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30/03/2010

Pisstake

Le grand foutage de gueule continue. «Pisstake» dirait-on outre-manche. Apparemment, aucune raison de tenir compte des protestations, votes, manifestations, rapports de commissions, avis, observations, audits voire suicides relevés comme de vulgaires accidents. Le peuple des citoyens contribuables ou pas, votants ou abstentionnistes peut pisser tranquillement dans son violon, personne ne viendra regarder pardessus son épaule pour voir si tout se passe bien.

Aujourd'hui donc, 30 mars, France Inter fait son show matinal depuis la Cité de l'Histoire et de l'Immigration, tandis qu'hier, on apprenait que le centre de rétention du Mesnil - Amelot n°2 voyait son ouverture reportée pour cause de ... «malfaçons dans la construction». Rapprochés, les deux événements se télescopent forcément

Petit rappel chronologique en ce qui concerne la Cité de l'Histoire et de l'Immigration.

En 1987, l'association «Génériques» dont Driss El Yazami, vice-président de la Ligue des droits de l'homme, est le délégué général publie un rapport préconisant la construction d'un lieu consacré à la mémoire de l'immigration en France. Le projet reste sans suite et il faut attendre 2002 pour que les «choses» bougent et qu'une mission soit confiée par J. Chirac à J. Toubon pour étudier la faisabilité du projet. Le 8 juillet 2004, la création de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration est officiellement annoncée.

Mai 2007, une poignée d'universitaires rattachés à la Cité démissionnent suite à la création par le nouveau Pdt de la Rep. d'un ministère associant la question de l'immigration et de l'identité nationale. 

Le 10 octobre 2007, lors de l'inauguration de cette nouvelle cité qui consacre l'apport de l'immigration à l'histoire de la France, ni B. Hortefeux, ni le Pd'larep. ne daignent se déplacer.

Idem le 30 mars 2010, puisque la Maison Blanche avait prévu de célébrer la popularité grandissante du dit Pd'larep. et de son épouse.

Seul Stéphane Guillon a su tirer son épingle du jeu et se foutre de la gueule de ses employeurs et autres objets de nos ressentiments.


En ce qui concerne l'extension du centre de rétention du Mesnil - Amelot n°2, même sentiment «pisstake».

Un : Cette nouvelle architecture accueillera 240 sans-papiers alors que l'article R 553-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), limite la capacité des CRA à 140 retenus. Evidemment le ministère concerné dément.

Deux : Les détenus y seront «jugés» sur place sans qu'un quelconque public soit admis à entendre les plaidoiries des avocats appelés à plaider à charge et à décharge. Un quasi huis-clos hors de portée des associations qui avaient pourtant réussi à rassembler plusieurs dizaines de milliers de signatures pour s'opposer à ce nouveau CRA. Là aussi le ministère dément.

A part ça, risque-t-on d'oublier que Total vient d'être civilement relaxé pour sa responsabilité dans la catastrophe de l'Erica, ou la toute dernière proposition faite aux «Conti» : 137 € mensuel pour aller travailler chez notre ami Ben Ali, ou encore la grâce accordée à Antoine Zacharias pénalement innocent dans le procès Vinci où il lui était reproché d'avoir un peu trop forcé sur les biens sociaux de ses semblables (environ 13 millions d'euros pour son seul parachute, hors retraite et stock-options ? Etc, etc.

Pas d'erreur, la réponse est non. Et c'est de moins en moins drôle.

26/03/2010

L'amour à mort

Z'ont rien compris les zombis... Selon une dépêche toute récente

«Le 17 mars, Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès ont regardé, comme 3 429 000 téléspectateurs, «le Jeu de la mort» diffusé à 20 h 40 sur France 2. Ces anciens ministres socialistes (Logement, Intérieur, Défense) ont été scandalisés par ce documentaire où les participants d'un jeu télé factice infligent des décharges électriques, dont certaines mortelles, à un candidat sans savoir qu'il s'agit d'un comédien.» (...) «Choquant et révoltant. Alors que son ambition était de dénoncer les dérives de la téléréalité, le Jeu de la mort en fait l'apologie, estiment ces deux figures du PS. Hier, leur avocat, Me Gilles-Jean Portejoie (si, si), a saisi le doyen des juges d'instruction et déposé plainte (...)».

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Ce pourrait être drôle. Sauf que si le «raisonnement» de Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès était validé, cela voudrait dire que dénoncer la xénophobie ambiante, les injustices et autres ignominies, exemples à l'appui, revient à faire l'apologie de la bassesse qu'elles représentent.

Pendant que nous y sommes, pourquoi aussi ne pas porter plainte contre B. Stiegler qui a tenté de leur expliqué, en vain semble-t-il, le fonctionnement et la nocivité du consumérisme en général et de la téléréalité en particulier ou encore contre le Tribunal Russell qui tente d'établir la responsabilité de la communauté internationale dans le conflit qui oppose israéliens et palestiniens. Oh ! Comme cela est absurde !

On aurait tant aimé que, dans un même élan, ces deux socialistes-là s'insurgent contre les programmations ordinaires et hautement éducatives de France Télévisions ! Regrettable que ce soit les tribunaux qui soient chargés d'étudier et de quantifier «scientifiquement» ce cas de bêtise manifeste et conjointe, une sorte d'amour à mort, plutôt que de se pencher sur, et par exemple, la nouvelle édition de Koh Lanta programmée à partir du 26 mars sur TF1.

23/03/2010

Réforme de la santé made in USA

Enfin un sujet de satisfaction. Avec cette réforme, même si des compromis peuvent l'édulcorer, le principe de solidarité sort gagnant aux Etats-Unis près de quatre-vingt-dix ans après les tentatives de Franklin Delano Roosevelt. Une leçon autrement plus forte comparée aux pseudos réformes à sens unique pratiquées dans l'hexagone. Dans ces conditions, la déclaration officielle de Barack Obama n'a pas besoin de mise en scène et se suffit à elle-même :

«Ce soir, après près d'un siècle de discussions et de frustrations, après que l'on ait passé des décennies à essayer, et après un an de travail et de débats, le Congrès des Etats-Unis a finalement déclaré que les travailleurs américains et les familles américaines méritaient la sécurité de savoir qu'ici, dans ce pays, ni une maladie ni un accident ne devrait mettre en péril le rêve construit en une vie de travail.
Ce n'est pas la victoire d'un parti, c'est la victoire du peuple américain, et c'est la victoire du bon sens. Ce n'est pas une réforme radicale, mais c'est une réforme majeure. Cette loi ne va pas régler tous les problèmes de notre système de santé, mais c'est un pas décisif dans la bonne direction. C'est à ça que ressemble le changement.»

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C'est aussi un signal ultra positif lancé à l'ensemble de la communauté internationale pour lui signifier que la résistance peut finir par payer quelque soit le degré de mauvaise foi et de bassesse proféré pour empêcher toute amélioration des politiques sociales attendues par les plus démunis. Et ce, même dans un pays réputé ultraconservateur comme les EU. Encourageant et surement pas sans conséquences.

Rue 89 a produit une note très claire sur le sujet

19/03/2010

De la consommation à la contribution

Pas plus «tard» que le 18 mars à 22H45, Bernard Stiegler a été sollicité pour faire une lumineuse description de ce dont la téléréalité est capable dans le contexte économique actuel. Transcription vidéo à venir ? Rare aujourd'hui d'entendre un discours limpide, cohérent, réaliste et à travers lequel une lueur d'espoir semble pourtant percer. Ce discours, Bernard Stiegler le tient, notamment pour dénoncer les pouvoirs exorbitants tombés aux mains de la «télécratie», alors que le sujet déborde très largement ce cadre.

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Tout y est cohérent, du moment où le consumérisme, considéré comme invariant dans la plupart de nos sociétés développées, y a été pointé et où une économie contributive peut mécaniquement remplacer un «capitalisme financier ultra-spéculatif» en perte d'audience quoi qu'on en dise.

Tout y est lié, du pouvoir de la télévision à la perte de confiance éprouvée par les individus étouffés et pris pour cible par un marketing sans maître ni limite, en passant par une remise en cause de ce qui fonde les espaces dits démocratiques par le biais d'un décervelage quasi universel.

Reste à faire passer le raisonnement et espérer que l'autocritique devienne un facteur d'innovation et de reconstruction des individus avant que le château de cartes dans lequel nous vivons ne s'effondre.

A la question : un nouveau modèle économique peut-il émerger de la crise actuelle, B Stiegler répond ainsi :

«Selon moi, ce qui est en train de disparaître, c'est un monde où il existe d'un côté des producteurs et de l'autre, des consommateurs. D'autres modèles commencent à se développer avec la révolution numérique. Sur Internet, il n'y a ni des producteurs ni des consommateurs mais des contributeurs. On entre dans la nouvelle logique de l'économie contributive, qui repose sur des investissements personnels et collectifs et qui crée une autre forme de valeur. Les exemples ne manquent pas, du logiciel libre à Wikipédia. Une récente étude de l'Union européenne pronostique que près d'un tiers de l'activité dans l'économie numérique fonctionnera sur un tel modèle d'ici trois ans. Mais il ne concerne pas uniquement l'informatique, il peut également se décliner dans l'énergie, avec les modèles décentralisés, la distribution alimentaire ou la mode...»

La vidéo qui suit fait aussi partie de ce discours que l'on aimerait entendre plus souvent de la part de ceux qui, à gauche, souhaitent constituer une réelle alternative.

Bio Express de Bernard Stiegler : Philosophe de formation, élève de Jacques Derrida, Bernard Stiegler est l'auteur de «Ré enchanter le monde», «Pour en finir avec la mécroissance», «Economie de l'incurie et économie de la contribution»... Parallèlement, il dirige le département culturel du Centre Georges-Pompidou après avoir exercé des responsabilités à l'INA et à l'Ircam.

Il sera par ailleurs intéressant de confronter le constat d'une économie contributive basée sur la contestation du consumérisme et l'appréhension de ses limites, tel que décrit par le philosophe B. Stiegler, avec le concept d'économie distributive énoncée par Jacques Duboin, parlementaire au temps de Raymond Poincarré qui, outre le partage équitable des richesses produites, fait entrer en jeu, d'autres notions, quantitatives, telles que la valeur d'échange basée sur le montant de la masse monétaire émise pendant une période donnée, et égal au prix total des biens mis à la vente.

Deux analyses vraisemblablement complémentaires.

15/03/2010

« J'ai froid »

1980, Jean Ferrat chante « J'ai froid ».

2010, 21% aux régionales PACA pour le FN : Triomphe de l'imposture, de l'indigence, de la vulgarité.

POURQUOI ? ... A-t-on la réponse ?

Toujours pas. Pas vraiment. C'est encore plus gênant.

Le vent du midi s'abat en rafales
Sur la vallée noire où les arbres ploient
Leurs bras désolés fument des gitanes
J'ai froid
Une fois de plus tous les droits de l'homme
Sont foulés aux pieds sont jetés à bas
Les maîtres sanglés dans leurs uniformes
J'ai froid

Une fois de plus la grande injustice

La force imbécile triomphe du droit
Quand la liberté tombe sa pelisse
J'ai froid
Encore une fois les lettres anonymes
La bêtise épaisse en guise de loi
La salve éclatant au milieu de l'hymne
J'ai froid

Si la bête immonde sort de sa tanière

Nous retrouverons le chemin des bois
Mets dans ma valise un gros pull-over
J'ai froid
Dans tes yeux soudain ivres de colère
La révolte éclaire un grand feu de bois
Quand fera-t-il donc le tour de la terre
J'ai froid

13/03/2010

Territoires, la bonne échelle

Avant d'aller voter pour les «régionales» et en dehors de toute prise de position partisane : quelques questions à propos de la prochaine réforme territoriale. Sera-t-elle conservatrice ? Le projet gouvernemental changera-t-il quelque chose au panorama des lourdeurs administratives ou les aggravera-t-elles ? Que fera la gauche, probablement victorieuse en mars 2010, des territoires et de leurs composants institutionnels ?

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L'idéal serait que cette réforme ne soit pas indexée aux intérêts électoraux. Et pourtant... Le calendrier est le suivant :

  • 19 janvier 2010 : début de l'examen par le Sénat du deuxième et principal texte de la réforme qui fixe les nouvelles modalités de fonctionnement des collectivités dont la création des conseillers territoriaux et des métropoles
  • Mars 2010 : élection des conseillers régionaux pour quatre ans.
  • Juillet 2010 : fin du débat parlementaire, avec l'adoption des deux autres textes sur le mode d'élection des conseillers territoriaux et des conseillers communautaires
  • Fin 2010 : adoption du projet de loi de finances 2011, qui fixe les moyens de substitution de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales.
  • Mars 2011 : élection de la moitié des conseillers généraux pour trois ans (l'autre moitié a été élue en 2008).
  • A partir de juillet 2011 : examen d'un dernier projet de loi sur la répartition des compétences entre collectivités territoriales.
  • 31 décembre 2011 : limite pour établir un schéma départemental de la coopération intercommunale.
  • 1er janvier 2014 : achèvement et rationalisation de la carte de l'intercommunalité.
  • Mars 2014 : élection des nouveaux conseillers territoriaux siégeant à la fois au département et à la région. De nouvelles élections communales auront lieu le même jour. Pour la première fois, les conseillers communautaires seront élus au suffrage universel en même temps.

Patrick Le Lidec, chargé de recherche au CNRS, travaille depuis une quinzaine d'années sur les politiques de décentralisation, sur les transformations de l'action publique et sur les stratégies de réforme des collectivités locales. Il livre ici une intéressante analyse de ce qu'est aujourd'hui la décentralisation ...

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(2). Les lois de décentralisation.

(1). L'organisation territoriale française

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(4) L'ex. de la fonction publique territoriale

(3). Décentralisation et efficacité

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(6). La réforme des collectivités (...)


(5). La réforme des collectivités territoriales

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(8) Que serait une réforme territoriale de gauche

(7) Le conseiller territorial, une révolution ?

08/03/2010

TRP, les conclusions de Barcelone

On ne redira jamais assez que le Tribunal Russell pour la Palestine qui s'est réuni à Barcelone au tout début mars 2010 s'était donné pour mission d'évaluer la responsabilité de la communauté internationale et, plus spécifiquement celle de l'Union Européenne quant à sa possible collaboration, active ou passive, avec les acteurs directs du conflit israélo-palestinien.

Le TRP agissait comme tribunal de la conscience. Il cherche à apporter de facto son concours à la Cour de Justice Internationale. Ses conclusions rendues publiques en fin de semaine, ne sont certes pas contraignantes sur le plan juridique. Elles n'en constituent pas moins une énième tentative pour renforcer un objectif de pacification conforme aux principes énoncés par la DUDH de 1948.

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Le TRP en appelle ainsi à l'Union européenne et à chacun de ses Etats membres pour que soient respectées les clauses du droit international concernant :
  • Les résolutions de l'Assemblée Générale des Nations Unies
  • Les dispositions du Traité de Lisbonne de l'UE entré en vigueur en Décembre 2009

... et, «au cas où l'UE et les Etats membres n'en montreraient pas le courage, le Tribunal compte sur les citoyennes et les citoyens de l'Europe pour exercer les pressions nécessaires (...)», afin que cessent :

  • les exportations d'équipements militaires,
  • les importations de produits israéliens en provenance des territoires occupés
  • et, d'une façon générale tout commerce né d'accords d'association ou de partenariat avec un Etat d'Israël en délicatesse avec le droit international (le rapport Goldstone l'ayant mis en évidence), et les droits de l'homme qu'il implique.

Cette conclusion intermédiaire du TRP doit être comprise comme un appel à organiser un boycott sélectif et à marquer de sa désapprobation toute entreprise ou manœuvre tendant à perpétuer l'injustice faites aux victimes civiles qui ne demandent qu'à sortir d'un enfermement meurtrier.

Après Barcelone, d'autres sessions se tiendront d'ici 2012, d'abord à Londres, en fin d'année 2010, puis en Afrique du Sud, en 2011, et enfin probablement aux Etats-Unis.

Reste à espérer qu'alors les responsables de l'Union Européenne et de ses Etats membres ne se contenteront pas de décliner par courrier l'invitation qui leur est faite de venir s'expliquer sur les raisons de leur bienveillance à l'égard des belligérants, bienveillance qui ne fait qu'aggraver le sort des populations sur le terrain.


Documentaire : Gaza-Strophe, le jour d'après sur France Ô
envoyé par UniversFreebox. - Plus de vidéos de blogueurs.

La principale difficulté rencontrée par le TRP est sans doute de donner l'impression de se focaliser sur l'unique responsabilité du gouvernement israélien. Ce qui constitue une mauvaise raison (toute faite) pour la partie de la communauté internationale qui souhaite à travers le statu quo être dégagée de toute implication.
Sans que soit évitée la mauvaise foi consistant à affirmer, par exemple que «(...) la conduite de Tsahal dans l'opération «Plomb durci» n'a pas affecté son engagement aux droits de l'homme, mais l'a plutôt renforcé. (...)», ou que toute critique adressée à Israël et à ses dirigeants relèverait d'un antisémitisme avéré.

Il n'existe malheureusement pas d'Etat qui ne soit susceptible d'enfreindre les Droits de l'Homme, pas même Israël, et c'est précisément la raison d'être du TRP qui s'appuie sur la justice pénale internationale.

Dernières nouvelles (7 mars - AFP)

Autres notes du blog sur le sujet :
Novembre 2009 ; Février 2010

02/03/2010

L'antipathique M. Milgram

En ces temps de campagne électorale, on parle beaucoup de «remettre l'humain au cœur de la politique». Ce qui naturellement fait chic, n'engage personne, ni ne constitue une réelle nouveauté dans le discours des prétendants à une victoire même douteuse pourvu qu'elle ne remette pas en cause des prétentions claniques ou individuelles. Ce discours, creux, est savamment entretenu par des mass media audiovisuels (MMAV) connectés entre eux et, concurrence oblige, empêtrés dans l'imbroglio de l'évaluation média métrique, de la rentabilité immédiate et de la censure, voire de la répression de l'information dissidente.  Dans ces conditions, les mass médias audiovisuels sont particulièrement mis à contribution comme le démontre Naomi Klein à travers sa description de la «Stratégie du Choc».

Et cependant, pendant que L'Express ose dévoiler dans un dossier  consacré à la mise en pratique de l'expérience de Milgram sur les chaines télé, le degré de sadomasochisme auquel «l'humain» peut atteindre par pure jouissance, et rejouer très exactement «1984» de G. Orwell, Peter Watkins, cinéaste né en 1935, monte lui aussi au créneau en rappelant ce qu'il écrivait en 2004 dans «Media Crisis» *. A savoir :

«Par l'expression Média Crisis (Crise des médias), j'entends l'irresponsabilité croissante des MMAV et leur impact dévastateur sur l'Homme, la société et l'environnement.
Je parle aussi de la léthargie généralisée du public face à des MMAV qui agissent ouvertement comme vecteurs d'idéologies violentes, manipulatrices et autoritaires ; tout comme je me réfère au déficit cruel et prolongé de connaissances que présente le public et à l'effet que les mass-médias audiovisuels produisent sur nous. (...)»

P. Watkins fait aussi paraître une lettre ouverte assortie de 35 questions relatives à un concept qu'il décrit et nomme «Monoforme» (à traduire par «pensée unique») sur le site «L'Atelier des Icones», questionnement sans mise en scène plutôt que débat traditionnel qui ne permettrait pas, c'est son point de vue, «de participation véritable, laissant la plupart des gens plus aliénés que jamais.»

Parmi ces questions, mais toutes sont essentielles :

  • Partout dans le monde il y a des famines, de la malnutrition et de l'exploitation économique. Le problème loin de diminuer, semble s'aggraver. Les MMAV rendent-ils compte de ce problème de manière suffisante ? Comment ? De façon à contrebalancer la place la place qu'ils accordent au matérialisme mondialisé ?
  • Peut-on imaginer que cette relation entre les mass medias audiovisuels et leur public soit une relation de pouvoir ? Si tel est le cas, qui est investi de ce pouvoir ? Et cette investiture a t'elle, démocratiquement, fait l'objet d'un vote ?
  • Pensez-vous qu'il soit possible, à l'avenir, que des collectifs citoyens se développent, dans des quartiers et dans des écoles, où les gens mettraient en place d'autres formes de médias pluralistes, qu'ils y produisent des informations, de la culture, des débats hors-Monoforme, et participent ainsi à un processus démocratique de réponse à la crise mondiale?

Par opposition au fait que Naomi Klein, L'Express et Peter Watkins font référence, chacun à sa manière, au thème de la manipulation reposant, en fin d'analyse, sur la cupidité, la volonté de puissance et l'abandon de toute considération pour autrui, un autre auteur, Frans de Waal, riche de ses observations du monde animal, introduit une autre perspective pour le moins édifiante : l'empathie animale.

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Dans son livre «L'Age de l'empathie, leçons de la nature pour une société solidaire» **, il décrit l'expérience suivante :

des singes rhésus ont refusé, plusieurs jours durant, de tirer sur une chaîne libérant de la nourriture si cette action envoyait une décharge électrique à un compagnon dont ils voyaient les convulsions, préférant ainsi endurer la faim qu'assister à la souffrance d'un semblable.

Description qui contraste singulièrement avec l'expérience de Milgram décrite dans l'Express :

«(...) Jean-Paul doit mémoriser des associations de mots. S'il se trompe, son questionneur lui administrera des chocs électriques de plus en plus violents, de 20 à 460 volts. Stupeur : la totalité des 80 candidats ont accepté de participer, donc d'administrer des décharges électriques à un inconnu pour les besoins d'un show sans enjeu (...)» !

Si on ne peut pas confronter aussi simplement l'empathie, à la compétition et à l'agressivité qu'elle suppose, dans la mesure où c'est aussi sur la capacité à ressentir les émotions d'autrui que se fondent la cruauté et la torture, il n'en reste pas moins que la reconnaissance de l'autre dans ses besoins et difficultés, le respect réel et la solidarité non feinte restent une nécessité absolue pour éviter la crise sociale qui vient. La question est alors de tenir le choc et de se risquer à l'insoumission, le «hors-Monoforme».



*(Editions Homnisphères . 2004 . 272 pages. Collection Savoirs Autonomes - Format 11x19cm. Prix : 19 euros. Traduit de l'anglais par Patrick Watkins. À noter en fin d'ouvrage une biofilmographie exhaustive qui retrace très précisément le parcours cinématographique de Watkins en résonnance avec l'actualité historique de l'époque.)

** (Editions Les liens qui libèrent, 2010, 392 p., 22,50 euros.)