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18/08/2011

Août 80, sur les docks de Gdansk

Encore un lézard de l’Histoire.

Par hasard, je tombe sur un article de JM Bougereau (ex Libé de 1974 à 1987) paru en septembre 2008. Il retrace l’histoire d’un reportage qu’il réalisa au moment des accords de Gdansk signés en août 1980 pour un portrait de Lech Walesa. Il en ressort « Anna Walentynowicz : la véritable héroïne de Gdansk ».
Un documentaire sur Arte, très bien fait si j’en crois mes souvenirs, suivra. Il est intitulé « Anna Walentynowicz, dans l’ombre de Lech Wałęsa » (Emmy Awards en 2001 pour l’instant indisponible sur le net). Il actualise les souvenirs de JM Bougereau.

Je situe l’anecdote, historique, dans le fait que, « licenciée sans aucune possibilité de recevoir une retraite, alors même qu’il lui manquait seulement 5 mois de travail », dans un contexte de fortes revendications sociales et par solidarité avec Anna Walentynowicz, une grève est entamée à cette occasion, qui donnera naissance au syndicat Solidarność dont Anna W. aura été  très discrètement reconnue comme co-fondatrice avec Lech Walesa.
Récit :

« (…) Ému d'avoir revu (ndlr. Documentaire Arte) cette petite bonne femme que, naïvement, je croyais décédée et que je viens de voir venir aux portes des chantiers navals de Gdynia, où les ouvriers sont de nouveau en grève parce que la direction ne leur donne pas la possibilité de manger chaud malgré le froid de ces villes de la côte baltique. Elle arrive devant les grilles du chantier à petits pas et les ouvriers, de l'autre côté de la grille, scandent des « Merci ! » à n'en plus finir.

Gdansk, Anna Walentynowicz, Lech Walesa

Rappelons son histoire :

Ouvrière des chantiers navals de Gdansk et travaillant en tant qu’opératrice des grues, elle commence des activités associatives pour les ouvriers dans les années 70. Pour son appartenance à une association indépendante, elle reçoit le 7 août 1980, comme sanction disciplinaire, d’être licenciée sans aucune possibilité de recevoir une retraite, alors même qu’il lui manquait seulement 5 mois de travail avant la retraite. La décision de la direction entraîne une grève qui a donné naissance au syndicat NSZZ Solidarność dont elle est la co-fondatrice avec Lech Wałęsa. Figure de proue de ce syndicat, elle y a joué un rôle crucial et en a subi les conséquences, ayant été condamnée à vingt ans de prison pour ses activités et ayant passé de nombreux mois en prison. Ses compagnons se souviennent entre autres de son discours pour maintenir la grève, qui a emporté l'adhésion du reste de la direction contre l'avis de Wałęsa, et à un moment critique pour la continuité du mouvement.

Ce documentaire m'a rappelé une anecdote vécue dans les semaines qui suivirent les accords de Gdansk. Solidarność n'existait pas encore officiellement. Mais de facto. Le siège du syndicat se tenait à l'hôtel de la mer, où, envoyé spécial de Libération, je passais de nombreuses journées. Je me souviens avoir rencontré Anna pour faire un portrait d'elle et lui demander de me trouver des documents sur la période clandestine du comité qui donna l'essentiel de ses cadres à Solidarność.

Un jour une ouvrière qui servait "d'attachée de presse" à Lech Wałęsa, qui était devenu en quelques semaines une star mondiale, me proposa d'assister à l'une de ces conférences de presse que "Lechek" tenait régulièrement avec les "touristes politiques" venus de toute l'Europe, un peu comme au Portugal lors de la révolution des œillets. Je refusais, n'acceptant que de voir Wałęsa en tête à tête pendant un temps suffisant pour réaliser une véritable interview du leader du mouvement. Puis, cette possibilité semblant vaine, Libération étant peu connu en Pologne, j'acceptai. J'assistai donc à la verve oratoire de Lech Wałęsa face ces touristes politiques émerveillés par la proximité de cette vedette et dont les questions étaient toutes complaisantes. Je sentais Wałęsa bicher devant ce public acquis à sa cause et à sa personne. Puis, au beau milieu, entra Anna Walentynowicz qui me cherchait pour me donner quelques uns des tracts clandestins qu'elle avait trouvés. À ce moment-là, je sentis comme de mauvaises ondes venant de Wałęsa. Et je vis qu'il se demandait qui était ce jeune type qu'Anna venait voir, quitte à troubler la conférence de la star.

La conférence se termina avec quelques questions impertinentes de ma part auxquelles il répondit par des pirouettes. Puis, la messe étant dite, je sortis. Et Maria, "l'attachée de presse" de Wałęsa, me prit à part pour me dire que "Lechek" voulait me voir. Il sortit et, alors que je ne lui avais rien demandé, il me signa un "ex libris" à son nom, à moi qui n'ai jamais demandé d'autographe à personne. Dès ce jour, je commençai à me méfier de Lech Wałęsa, sans, évidemment, lui retirer ses mérites. À me méfier de cette grande gueule bravache, ce qui m'amena, lors de son voyage à Rome pour voir le Pape, à écrire dans Libération un portrait peu dans le ton général d'une presse qui l'encensait. Un portrait sucré-salé, en langage gastronomique...

Anna Walentynowicz, elle, quitta Solidarność dans les années 80 en critiquant la direction de cette époque assemblée autour de Wałęsa. L’essence de la dispute tenait aux accusations d’appartenance de Lech Wałęsa à la police secrète SB, accusations qui demeuraient malgré le jugement d’un tribunal ayant déclaré Wałęsa non coupable (L'ouverture des archives IPN a permis de confirmer qu'il était très probablement enregistré sous le pseudo d’« Agent Bolek », et ce malgré la disparition d'une partie des feuillets concernant cet agent à l'époque de la présidence de Wałęsa). Avec la démocratie et l’arrivée au pouvoir de Solidarność, elle n’était plus d’accord avec ses orientations. En 2000, elle a refusé le titre de citoyenne honoraire de la ville de Gdansk. À 74 ans, en situation matérielle difficile dans son petit studio d'un immeuble de Gdansk où elle vit seule, elle a demandé une indemnité de 120 000 zloty (30 000 €) pour dommages physiques et moraux subies dans les années 80. Cela lui a été refusé par le tribunal de Gdansk.

Deux itinéraires, deux destins... »,...

une victoire sur une dictature qui sans Anna Walentynowicz, décédée le 10 avril 2010 à Smolensk (Russie) dans l'accident de l'avion présidentiel polonais, aurait bien pu ne pas avoir lieu.

Source

16/08/2011

Histoire d’un squat

Preuve que la dignité a tout à voir avec la résistance :

Sao Paulo, 18 millions d’habitants. La plus grande ville d’Amérique Latine, la plus forte concentration de mal-logés au monde.
Au 911 de l’avenue Prestes Maia, près de 2 000 personnes ont trouvé refuge dans une usine désaffectée de 25 étages. Chômeurs, ouvriers, femmes de ménage, vendeurs à la petite semaine, se côtoient. C’est le plus grand squat d’Amérique Latine, un véritable bidonville vertical.
Severino de Sousa est arrivé le premier. A 56 ans, ce « cartoneiro » est un pilier du squat. Pour faire vivre sa famille, il trie les poubelles et revend les déchets aux usines de recyclage. Au milieu des ordures, Severino a sauvé des centaines de livres pour créer la bibliothèque du 911. En 6 ans, il a rassemblé plus de 10 000 livres.
Brasiliano da Silva vend des boissons sur les voies rapides de Sao Paulo. Il en profite pour recommander ses livres préférés. La littérature l’aide à rêver d’un monde meilleur.


Le 911 a sa propre loi. Tous doivent la respecter sous peine d’être remis en place par le conseil des habitants qui se réunit une fois par semaine. Le concierge s’occupe du courrier, les gardiens se relayent pour sécuriser l’entrée, on nettoie les parties communes à tour de rôle. Loin des violences des rues de Sao Paulo, tous trouvent un refuge et peut-être même des mots pour se battre.

A lui seul, le squat 911 s’assimile à une réussite et montre à quel point une société marginale, solidaire, peut s’organiser pour sa liberté.

Le photographe brésilien Julio Bittencourt a rendu hommage aux résidents de cet immeuble en les immortalisant, dans le cadre de leur fenêtre - symbole de vie -, pour des moments empreints d’humanité et de dignité avant que tous soient expulsés en 2007 pour …. « raisons politiques » !!!

13/08/2011

Il y a 50 ans, le mur de Berlin

Entre 1949 et 1961, près de 2,7 millions de citoyens avaient quitté la RDA et Berlin-Est. Cet exode, composé pour la moitié de jeunes de moins de 25 ans, amplifiait les problèmes du pays pour le SED (ndlr : parti socialiste unifié). Tous les jours, plus d'un demi-million de personnes passaient la frontière entre les secteurs d'occupation de Berlin et comparaient ainsi les conditions de vie. En 1960 seulement, environ 200.000 citoyens de RDA s'étaient installés définitivement en RFA ou à Berlin-Ouest. La RDA se trouvait au bord de la faillite économique.


Le 15 juin 1961, le président du conseil d'état de RDA, Walter Ulbricht, avait déclaré: "personnes n'a l'intention de construire un mur". Et pourtant, le 12 août 1961, le conseil des ministres de RDA annonça: «un dispositif de contrôle aux frontières de la RDA avec l'Allemagne de l'Ouest et les secteurs d'occupation occidentaux à Berlin, tel qu'il est pratiqué par tous les états souverains, sera mis en place, afin de mettre un terme aux activités hostiles du pouvoir militaire rancunier de l'Allemagne de l'Ouest et de Berlin-Ouest». Nulle mention ne fut faite dans cette déclaration du conseil des ministres quant au fait que les citoyens de RDA n'aurait plus le droit de quitter les frontières de leur pays.

construction du mur de berlin,rda - rfa

Au petit matin du 13 août 1961 des barrages provisoires furent mis en place autour du secteur d'occupation soviétique et les routes d'accès coupées. Des détachements de la police militaire, de la police des transports et des milices ouvrières stoppèrent le trafic à la frontière avec les secteurs occidentaux de la ville. Ce n'est sûrement pas sans arrière-pensée que le SED avait choisi un dimanche pendant les congés d'été pour exécuter son opération.

Au cours des jours et semaines qui suivirent, les barrages barbelés provisoires déployés à la frontière avec Berlin-Ouest furent remplacés par un mur en dalles béton renforcé de briques creuses, monté par des ouvriers sous étroite surveillance des gardes-frontières de RDA. Les bâtiments limitrophes, tels que les immeubles de la Bernauer Straße, où le trottoir se situait dans l'arrondissement de Wedding (donc à Berlin-Ouest), et les rangées sud d'immeubles dans l'arrondissement Mitte (donc à Berlin-Est), furent tout simplement intégrés dans le dispositif de séparation entre les deux moitiés de la ville. Avec une opération coup de poing, les autorités de RDA firent murer les entrées d'immeubles et les fenêtres des rez-de-chaussée. Les habitants concernés ne pouvaient accéder à leurs logement que par les cours intérieures qui se trouvaient en territoire de RDA. C'est ainsi que de nombreux logement furent évacués de force dès 1961, non seulement dans la Bernauer Straße, mais aussi dans d'autres quartiers frontaliers.

Avec la construction du mur, certaines places ou quartiers entiers furent divisés abruptement d'un jour à l'autre, et le réseau suburbain de transports publics fut en partie neutralisé. Le soir du 13 août, le maire de Berlin déclara dans une allocution publique, devant le chambre des députés: «(...) Sous les yeux du monde entier, le sénat de Berlin condamne les mesures inhumaines et illégales adoptées par ceux qui veulent séparer l'Allemagne, opprimer Berlin-Est et menacer Berlin-Ouest (...).»

Le 25 octobre 1961 fut le jour de la confrontation des chars d'assaut américains et soviétiques devant le poste-frontière pour ressortissants étrangers de Friedrichstraße (Checkpoint Charlie): les gardes-frontières de RDA avaient exigé de contrôler des représentants des forces alliées occidentales, qui s'apprêtaient à rentrer dans la zone d'occupation soviétique. Pour les américains, cette consigne était attentatoire au principe de libre circulation des forces alliées dans la ville occupée. 16 heures durant, les deux puissances nucléaires restèrent ainsi figées, face à face, avec des blindés séparés de quelques mètres seulement. Le monde entier redouta la guerre. Mais un jour plus tard, les forces en présence se retirèrent. Grâce à l'intervention diplomatique du président américain Kennedy, le chef d'état et du parti soviétique Chruschtschow avait fini par reconnaître officiellement le statut d'occupation quadripartite de Berlin.

Par la suite, le dispositif de séparation fut étoffé et les contrôles aux frontières perfectionnés. A l'intérieur de Berlin, le mur qui séparait la partie Est de la partie Ouest, s'étendait sur 43,1 kilomètres. La portion extra-urbaine de séparation entre Berlin-Ouest et la RDA mesurait 111,9 kilomètres. Entre 1961 et 1989, plus de 100.000 personnes ont essayé de fuir la RDA en franchissant la frontière entre les deux Allemagnes ou le mur de Berlin. Plus de 600 fugitifs ont été abattus par les gardes-frontières de RDA, ou ont trouvé la mort autrement. On dénombre au moins 136 morts autour du seul mur de Berlin au cours de cette période. Source

11/08/2011

La dette ailleurs

Douze millions de personnes dans le monde meurent de faim pendant que les agences de notation suscitent ou organisent le reflux des spéculateurs (gentiment appelés «investisseurs» par les médias) vers les places boursières qui consacrent l’essentiel de leurs activités sur les matières premières agricoles. En 2008 – 2009 déjà, ces « investisseurs » y avaient «trouvé refuge». Dans les pays occidentaux, peu de monde s’en était indigné.

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«Légalement, avec les instruments spéculatifs ordinaires, ils (ndlr : toujours les mêmes) réalisent des profits astronomiques sur les aliments de base. Actuellement, la tonne de blé meunier est à 270 euros. Il y a un an, elle était de moitié. La tonne de riz a plus que doublé en un an et le maïs a augmenté de 63%. Les pays pauvres ne peuvent donc même plus acheter les aliments à même de constituer des réserves. Ils sont impuissants lorsque la catastrophe arrive.»

Autre cause de cette catastrophe humanitaire liée à la faim, et qui n’est malheureusement pas nouvelle : « le surendettement de ces pays. Le service (intérêt et amortissement) de la dette étrangère est tellement élevé qu’il absorbe pratiquement tous les revenus des États et les rend incapables d’investir dans les infrastructures notamment agricoles. Un exemple : seulement 3,8% des terres arables éthiopiennes sont irriguées alors qu’en Europe, elles le sont à 60%. L’Éthiopie n’a pas l’argent nécessaire pour puiser l’eau. Aujourd’hui, la nappe phréatique se trouve à 60, 70 mètres sous terre en raison de la sécheresse et, de ce fait, rend inopérantes les méthodes traditionnelles pour lever l’eau. » Jean Ziegler le 03/08/11. 

Contre la dictature financière des marchés agités par les spéculateurs, la révolte est donc nécessaire. D’autant plus nécessaire que le discours du petit homme blanc du Cap Nègre prononcé à Toulon en 2008 s’est avéré particulièrement abjecte par son cynisme.

Comment ne pas se souvenir notamment de ce passage à corréler avec ses actes : «(…) L’idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle. (…) Si l'on veut reconstruire un système financier viable, la moralisation du capitalisme financier demeure la priorité. (…)»

Il est très probable que les partis d’opposition traditionnels soient dans l’incapacité de mettre fin à cette mascarade qui a pris une ampleur difficile à évaluer. Ce qui est certain, c’est que pour l’instant, ils ont la dette ailleurs avec toutes les conséquences que cela pourra entraîner. A moins qu'ils choisissent de rentrer dans l'histoire pour d'autres raisons que des enjeux purement partisans. Mais il se fait tard !

10/08/2011

Auto décomposition

Qui parle encore du  Glass Steagal Act, mis en place par Roosevelt en 1933, qui instaurait une séparation des banques de dépôts et des banques d'investissement ? De fait, seules les banques de dépôts étaient garanties par les états, assurant les dépôts des particuliers. Les risques pris par les banques d'investissement étaient supportés par les actionnaires. 

Cette loi a été abolie par Clinton en 1999 sous la pression des lobbies bancaires américains. La suite a été extrêmement rapide : les banques d'investissement sont devenues aussi des banques de dépôts et ont pu prendre des risques insensés, assurées que les états ne les laisseraient pas faire faillite à cause des déposants particuliers. On a pu le vérifier en 2009, soit 10 ans après l'abolition du Glass Steagal Act. Et le lobbie bancaire est toujours très puissant et influant puisque peu de politiques en parle. Sont-ils complices ou incompétents, ou les deux ?

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De toute façon, effet domino, contagion, mimétisme, inconscience…, tous les «émeutiers» de Londres, Athènes ou Mogadiscio n’ont pas les mêmes motivations ni les mêmes méthodes, mais tous participent de l’auto décomposition du système dans lequel nous sommes nés.

Les droits économiques, culturels et sociaux n’ont pas fini d’en faire les frais. Sont-ils dissociables de ce système ?...