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31/05/2017

RECONDUCTION DE L’ETAT D’URGENCE

La LDH a soutenu le 30 mai 2017  une QPC (question prioritaire de constitutionnalité)  sur la possibilité d’interdire de séjour dans le cadre de l’état d’urgence.
Ci-après, la remarquable plaidoirie de l’un des deux avocats (Me SUREAU et Me SPINOSI) qui nous représentent, devant le Conseil d’État et/ou le Conseil Constitutionnel en ces matières.

etat d'urgence

La vidéo de l’audience du Conseil Constitutionnel :
 
 
La plaidoirie de François Sureau au fil du texte :

Pour la liberté d’aller et venir

Le texte qui nous occupe aujourd’hui dispose, c’est le 3èmement du cinquième article de la loi du 3 avril 1955, que la déclaration de l’état d’urgence donne tout pouvoir au préfet, je cite, « d’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Une telle rédaction laisse sans voix à la fois parce qu’elle permet, par l’esprit qu’elle révèle, mais aussi par les souvenirs qu’elle évoque. Je commencerai par ce dernier point.

1. Lorsqu’on critique une disposition au nom du droit constitutionnel, l’argument historique est souvent trompeur. Il permet certes toutes les facilités de la polémique, mais aussi il manque souvent sa cible. Que peut nous faire, dans le procès qui nous occupe, que nos prédécesseurs se soient trompés, soit qu’ils n’aient pas reconnu de valeur suréminente à la déclaration des droits, soit qu’ils n’aient pas eu en leur temps la sagesse de se fier à une cour comme la vôtre pour en assurer le respect ? Avant même de faire quelques recherches, j’avais donc décidé de m’abstenir. Pourtant ces recherches faites, j’ai changé d’avis, parce qu’il m’a semblé que vous ne pouviez ignorer la lignée assez sinistre dans laquelle ce texte prend place : l’article 102 du code pénal napoléonien, punissant du bannissement ceux qui auront provoqué à la désobéissance ; la loi de sûreté générale du 29 octobre 1815, dont la chronique a retenu les applications délirantes faites par des préfets tremblant pour leur poste : ainsi celles de M. Barin, préfet de la Haute Vienne, qui exilait dans tous les coins de France de paisibles citoyens sur les injonctions d’un comité royaliste tout droit sorti de Lucien Leuwen ; la célèbre circulaire du 20 novembre 1924 du gouverneur général de l’Afrique orientale française, visant à assigner à résidence les fauteurs de troubles libéralement désignés par l’administration ; la loi du 7 septembre 1941 sur la compétence du tribunal d’Etat, prévoyant que des mesures d’exception peuvent frapper tous ceux qui entendent « nuire au peuple français », et qu’importe, comme aujourd’hui, s’ils peuvent faire l’objet d’autres peines et d’autres poursuites ; la loi, enfin, du 9 juin 1943, dont la circulaire d’application prévoit que l’autorité préfectorale doit être prévenue des libérations des condamnés, indiquant : « MM. les préfets peuvent ainsi apprécier s’il convient de prendre à l’endroit de ces individus des arrêtés d’internement, à raison du danger que présente pour la sécurité publique la liberté qu’ils vont recouvrer ». Tous ces textes sont certes mieux écrits que celui qui vous est soumis, mais leur principe est le même. Les dangers auxquels ils exposent les citoyens sont comparables.

La législation de Vichy, par exemple, conçue pour réprimer la résistance, a été largement utilisée pour poursuivre les femmes coupables d’avortements. Il en va de même des dispositions actuelles. Alors que l’état d’urgence avait été déclaré afin de lutter contre le péril islamiste, on observe que vingt et une mesures d’assignation ont été prises « à l’encontre de militants anarcho-autonomes français durant la COP 21 », et plusieurs autres, par le préfet de la Corse du Sud, à l’encontre de personnes susceptibles de troubler l’ordre public dans le cadre d’un match de football. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’administration.
Je voudrais, à ce point, dissiper une équivoque. Les dispositions en cause sont anciennes, mais pourtant c’est bien le législateur d’aujourd’hui que j’entends critiquer, et non celui de 1955. Le législateur qui nous est contemporain avait tout à fait la possibilité de corriger les défauts constitutionnels de l’article 5, dès lorsqu’il était saisi, en novembre 2015, en juillet et en décembre 2016, de lois de prorogation de l’état d’urgence, ou même à l’occasion de la loi du 28 février 2017 qui n’était pas une loi de prorogation mais a tout de même modifié certains éléments de la loi de 1955. Préférant s’en abstenir, le parlement ne s’est pas montré moins coupable que s’il avait inventé lui-même les dispositions en cause. Il a, selon la formule classique, autorisé tout ce qu’il n’a pas songé à interdire.

Et nous voici donc à présent devant ce triste héritage qu’il vous revient de refuser. C’est celui des deux Napoléon, de Versailles et de Vichy, mais sans poésie historique, sans uniformes et surtout sans l’excuse de l’Occupation, de la défaite ou des guerres coloniales. C’est l’œuvre de notre législateur post-moderne, si soucieux par ailleurs de mille petites choses estimables, la préservation de la faune, de la flore et de l’hygiène alimentaire, mais que rien ne retient plus lorsqu’il s’agit d’attenter à l’essentiel. Il faudra désormais, comme disait Stendhal, apprendre à faire sa cour au ministre de l’intérieur. C’était bien la peine de disserter sur Montesquieu et sur Voltaire pour en arriver là. Après tout, c’est peut-être l’air du temps. Mais alors, donnons-nous le mérite de la franchise et substituons une fois pour toutes dans nos programmes scolaires Saint-Arnaud à Hugo, Maurice Gabolde à René Cassin et le sapeur Camember à Benjamin Constant.
Car enfin nous sommes déniaisés. Notre législation a pris ces dernières années l’aspect d’un martyrologe des libertés. Non plus la liberté guidant le peuple, mais la liberté percée de flèches, comme le premier Saint Sébastien venu : une flèche pour la liberté de penser, une autre pour celle de n’être pas illégalement puni, une troisième à présent pour la liberté d’aller et venir. Nous savons à présent ce que valent les grands mots, l’hémicycle, les dorures et le Journal Officiel. Nous savons que rien ne garantit plus notre démocratie, ni nos traditions ni le suffrage universel. Rien, en vérité, sauf vous-mêmes devant lesquels nous plaidons en dernier recours, tous les verrous de la conscience civique ayant par ailleurs sauté. Notre génération aura passé bien du temps à se demander comment les grandes abdications du passé avaient été possibles. Nous lisions les bons livres. Nous interrogions nos aînés. Il subsistait une part de mystère. Ce mystère est désormais le nôtre. Il n’en est pas moins épais pour autant.

2. J’en viens maintenant à ce que ces dispositions permettent. Prenons d’abord la notion d’action des pouvoirs publics, cette action qu’il serait fort coupable de vouloir « entraver ». Le législateur a retenu la définition la plus large, et donc la plus liberticide. Je vous fais grâce de la doctrine, que vous connaissez mieux que moi. Les « pouvoirs publics» s’étendent du président de la République au garde-champêtre, en passant par les assemblées parlementaires et les tribunaux. Chevallier comme Gaston Jèze font coïncider cette notion avec celle du service public, ce qui est assez dire.

Le gouvernement affirme que la disposition ne vise que l’« action régulière des pouvoirs publics », mais cette référence abusive au libellé de l’article 16 n’apporte à l’évidence aucune lumière. Devrait-on exclure l’action occasionnelle des pouvoirs publics ou bien leur action irrégulière ? Je renonce pour ma part à percer ces mystères. Le même gouvernement soutient qu’il ne s’agit ici que d’opérations tendant à la préservation de l’ordre et de la sécurité publique. Sauf que le texte ne dit rien de tel, et qu’on aimerait rappeler aux maîtres de nos destins qu’un peu de précision serait bien venue, s’il s’agit de nous empêcher d’aller et de venir. Car enfin le texte fait foi. Il ne stigmatise pas ceux qui chercheraient à entraver l’action de la police antiterroriste, ou celle des parquets ou celle des juges spécialisés, ou celle des préfets dans leur rôle de maintien de l’ordre. Il veut réprimer toute action, ou plus exactement, j’y reviendrai, toute intention d’action, contraire à l’œuvre des pouvoirs publics au sens le plus large. C’est peu dire que le bât blesse. On trouvera certes un motif de se réjouir dans l’idée que les gouvernements vont passer à l’action contre le terrorisme. Mais lutter contre le terrorisme suppose probablement de contrevenir aux intérêts d’Etats puissants et souvent liés à la France, ou de réformer la police dans ses structures et son commandement, ce qui est tout de même plus difficile que de faire voter des textes permettant d’assigner des Corses et des écologistes à résidence sous prétexte de lutte contre l’islam radical.

Le texte d’ailleurs offre une gamme inquiétante de possibilités à l’imagination administrative. Et c’est ici que la tentation du silence me saisit. Après tout, lorsque je plaide devant vous, ne suis-je pas en train de chercher à entraver, ou même d’entraver, l’action des pouvoirs publics dans leur lutte contre le terrorisme ? Et puisque le texte parle de « toute personne » sans réserver le cas où cette personne appartiendrait elle-même au cercle des pouvoirs publics, êtes-vous bien sûrs, mesdames et messieurs les membres du conseil constitutionnel, que le gendarme qui assure la tranquillité de vos audiences ne va pas, sur un appel du préfet, se mettre en mouvement pour vous signifier l’arrêté vous interdisant de pénétrer désormais dans le premier arrondissement de Paris ? Vu d’un certain point, ce texte présente dans la médiocrité de sa rédaction un côté qui serait comique si quelque chose d’aussi grave n’était pas en cause. Nous sommes à mi-chemin entre Courteline et Pucheu, fort de Belle-Ile et Saint-Maurice d’Ardoise. Cela ne suffit pas à nous rassurer, tant le passé de la France abonde de ces exemples dans lesquels l’arrêté, pour banale qu’en soit la rédaction, et l’infamie ont fait bon ménage.

Si l’on passe, si je puis dire, au « délit d’entrave », les choses ne s’arrangent pas. Il s’agit bien, vous l’avez lu, de « chercher à entraver ». D’abord, « chercher » montre une intention, pas davantage. Ensuite, « entraver », ce n’est pas empêcher, c’est simplement gêner. La conclusion se présente d’elle-même : le manifestant qui proteste contre la reconduction ad infinitum de l’état d’urgence, ou même le journaliste qui envisage seulement d’écrire un article pour la critiquer, peuvent se voir interdire tout ou partie de leur département de résidence. On n’est pas plus prévenant. Lorsqu’Arsène Lupin séquestre la femme du préfet, dans La demoiselle aux yeux verts, ou celle du brigadier Béchoux, dans l’Agence Barnett, dans le but de désorganiser les enquêtes, il tombe sous le coup de la loi qui vous est déférée. S’il me prend fantaisie d’envisager, comme dans la chanson, de partir avec La femme du chef de gare, qui pourra dire si j’étais poussé par la luxure ou conduit par le désir de plonger dans le chaos le trafic ferroviaire ? J’ai choisi des exemples tirés du roman d’aventures ou du Vaudeville, mais ils ne sont pas les seuls, à cause notamment de ces hypothèses de compétences concurrentes dont j’ai parlé plus haut, et qui font qu’empiéter sur le domaine public, par exemple, ne relèvera plus seulement de la contravention de grande voirie mais de l’assignation à résidence, pour ne rien dire de l’intention de déboulonner un rail de chemin de fer à des fins subversives, ou de celle de diffamer le ministre de l’intérieur quant à son action antiterroriste. Bref, au total, la notion de pouvoirs publics est si étendue, et celle de la « recherche de l’entrave » si imprécise, qu’elles peuvent couvrir à peu près tous les manquements à l’ordre, du croche-pied au garde-champêtre à l’affaire du Tarnac en passant par des manifestations d’agriculteurs mécontents de leur sort.

Je ne manquerai pas de respect à l’égard du législateur au point de l’accuser d’incompétence ou de distraction ; mais s’il ne l’était pas, incompétent ou distrait, que voulait-il faire ? En s’appuyant sur l’émotion des attentats, confier à l’administration un pouvoir presque illimité sur nos vies, que nous soyons ou non des islamistes radicaux. Baudelaire disait qu’on avait oublié deux droits dans la déclaration des droits de l’homme, celui de se contredire et celui de s’en aller. Eh bien, grâce soient rendues à l’inquiétude de MM. les parlementaires et à la diligence de MM. les préfets, si même ces droits avaient existé nous nous en trouverions aussitôt privés s’il avait germé dans le cerveau d’un agent d’exécution que se contredire ou s’en aller pouvaient entraver l’action des pouvoirs publics.

3. L’esprit de ces mesures est simple et nous remplit d’inquiétude. Plutôt que de s’atteler, pratiquement aux taches de l’heure, un puissant courant d’opinions où se mêlent souvent des revendications corporatistes, ou idéologiques, sacrifie nos libertés sur l’autel d’une furia normative destinée à rassurer le public. Il est significatif que l’attentat de Manchester ait relancé chez nous ce débat, et que personne n’ait relevé que les britanniques ne connaissaient pas d’état d’urgence au sens du nôtre ni n’envisageaient de le mettre en place. Sans doute les Anglais pensent-ils que c’est une victoire trop facile pour Daesh et sa propagande que de leur concéder, après la mort de leurs citoyens, celle de leurs principes. C’est un exemple dont nous devrions nous inspirer plutôt que de poursuivre cette course à l’échalote qui nous conduira, un jour prochain, à rouvrir le bagne de Cayenne ou les camps d’internement. Après les attentats du Bataclan, l’époux d’une victime a publié une lettre où il disait, vous vous en souvenez : « Vous n’aurez pas ma haine ». Le législateur, quant à lui, paraît publier à chaque loi nouvelle une lettre ouverte à Daesh où il proclame : « Vous n’aurez pas notre haine, mais tenez, vous pouvez avoir nos libertés ». Après chaque attentat, des ministres bien intentionnés recommandent de continuer à se distraire comme s’il s’agissait là d’un acte de résistance, alors que de l’autre main ils nous introduisent dans l’univers, si commode pour eux, si dégradant pour nous, de la servitude administrative. Je ne sais rien de plus triste ni de plus humiliant que cet abaissement et cette hypocrisie.

A ce point, un soupçon nous saisit. Si le législateur, et avec lui ceux qui l’approuvent, est si prompt à suspendre nos libertés, c’est que peut-être il ne s’en fait pas une idée très haute. En effet, si par liberté on entend simplement le fait d’aller au concert ou de boire des bocks en terrasse, alors il ne s’agit guère que de licence et l’on peut s’en passer si les circonstances l’exigent. Seulement voilà : la liberté est indivisible. Elle s’étend des formes les plus banales aux formes les plus exceptionnelles, et ce ne sont pas nécessairement les plus héroïques qui sont les plus utiles, ou plus exactement il est impossible de les distinguer entre elles. En atteindre une, c’est ruiner les autres. La raison de les défendre toutes sans faire le détail a été donnée par Louis Brandeis, le plus agnostique des hommes pourtant, et le mieux disposé à l’égard de l’action de l’Etat, lorsqu’il écrivait dans son opinion dissidente sur l’affaire Olmstead, jugée en 1928 par la Cour suprême des Etats-Unis, que le droit des citoyens d’être « laissés tranquilles par l’Etat » procédait de cette finalité, nommée ou non, que les déclarants du 18ème siècle, dont nous sommes les héritiers, ont assignée à la société politique : le perfectionnement spirituel et moral de l’homme. Il se peut que l’homme ne tienne pas ses promesses, mais ce n’est ni à l’Etat d’en juger, ni surtout de le contraindre au-delà du strictement nécessaire. Penser le contraire, voter surtout le contraire, c’est se résoudre à une société d’esclaves. Libre au législateur de considérer la liberté comme une licence, ainsi qu’en témoigne la facilité avec laquelle il a permis sa suppression pure et simple par les agents de l’administration. Mais libre à vous de rétablir ce rêve que depuis plusieurs siècles nous avons voulu rendre possible, effectivement possible, et cet espoir lui fait cortège et qui nous a valu, qui nous vaut peut-être encore, l’amitié de tant de peuples dans le monde.

« Tout menace de ruine un jeune homme », écrivait Nizan, et Sartre d’ajouter : « depuis les dîners priés jusqu’à l’Académie française ». Les corps constitués n’échappent pas à la règle. Nous savons désormais que tout menace de ruine un parlement, du désir de plaire à la soumission sans mesure à l’esprit du temps, cet esprit qui, motif pris des dangers qui nous menacent, ne tolère plus la contradiction, le libre examen, la formation du jugement, la manifestation ou l’avocat en garde à vue.

Pourtant je voudrais remercier le législateur, bien que j’eusse préféré, comme beaucoup, qu’il ait la sagesse et l’intelligence d’admettre enfin qu’il n’y a pas d’autre hommage à rendre aux morts des attentats que de maintenir à tout prix ces libertés qui sont précisément la cause de leur mort parce qu’elles sont insupportables à leurs assassins. Oui, il faut remercier le législateur. Nous étions des Français comme les autres, inquiets des attentats, prêts, il faut le dire, à quelques sacrifices. Par son excès le parlement nous a rendu, sans le vouloir, l’amour de la liberté. Il nous a réconciliés avec notre passé, avec ses grands exemples, avec l’histoire tourmentée de notre pays, avec nos familles peut-être dont plus jeunes nous comprenions mal les emportements politiques. Ainsi la tristesse que l’on peut éprouver au spectacle de ses errements se colore-t-elle d’une paradoxale reconnaissance. Oui, nous lui sommes reconnaissants de nous avoir donné, au spectacle de ses abandons, le goût de cette liberté dont nous avions fini par jouir presque sans la voir, et plus encore sans la comprendre. Sans mesurer ses promesses. Sans y reconnaître notre personnalité collective. En 1943, dans Le chemin de la croix des âmes, Bernanos écrit ces mots que je voudrais emprunter pour suppléer ma pauvre éloquence, ces mots qui n’ont rien perdu de leur force : « Que voulez-vous ? La liberté est partout en péril et je l’aime. Je me demande parfois si je ne suis pas l’un des derniers à l’aimer, à l’aimer au point qu’elle ne me paraît pas seulement indispensable pour moi, car la liberté d’autrui m’est aussi nécessaire ».

Voilà pourquoi la Ligue des droits de l’homme vous demande de déclarer les dispositions en cause contraires à notre Constitution.

François Sureau

Le 30 mai 2017 à 20h01

19/02/2016

Avis de la CNCDH sur le suivi de l'état d'urgence

Au lendemain du vote par le Parlement de la prorogation de l’état d’urgence, c’est un constat sévère que dresse la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur la mise en œuvre de l’état d’urgence.

Etat d'urgence, CNCDH

Saisie le 9 décembre 2015, par le président et le vice-président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, la CNCDH, institution nationale de promotion et protection des droits de l’homme, accréditée par les Nations unies, participe au contrôle de l’état d’urgence déclenché au lendemain des attentats de novembre 2015.

Abus, dérives, débordements, détournements

3284 perquisitions administratives, 392 assignations à résidence, une dizaine de fermetures de lieux de cultes, moins d’une dizaine d’interdictions de manifester : les chiffres du ministère de l’Intérieur posent le cadre.

Les résultats ?

29 infractions en lien avec le terrorisme ont été constatées. Ces infractions se ventilent de la façon suivante : 23 délits d’apologie d’actes de terrorisme et seulement 6 saisines du Parquet antiterroriste.

La réalité des mesures de l’état d’urgence, c’est aussi :

  • des perquisitions menées de nuit, sans prendre en compte la présence au domicile de personnes vulnérables (dont de nombreux enfants terrorisés),

  • des comportements policiers peu adaptés (menottage abusif, mise en joue avec arme),

  • de nombreux dégâts matériels ou encore l’absence de remise systématique de l’ordre et du récépissé de perquisition,

  • des assignations à résidence par nature attentatoires à la liberté d’aller et de venir et à bien d’autres droits. Du fait des pointages imposés, la vie familiale et professionnelle ne peut qu’en être lourdement désorganisée

  • des détournements de l’état d’urgence, sans lien avec la lutte contre le terrorisme, pour entraver des manifestations d’écologistes, de syndicalistes, et pour lutter contre l’immigration clandestine ;des mesures qui pour l’essentiel sont de nature à stigmatiser une population et une appartenance religieuse.

Le contrôle de l’état d’urgence : les déséquilibres démocratiques et les initiatives citoyennes

Décidées par la seule autorité administrative (ministre de l’Intérieur, préfets), les mesures de l’état d’urgence échappent totalement au contrôle a priori du juge judiciaire. En outre, s’agissant du juge administratif, si les conditions d’un contrôle a posteriori se sont progressivement mises en place, leur efficacité est trop souvent entravée par la pauvreté des pièces (notes blanches) soumises au contrôle du juge.

Dans ce contexte, la CNCDH salue l’engagement résolu des journalistes, des associations et des citoyens qui, dans le quotidien de leur vie, se sont efforcés de recenser les abus et de les combattre.

Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, rappelle que « l’état d’urgence est un état d’exception qui doit demeurer circonscrit dans le temps, encadré et contrôlé strictement. La sortie de l’état d’urgence est une décision politique difficile, mais impérative. Le tribut que l’état d’urgence fait subir à la Nation et à ses citoyens est trop lourd, le respect de l’état de droit est un horizon non négociable ».

Lire aussi : "Pourquoi les saisies informatiques ont été jugées contraires à la Constitution"

06/02/2016

URGENT DE REAGIR

État d’urgence. Au plaisir des préfets, ou la résistible ascension du pouvoir administratif au détriment de l'ordre judiciaire sous la houlette d'un premier ministre exorbitant qui n'hésite pas à garroter la Liberté sans sécuriser qui que ce soit.

L'analyse de la LDH

garrot,
Le Garrot
Eugenio Lucas y Vélasquez (1817-1870).

Legs du comte de Chaudordy.

 

Point de vue de Pierre Tartakowsky

À l’heure d’une possible décision de prolonger l’état d’urgence et de l’inscrire dans la Constitution, l’observation de la variabilité territoriale de son application met au jour le caractère discrétionnaire de ce pouvoir administratif. En raison du flou quant à son étendue et des difficultés de le contrôler, les réformes annoncées font peser de sérieuses menaces sur les libertés individuelles.

État d’urgence ou pas, la loi est la même pour tous. Mais, état d’urgence ou pas, elle s’applique de façons différentes. Ces différenciations sont de divers ordres, notamment territorial ; et elles sont d’autant plus prononcées que leur mise en œuvre dépend du pouvoir administratif. Ce qui, justement, est le cas de l’état d’urgence.

Mieux vaut habiter la Lozère que le Val-d’Oise, et la Creuse que l’Essonne. C’est en tout cas ce qui ressort des – maigres – données disponibles sur le bilan des perquisitions et des assignations à résidence ordonnées par les préfets depuis le 13 novembre dernier. Rappelons que plus de 3 000 des premières et 481 des secondes n’ont finalement débouché que sur quatre mises en examen pour faits associés au terrorisme. Le décalage impressionnant entres les moyens déployés et les résultats obtenus invite à interroger l’ensemble du dispositif et ses mécaniques internes. Il est de fait important de déterminer la réalité des pratiques concrètes de ces opérations si l’on veut se faire une opinion sur la légitimité de leur reconduction.

Or, c’est de cela qu’il est aujourd’hui question avec, d’une part, le projet de faire entrer l’état d’urgence dans la Constitution et, d’autre part, un projet d’une nouvelle et énième loi antiterroriste.

Les variations territoriales de l’état d’urgence, ou le pouvoir discrétionnaire des préfets

On doit à un travail de bénédictin mené par la rédaction du journal Libération les quelques chiffres disponibles à cet égard [1]. Le résultat dépendant de la bonne volonté des préfectures, il est difficilement exploitable statistiquement. Mais il s’en dégage sans conteste un formidable constat dinégalité territoriale. Une inégalité sans lien aucun avec un « taux de terrorisme » supposé mais qui a tout à voir avec la « personnalité » de celui qui a la charge de l’ordre, à savoir le préfet. Ceux des deux départements du Territoire de Belfort et du Val-d’Oise ont ainsi fait preuve d’un zèle remarqué. Le premier a enregistré un nombre de perquisitions trois fois supérieur à celui des départements limitrophes et très au-dessus de la moyenne. Le second a livré sa vision de l’état d’urgence au journal Le Monde, déclarant que « le principe de ces perquisitions, c’est de taper large » [2]. C’est après quelques-unes de ces « tapes » val-d’oisiennes que le ministre de l’Intérieur avait jugé utile de rappeler, par voie de circulaire datée du 25 novembre, qu’une porte pouvait être ouverte par « voie naturelle » plutôt qu’être défoncée… Sur un autre mode, mais qui confirme les espaces d’interprétation « poétique » dont bénéficie le pouvoir administratif en ces circonstances, le préfet de la Gironde a pu ordonner des perquisitions chez des militants écologistes et quelques maraîchers bio, sans doute jugés turbulents, voire même peut-être agaçants, mais sans lien aucun avec le terrorisme.

La disparité départementale ne s’explique pas que par le jeu des personnalités – forcément diverses – des préfets : elle s’enracine dans les textes eux-mêmes. Les critères autorisant les perquisitions sont, en effet, extrêmement larges et propres à interprétation. Cette latitude a ouvert grand la porte à un effet d’aubaine ; les forces de police ont ainsi mis à profit l’état d’urgence pour solder des comptes et mettre quelques pendules à l’heure avec une famille rom, avec des réfugiés tchétchènes, avec le julot du bar d’à côté. L’adage selon lequel mieux vaut quelques innocents poursuivis plutôt qu’un coupable en liberté a ainsi joué à fond et, selon le constat de Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des lois, un bon nombre de ces perquisitions ont concerné des « objectifs nettement moins prioritaires ».

Cet effet d’aubaine lui-même s’est tari. Les chiffres publiés par la commission des lois attestent ainsi d’une baisse constante du nombre de perquisitions et d’assignations à résidence, par épuisement des cibles et des objectifs stratégiques.

Ce constat grossier d’inégalité mériterait évidemment d’être affiné par territoire, ville, quartier. En son absence, on peut assez raisonnablement inférer de l’expérience que certains lieux ont été plus visés que d’autres, en fonction de critères participant davantage de clichés dominants [3] que d’un travail de bonne police. Il ne s’agit certes que d’une intuition, mais la « défonce » à coups de bélier du restaurant Pepper Grill, sis à Saint-Ouen-l’Aumône, se serait-elle déroulée de la même façon si elle s’était située dans le centre de Paris ou de Lyon, et si le grill en question n’avait pas été hallal ? La question peut évidemment être versée au rayon triste mais inévitable des « pertes collatérales », selon la théorie qui veut que lorsqu’on met en branle les forces de police, on casse quelques œufs, même si l’idée n’était pas initialement de faire une omelette. On pourrait – à la rigueur et en ne se montrant pas très exigeant sur les principes – s’accommoder de cette vision, à défaut de s’en satisfaire. On le pourrait s’il était envisageable de s’inscrire dans la perspective d’un « plus jamais ». Mais c’est malheureusement loin d’être le cas.

Un pouvoir à l’étendue imprécise et peu contrôlable

Car il est fortement question de prolonger l’état d’urgence, tout en le constitutionnalisant. Pour la Ligue des droits de l’Homme, il n’y a là que périls. Le plus évident tient à ce que l’état d’urgence n’a aucunement fait la preuve de son efficacité dans la durée. Autant l’on peut comprendre qu’il soit décrété dans des circonstances très particulières et pour une période limitée dans le temps, autant sa prorogation est duplice. Elle vise à faire croire que des mesures efficaces sont prises face au risque terroriste, que cet état d’urgence est, en soi, protecteur. C’est aussi inexact que de prétendre que le plan Vigipirate nous a prémunis depuis 1978 du risque d’attentats… Cette focalisation sur le spectaculaire stérilise les vrais débats qu’il nous faudrait avoir sur les nécessaires réorientations du travail de police, dans une toute autre direction que celle prise, par exemple, pour la récente loi sur le renseignement, qui privilégie l’écoute de masse plutôt qu’un travail de terrain. Elle s’accorde avec la terrible déclaration de Manuel Valls selon laquelle « expliquer, c’est déjà un peu excuser ». Tout cela concourt à entraver l’adoption de mesures prenant en compte la dimension complexe et globale du phénomène terroriste.

La perspective d’une constitutionnalisation de l’état d’urgence participe de la même illusion problématique. Glissons sur le fait pourtant préoccupant qu’une telle réforme soit proposée durant l’état d’urgence, justement à un moment de démocratie limitée, pour venir alourdir un édifice déjà riche de l’article 16 et de l’état d’exception, sans compter celles contenues par la loi. Car les mesures sécuritaires existent ; elles ne cessent de se multiplier, au point qu’on a pu entendre, à plusieurs reprises, des responsables politiques de premier plan proposer la création de mesures… déjà existantes.

Si la loi constitutionnelle devait être adoptée par les deux chambres et en Congrès dans les termes de ce projet, certaines dispositions seraient gravées dans le marbre et ne pourraient être modifiées que par une nouvelle réforme constitutionnelle [4]. Il s’agit notamment de savoir qui est habilité à déclarer l’état d’urgence, pourquoi, et sur quel champ. Qui ? L’exécutif. La réponse au « pourquoi ? » est particulièrement vague : « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Enfin, la détermination de l’étendue du champ d’application territorial de l’état d’urgence n’est soumise à aucun critère objectif établissant une corrélation expresse avec la nature du péril ou des événements invoqués. Ainsi, en 2005, le Président de la République déclare un état d’urgence étendu à l’ensemble du territoire métropolitain face à de simples émeutes urbaines, et non face à une situation de guerre civile ou de tentative de coup d’État. Qu’en sera-t-il demain, alors même que l’horizon démocratique s’annonce menacé par des formations politiques opposées aux valeurs de la République ?

Au-delà de ces considérations, que l’on pourrait qualifier d’étroitement juridiques, se pose une autre question, décisive : celle du contrôle. Disons, pour simplifier, qu’il est remis entre les mains du juge administratif, autant dire entre des mains fragiles et inadéquates. Il faut, en effet, rappeler – là encore, sans vouloir faire trop juridique – que le contrôle réalisé par le juge administratif vis-à-vis de mesures de police administratives issues de la loi s’avère extrêmement réduit, voire quasi inexistant. Le garant des libertés individuelles, selon la constitution, c’est le juge judiciaire qui est à ce titre porteur d’un pouvoir s’exerçant en amont du pouvoir administratif. Le juge administratif n’intervient qu’a posteriori et avec une capacité moindre [5]. On imagine ce qu’il en sera lorsque ces mesures bénéficieront de la légitimité constitutionnelle. Enfin, la question de la durée est posée d’une façon qui n’est guère rassurante. Effectivement, le projet de réforme constitutionnelle prévoit seulement qu’elle « en fixe la durée » sans autre précision. Ce qui signifie qu’il serait alors possible de proroger plusieurs fois l’état d’urgence, le projet de loi ne conditionnant pas explicitement cette prorogation à la persistance des circonstances qui ont motivé l’application. Bref, c’est la porte ouverte à un état d’urgence permanent…

Menaces sur les libertés individuelles

Dans ce cadre général, les libertés individuelles seraient ramenées à un état d’extrême précarité. À titre d’exemple, les textes laissent apparaître la volonté claire d’approfondir les contrôles d’identité et la capacité de retenue, même des personnes ayant justifié de leur identité. L’assignation à résidence – qui est concrètement une lourde privation de liberté – serait banalisée, y compris à l’encontre de militants, syndicaux ou associatifs, au seul titre de « nécessités opérationnelles », autrement dit parce que les forces de police seraient trop occupées par ailleurs pour prendre le risque d’avoir à les surveiller…

Corrélativement à ce projet de réforme constitutionnelle, une nouvelle loi antiterroriste est annoncée. Or, cette nouvelle loi reconduit, elle aussi, les pires aspects de l’état d’urgence, avec à la clé la même douteuse efficacité. Cette réforme de procédure pénale vise, elle aussi, à renforcer les pouvoirs de police, en dehors de tout état d’urgence ; elle accroît les compétences des préfets en les « libérant » des lourdeurs de la loi. C’est ainsi que, en cas de suspicion d’activité terroriste, ils pourraient faire fouiller les bagages, les voitures, contrôler les identités, voire retenir, quatre heures durant, une personne ayant une pièce d’identité. Là encore, le contrôle mis en avant par le gouvernement est celui du juge administratif. Le problème est que ce juge administratif n’intervient qu’a posteriori et uniquement sur recours de plaignants. Or, pour des raisons assez facilement compréhensibles, nombre de personnes renoncent à faire valoir leur bon droit ; à titre de réflexion, 10 % seulement des 400 assignations à résidence décrétées durant l’état d’urgence ont fait l’objet d’un recours. Par ailleurs, ce juge ne peut guère intervenir qu’en cas d’atteinte « grave et manifestement illégale ». Ce « manifestement » est lourd à gérer ; car, en cas de doute, l’intervention n’est pas légitime. Tout ceci apparaît d’autant plus insuffisant que les marges de manœuvre de la police, elles, sont élargies. Ainsi, il suffira au ministre de l’Intérieur d’avoir des « raisons sérieuses » de penser qu’une personne s’est déplacée pour des raisons liées au terrorisme, ou même a tenté de se rendre sur le théâtre d’opérations terroristes, pour justifier son assignation à résidence. D’une culture juridique de la preuve ou d’un faisceau de présomption, on accentue le passage à une culture de suspicion, où le soupçon suffit à faire preuve. Dans les faits, l’enquête prend alors très souvent la forme de notes blanches des services, documents non datés, non signés, valant à peine mieux qu’une lettre anonyme…

Tout se passe donc comme si les attentats meurtriers de ces derniers mois servaient d’accélérateur à la mise en œuvre de projets liberticides, participant d’une logique de renforcement du pouvoir administratif, voyant ses pouvoirs élargis sans qu’il y ait besoin de justifier d’un délit. Ce glissement n’a pas commencé après les attentats mais avant. Il traduit une volonté de marginalisation du pouvoir judiciaire, que son indépendance rend suspect aux yeux du pouvoir politique, et des droits démocratiques, par définition suspects, puisque faisant prévaloir le débat critique sur l’ordre établi.

Notes

[1] Source : Libération, le 15 janvier 2016.

[2] Source : Le Monde, le 23 novembre 2015.

[3] Dont l’enquête du CNRS « Police et minorité visible : les contrôles d’identité à Paris » donne une idée. URL : www.cnrs.fr/inshs/recherche/....

[4] On se référera avec intérêt à l’analyse collective En sortir de l’urgence produite par diverses associations et juristes, téléchargeable, entre autres, sur les sites de La Quadrature du Net, du syndicat de la magistrature et de la Ligue des droits de l’Homme (à l’URL suivant : www.ldh-france.org/wp-conten...).

[5] Ibid.

27/01/2016

Contre la guerre

Par Christine Delphy qui a signé l'Appel des 58, un manifeste daté du par cinquante-huit personnalités, pour défendre la liberté de manifester pendant l'état d'urgence, décrété en France après les attentats de Paris.

Cet appel, publié par Mediapart, fait référence au nombre de personnes signalées au parquet après avoir participé à une manifestation de soutien aux migrants le 22 novembre malgré l'interdiction émise par la préfecture de police de Paris. Les signataires y affirment :
« Voilà ce que Daesh et d'autres veulent interdire. Voilà ce que nous défendons. Nous déclarons que nous manifesterons pendant l'état d'urgence. »


« 

Ce serait la guerre, désormais. Auparavant, non ? Et la guerre pour quoi : au nom des droits humains et de la civilisation ? En réalité, la spirale dans laquelle nous entraîne l’Etat pompier pyromane est infernale », peut-on lire dans une tribune « A qui sert leur guerre », parue le 24 novembre dernier. Dans la suite de ce texte, une réunion publique a été tenue à la Bourse du travail à Paris le 15 janvier. En ouverture, Christine Delphy a souligné que le combat contre l’état d’urgence et le combat contre la guerre ne sont qu’un seul et même combat… que nous invitons à rejoindre en manifestant le 30 janvier prochain.

contre la guerre,ubu
Hubert Védrine : « nous sommes un pays chimérique,
qui est de plus en plus ridicule à se prétendre universaliste
alors que nous n’en avons pas les moyens »

Le 13 novembre à 23h 45, l’état d'urgence a été déclaré parce que la France est en guerre, a dit le président de la république.

Or la France n’est pas plus en guerre qu’elle l’était la veille, ou un an avant. Elle bombarde l’Irak depuis 2014, et la Syrie depuis septembre 2015.

Depuis le 13 novembre, l’idée de guerre est utilisée comme un moyen de provoquer un état de panique générale - de panique calme, mais paniquée quand même.

Le pays a été sidéré par les tueries ; il ne se savait pas menacé ; il ne savait même pas que la France bombardait l’Irak et la Syrie. Il a donc été facile pour le pouvoir de lui faire prendre des vessies pour des lanternes et de prétendre que la France allait, à cause de ces tueries, commencer à bombarder Daech en représailles : parce que Daech nous avait attaqués.

Mais aussi horrible que soit Daech, ce n’est pas Daech qui attaqué le premier la France. Or Hollande déclare : « Puisque nous sommes en guerre, et surtout que nous y sommes parce que nous avons été attaqués de façon « lâche » et « barbare », et en plus, « chez nous », nous allons « rétorquer » ». Tous les qualificatifs utilisés à propos des tueries et de la guerre qui s’ensuit, montrent un double standard - un 2 poids 2 mesures. Bien sûr les tueries étaient horribles. Il est difficile de trouver des tueries qui ne le soient pas.

Mais apparemment, si. Celles auxquelles procède l’aviation française, ne seraient pas des tueries, mais des « dommages collatéraux ». L’opinion avale qu’il s’agit de deux phénomènes bien différents.

Car nous sommes encore imprégnés d’une façon de penser coloniale : de l’idée que nous avons le droit et le devoir de rendre la justice partout dans le monde. Et c’est sur ce deux poids-deux mesure structurel, sur cette façon de penser que le gouvernement a tablé.

Et aussi sur le fait que, depuis le Vietnam, il n’y a plus ni photos, ni récits, des tueries provoquées par nos bombardements. Pas d’individus sous les bombes. Pas de preuves des meurtres. Pas même de chiffres.

En revanche les conséquences des attaques du 13 novembre « chez nous » ont été documentées du mieux qu’on pouvait ; les récits des rescapés, des SAMU, des pompiers, des policiers ont été sollicités, enregistrés, retransmis en boucle sur toutes les chaînes télévisées, imprimés dans tous les journaux ; puis, quand tous les récits, tous les témoignages furent épuisés, ce sont les photos des morts, puis leur biographie, qui ont été publiées. Deux mois après l’événement, ont commencé les commémorations.

Tout un pays a été occupé, fasciné, hypnotisé, par le récit de cette violence, récit auquel s’ajoutaient sans trêve de nouveaux détails qui tiraient les larmes des yeux. Le sentiment est devenu irrépressible que nous devions quelque chose à ces morts, ces pauvres morts que nous n’avions pas pu sauver. Comme ceux qui avaient été témoins de leur mort et qui se demandaient tout haut, pourquoi ils étaient, eux, encore en vie, nous éprouvions la culpabilité des survivants. L’esprit de vengeance, qui n’a pas besoin d’être sollicité pour apparaître, a surgi. Et avec lui, en dépit des objurgations à « pas d’amalgame », a ressurgi l’esprit de « si ce n’est toi, c’est donc ton frère », exacerbant un racisme post-colonial déjà très prospère.

Le gouvernement a organisé tout cela très vite : de « on nous a déclaré la guerre », à « l’état d’urgence », il s’est écoulé à peine quelques minutes. Du décret de l’état d’urgence au vote de sa prolongation par un Parlement quasi-unanime, à peine quelques jours.

Et pendant que le gouvernement allait à toute vitesse, nous allions, nous, très lentement. Désemparés, sonnés, nous étions devenus une population aux pieds de plomb. Nous n’avons pas protesté contre la prolongation de l’état d’urgence : est-ce que contester sa nécessité, cela n’aurait pas démontré un manque de compassion, une froideur inacceptables dans ce moment de deuil ?

La célérité du pouvoir à appliquer des changements dont on se demande comment ils ont pu être pensés si vite, contraste avec la lenteur de la population à « réaliser » : réaliser les attaques, réaliser les morts, réaliser l’état d’urgence, réaliser l’interdiction de se réunir. Toutes ces « réalisations » sont venues lentement, difficilement, et quand nous avons réalisé ce qu’on nous faisait, il était trop tard pour manifester.

Une frappe aérienne contre Daech en Syrie a été annoncée le dimanche 15 novembre. Une autre le lendemain et une autre le surlendemain. Puis, plus rien. L’aviation a-t-elle cessé ses frappes ? On n’en sait rien et personne ne proteste contre cette absence de nouvelles.

Au départ, le 13 novembre, Hollande a annoncé les attentats comme des attaques terroristes de Daech : « Nous sommes attaqués » a été le premier mensonge, le mensonge fondateur de toute cette période : les victimes sont innocentes, nous sommes innocents, le pays est innocent, le gouvernement est innocent.

Qui dira le contraire ? Le Dimanche 15, trois personnes parmi les intervenants à la télévision, l’ont fait : Fillon, Bayrou et Villepin. Ils mentionnent, comme allant de soi, que les attaques terroristes sont une réponse aux bombardements français sur l’Irak et la Syrie. Car, oui, c’est la France qui a commencé. Depuis le 27 septembre très exactement en Syrie, depuis l’automne 2014 en Irak. La France bombarde, en tant que membre d’une coalition comprenant les USA, l’Arabie Saoudite, le Qatar et quelques autres états du Golfe.

Or personne du gouvernement, ni le chef de l’État ni le premier ministre, ni aucun socialiste ne l’a dit ou laissé entendre.

Certes on ne peut pas effacer complètement les mots que l’un des témoins de l’attaque du Bataclan a entendu prononcer par un assaillant : « Nous sommes ici pour venger les gens que vous tuez en Syrie ». Mais ce propos ne donne lieu à aucun commentaire, ni d’un politique, ni d’un journaliste. Un propos de barbare n’est pas une parole, c’est un son inarticulé, un grognement de bête, un bruit.

La presse a bien mentionné le début des bombardements de Daech par la France en septembre - mais comme un fait divers. Cela n’a pas retenu l’attention. À cause de la façon discrète de présenter ces bombardements mais aussi parce qu’on s’est habitués à ce que la France fasse régner l’ordre dans son ex-empire colonial. Et la France bombarde, et commet des « homicides ciblés » dans tout le Sahel, depuis janvier 2013 sans que personne ne batte une paupière.

Pour quoi ? Dans quel but ? Avec quelles justifications ? Là est la question, non seulement en ce qui concerne la « vengeance » du Bataclan, mais toutes les autres « opex » - opérations extérieures menées depuis janvier 2013. Serval 1 puis Serval 2 au Mali, transformé en « Barkhane » - pour faire croire qu’il ne s’agit pas de la même chose, et cacher que, selon un militaire, « on est là pour longtemps » ; Sangaris en Centrafrique - une opération « humanitaire » censée éviter les massacres inter-religieux qui n’évite rien du tout ; Chammam à Djibouti, dont personne n’a entendu parler ; l’entrée dans la coalition anti-Daech en 2014, dont personne n’a entendu parler non plus, car il faut préserver le mensonge que la France agit seule, comme une grande.

D’après le journaliste du Monde, David Revault d’Allonnes, personne - y compris dans son gouvernement - ne comprend pourquoi Hollande est devenu un foudre de guerre. Quelques éléments éclairent cette transformation :

Deux résultats positifs émergent de ces guerres : pour la première fois, l’invendable avion Rafale, qui reste sur les rayons depuis plus d’une décennie, a été vendu. Le ministre de la guerre, Le Drian, en a fourgué 25 à l’Égypte, puis 25 au Qatar, deux états démocratiques. L’autre résultat, c’est que à chaque fois, la cote de François Hollande remonte - (puis retombe presque aussitôt).

Un autre mobile pro-guerre apparaît selon ce même journaliste : Hollande apprécie le fait que quand il appuie sur un bouton, les paras sautent sur la cible dans les 6 heures - ce qui a fait de la « prise » de Tombouctou en 2013 le « plus beau jour de sa vie politique ». Tandis que quand il enjoint aux autres ministres « d’inverser la courbe du chômage », ça ne marche pas si vite, et même, ça ne marche pas du tout.

Enfin, un quatrième mobile apparaît, incroyable tant il semble enfantin ou mégalomane. Pour Hollande, la posture louis-quatorzième de garder le « rang » de la France, celui d’« une puissance mondiale », joue autant que la volonté de garder l’uranium d’Afrique pour Areva. Or, commente Hubert Védrine, « nous sommes un pays chimérique, qui est de plus en plus ridicule à se prétendre universaliste alors que nous n’en avons pas les moyens ». Combien de morts faudra-t-il compter avant d’abandonner cette chimère ?

Beaucoup d’autres résultats sont à porter au débit de cette guerre. Le premier évidemment, ce sont les attaques « terroristes » sur le sol français. Mais « on ne s’y attendait pas » (le gouvernement, si). Car tous les pays du monde doivent accepter les incursions des puissances occidentales qui s’arrogent le droit de changer les gouvernements des autres, de bombarder leurs populations, de les laisser en ruines et en guerres civiles tout en maintenant que leur propre sol, leurs propres populations sont des sanctuaires ; qu’il est inconcevable que les « autres » osent les attaquer.

Et pourtant cela arrive.

Les attentats de novembre sont la conséquence des bombardements sur la Syrie. Ce qui était le 15 novembre une évidence pour Fillon, Bayrou et Villepin, bien qu’ils se soient tus depuis lors, tout a été fait pour le nier. Jusqu’à l’absurde ; ainsi cette phrase : « Les attentats ne sont pas à cause de ce que nous faisons, mais à cause de ce que nous sommes ». Ce qui nous a valu une définition de « ce que nous sommes ». La francité c’est, depuis novembre, de « boire des bières en terrasse ». Boire des bières en terrasse n’est plus une action, un comportement, un loisir, une dépense : c’est une essence.

Enfin, nous tenons ce que nous cherchons depuis des années : l’identité nationale.

Pour pouvoir continuer la guerre, il faut prétendre que c’est une nouvelle guerre, pas une guerre qui dure depuis plus d’un an dans sa partie syrienne, et qui a commencé depuis bien plus longtemps dans le Moyen-Orient.

Une guerre plus grave, donc nouvelle. Qui change tout. Qui permet de tout changer. De justifier l’état d’urgence, et la démolition programmée de l’Etat de droit. Tandis que l’état d’urgence devient à son tour une preuve de l’urgence et de la nécessité de la guerre.

Guerre et état d’urgence sont les deux composantes indissociables de l’état dans lequel l’État nous a mis.

»

26/01/2016

La tentation du pire

Communiqué LDH

Manuel Valls vient a déclaré , dans une interview accordée à la BBC, concernant la reconduction de l’état d’urgence en France « Tant que la menace existe, nous devons employer tous les moyens dont nous disposons dans notre démocratie, dans le cadre de l’état de droit, pour protéger les Français ». Il semble également ressortir de ses propos qu’il souhaite maintenir cet état d’exception « jusqu’à ce qu’on en finisse avec Daesh ».

Ainsi, si on tire les conséquences des propos du Premier ministre, les craintes des citoyennes et des citoyens et des organisations de la société civile mobilisés contre le maintien de l’état d’urgence sont confirmées. Le gouvernement et son Premier ministre semblent s’engager dans la volonté de faire vivre notre pays dans un état d’exception en s’accordant des pouvoirs considérables en dehors de tout contrôle du juge judiciaire.
Ne nous y trompons pas, renvoyer le retour au fonctionnement normalement démocratique de notre société à une hypothétique victoire aux contours incertains contre le terrorisme international, c’est prendre le chemin de l’arbitraire et de l’atteinte aux droits fondamentaux.

état d'urgence,libertés

La LDH s’insurge contre de telles perspectives qui semblent se préciser dans les discours de nos gouvernants et s’engagera toujours plus résolument pour un retour au plein exercice de nos droits et de nos libertés. C’est le message qu’elle portera, avec plus d’une centaine d’ autres organisations, lors des nombreuses manifestations qui se dérouleront un peu partout en France le samedi 30 janvier.

Paris, le 23 janvier 2016.

02/01/2016

Crimes et libertés

 
« Comprendre, répondent avec mépris les fanatiques de la seule répression (et autres soutiens à l’actuel exécutif), ce serait excuser » !!!

Etat d'urgence, 13 novembre, libertésPour combattre les crimes et prévenir les attentats, le gouvernement par la déclaration de l’état d’urgence a pris une décision qui menace les libertés.
Dés la promulgation de l’état d’urgence s’est posée la question de l’éventuelle « pérennité » de l’état d’urgence. En effet, on peut se demander quel gouvernement aura le courage de dire que la menace terroriste a disparu au point qu’il convient d’abandonner cette protection. Pour détourner cette question, le gouvernement propose une réforme de la Constitution y introduisant l’état d’urgence.
Nul ne sait ce qu’il adviendra finalement de cette réforme mais ce qui est certain c’est que les voix de ceux qui s’accrochent aux principes fondamentaux de la République sont bien faibles. Si nous ne trouvons pas les mots pour engager un dialogue avec ces milliers de jeunes français qui sont aujourd’hui identifiés comme étant partis faire le Jihad, si nous n’essayons pas de comprendre pourquoi ils sont partis et continuons à dresser des murs autour des populations pauvres, ostracisées, à exclure ces jeunes dont la religion est un repaire identitaire, si de surcroît nous en faisons des suspects, alors nous ouvrirons la porte à plus de crimes et au recul de la démocratie.

(...)

Où allons nous ?

Les terroristes auront réussi à nous faire modifier notre loi fondamentale. C’est pour eux une victoire plus importante que d’avoir réussi à assassiner 130 personnes. Hollande n’est pas un dictateur certes, mais qui lui succèdera ? Contre les armes nous devons nous défendre, y compris par la force, mais ce n’est ni les bombes en Syrie ni le recul des libertés qui nous permettront de vaincre ces assassins obscurantistes qui préfèrent la mort à la vie. Ce qu’il nous faut avant tout, c’est comprendre pourquoi plus de mille jeunes français ont été à ce jour identifiés comme étant partis faire le Jihad. Comprendre, répondent avec mépris les fanatiques de la seule répression, ce serait excuser. C’est ridicule. Il faut bien sûr juger et punir ceux qui sont coupables quand ils sont pris. Avec tout de même cette réserve qu’on ne peut, comme le réclament à mots couverts certains, ni les condamner à mort, ce dont ils se fichent d’ailleurs, ni les soumettre à des traitements inhumains et dégradants comme l’on fait les américains à Guantanamo (créé par la loi répondant aux terroristes du 11 novembre 2001, le Patriot Act, et que depuis sept ans, malgré ses promesses Obama n’a pas eu la force de supprimer). Si nous ne comprenons pas pourquoi ils sont partis et si nous continuons à dresser des murs sociaux autour des populations pauvres, ostracisées, nous leur ouvrons la porte de la fuite vers des lieux absurdement rêvés comme des lieux de fraternité. Ces jeunes, dont les parents ou les grands-parents sont souvent venus des anciennes colonies françaises et dont la religion n’est le plus souvent qu’un vague repaire identitaire, voient bien qu’ils sont suspects, regardés avec méfiance ou avec crainte, et si ceux qui gouvernent ne se donnent pas comme tâche primordiale de les intégrer pleinement dans la société française, il les enfonceront dans la révolte et la résistance radicale qui, quand elle se pare des oripeaux de la religion, devient redoutable. De perquisitions brutales en assignations à résidence, jusqu’à la stigmatisation du statut de binational de ceux qui n‘ont pas voulu ou souvent pu renier leurs origines, si nous sommes incapables de nouer un dialogue, alors les voies sont ouvertes pour que nous subissions toujours plus de crimes, avec à chaque fois, comme réponse, plus de recul de la société démocratique. C’est hélas cette voie qu’ouvre la réforme constitutionnelle proposée.

Henri Leclerc

29/12/2015

CONTROLE DE L'ETAT D'URGENCE

Pour répondre à la peur, instrument du pouvoir, il est de notre devoir d’agir et de dénoncer avec force les schémas et stratégies réductrices assimilant celles et ceux qui combattent le libéralisme et les inégalités qui s'en suivent, à des ennemis de la République, à des terroristes ou à des délinquants !

Pour nous, membres de la Ligue des Droits de l'Homme, c’est définitivement non !

Non au projet de déchéance de la nationalité, non à une démocratie sous état d’urgence, non à une réforme constitutionnelle imposée sans débat, en exploitant l’effroi légitime suscité par les attentats.

Nous n’acceptons pas la gouvernance de la peur, celle qui n’offre aucune sécurité mais qui assurément permet de violer nos principes les plus essentiels.

Notre rejet est absolu. Nous appelons tous ceux et celles qui partagent une autre idée de la France à le manifester.

Etat d'urgence, 13 novembreIllustration tirée de l'Institut Coopératif de l’Ecole Moderne – Pédagogie Freinet
Vence – dessin d’un enfant du CP « La peur, j’adore … »

Signez la pétition

 

A la suite des attentats du 13 novembre 2015, l’état d’urgence a été décrété et prolongé jusqu’au 26 février 2016. Il prévoit 13 mesures exceptionnelles (liste en bas de l'article).

L’Assemblée nationale déploie un dispositif inédit de contrôle et d’évaluation de l’application de ces mesures, dans le cadre duquel la CNCDH, autorité administrative indépendante, est appelée à jouer un rôle majeur pour veiller au respect des libertés et droits fondamentaux.

La CNCDH, lance un appel à l’ensemble des associations de défense des droits de l’homme, et plus largement à l’ensemble des citoyens, afin d’être informée des abus/dérives qu’ils constatent voire subissent lors de la mise en œuvre des mesures relatives à l’état d’urgence.

(Formulaire en ligne)

En sa qualité d’Institution nationale des droits de l’homme accréditée par les Nations unies, la CNCDH a pour mission permanente et générale de contrôler le respect par le Gouvernement français des engagements internationaux en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Vigilante quant à l’effectivité des droits protégés par les conventions internationales contraignantes, la CNCDH a également pour mission d’alerter les organes des Nations unies et du Conseil de l’Europe en cas de manquements.

Les informations transmises seront anonymisées et auront vocation à informer les députés ayant en charge ce contrôle de l’état d’urgence.

Cet appel, dans les circonstances exceptionnelles actuelles, vise à s’assurer de la continuité de l’État de droit et à faire remonter aux parlementaires les constatations de dérives ou d’abus.

Plus largement, les informations transmises nourriront les analyses de la CNCDH à l’heure où d’autres projets de textes constitutionnel et législatif sont envisagés. Elles permettront aux Parlementaires d’appréhender les conséquences du vote de ces futurs textes au regard de l’impératif de protection des libertés et droits fondamentaux.

La CNCDH rappelle qu’elle a vocation, non pas à traiter les demandes individuelles, mais, du fait de sa mission de conseil auprès du Gouvernement et du Parlement, à éclairer la décision publique ainsi que, du fait de sa mission de contrôle, à alerter les organes du Conseil de l’Europe et des Nations unies.

La CNCDH invite en conséquence tous ceux qui le souhaitent à renseigner le formulaire en ligne pour lui faire part d’informations ou de témoignages.

Les 13 mesures exceptionnelles liées à l'état d'urgence  (LOI n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions) 

  • Interdiction de circulation des personnes ou des véhicules
  • Institution de zones de protection ou de sécurité
  • Interdiction de séjour
  • Assignation à résidence
  • Interdiction, pour la personne assignée à résidence, de se trouver en relation avec certaines personnes
  • Placement sous surveillance électronique mobile
  • Dissolution d'associations ou groupements
  • Fermeture provisoire de salles de spectacle, débits de boissons ou lieux de réunion
  • Interdiction de réunions de nature à provoquer ou entretenir le désordre
  • Remise des armes et munitions
  • Perquisitions
  • Perquisitions par un système informatique ou équipement terminal
  • Interruption de tout service de communication au public en ligne

30/11/2015

État d'urgence, bilan intermédiaire

État d'urgence, fiche « S », assignations à résidence et arrêtés d’expulsions prononcés aux lendemains des attentats du 13 novembre 2015, arrêtés d’expulsion à l’encontre de personnes étrangères, annonces concernant la déchéance de nationalité, l’interdiction de revenir en France et l’accélération des expulsions...

Il sera bien difficile de sortir de cet "état" de liberté comateuse, même si, d'ores et déjà, nous sommes quelques-un(es) à nous prononcer contre la criminalisation des mouvements sociaux et en solidarité avec les manifestant(e)s poursuivi(e)s.

 

Etat d'urgence, 13 novembre

Suite aux attentats ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, une série de mesures sont mises en œuvre ou annoncées. La Cimade met à disposition quelques éléments d’explication ou d’interrogation sur les points suivants :