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06/07/2013

Censure prise

Au moment où l’ancien président de la République veut faire croire à un come-back, au moment où le nouveau se trouve dans l’incapacité de réunir sur son nom, son parti et son autorité une majorité d’électeurs lassée par sa couardise et sa médiocrité, l’indépendance de la presse et de la justice restent l’un des seuls recours pour éviter que l’histoire ne se répète.
D’où la manœuvre sans surprise consistant à vouloir museler Médiapart, bien isolé dans le marais d’une presse dépendante ou à peser sans retenue sur des magistrats chargés de rendre justice.

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"Trois magistrats ont donc rêvé la mort de Mediapart. Ils se nomment Marie-Gabrielle Magueur, président, Annie Vaissette, conseiller, Dominique Ponsot, conseiller, et siègent à Versailles, à la première chambre de la cour d’appel.  Dans une décision ubuesque, aussi aberrante factuellement qu’inconséquente judiciairement, ils nous (Médiapart) ordonnent de supprimer, sur l’ensemble du site, tout extrait et toute retranscription des enregistrements du majordome qui sont à l’origine de l’affaire Bettencourt et nous interdisent d’en publier à l’avenir.

Condamner Mediapart alors que les autres médias vont pouvoir librement continuer de citer ces enregistrements a-t-il un sens ?

C’est une incohérence supplémentaire. Mais c’est très bien si les autres médias continuent de publier. C’est important car le peuple doit savoir au nom de quoi on a condamné. Il ne faut pas oublier que la justice est rendue au nom du peuple français. Le peuple a le droit de savoir et c’est toujours au peuple que reviendra le dernier mot, dixit Jean-Pierre Mignard, avocat de Mediapart

Quelques pièces du dossier constitué par Médiapart sur l'affaire Bettencourt, sont reprises ici et surtout le verbatim des enregistrements visés.

Voir aussi et entre autres documents (1); (2)

 Communiqué LDH :

Censure des enregistrements effectués dans l’affaire Bettencourt, une atteinte à la liberté de la presse

Veut-on revenir aux temps obscurs de la censure ? D’allure baroque, la question doit pourtant être posée après l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, rendu le 4 juillet, qui ordonne à Mediapart et Le Point de supprimer de leurs sites, dans les huit jours, toute citation des enregistrements effectués par le majordome de madame Bettencourt. L’arrêt va jusqu’à interdire qu’ils soient mentionnés.

On se souvient que ce sont ces révélations qui ont été à la source d’une enquête journalistique éclairante sur les rapports entre le monde de l’argent et de la politique. L’arrêt de la cour d’appel, censurant de fait l’information, est un coup porté aux titres de presse Mediapart et Le Point, et à la liberté de la presse d’une façon générale. Au moment où la ministre de la Justice dépose un projet de loi qui affirme que « les journalistes doivent pouvoir exercer leur mission sans entraves », cette décision est rien moins qu’inquiétante ; au lendemain du refus de la France d’accorder l’asile à Edward Snowden, elle rappelle à quel point la liberté d’informer et d’être informé, en toute liberté, reste fragile.

La Ligue des droits de l’Homme exprime sa solidarité avec Mediapart et Le Point ; elle appelle à une grande vigilance pour défendre la liberté de la presse, facteur incontournable de la démocratie.

13/07/2010

Médiapart

Sans contre-pouvoirs, plus rien ne nous protègera de la racaille obscène qui nage dans le déni. Si l’indépendance de la presse est une priorité, Médiapart est devenu un symbole à défendre à tout prix.

Pour l’Elysée, Isabelle Prévost-Desprez, présidente la chambre financière du tribunal de grande instance de Nanterre et Claire Thibout, ex comptable de Liliane Bettancourt, sont elles aussi à abattre. La première a écrit un opus sur le sujet (*), les déclarations de la seconde sont loin de relever du  phantasme ou de l'imagination.

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A lire : un article éclairant d’Antoine Perraud paru sur Mediapart le 11 juillet et intitulé « Les aboutissants de la contre-attaque élyséenne »

«Comparaison n'est pas raison; surtout maniée à mauvais escient. Or dans l'affaire Bettencourt-Woerth-Sarkozy, les voltigeurs du verbe au service de l'Élysée établissent des parallèles, non pas pour clarifier mais en vue de circonvenir.

Les hommes politiques, prétendus stipendiés par l'ex-comptable Claire Thibout, sont-ils comparables à Dominique Baudis, accusé en 2003, par deux anciennes prostituées (Christelle Bourre dite «Patricia» et Florence Khelifi dite «Fanny»), de crimes sexuels imaginaires à Toulouse? Les visiteurs pour cause électorale de la maison Bettencourt, qui seraient rarement repartis les mains vides, sont-ils calomniés au même titre que le «réseau pédophile» victime des sornettes d'une égarée (Myriam Badaoui) à Outreau entre 2001 et 2005?

Avons-nous, de nouveau, affaire à une ardente égérie dénonciatrice, capable de susciter ce que l'universitaire américaine Elaine Showalter a baptisé l'«Hystoire»: ce grand concours d'agitation de l'inconscient collectif à l'ère électronique, qui s'inscrit dans de précédents récits médiatiques, et balise, jusqu'au cliché, la révélation sidérante de turpitudes propres aux notables?

Claire Thibout n'a ni le profil psychologique, ni la désespérance sociale des Pythies de Toulouse ou d'Outreau, dont les oracles diffamatoires entraînèrent les emballements médiatiques et judiciaires de sinistre mémoire. De plus, Claire Thibout ne fut pas soumise à quelques conciliabules étouffants avec un juge (comme à Outreau) ou un gendarme (comme à Toulouse). Ceux-ci profitèrent des fragilités d'êtres déchus se rêvant reine d'un jour, pour siphonner leurs aveux au cours de séances en tête-à-tête. Un homme de loi buvait les paroles d'une délatrice ; celle-ci mesurait que c'est en mentant qu'on devient écoutée...

Claire Thibout n'a jamais été exposée à une telle économie libidinale de la confession: livrer, seul à seul, son philtre sans trouver aucun filtre. Au contraire, son avocat, Me Antoine Gillot, tout comme le journaliste de Mediapart, Fabrice Lhomme, n'ont cessé de lui rappeler les risques et les conséquences de ses déclarations, non pas recueillies en face à face mais toujours en présence d'un témoin. Nul vampirisme, donc, mais une médiation.

Surtout, les déclarations de Claire Thibout ne constituent pas l'alpha et l'oméga d'un scandale fantasmagorique, qui se déclinerait à partir et en fonction de cette pièce unique au dossier. Les allégations de l'ancienne comptable s'inscrivent dans une enquête politico-financière sérieuse menée par Mediapart, fondée sur des révélations vérifiées (les 30 millions d'euros restitués à Liliane Bettencourt au titre d'un curieux «bouclier», mais surtout un système d'évasion fiscale sous égide étatique, sur fond de conflit d'intérêts touchant la femme d'un ministre du Budget au service de la millardaire).

«Cantonner la justice dans un périmètre qui ne menacera plus les puissants»

Nous sommes donc loin des délires de l'affaire Alègre. Là, les accusatrices étaient aux mains des gendarmes et des magistrats, qui peaufinaient leurs propos calomniateurs. Un quotidien régional instrumentalisait leur parole pour détruire Dominique Baudis, en position de faiblesse malgré sa condition de président du CSA. La presse nationale, savamment enfumée, suivait lamentablement. Le moindre revirement de la partie dénonciatrice devenait un grain de sable dans la machine à broyer. C'était signe d'affranchissement.

Dans le scandale actuel, l'accusatrice se retrouve face à des policiers et à des magistrats qui veulent lui faire rendre gorge, pour disculper un président de la République et un ministre gênés par son témoignage. L'essentiel des moyens de communication, notamment audiovisuels, n'assaillent pas les suspects mais les protègent. Le moindre revirement de la partie dénonciatrice reflète donc la pression exercée sur elle de la part d'un pouvoir étatique ayant mobilisé les grands moyens. Ce n'est pas un signe d'affranchissement mais d'assujettissement. Voilà ce que n'a pas voulu comprendre Dominique Baudis, interrogé par Le Figaro de Serge Dassault sur l'affaire Bettencourt-Woerth-Sarkozy.

Cette propension du régime à tirer profit des graves dérives passées de la justice et des médias, pour dorénavant neutraliser l'une comme les autres, s'avère essentielle.

Isabelle Prévost-Desprez préside la chambre financière du tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine). Là, elle se heurte au procureur Courroye, truchement zélé de la Chancellerie voire de l'Élysée, qui veille sur le suivi de l'affaire Bettencourt en dépit du bon droit. Écœurée par le monde judiciaire où l'on verse, selon l'expression d'un magistrat, dans la «torpeur de la soumission récompensée», Isabelle Prévost-Desprez vient de publier: Une juge à abattre (Fayard, 248 p., 16€), qui entend témoigner d'une défaite de la démocratie: «Le pouvoir de l'argent a fini par vaincre la justice.»

Elle revient sur la visite de Nicolas Sarkozy le 30 août 2007 à l'université du Medef, qui accueillait ainsi son premier chef de l'État en exercice. L'assistance exulta quand le président s'est égosillé: «À quoi sert-il d'expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, c'est une page sombre de notre histoire, et de tolérer des contrôles fiscaux ou des enquêtes sur des dénonciations anonymes (... ) On ne peut continuer à mener aux entrepreneurs une guerre judiciaire sans merci.»

Isabelle Prévost-Desprez affirme: «Après un tel discours, même les juges d'instruction financiers les plus optimistes ne pouvaient que perdre leurs dernières illusions. La plus haute instance de l'État venait d'annoncer leur enterrement (...) Ne s'en remettre qu'à une supposée éthique des entreprises pour faire barrage aux dérives de l'argent n'était pas un pari naïf, c'était poser le principe de l'inégalité devant la loi pénale comme une évidence.»

L'auteure explique ensuite comment le pouvoir actuel, pour vouer aux gémonies la pénalisation du droit des affaires, pour envoyer aux oubliettes le juge d'instruction jugé trop fouineur, se servit de l'épouvantail d'Outreau; en tablant sur l'effet produit par la diffusion, en direct à la télévision, des auditions de la commission d'enquête parlementaire. Et elle conclut: «Ce trou noir de notre histoire judiciaire a été utilisé pour cantonner la justice dans un périmètre qui ne menacera plus les puissants. Les politiques et les décideurs économiques auront dès lors beau jeu de renvoyer les juges aux erreurs d'Outreau, pour se présenter eux-mêmes comme des victimes de l'institution judiciaire.» Ajoutons «ainsi que des victimes du journalisme», et nous y sommes !

«Quand le pouvoir de l'argent ne reconnaît plus aucune légitimité à la justice et entend se soustraire aux lois de la République, le contrat social est rompu», souligne Isabelle Prévost-Desprez dans son épilogue. Sous nos yeux, s'écrit cet additif : quand le pouvoir politique ne reconnaît plus aucune légitimité au journalisme et entend se soustraire aux lois de l'admonestation, le contrat moral est rompu.

Ainsi va la régression de cette culture de contre-pouvoir si fragile en France, que rêvent d'achever nos puissants qui s'érigent en victimes de l'affaire Bettencourt.»

(*) « Une juge à abattre »
Jacques Follorou, Isabelle Prévost-Desprez

Date de Parution : 19/05/2010

Collection : Documents
Prix public TTC : 16,00 €
Code ISBN / EAN : 9782213643168 / hachette : 3549011

04/07/2010

Merde à Vauban

Ils, Simone Veil et Michel Rocard, ont osé déclarer  :

(…)

« Mesure-t-on bien les effets dévastateurs du spectacle affligeant qui se donne jour après jour devant l'opinion autour de « l'affaire Bettencourt » ? Veut-on définitivement démonétiser une parole politique déjà suffisamment dévalorisée, décriée, diminuée ?

Les sondages nous disent ces jours-ci que nos compatriotes trouvent cette « affaire » (ndlr : Bettencourt) grave. Grave, elle l'est d'autant plus en effet que les représentants des institutions les plus éminentes de notre pays - présidence, gouvernement, Parlement, justice - se trouvent interpellés, parfois en des termes plus qu'inappropriés, par des responsables politiques plus soucieux de leur carrière que de l'intérêt public. Qu'ils soient de droite ou de gauche, aux affaires ou dans l'opposition.

Comprenons-nous bien : chacun a parfaitement le droit, et même le devoir démocratique, de dénoncer, ou de défendre, telle ou telle situation de cumul de responsabilités, tel ou tel risque de conflit d'intérêts, tel ou tel motif de confusion des genres. Rien de plus normal, ni de plus sain, que cela : c'est l'essence même du débat politique en démocratie.

Mais débattre est une chose, vouloir à tout prix abattre l'adversaire en est une autre. Attaquer ad hominem, harasser sans relâche, dénoncer sans preuves, d'un côté comme de l'autre, ce n'est pas servir le débat, c'est desservir la démocratie, l'affaiblir et finalement l'asservir au nom même des principes que l'on croit si bien défendre. C'est porter atteinte à la dignité de la personne, c'est porter un coup à la politique, à la République.

N'oublions pas que le mot « république » vient de la res publica latine, la « chose publique », qui désigne l'intérêt général et le fonde en principe supérieur à tous les autres.

Aussi, reprenons quelque hauteur, ne cédons pas aux facilités rhétoriques et aux emportements à visée scénique, cessons les excès de tous ordres et débattons. Dignement. »

Voilà donc deux « sages » qui estiment encore devoir « débattre » dans un club privé, le club Vauban, pour savoir si à travers les comportements du sieur Woerth, honnête homme s'il en est, et des affaires en cours, la « chose publique » - la république - serait mise à mal par … celles et ceux qui s’indignent d’apprendre que l’on fait si peu cas dans leur pays des règles de droit constitutionnel ou simplement pénal. Qui s’étonnent aussi et surtout que les sanctions à l’encontre de la délinquance en col blanc soient si difficiles à prendre.

Si l’on s’intéresse à cette chose publique, de quoi peut-on bien débattre aujourd’hui ? De qui, de quoi, doit-on prendre la défense ? A part précisément de la République qui est aujourd'hui vidée de son contenu.

A qui cette injonction «halte au feu» est-elle adressée ? Où se trouve l'anathème lorsque les personnes et les institutions se trouvent dans un état tel, qu'il y a en effet de quoi s'indigner. Le mot est faible.

La «parole politique» a-t-elle plus de valeur que ce qu’elle est présumée défendre, à savoir les principes sans lesquels la «chose publique», toujours elle, risque de disparaître si ce n’est déjà fait ?

Pauvres petits vieux Veil et Rocard ! Ils ont l'âge d'une retraite bien méritée et ils s'agitent encore pour tenter d'allumer un contrefeu à ce qui «fait les titres de la presse ces derniers jours». Qui cherchent-ils à protéger en prenant le risque de ternir leur réputation ?

Pourquoi ne leurs conseille-t-on pas de prendre un peu de repos ?

21/06/2010

E. Woerth, disqualifié du jour

Dans une interview parue dans Mediapart, Eva Joly réclame la démission d'Eric Woerth, lequel, comble du cynisme, doit négocier la réforme des retraites avec les syndicats. Cette interview arrive après les révélations de Mediapart dans les affaires Karachi et Bettencourt dont il faudra bien reparler.

Elles ne sont pas très nombreuses les autorités intellectuelles et politiques qui manifestent aussi ouvertement cette exigence. Ce silence relatif serait-il dû à une insensibilisation, «mithridatisation de notre vie publique» ou à un brouillard d’informations sans doute symptomatiques, mais en fait secondaires ou tombant à pic comme les calamiteuses aventures de R. Domenech ?

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Rappel : Article 432-10 du Code pénal

  • Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.
  • Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d'accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires.
  • La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

L’interview :

M : Que vous inspirent les révélations contenues dans les enregistrements des discussions de Liliane Bettencourt avec son entourage ?

E.J : "Si ce que disent les enregistrements est vrai, et personne ne conteste leur authenticité, c'est un énorme scandale. Car on y voit mises en scène les relations inappropriées entre l'exécutif, le président de la République au premier rang, et les procureurs. Ces enregistrements montrent bien cette connivence, notamment quand on entend que le conseiller justice de Sarkozy, Patrick Ouart, annonce le 21 juillet la date et le résultat d'une décision de justice (ndlr : l'irrecevabilité de la plainte déposée par la fille de Liliane Bettencourt, prononcée le 3 septembre). C'est insupportable de voir une telle intervention directe de l'Elysée dans une affaire judiciaire ! A la lecture des autres extraits, on comprend que tout le monde a intérêt à ce que Liliane Bettencourt soit reconnue juridiquement capable, tant elle est une source de cadeaux envers un grand nombre de gens, parmi lesquels des représentants du pouvoir!"

M : Vous qui avez connu des difficultés à enquêter du temps où vous étiez juge d'instruction, comment considérez-vous les entraves actuelles au travail du juge Trévidic dans l'affaire Karachi (le pouvoir en place de «freiner son enquête» et a déploré «le fait d'être seul et de manquer de moyens pour enquêter») ?

E.J : Plus le temps passe, et plus je suis convaincue que Karachi était la raison de la suppression du juge d'instruction, une décision prise directement par l'Elysée, puisqu'on a bien vu que la chancellerie et Rachida Dati alors garde des Sceaux n'étaient pas au courant. Il y avait alors urgence à réduire davantage encore l'indépendance de la justice. Ce que nous avons appris depuis interroge gravement, par exemple l'attitude du procureur Jean-Claude Marin, refusant de délivrer des supplétifs d'enquêtes au juge Trévidic. Ce qui indique bien l'étendue du dysfonctionnement actuel. Si on rapproche les deux affaires, les masques sont tombés. Je le répète, c'est insupportable, et nous n'allons plus le supporter.

M : Que demandez-vous ?

E.J : Il faut que les enquêtes qui soient ouvertes ne concernent pas seulement les enregistrements, mais aussi des vérifications fiscales sur les conseils de Mme Bettencourt, et sur Mme Bettencourt elle-même. Il doit y avoir aussi une enquête fiscale immédiate sur le départ évoqué d'un compte vers Singapour. On ne peut pas s'abriter derrière le respect de la vie privée dans cette affaire, car le contenu des discussions est trop violent, dans ce qu'il nous dit des rapports entre pouvoirs financiers et politiques ! Enfin, ces enregistrements mettent en lumière la valeur des paroles et de la rhétorique d'Eric Woerth sur les paradis fiscaux. Il y a une contradiction d'intérêts incroyable, par rapport à sa prétendue lutte contre les paradis fiscaux, alors même que sa femme a participé à l'évasion fiscale de la fortune Bettencourt. Quel crédit après ça accorder à la notion d'égalité des citoyens devant la loi ?

M : Eric Woerth doit-il démissionner ?

E.J : "Oui. Il n'est pas extraordinaire de demander à un ministre d'être irréprochable ! Les fonctions de sa femme ne sont pas contestées, la validité des enregistrements non plus. Dans une démocratie normale, la démission s'impose. Mais dans une démocratie normale, on ne peut plus tolérer non plus que l'action publique à Nanterre et à Paris soit encore menée par MM. Courroye et Marin, car l'indépendance de la justice n'y existe pas. Comment demander un effort à tous les citoyens en période de crise économique, en ayant en même temps autant de prébendes au sommet de l’Etat ? On n'essaie pas de trouver la vérité dans l'affaire Karachi comme dans les Hauts-de-Seine. On laisse le ministre du développement soumettre un permis de construire falsifié, et cet acte, détachable de la fonction ministérielle, doit être renvoyé devant le tribunal. Quant à Christian Blanc, il semble ne plus voir les réalités derrière ses volutes de cigares ! Tout ça est de trop !

Si on tolère cela, on mithridatise notre vie publique. A force d'injecter un peu de poison chaque jour dans notre démocratie, on pense vacciner peu à peu les citoyens à l'indécence. Mais ici, l'issue de la mithridatisation est létale, et notre démocratie est en danger de mort."