15/09/2010
La honte habite à l’Elysée
Contexte : cette année 2010 est consacrée, dans l'Union européenne, à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
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Viviane Reding, issue du centre droit luxembourgeois, Vice-présidente de la Commission européenne responsable de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté a fait une déclaration digne d’intérêt sur l'évolution de la situation concernant les Roms pris pour cible en pleine tempête franco-sarkosienne. Une tempête où tourbillonnent les affaires Woerth, Bettencourt, Karachi, Wildenstein, César …, une réforme inique des retraites, des tentatives diverses pour museler la presse et la Justice… Le tout sur fond de destruction massive de ce qu’il reste des services publics et de séparation des pouvoirs. Une calamité et un chaos sans nom.
A lire, la résolution du parlement européen du 9 septembre.
Déclaration de Viviane Reding, Bruxelles, le 14 septembre 2010...
« La Commission européenne a suivi de très près l'évolution de la situation concernant les Roms en France, au cours des dernières semaines. J'ai été personnellement interpelée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un Etat membre juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la seconde guerre mondiale.
J'ai été on ne peut plus claire, dans ma déclaration publique du 25 août, quant aux doutes que j'avais concernant la légalité des mesures françaises – déclaration faite de commun accord avec le Président de la Commission, avec qui j'ai travaillé étroitement sur cette question pendant l'été.
Le 1er septembre dernier, j'ai, ensemble avec le commissaire Andor et la commissaire Malmström, présenté une analyse juridique préliminaire des mesures françaises, au Président Barroso et au Collège des commissaires.
Cette analyse préliminaire a souligné, entre autres, que la France serait en violation des lois de l'Union européenne si les mesures prises par les autorités françaises lors de l'application de la Directive sur la libre circulation avaient ciblé un groupe particulier de personnes basé sur la nationalité, la race ou l'origine ethnique.
Le Collège des commissaires a débattu cette question de manière intense la semaine dernière à Strasbourg.
Lors d'une réunion formelle avec les ministres Eric Besson et Pierre Lellouche, la Commission européenne – la commissaire Malmström et moi-même – a reçu des assurances politiques qu'aucun groupe ethnique spécifique n'avait été ciblé en France. Cela n'a pas permis de dissiper nos doutes.
C'est pourquoi mardi dernier, j'ai aussi envoyé une lettre formelle au ministre français Besson demandant des informations supplémentaires à envoyer rapidement à la Commission.
Je ne peux qu'exprimer mon profond regret que les assurances politiques données par deux ministres français mandatés officiellement pour discuter de cette question avec la Commission européenne, sont maintenant ouvertement en contradiction avec une circulaire administrative de ce même gouvernement.
Le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités est rendu extrêmement difficile si nous ne pouvons plus avoir confiance dans les assurances données par deux ministres lors d'une réunion formelle avec deux commissaires et en présence de 15 fonctionnaires de haut niveau de part et d'autre de la table.
Vu l'importance de la situation, il ne s'agit pas d'une offense mineure. Après 11 ans d'expérience à la Commission, je dirais même plus, c'est une honte.
Soyons clairs : la discrimination sur base de l'origine ethnique ou de la race, n'a pas sa place en Europe. Elle est incompatible avec les valeurs sur lesquelles l'Union européenne est fondée. Les autorités nationales qui discriminent à l'encontre de groupes ethniques lors de l'application de la loi de l'Union européenne violent aussi la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont tous les Etats membres sont signataires, y compris la France.
Je trouve donc extrêmement troublant que l'un de nos Etats membres, à travers des actes de son administration, remette en question, de manière aussi grave, les valeurs communes et le droit de l'Union européenne.
Je souhaite aussi exprimer mon désaccord avec les déclarations faites hier par le Secrétaire d'Etat aux affaires européennes mettant en cause le rôle de la Commission européenne en tant que gardienne des Traités. Permettez-moi de rappeler le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités, qui est un des fondements de l'Union européenne – une Union dont la cohésion existe, non pas par la force, mais par le respect des règles de droit convenues par tous les Etats membres, y compris la France.
Je prends note du fait que les autorités françaises semblent elles-mêmes devenir conscientes que les évènements de ce weekend les mettent dans une situation intenable. Je prends aussi note que hier après-midi le ministre français de l'Intérieur a signé une nouvelle circulaire sur cette question, éliminant les références à un groupe ethnique spécifique.
Nous sommes en train d'en examiner les conséquences juridiques ; il est important que ce ne soient pas seulement les mots qui changent mais aussi le comportement des autorités françaises. Je demande donc aux autorités françaises une explication rapide.
La Commission tiendra compte de l'ensemble de ces évolutions ainsi que toute autre documentation pertinente, dans notre analyse juridique finale de la situation. Cette analyse juridique est conduite en étroite coopération par mes services, les services des commissaires Malmström et Andor, ainsi que le Service juridique du Président. Je m'attends à ce qu'elle soit finalisée dans les jours qui viennent.
Je suis personnellement convaincue que la Commission n'aura pas d'autre choix que d'ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France sur la base de deux motifs :
- Une procédure d'infraction contre la France pour application discriminatoire de la Directive sur la libre circulation.
- Une procédure d'infraction contre la France pour manque de transposition des garanties de procédurales et matérielles prévues par la Directive sur la libre circulation.
Bien sur, je donnerai aux autorités françaises le droit de soumettre dans les prochains jours leurs commentaires sur les nouveaux développements. Toutefois ma patience arrive à ses limites, trop c'est trop.
Aucun Etat membre n'est en droit de s'attendre à un traitement spécial lorsque les valeurs fondamentales et le droit européen sont en jeu. Aujourd'hui cela s'applique à la France. Et cela s'appliquera de la même manière à tout autre Etat membre, grand ou petit, qui serait dans une situation comparable. Vous pouvez compter sur moi. »
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