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24/05/2016

7 mars 2016, une énième réforme du Ceseda

De nouvelles régressions du droit d’asile et du séjour des étrangers
 
Le 7 mars 2016 a été votée une réforme du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Le gouvernement la présente comme une amélioration des conditions d’intégration des étrangers et une pérennisation de leur statut. Mais à y voir de plus près, deux objectifs traversent l’ensemble du texte : le renforcement de la lutte contre les personnes en situation irrégulière et l’immigration clandestine, et l’économie de fonctionnement de tout ce dispositif. L’analyse de ce texte ne sera pas exhaustive, mais nous présenterons quelques points qui nous semblent particulièrement importants.


Précarisation et surveillance permanente des personnes étrangères
La mesure phare de la loi porte sur la création d’un titre de séjour pluriannuel. D’une durée comprise entre deux et quatre ans, l’avantage indéniable est d’éviter aux étrangers de renouveler chaque année leur titre de séjour, leur évitant les attentes interminables devant les préfectures. Mais cet avantage est contrebalancé par une règle simple : toutes les cartes de séjour temporaire (1 an) et les cartes pluriannuelles pourront être retirées par la préfecture à tout moment si le ou la migrante ne remplit plus les conditions nécessaires.

Jusque-là, le droit offert par une carte de séjour d’un an ne pouvait être remis en cause, sauf cas particulier, qu’au moment de son renouvellement. Maintenant, la préfecture a le pouvoir de le faire à n’importe quel moment. Quitter son emploi, mettre fin ou faire une pause dans une relation, arrêter ses études ne pourra se faire sans prendre le risque de se retrouver rapidement en situation irrégulière. Une suspicion permanente portera sur les personnes étrangères. Pérennisation de leur statut nous disait-on... ou précarisation ?

Quel avantage subsiste à la création de cette carte pluriannuelle ? Economie et gain d’efficacité pour les préfectures. La préfecture est dotée d’une nouvelle mission : surveillance permanente et généralisée des personnes étrangères en situation régulière. Pour pouvoir contrôler de manière précise et en toute tranquillité, la préfecture a maintenant accès à des données jusque-là protégées par le secret professionnel.

Ainsi la préfecture pourra obtenir des informations auprès d’établissements scolaires, de fournisseurs d’énergie, d’établissements de santé, de mairies... que ces institutions ne pourront pas refuser de transmettre. Pour lutter contre la fraude, la vie privée des étrangers et le secret professionnel méritent bien de s’effacer.

Criminalisation des étrangers
La pénalisation pour séjour irrégulier revient en douce pour un certain nombre de personnes en situation irrégulière. Rappelons qu’en 2012, le séjour irrégulier avait été dépénalisé. Toutes les personnes qui ne respecteraient pas, entre autres, une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), ou une interdiction de circulation sur le territoire français pourraient être condamnées à une peine de 3 ans d’emprisonnement. Se maintenir en situation irrégulière, comme beaucoup de personnes sont contraintes de le faire car elles ont construit une vie en France, suivent une scolarité, suivent un traitement médical, ont une famille, ou parce qu’elles n’ont jamais vécu ailleurs qu’en France… peut conduire à l’emprisonnement.

L’enfermement des mineurs est une pratique désormais inscrite dans le Ceseda. Hollande annonçait pourtant la fin des mineurs en centre de rétention (CRA) en 2012, la possibilité de les enfermer (en tant qu’accompagnants) est maintenant gravé dans le marbre de la loi.

L’assignation à résidence des étrangers dont la préfecture organise l’éloignement se banalise. On ne peut se satisfaire de cette méthode comme alternative aux centres de rétention. La durée est de 90 jours (pour 45 jours en CRA) et si la personne ne se soumet pas à toutes les conditions de la préfecture, rien n’empêchera son enfermement en rétention. D’autres "catégories" d’étrangers sont désormais concernées par cette mesure coercitive, notamment les "dublinés". Ce sont les personnes dont la France refuse d’étudier la demande d’asile et qu’elle renvoie vers le premier pays européen traversé, responsable de leur demande d’asile.

Accès aux droits et à la défense bafoués
Le droit le plus fondamental d’un individu lorsqu’une administration prend une décision contre lui est qu’il puisse s’en défendre devant un juge. La mesure la plus utilisée par les préfectures pour renvoyer in fine une personne étrangère en situation irrégulière (OQTF avec délai de départ volontaire pour les initié-es) doit être désormais contestée dans les 15 jours (1 mois, avant la réforme). Deux semaines, ce sera dorénavant le temps laissé aux personnes étrangères pour se renseigner sur leurs droits, rencontrer une asso puis un avocat, réunir les documents nécessaires et éventuellement déposer une demande d’aide juridictionnelle et saisir le tribunal administratif. C’est quatre fois moins que ce qui est laissé à toute autre personne pour contester un acte administratif (2 mois de délai en principe). Ce qui laisse présumer que beaucoup de personnes n’auront pas la possibilité de déposer à temps leur recours.

Le tribunal devra statuer sur cette demande dans un délai de six semaines. Quelle défense solide peut être construite en aussi peu de temps ? Rencontrer un avocat, réunir les documents nécessaires à sa défense, demande un minimum de temps et de préparation. La procédure est rendue expéditive, visant avant tout à désengorger les tribunaux plutôt qu’à permettre à des personnes d’avoir un accès effectifs à leurs droits et à une défense correcte. Les conséquences pour les personnes étrangères sont aggravées.

ceseda

Illustration Emilie LAY, journaliste indépendante

Les malades étrangers
L’une des conditions essentielles pour l’obtention du titre de séjour "étranger malade" est l’inexistence du traitement de la pathologie dans le pays d’origine. Grâce à la réforme, c’est l’accessibilité qui est prise en compte (lieu de vie, prix du traitement…). Plutôt qu’une avancée c’est avant tout le retour à une norme modifiée il y a quelques années qui est à souligner ici.

En revanche, une énorme reculade est à observer dans ce domaine. Pour rappel, la préfecture ne doit pas connaître la pathologie de la personne, protégée par le secret médical. C’est une institution indépendante du ministère de l’intérieur, l’ARS (agence régionale de la santé), qui, après avoir pris connaissance de la pathologie de la personnes rendait jusqu’à présent un avis consultatif à la préfecture. Aujourd’hui, ce n’est plus l’ARS qui a en charge de rendre cet avis mais l’OFII (office français de l’immigration et de l’intégration), qui est sous l’égide du ministère de l’intérieur. Ce dernier devient donc juge et partie. Si la compétence de l’ARS pouvait être questionnée, la dépendance de l’OFII envers le ministère de l’intérieur ne paraît en aucun cas une solution efficace pour améliorer l’accueil des étrangers malades.

De rares améliorations
Les quelques avancées sont soit l’inscription de pratiques dans la loi, soit le retour à d’anciennes dispositions. Pour en citer quelques unes : l’audience devant le JLD (juge des libertés et de la détention) dans un délai de 48h pour les retenus en CRA (contre 5 jours avant la réforme), la possibilité donnée aux deux parents d’un enfant malade soigné en France d’obtenir un titre de séjour (cela ne concernait qu’un seul parent), l’obligation de démontrer qu’une personne étrangère gravement malade a un accès effectif au traitement dans son pays d’origine et non plus la simple existence de ce traitement, comme cité plus haut.


Ce texte poursuit donc des décennies d’atteintes aux droits des personnes étrangères et de politiques xénophobes. On aurait pu attendre mieux, une inversion de tendance, sous un gouvernement de "gauche"... pour celles et ceux qui y croyaient encore ! Les attaques du gouvernement contre nos libertés avec l’état d’urgence et les nombreuses lois de surveillances, contre les droits des travailleurs et précaires, et contre les personnes étrangères que leur discours politique stigmatise doivent être arrêtées. Unissons nos forces et stoppons la casse sociale.
 
P.-S.
Article réalisé dans le cadre du collectif d’entraide à la rédaction.

14/03/2013

Une suite au CESEDA

En France, de plus en plus d’enfants étrangers sont enfermés dans des centres de rétention. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat pour détention "inhumaine" et "dégradante" de réfugiés mineurs.

Qu'à cela ne tienne, Valls "infléchie" le ceseda vers l'assignation à résidence et décomplexe la tentation xénophobe.

ceseda, valls

Pénalisation des étrangers : « tout changer pour que rien ne change » ?

Contraint de se plier aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, le gouvernement a fait adopter la loi du 31 décembre 2012 supprimant le délit de séjour irrégulier.

Une rupture avec la ligne de fermeté envers les étrangers en situation irrégulière ? Un pas vers plus d’humanité dans une logique de protection des droits fondamentaux ? Ce n’est malheureusement pas le cas.

Pour pallier la suppression du délit de séjour irrégulier, des infractions demeurent ou sont mises en place. C’est ainsi que l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit toujours la répression de l’entrée irrégulière et que la loi du 31 décembre 2012, reprenant d’une main ce qu’elle donne de l’autre, introduit une infraction de résistance passive à une mesure d’éloignement ou d’assignation à résidence (nouvel alinéa 1 ajouté à l’article L. 624-1 du Ceseda) : une façon de ne pas heurter de front la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ;

La garde à vue des étrangers, rendue impraticable du fait de la dépénalisation du séjour irrégulier, est remplacée par une mesure de retenue administrative qui en est la copie quasi conforme : les services de police peuvent continuer de remplir les centres de rétention et les salles d’embarquement en tout confort.

L’essentiel répressif étant ainsi préservé, ce même gouvernement aurait pu se montrer plus compréhensif dans le traitement des conséquences réglementaires et administratives de ce tour de passe-passe législatif. Il n’en est rien.

Le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 portant création du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) n’autorise que l’enregistrement de données destinées à permettre l’identification d’auteurs de crimes ou délits ; il est donc en toute logique devenu inutilisable pour identifier les étrangers en situation de séjour irrégulier. Qu’à cela ne tienne, le ministère de l’intérieur prépare un décret élargissant l’objet du FAED, qui permettra de continuer à traiter leurs empreintes comme s’il s’agissait de délinquants ;

Les dépenses médicales et d’interprétariat engagées dans le cadre des nouvelles mesures de retenue administrative ne peuvent plus constituer des frais de justice, car ne se rattachant plus à la recherche d’auteurs d’infraction ; le ministère de la justice demandait donc que la logique budgétaire soit respectée et que le ministère de l’intérieur les prenne en charge. Matignon a pourtant tranché : ces dépenses continueront d’être imputées sur les frais de justice correctionnelle.

Ainsi, malgré la suppression du délit de séjour irrégulier, la pénalisation des étrangers continue d’imprégner la loi jusque dans ses moindres détails.

Le 13 mars 2013

Les associations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers sont : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Anafe, ADDE, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, LDH, Mrap, Observatoire du CRA de Palaiseau, Revue « Pratiques », Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG), Syndicat des avocats de France (SAF)

20/06/2012

Droit d'asile

Les lois sécuritaires des ministres Hortefeux, Besson et Guéant, produisent toujours les mêmes effets : des injustices d'autant plus insupportables qu'elles sont absurdes et d’autant plus absurdes que leur efficacité est loin d’être évidente !

Ce n’est pas faire un procès d’intention au nouveau gouvernement que de s'interroger dès maintenant sur les raisons pour lesquelles de mauvaises lois deviendraient bonnes dès lors qu’un nouveau ministre serait chargé de les faire appliquer.

La loi CESEDA (Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile en France) fait partie de cet arsenal juridique dont une famille arménienne de Manosque pourrait avoir à supporter les conséquences sans même plus pouvoir servir d’argument électoral à l’adresse d’une population retranchée derrière sa peur de l’Autre ou la simple indifférence.

Demander l'asile en France, Nora Zakaryan 
Les avocats appelés à plaider devant la CNDA ont fait grève pour manifester contre la dégradation de leurs conditions de travail, revendiquant d’avoir à traiter des cas humains et non des dossiers.
 

Or, la famille ZAKARYAN, ayant été gravement menacée en Arménie pour des raisons politiques indépendantes de sa volonté, a dû trouver refuge parmi nous. Elle a fait une demande d’asile auprès de l’OFPRA qui, pour l’instant l’a rejetée. Un recours auprès de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) a été déposé. C’est peu dire que le droit d’asile en France, lorsqu’il est accordé, relève de l’exception. 

Pendant ce temps, Nora ZAKARYAN, élève de 1ère L, doit passer les épreuves du baccalauréat en 2012 & en 2013, et souhaite poursuivre ses études en France, « normalement », au même titre que ses ami(e)s.

Conscients du risque de reconduite à la frontière encouru par cette famille qui ne gène en rien l’ordre public, l’ensemble du corps enseignant du Lycée Félix Esclangon à Manosque, les camarades de classe et ami(e)s de Nora, la Ligue des Droits de l’Homme de Manosque, toutes celles et tout ceux qui veulent défendre l’effectivité des droits élémentaires et du droit d’asile en particulier, demandent à ce que la famille ZAKARYAN puisse continuer de vivre sur notre territoire.

Pour lui apporter un soutien, la section locale de la LDH lance un appel à signer une pétition en ligne : « Soutien à Nora Zakaryan et à sa famille »

En tout état de cause, les cas de familles expatriées et ayant demandé à bénéficier du droit d’asile devraient être examinés avec plus de souplesse dès lors que le nouveau gouvernement dont nous sommes désormais dotés aurait à cœur de défendre les Droits de l’Homme bien plus et bien mieux que son prédécesseur.