationaux en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Vigilante quant à l’effectivité des droits protégés par les conventions internationales contraignantes, la CNCDH a également pour mission d’alerter les organes des Nations unies et du Conseil de l’Europe en cas de manquements.

Les informations transmises seront anonymisées et auront vocation à informer les députés ayant en charge ce contrôle de l’état d’urgence.

Cet appel, dans les circonstances exceptionnelles actuelles, vise à s’assurer de la continuité de l’État de droit et à faire remonter aux parlementaires les constatations de dérives ou d’abus.

Plus largement, les informations transmises nourriront les analyses de la CNCDH à l’heure où d’autres projets de textes constitutionnel et législatif sont envisagés. Elles permettront aux Parlementaires d’appréhender les conséquences du vote de ces futurs textes au regard de l’impératif de protection des libertés et droits fondamentaux.

La CNCDH rappelle qu’elle a vocation, non pas à traiter les demandes individuelles, mais, du fait de sa mission de conseil auprès du Gouvernement et du Parlement, à éclairer la décision publique ainsi que, du fait de sa mission de contrôle, à alerter les organes du Conseil de l’Europe et des Nations unies.

La CNCDH invite en conséquence tous ceux qui le souhaitent à renseigner le formulaire en ligne pour lui faire part d’informations ou de témoignages.

Les 13 mesures exceptionnelles liées à l'état d'urgence  (LOI n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions) 

  • Interdiction de circulation des personnes ou des véhicules
  • Institution de zones de protection ou de sécurité
  • Interdiction de séjour
  • Assignation à résidence
  • Interdiction, pour la personne assignée à résidence, de se trouver en relation avec certaines personnes
  • Placement sous surveillance électronique mobile
  • Dissolution d'associations ou groupements
  • Fermeture provisoire de salles de spectacle, débits de boissons ou lieux de réunion
  • Interdiction de réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre
  • Remise des armes et munitions
  • Perquisitions
  • Perquisitions par un système informatique ou équipement terminal
  • Interruption de tout service de communication au public en ligne

23/01/2015

Combattre le terrorisme, ce n’est pas restreindre les libertés

Le peuple de France est descendu dans la rue pour dire non au terrorisme et défendre les libertés. L’un et l’autre. Dans ce qui est devenu une sorte de réflexe pavlovien, la classe politique française souhaite ajouter encore à l’arsenal législatif de nouvelles mesures contre le terrorisme. Alors même que quinze lois ont été adoptées depuis 1986 et que les décrets d’application de la dernière ne sont pas publiés, notre sécurité serait, en effet, mieux assurée par de nouveaux pouvoirs confiés aux forces de l’ordre. Il n’en est rien. C’est un mensonge de prétendre que les dramatiques événements que nous venons de vivre seraient la conséquence d’une insuffisance législative. Il est exact en revanche que la déficience de moyens, les erreurs d’analyse, même si le travail des forces de sécurité française reste remarquable, méritent débat ; mais rien ne justifie les nouvelles dispositions envisagées.

La LDH regrette qu’après l’élan du 11 janvier, ces réponses sécuritaires restent la seule voie empruntée par les pouvoirs publics.

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C’est d’une autre ambition dont nous avons besoin : de réponses de fond qui permettent de comprendre comment notre société a pu faire que de tels actes soient commis ; pas pour excuser, encore moins pour absoudre, mais pour éviter réellement qu’ils ne se reproduisent. Nous avons besoin surtout de réponses préventives. Toutes doivent renforcer l’esprit et la lettre de notre démocratie.

La LDH appelle les citoyens à ne pas se laisser enfermer dans le cercle de la peur. Elle les invite à rappeler aux pouvoirs publics, à la représentation politique française qu’à chaque fois que nous avons concédé de nos libertés, il s’en est suivi moins de démocratie, sans pour autant nous assurer plus de sécurité.

La fraternité qui s’est exprimée le 11 janvier exige un autre horizon que celui que l’on nous propose.

Communiqué LDH

Paris, le 13 janvier 2015.

Second communiqué

Mesures contre le terrorisme : approbation partielle, rappel aux principes et vigilance totale

La Ligue des droits de l’Homme apprécie à sa juste valeur politique que le gouvernement n’ait pas cédé à la surenchère législative et réglementaire que réclamaient les partis de droite, le FN, et autres partisans d’une « guerre de civilisation ». La restriction des libertés n’a jamais favorisé une meilleure sécurité, comme l’atteste le bilan du Patriot Act américain.

La Ligue des droits de l’Homme considère que le plan de renforcement des mesures de protection par un recrutement substantiel de personnels dans la police, le renseignement et la justice, en particulier dans la protection judiciaire de la jeunesse pour agir immédiatement sur le terrain, ainsi que l’affectation de moyens nouveaux en matériel étaient nécessaires. La LDH s’en félicite et souhaite que toute la formation nécessaire à l’exercice de leur métier soit organisée tant en ce qui concerne les opérations de contrôle, qu’en ce qui tient à l’exercice de tous les droits.

En revanche, la LDH sera très vigilante sur la prochaine loi sur le renseignement. Elle est susceptible de comporter des mesures dangereuses pour les libertés sans contrôle et contre-pouvoir suffisants.

De la même manière, la LDH s’interroge sur l’efficacité du projet de regroupement carcéral des détenus qualifiés de « radicaux islamistes ». Une telle mesure peut engendrer des situations insupportables au regard des droits élémentaires de ces personnes mais aussi les amener à se radicaliser encore plus. Dans le contexte de surpeuplement des prisons françaises, ce regroupement ne peut être abordé qu’avec prudence et en préservant les droits fondamentaux des prévenus.

Après avoir transféré le délit d’apologie du terrorisme dans le Code pénal de manière à abolir les garanties qu’offre la loi de 1881 sur la presse, le gouvernement envisage de faire de même en ce qui concerne la loi de 1972 contre le racisme. Les invraisemblables décisions rendues en comparution immédiate, et qui ont entraîné parfois des peines lourdes pour une divagation alcoolique, auraient dû amener le gouvernement à être plus prudent. La LDH considère que ce projet constitue un véritable danger pour la liberté de la presse et à la liberté d’expression. On ne lutte pas contre le racisme en portant atteinte à une autre liberté. Imagine-t-on Charlie jugé en correctionnel au milieu de trafics en tout genre pour la publication d’une caricature ? La LDH appelle le gouvernement à retirer ce projet et à retirer le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal.

Enfin, la création d’un nouveau fichier dit antiterroriste conduit à s’interroger une nouvelle fois sur le nombre de fichiers qui existent, leur gestion et leur traitement, en fait, si ce n’est en droit, en dehors de tout contrôle.

La LDH rappelle une nouvelle fois que l’on ne peut efficacement lutter contre le terrorisme qu’en préservant la lettre et le principe de l’État de droit.

Paris, le 21 janvier 2015