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06/06/2012

Aix en Provence, la chute

De l’inculture et de la censure comme racines et terreau du « discours » d’extrême droite … Cela peut même se passer dans une ville universitaire et culturellement élitiste.
Illustration :

Cela s'appelle la censure !

« La section d'Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l'Homme dénonce la censure exercée par la municipalité d’Aix-en-Provence sur les acteurs culturels de la ville à des fins de racolage électoral.

2012 est le cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie. Comme dans d'autres villes de France, à Aix-en-Provence aurait dû se dérouler fin mars une manifestation rappelant le passé de notre relation à l'Algérie et interrogeant le présent de ce pays. Une manifestation d'ampleur à laquelle étaient associés des acteurs culturels aixois de premier plan : La Cité du Livre, l'Institut de l'Image, Les Ecritures Croisées, le Cobiac (Collectif de bibliothécaires et intervenants en action culturelle). Au programme, deux soirées de cinéma, de littérature, de témoignages et de débats avec des invités des deux rives de la Méditerranée.

Mais avec Maryse Joissains à sa tête, Aix-en-Provence n'est plus une ville comme les autres, la presse nationale s'en fait quotidiennement l'écho.

Alors que l'organisation programmatique et matérielle de ces journées était achevée, Patricia Larnaudie, adjointe à la culture, déléguée auprès de la Cité du Livre, faisait savoir que la programmation n'était pas validée par la municipalité ; la conséquence en fut l'annulation de la manifestation. L'explication devait venir deux mois plus tard de Maryse Joissains elle-même.

"Cette manifestation aurait pu porter atteinte à l'ordre public parce qu'elle était très pro-algérienne et que la mémoire sur ces événements n'est pas tout à fait apaisée." (La Provence du 22 mai 2012)

Cette décision et sa justification appellent deux réactions.

Sur le plan culturel d'abord. Il faut bien mal connaître les personnalités qui devaient participer à cette célébration, et il faut bien mal connaître leurs œuvres pour les qualifier de "pro-algériennes".

Qui oserait prétendre que le film de Tariq Teguia qui était programmé est un film pro-algérien ?

Comment la table ronde prévue sur le thème "50 ans après l'indépendance, l'Algérie..?" aurait-elle pu être candidement "pro-algérienne"? Est-ce la projection du film de Pontecorvo La Bataille d'Alger qu'il s'agissait d’interdire ? La décision de la majorité municipale d'Aix relève de l’inculture et du schématisme simpliste.

Mais cette décision révèle surtout le cynisme politique de nos édiles. Troubles à l'ordre public ? M. Joissains pense donc que des foules de nostalgiques de l'Algérie française seraient venues perturber cette manifestation ? Au besoin les y aurait-elle encouragées ? Elle qui a assimilé l’anniversaire du 50ème anniversaire des accords d'Evian à "l'anniversaire de l'abdication de la France face à une poignée de rebelles". En tous les cas ce message envoyé à l'extrême droite aixoise, et qui s'ajoute à beaucoup d'autres, est clair : rien ne sépare M. Joissains d'un candidat du Front National.

Les fins de guerre méritent d'être célébrées par tous. La fin de la guerre d'Algérie est inscrite dans la mémoire de millions de français et d'algériens. La mémoire de la fin des combats tout simplement ; celle, exaltée, d'un peuple accédant à l'indépendance ; celle de la fin du colonialisme français. Mais aussi la mémoire des souffrances et des tortures ; celle des vies perdues au combat ou dans les attentats ; celle des vies défaites par l'arrachement brutal du sol natal.

"La mémoire de l'Algérie est pour nous traumatisante. Le propre des mémoires est d'être plurielles, contradictoires". (Régis Debray, Colloque L'Algérie et la France au XXIème siècle, 17 décembre 2011, Assemblée Nationale-Paris).

Si "la mémoire de ces événements n'est pas tout à fait apaisée" comme le pense M. Joissains, ce sont les vérités de l'histoire et le dialogue entre les hommes qui peuvent éclairer les jugements et engendrer l'apaisement. Pas la censure. »

Communiqué de la Section d’Aix-en-Provence, 5 juin 2012

Ne pas oublier non plus que la même municipalité d’Aix-en Pce, dans le cadre de MP2013 (Marseille Provence 2013 – Capitale de la Culture), est à l’origine d’un imbroglio conduisant au sabordage de l'exposition "Albert Camus, L'étranger qui nous ressemble"  .

Moralité : ce n’est pas parce que le poisson se fait rare en Méditerranée que M. Joissains doit impérativement se mêler de culture.

MP2013

Illustration      

08/11/2011

Soutien à Charlie Hebdo

Intervention de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, en soutien à Charlie Hebdo, dimanche 6 novembre à l’Hôtel de Ville.

Mettre le feu à un journal, empêcher le déroulement d’une pièce de théâtre ; ces actes de violence ne sont jamais anodins. L’agressivité des censeurs, le surgissement d’incendiaires, annoncent des temps difficiles et la tentation de certains d’imposer leurs détestations et leurs peurs en dogmes intangibles, indiscutables. Avec ce que cela suppose de périls pour les autres, hérétiques et boucs émissaires de tous ordres, pour leurs droits et liberté, droits et liberté qui sont les nôtres.

Censures, charlie hebdoAprès l'interdiction de l'hebdo Hara-kiri en 1970 (suite à la une du 16 novembre sur la mort du général De Gaulle titrée "Bal tragiqueà Colombey - 1 mort")
tous les membres de l'équipe
(Choron, Cavanna, Gébé, Cabu, Reiser, Delfeil de Ton, Willem, Wolinski…)
ont décidé de continuer, en changeant juste de nom : Charlie Hebdo est né.
Le premier numéro est sorti le 23 novembre 1970.

Aux fondamentalistes de tous ordres, y compris celui des simplistes et des imbéciles, la Ligue des droits de l’Homme oppose le respect de la loi commune, la défense intransigeante des libertés démocratiques, y compris celle de blasphémer, une solidarité intangible avec les victimes, même lorsqu’elle n’en partage ni les vues ni les moyens choisis pour les exprimer. Car lorsqu’on déchaîne la violence contre un théâtre, une bibliothèque, un journal, un lieu de culte ou une population ciblée comme indésirable, c’est toujours la République, la citoyenneté qu’on prend pour cible.

C’est le sens de notre présence, de notre solidarité et de notre soutien à une mobilisation puissante pour la démocratie, la laïcité, un vivre ensemble qui se décline effectivement en termes de liberté, d’égalité, et enfin de fraternité.

Pierre Tartakowky,
président de la Ligue des droits de l’Homme.

Retour de flamme à destination de Pascal Boniface et de ses soutiens qui pourraient, si ce n'est déjà fait, se croire obligés de prendre fait et cause pour les censeurs incendiares et illuminés de tout poil, lire la note intitulée  "Allah est grand et Tartuffe est son prophète!"  

15/01/2011

Hessel face aux icônes de la France moisie

" L’arête Hessel ne passe pas. Ils s’en étranglent, ils en bavent, ils piaillent sur tous les plateaux leur indignation du succès d’Indignez-vous. Trop, à vrai dire, pour que ce vertueux concert d’indignation n’ait pas été orchestré.
Ils et elle : Eric Zemmour, Luc Ferry, Ivan Rioufol, Claude Askolovitch, les causeurs (1) Elisabeth Lévy et Luc Rosenzweig, Philippe Bilger… Un éventail assez disparate, qu’unit (à l’exception d’Askolovitch) un tropisme très à droite. Droite vieille France et revendiquée réactionnaire chez Rioufol, Bilger, Ferry, lou ravis de l’ordre ; droite néocon et pro-israélienne jusqu’au fanatisme chez Rosenzweig ou Lévy, les deux n’étant pas incompatibles, comme le montre Zemmour.

Qu’y a-t-il donc dans ce petit opuscule pour susciter leurs glapissements indignés ? Rien de révolutionnaire, ont justement pointé quelques lecteurs. Stéphane Hessel n’est pas Julien Coupat (qui n’avait d’ailleurs pas provoqué chez eux les mêmes cris d’orfraie).  Une critique de l’État d’Israël très largement partagée ; une indignation devant les coups de canifs sarkozyens à la République, la séparation des pouvoirs et les libertés publiques ; devant les inégalités croissantes, la pauvreté galopante et les ravages du néolibéralisme.
Bref, quelques indignations non exhaustives qui pourraient être le socle commun de ce que la gauche – ou, plus largement, la pensée humaniste – refuse.

Mais, là, j’ai dit un gros mot. Précisément, Hessel incarne une pensée de gauche, ou plutôt, a minima, un socle de valeurs qui devraient être communes à ses militants, voire ses électeurs, tous partis confondus. Et il fait consensus, là où les interminables feuilletons du combat des chefs du PS, d’EELV (2) ou du Front de gauche lassent ceux qui partagent ses indignations. Le tort de ce petit livre, auquel on ne saurait d’ailleurs réduire le parcours ni la pensée de Hessel, c’est de démontrer par l’indignation que le respect humain qu’il défend est incompatible avec les politiques de la droite actuelle : dérégulation financière, privilèges des riches, détricotage républicain, traitement inhumain des étrangers. Incompatible, enfin, avec le règne du capitalisme financier et les dogmes de ses représentants (y compris au FMI !), ce qui décoiffe Askolovitch et autres sociaux (?) - libéraux.

Or, celui qui démonte la réalité d’une politique de droite, et les raisons de s’en indigner n’est pas un obscur gauchiste ou le porte-parole d’un parti, mais un Juste, un homme au parcours incontestable et remarquable. Qui de plus a l’outrecuidance de pulvériser des records de vente!

Et vous voudriez que la droite lui pardonne sans appeler ses chiens de garde au secours pour un concert de jappements ?

L’ennui, c’est que pour mener la contre offensive, il faut un peu de talent. Face à un humaniste mesuré, ce n’est pas faire montre d’une grande intelligence stratégique que de dérouler le tapis rouge à des aboyeurs plus hystériques et excessifs les uns que les autres, de Luc Rosenzweig à Elisabeth Lévy – la Nadine Morano du journalisme, pour laquelle le mot « hystérie » semble avoir été inventé.

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Extrait d'une peinture d'André Brouillet montrant Blanche Wittmann
en pleine crise d'hystérie avec Jean-Martin Charcot à gauche

Il aurait fallu trouver d’autres arguments que leur sempiternel ricanement « le camp du bien ! » (Eh oui, difficile de caser Hessel dans l’axe du mal !) ou la défense pathétique, chez Bilger ou Ferry, d’un ordre établi qui ne génère que pauvreté, privation de libertés et injustice.
Se permettre de répondre à Hessel exige une autre hauteur de vues pour que la bassesse d’attaques sur l’âge du capitaine, le négationnisme sur son passé, et la vulgarité généralisée de leurs crachats.

Philippe Sollers (qui croit aujourd’hui judicieux de se joindre à ce concert) théorisait, voici quelques années, sur « La France moisie » (eut égard, notamment à la montée du Front national).
Rien n’incarne mieux cette France moisie, ne lui déplaise, que ces sarcasmes venimeux contre Hessel. À vrai dire, on ne saurait s’en étonner : voir une Elisabeth Lévy ou un Zemmour l’encenser, c’aurait été inquiétant. À ceux qui auraient encore des doutes sur ces pseudos briseurs de tabous qui ont   leur rond de serviette sur tous les médias dominants, il dévoile leurs vrais visages et ce qui les anime : une haine pure de tout ce qui est à gauche d’eux.

Une raison de plus d’être reconnaissants à Hessel de les avoir fait sortir du bois pour ce qu’ils sont : des idiots utiles du sarkozysme, voire du Front national, dont les jérémiades sur la « pensée unique » et le « politiquement correct » cache une vraie servilité à l’égard des dominants.

Qu’il continue, surtout. Les chiens aboient et la caravane passe…"

Liens :

 

(1) Animateurs du site causeur.fr, qui, de salon de thé où l’on cause, vire de plus en plus à un ersatz de tea party.

(2) Europe Ecologie Les Verts

D. ADAM
le 9 novembre 2011

 

DERNIÈRE MINUTE :

LE CRIF REVENDIQUE LA CENSURE DE STEPHANE HESSEL ET L’ATTEINTE A LA LIBERTE D’EXPRESSION A NORMALE SUP.

Communiqué publié sur Mediapart le 14 janvier à 00h55.

«Nous apprenons avec stupeur la décision de Mme Canto-Sperber, la directrice de l’Ecole Normale Supérieure, de retirer la réservation de la salle accordée pour la tenue d’une rencontre exceptionnelle avec Stéphane Hessel mardi 18 janvier. Cette conférence s’inscrivait dans la lignée de l’appel qui a reçu les signatures prestigieuses de personnalités politiques et intellectuelles de sensibilités très diverses, et de plus de 10000 citoyens. Voir et signer l’appel.

Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) revendique cette victoire de la censure, et remercie ses amis : Valérie Pécresse (ministre de l’enseignement supérieur), Bernard-Henry Lévy, Alain Finkielkraut, Claude Cohen-Tanoudji, Arielle Schwab. Tous, selon lui, seraient intervenus activement pour bâillonner Stéphane Hessel et ses prestigieux soutiens.

Mobilisées pour les droits démocratiques et contre les menaces visant Stéphane Hessel et les prévenus de la campagne BDS, de nombreuses personnalités devaient effectivement s’exprimer à la tribune ou par des messages :

  • Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)
  • Leila Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Européenne)
  • Haneen Zoabi (députée au parlement israélien)
  • Michel Warschawski (Israélien, fondateur du Centre d’Information Alternative, AIC)
  • Nurit Peled (mère israélienne d’une victime d’attentat, fondatrice du cercle des familles endeuillées, Prix Sakharov pour la paix du parlement européen)
  • Elisabeth Guigou (députée, ancienne Ministre de la Justice et Garde des Sceaux)
  • Daniel Garrigue (député, porte parole de République Solidaire)
  • Gisèle Halimi … et bien d’autres…

300 personnes étaient déjà inscrites pour cette conférence, exclusivement annoncée sur Mediapart. La direction de l’ENS a déjà reçu de nombreux mails de protestation, auxquels elle répond par le déni…

Le comportement indigne de la directrice d’un des hauts lieux de l’intelligence française et de celles et ceux qui ont fait pression sur elle pose de nombreuses questions auxquelles nous répondrons, avec nos invités et amis, lors du rassemblement auquel appellent les organisations ayant soutenu cette conférence.

Rendez-vous mardi 18 janvier à 18h30 pour un grand rassemblement contre la censure et pour le respect des libertés démocratiques.
Place du Panthéon, devant l'édifice où sont inhumés les grands hommes de la république, dont notamment Rousseau et Voltaire.

Nul n’a le droit d’interdire aux citoyens de ce pays de dénoncer l’impunité des violations israéliennes du droit international et la collusion de notre gouvernement avec la droite extrême au pouvoir en Israël ! »

Organisations signataires : AFPS (Association France Palestine Solidarité), CCIPPP (Campagne Civile pour la Protection du Peuple Palestinien), CJPP5 (Comité Paix Juste Palestine 5ème), Génération Palestine, GUPS (Union Générale des Etudiants de Palestine, UJFP (Union Juive Française pour la Paix).