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12/10/2014

Les prédateurs

Sécession des multinationales, des hauts revenus, corruption, solidarités instrumentalisées, où en est la devise républicaine ?

Chronique philo de Cynthia Fleury
3 oct. 2014

L’inventivité de la corruption est à la fois sans limites et généralement assez simple dans son principe. Éternelle pour d’autres. Inéluctable. Pourtant l’on se rend compte que les États, les organismes, les entreprises, les individus qui décident de lutter contre, parviennent à l’enrayer. Pas totalement, certes. Mais le laxisme n’est pas plus productif. Il est même résolument dangereux. Laissons un instant les affaires politico-financières françaises. Observons le racket sans esprit d’un des quotidiens économiques les plus suivis de la Chine. Ces dirigeants ont menacé plus d’une centaine d’entreprises de « révélations compromettantes si elles n’achetaient pas d’espaces publicitaires ». La chose, paraît-il, est commune, dans un pays où les entreprises ont pour habitude, aussi, d’acheter la presse.

Corruption (Le Seuil, 2014) est le titre simplissime du livre d’Antoine Peillon, grand reporter à la Croix et spécialiste de ces questions. Un livre qui tisse la dialectique terrible entre crise de régime et corruption. Peillon décrit la prolifération des conflits d’intérêts (et des collusions réelles) produisant mécaniquement l’effacement de la République. Délits d’élus, de Graziella Riou Harchaoui et Philippe Pascot (Max Milo Éditions) recense quelque quatre cents hommes et femmes aux prises avec la justice ou condamnés… et pour le moins réélus. Preuve que l’acceptabilité de la corruption est toute culturelle. Il existe en France un « usage constant des affaires » (Badiou), un fonctionnement en « bandes organisées » digne des mafias les plus traditionnelles, mêlant hauts fonctionnaires, hommes d’affaires, avocats, journalistes, etc., parfois d’autant plus protégés qu’ils le sont par le secret-défense. Thierry Colombié parle de « coterie trafiquante ». Autre lieu qui échappe à la justice, la commission des infractions fiscales, dite verrou de Bercy, seule habilitée à déclencher (ou non) des poursuites judiciaires à l’encontre des fraudeurs fiscaux, par autorisation donnée (ou non) à l’administration de porter plainte. En juin 2013, un nouvel arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rappelait, une fois de plus, que le parquet français ne pouvait être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l’article 5 §3 de la convention, du fait du lien hiérarchique entre celui-ci et le pouvoir exécutif. La loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, votée en décembre 2013, ne change d’ailleurs rien à l’affaire dans la mesure où le procureur de la République financier dépend du ministère de la Justice. Pourquoi maintenir une opacité administrative totale en faveur de l’impunité des fraudeurs fiscaux, telle est la question posée par Peillon.

corruption

Corruption de « haute intensité » qui voisine avec une corruption de « basse intensité » qui ne peut être considérée de même nature. Néanmoins, délimiter la frontière n’est pas aisé. Les organisations criminelles ont largement infiltré l’économie légale, elles achètent la décision publique. La mondialisation a par ailleurs décuplé la puissance des entités non étatiques en leur donnant un sentiment d’impunité dans l’espace global. Le temps des pirates n’est pas révolu.

03/09/2011

Solder les comptes du capitalisme

Les grandes déclarations consistant à moraliser le capitalisme ont très vraisemblablement fait leur temps. Le socialisme dans lequel beaucoup d’espoirs ont été placés, et qui, faute de mieux, continue par défaut d’être la seule hypothèse acceptable, risque de tourner court, définitivement, si la notion de bien public continue d’être dévoyée au profit de combines et stratégies à court terme, partisanes et cupides. Le temps est-il venu de penser plus radicalement ? L’histoire le dira et j’espère seulement qu’elle s’abstiendra d’être trop sinistre.

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En attendant, il faut tenir tout en essayant de concevoir un « après » au capitalisme finissant. Toute nouvelle évaluation se devra d’être globale, «intégrant des données économiques, sociales, culturelles et, ce qui est nouveau, environnementales. (…) Elle se devra évidemment d’inclure «le principe de l’élargissement le plus achevé de la démocratie (…)». A lire absolument : "Le Capitalisme à l'agonie" de Paul Jorion.

Pour l’heure, il faut donc survivre à un système autant qu’à ce qu’il implique au plan des pratiques sociales, certaines étant plus détestables ou évitables que d’autres, (autre façon d’introduire la notion de désobéissance civique), et posant la nécessité d’un distinguo à établir entre corruption-pouvoir-richesse, et transgression-dépendance-pauvreté.
Sur ce dernier point, on peut trouver un élément de réponse dans la note intitulée «La transgression, modèle économique alternatif pour les pays pauvres»

Mais de toute évidence, solder les comptes du capitalisme, reviendra nécessairement à remettre en cause un système autant qu’un état d’esprit et une manière de penser : une aventure humaine de longue haleine qui dépasse très largement les promesses électorales trotte-menu.

17/11/2009

Corruption portes ouvertes

Les chambres régionales des comptes ont été crées en mars 1982 pour constituer des juridictions financières attachées aux gestions locales. Leur jugement est susceptible d'appel devant la Cour des Comptes et de cassation devant le Conseil d'Etat.

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Il y avait le droit pénal dans lequel les financiers les plus « initiés » finissaient par se prendre les pieds : d'où la dépénalisation du droit des affaires.
Il y avait (il y a encore, mais pour combien de temps ?) les juges d'instructions, capables de mettre en examen ces mêmes financiers : d'où la furieuse envie exprimée à l'Elysée de supprimer le juge d'instruction au profit d'un hyper magistrat instructeur nommé par "le président de tous les français".
Il y a aujourd'hui les magistrats de la chambre régionale des comptes (CRC) : ils risquent d'être remplacés par des observateurs beaucoup moins encombrants et nettement plus dociles aux injonctions venues d'en haut. De quoi être inquiet.

Leurs torts ? Contrôler les recettes et les dépenses des collectivités territoriales, intervenir chaque fois qu'un ordonnateur (un maire par exemple) se trouve en situation de gestion de fait. Traduire : en train de manier de l'argent public à des fins irrégulières, voire personnelles, à travers de fausses factures, des subventions détournées de leur finalité, des déficits budgétaires quasi volontaires etc. Jusqu'à présent et à quelques exceptions près, le principe de séparation entre l'ordonnateur et le comptable du trésor public, fonctionnait à peu près bien. Et le contrôle s'exerçait, dérangeait même parfois jusque dans les couloirs de Bercy.

On comprend alors que cette énième réforme soit imaginée pour transformer le contrôle des dépenses publiques des collectivités territoriales par les CRC en une simple évaluation. Ce qui équivaut à la mise en place d'une corruption organisée. Comme pour la dépénalisation du droit des affaires, la tentation sera grande de fermer les yeux sur les pratiques douteuses de gestionnaires proches du sérail ou ayant partie liée avec lui. Elle tombe à pic et au moment même ou les maires de France, sifflent le courageux fantôme de Matignon à la porte de Versailles à propos de la suppression de la taxe professionnelle. En cas de fronde tenace, on pourra toujours marchander une déresponsabilisation du  statut d'élu local.

A propos, les magistrats de la Chambre Régionale de Comptes ont fait grève aujourd'hui 17 novembre pour revendiquer ce qui leur reste d'indépendance. Si on ne s'en est pas rendu compte c'est qu'ils ne sont que 300 sur l'ensemble du territoire et que le tapage est ailleurs.