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02/07/2010

Tolérance zéro,... jusqu’où ?

Dans l’actuel imbroglio juridico-politico-financier, une proposition de loi apparemment assez simple, portant le modeste n°268, restera à valider cet automne par l’AN en pleine tempête woerthienne. Elle risque non seulement de passer inaperçue, mais encore de soulager un certain nombre de personnes publiques impliquées dans des affaires déprimantes pour le corps électoral. Elle propose de modifier le texte de l'article L 432-12 du Code pénal concernant la prise illégale d’intérêt. Cet article deviendrait :

«Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque (supprimé) "personnel distinct de l’intérêt général" (rajouté) dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende» (inéligibilité incluse).

Très pernicieusement, il s’agit donc de réduire en le supprimant, le risque «gestion de fait de fonds publics», de dépénaliser les situations ou l’élu favorise un tiers avec qui il n’a pas de lien personnel pour en retirer malgré tout un avantage. Favoriser un membre de sa famille civile continuerai d’être considéré comme un délit, mais pas la faveur accordée à sa «propre famille politique», à sa propre association, voire à une autre structure rattachée administrativement (intérêt général) à sa «propre» personne.

Le Sénat, club d’élus locaux, a naturellement voté ce texte comme un seul homme et il ne serait pas étonnant que l’Assemblée Nationale en fasse autant avec la même unanimité.

En marge des affaires 2 copier.jpg

En résumé, la modification du texte, tend à exclure le délit de prise illégale d'intérêt d'un élu local en l'absence d'enrichissement personnel. Ca vaut le coup (en anglais : worth it) d’essayer.

Rapport à l’actualité : si cette loi était votée, un des présumés chefs d’accusation à l’encontre du ministre Woerth, qui précisément, ne manquera pas de plaider «l’absence d’enrichissement personnel», pourrait bien tomber.

C’est la nouvelle piste incidemment découverte par Médiapart qui s'est procuré le rapport sur les comptes 2008 de ce mystérieux parti «woerthien» (agréé en janvier 2008 et basé à Senlis), auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (en usant du droit à l'accès aux documents administratifs).

On y découvre que ce parti sans adhérents et donc sans cotisation, a une trésorerie plus que confortable, ce qui en soit n’est pas répréhensible.


Par contre, « dans la colonne «produits», on s'aperçoit que «l'Association de soutien à l'action d'Eric Woerth» a bénéficié, au fil du temps, de quatre versements de la part de l’UMP : 3.000 euros les 30 mai et 24 décembre 2008, 5.250 euros le 9 mai, carrément 55.000 euros en janvier.

En clair, Eric Woerth, trésorier du parti présidentiel, s'arrange pour que l'UMP finance un parti politique local à son service... Le ministre est à l'origine, en même temps qu'à l'arrivée, des subventions, se mettant lui-même sous perfusion. Sacrée confusion des genres... On comprend mieux qu'Eric Woerth ne dise mot sur cette «Association»... »

Si ce n’est pas de la prise illégale d’intérêt, çà y ressemble énormément !

Mis à part les mésaventures du négociateur missionné pour élaborer, dans l’intérêt général, une réforme des retraites crédible, cette loi n° 268 est faite pour encore simplifier le travail du juge d’instruction et participer à justifier sa disparition programmée. Au surplus, elle risque de tomber à-pic dans l’affaire Woerth-Bettencourt, un peu comme les bidouillages dont a bénéficié la scientologie en 2009. Elle va aussi dans le même sens que la dépénalisation du droit des affaires, à savoir une trentaine de mesures pour «rendre aux Français le goût d'entreprendre» dixit le Pdt de la République devant le Medef en 2008, tout en évitant à ses fidèles du Fouquet’s de se trouver en délicatesse avec le code pénal.

25/06/2010

Monsieur W manque de tenue

A en croire Didier Migaud, éminent socialiste recruté par le chef de l’Etat pour présider aux destinées de la Cour des Comptes, Monsieur W, ex ministre du budget et encore aujourd’hui préposé aux retraites, était, est encore, un employé modèle. «Je peux témoigner de la volonté très forte d'Eric Woerth de lutter contre le phénomène de la fraude fiscale» a-t-il témoigné à l’AFP. «Comme moi » aurait-il pu rajouter, « puisque j’ai présidé la commission des finances à l’A.N. de 2007 à 2010 sans rien y trouver à redire». Au passage on notera que «très forte» ne veut pas dire «sans concession».

Férré william 2.jpg

On connaît l’histoire de Monsieur W à travers Médiapart et quelques autres journaux. On connaît moins celle de Didier Migaud et d’ailleurs est-elle digne d’intérêt ?

Mais dans les deux cas, il s’agit dans un premier temps d’exposer un travail parfait ou qui en a les apparences :

pour mieux se dédouaner dans un second temps et à bon compte de malversations et autres petits arrangements répréhensibles que l’on aurait pu commettre soi-même par inadvertance mais qui n’aurait pas échappé à la sagacité de journalistes intègres ou simplement curieux.

Autrement dit, être un employé modèle n’empêche absolument pas de tomber sous le coup de la loi et de la réprobation. Ne pas le reconnaître et déposer plainte contre celles et ceux qui ont révélé les licences prises avec la règle et l’éthique ne change rien à l’affaire. Il faut changer l’eau du pot aux roses.

Sur un registre différent, Léo Férré et Jean-Roger Caussimon l’avaient compris bien avant que Monsieur W et ses acolytes, tout bord confondus, ne soient rattrapés par l’actualité.

C'était vraiment un employé modèle
Monsieur William
Toujours exact et toujours plein de zèle
Monsieur William
Il arriva jusqu'à la quarantaine
Sans fredaine
Sans le moindre petit drame...
Mais un beau soir du mois d'août
Il faisait si bon, il faisait si doux
Que Monsieur William s'en alla
Flâner droit
devant lui
au hasard
et voilà !...

-Monsieur William ! Vous manquez de tenue !

Qu'alliez-vous fair' dans la treizième av'nue ?...

Il a trouvé une fill' bien jeunette

Monsieur William
Il lui a payé un bouquet de violettes
Monsieur William
Il l'a suivie à l'hôtel de la Pègre
Mais un nègre
A voulu prendre la femme...
Monsieur William, hors de lui
Lui a donné des coups de parapluie
Si bien que l'autre, dans le noir
Lui a cou-
pé le cou
en deux coups
de rasoir...

-Monsieur William ! Vous manquez de tenue !

Qu'alliez-vous fair' dans la treizième av'nue ?...

Il a senti que c'est irrémédiable

Monsieur William
Il entendit déjà crier le Diable
-Monsieur William !
Mais ce n'était que le chant monotone
D'un trombone
Chantant la peine des âmes
Un aveugle, en gémissant
Sans le savoir, a marché dans le sang
Et dans la nuit, a disparu...
C'était p't-êtr'
le Destin
qui marchait
dans les rues...

-Monsieur William ! Vous manquez de tenue !

Vous êtes mort... dans la treizième av'nue !...

21/06/2010

E. Woerth, disqualifié du jour

Dans une interview parue dans Mediapart, Eva Joly réclame la démission d'Eric Woerth, lequel, comble du cynisme, doit négocier la réforme des retraites avec les syndicats. Cette interview arrive après les révélations de Mediapart dans les affaires Karachi et Bettencourt dont il faudra bien reparler.

Elles ne sont pas très nombreuses les autorités intellectuelles et politiques qui manifestent aussi ouvertement cette exigence. Ce silence relatif serait-il dû à une insensibilisation, «mithridatisation de notre vie publique» ou à un brouillard d’informations sans doute symptomatiques, mais en fait secondaires ou tombant à pic comme les calamiteuses aventures de R. Domenech ?

collusion karachi copier 1.jpg

Rappel : Article 432-10 du Code pénal

  • Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.
  • Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d'accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires.
  • La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

L’interview :

M : Que vous inspirent les révélations contenues dans les enregistrements des discussions de Liliane Bettencourt avec son entourage ?

E.J : "Si ce que disent les enregistrements est vrai, et personne ne conteste leur authenticité, c'est un énorme scandale. Car on y voit mises en scène les relations inappropriées entre l'exécutif, le président de la République au premier rang, et les procureurs. Ces enregistrements montrent bien cette connivence, notamment quand on entend que le conseiller justice de Sarkozy, Patrick Ouart, annonce le 21 juillet la date et le résultat d'une décision de justice (ndlr : l'irrecevabilité de la plainte déposée par la fille de Liliane Bettencourt, prononcée le 3 septembre). C'est insupportable de voir une telle intervention directe de l'Elysée dans une affaire judiciaire ! A la lecture des autres extraits, on comprend que tout le monde a intérêt à ce que Liliane Bettencourt soit reconnue juridiquement capable, tant elle est une source de cadeaux envers un grand nombre de gens, parmi lesquels des représentants du pouvoir!"

M : Vous qui avez connu des difficultés à enquêter du temps où vous étiez juge d'instruction, comment considérez-vous les entraves actuelles au travail du juge Trévidic dans l'affaire Karachi (le pouvoir en place de «freiner son enquête» et a déploré «le fait d'être seul et de manquer de moyens pour enquêter») ?

E.J : Plus le temps passe, et plus je suis convaincue que Karachi était la raison de la suppression du juge d'instruction, une décision prise directement par l'Elysée, puisqu'on a bien vu que la chancellerie et Rachida Dati alors garde des Sceaux n'étaient pas au courant. Il y avait alors urgence à réduire davantage encore l'indépendance de la justice. Ce que nous avons appris depuis interroge gravement, par exemple l'attitude du procureur Jean-Claude Marin, refusant de délivrer des supplétifs d'enquêtes au juge Trévidic. Ce qui indique bien l'étendue du dysfonctionnement actuel. Si on rapproche les deux affaires, les masques sont tombés. Je le répète, c'est insupportable, et nous n'allons plus le supporter.

M : Que demandez-vous ?

E.J : Il faut que les enquêtes qui soient ouvertes ne concernent pas seulement les enregistrements, mais aussi des vérifications fiscales sur les conseils de Mme Bettencourt, et sur Mme Bettencourt elle-même. Il doit y avoir aussi une enquête fiscale immédiate sur le départ évoqué d'un compte vers Singapour. On ne peut pas s'abriter derrière le respect de la vie privée dans cette affaire, car le contenu des discussions est trop violent, dans ce qu'il nous dit des rapports entre pouvoirs financiers et politiques ! Enfin, ces enregistrements mettent en lumière la valeur des paroles et de la rhétorique d'Eric Woerth sur les paradis fiscaux. Il y a une contradiction d'intérêts incroyable, par rapport à sa prétendue lutte contre les paradis fiscaux, alors même que sa femme a participé à l'évasion fiscale de la fortune Bettencourt. Quel crédit après ça accorder à la notion d'égalité des citoyens devant la loi ?

M : Eric Woerth doit-il démissionner ?

E.J : "Oui. Il n'est pas extraordinaire de demander à un ministre d'être irréprochable ! Les fonctions de sa femme ne sont pas contestées, la validité des enregistrements non plus. Dans une démocratie normale, la démission s'impose. Mais dans une démocratie normale, on ne peut plus tolérer non plus que l'action publique à Nanterre et à Paris soit encore menée par MM. Courroye et Marin, car l'indépendance de la justice n'y existe pas. Comment demander un effort à tous les citoyens en période de crise économique, en ayant en même temps autant de prébendes au sommet de l’Etat ? On n'essaie pas de trouver la vérité dans l'affaire Karachi comme dans les Hauts-de-Seine. On laisse le ministre du développement soumettre un permis de construire falsifié, et cet acte, détachable de la fonction ministérielle, doit être renvoyé devant le tribunal. Quant à Christian Blanc, il semble ne plus voir les réalités derrière ses volutes de cigares ! Tout ça est de trop !

Si on tolère cela, on mithridatise notre vie publique. A force d'injecter un peu de poison chaque jour dans notre démocratie, on pense vacciner peu à peu les citoyens à l'indécence. Mais ici, l'issue de la mithridatisation est létale, et notre démocratie est en danger de mort."