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15/01/2011

Hessel face aux icônes de la France moisie

" L’arête Hessel ne passe pas. Ils s’en étranglent, ils en bavent, ils piaillent sur tous les plateaux leur indignation du succès d’Indignez-vous. Trop, à vrai dire, pour que ce vertueux concert d’indignation n’ait pas été orchestré.
Ils et elle : Eric Zemmour, Luc Ferry, Ivan Rioufol, Claude Askolovitch, les causeurs (1) Elisabeth Lévy et Luc Rosenzweig, Philippe Bilger… Un éventail assez disparate, qu’unit (à l’exception d’Askolovitch) un tropisme très à droite. Droite vieille France et revendiquée réactionnaire chez Rioufol, Bilger, Ferry, lou ravis de l’ordre ; droite néocon et pro-israélienne jusqu’au fanatisme chez Rosenzweig ou Lévy, les deux n’étant pas incompatibles, comme le montre Zemmour.

Qu’y a-t-il donc dans ce petit opuscule pour susciter leurs glapissements indignés ? Rien de révolutionnaire, ont justement pointé quelques lecteurs. Stéphane Hessel n’est pas Julien Coupat (qui n’avait d’ailleurs pas provoqué chez eux les mêmes cris d’orfraie).  Une critique de l’État d’Israël très largement partagée ; une indignation devant les coups de canifs sarkozyens à la République, la séparation des pouvoirs et les libertés publiques ; devant les inégalités croissantes, la pauvreté galopante et les ravages du néolibéralisme.
Bref, quelques indignations non exhaustives qui pourraient être le socle commun de ce que la gauche – ou, plus largement, la pensée humaniste – refuse.

Mais, là, j’ai dit un gros mot. Précisément, Hessel incarne une pensée de gauche, ou plutôt, a minima, un socle de valeurs qui devraient être communes à ses militants, voire ses électeurs, tous partis confondus. Et il fait consensus, là où les interminables feuilletons du combat des chefs du PS, d’EELV (2) ou du Front de gauche lassent ceux qui partagent ses indignations. Le tort de ce petit livre, auquel on ne saurait d’ailleurs réduire le parcours ni la pensée de Hessel, c’est de démontrer par l’indignation que le respect humain qu’il défend est incompatible avec les politiques de la droite actuelle : dérégulation financière, privilèges des riches, détricotage républicain, traitement inhumain des étrangers. Incompatible, enfin, avec le règne du capitalisme financier et les dogmes de ses représentants (y compris au FMI !), ce qui décoiffe Askolovitch et autres sociaux (?) - libéraux.

Or, celui qui démonte la réalité d’une politique de droite, et les raisons de s’en indigner n’est pas un obscur gauchiste ou le porte-parole d’un parti, mais un Juste, un homme au parcours incontestable et remarquable. Qui de plus a l’outrecuidance de pulvériser des records de vente!

Et vous voudriez que la droite lui pardonne sans appeler ses chiens de garde au secours pour un concert de jappements ?

L’ennui, c’est que pour mener la contre offensive, il faut un peu de talent. Face à un humaniste mesuré, ce n’est pas faire montre d’une grande intelligence stratégique que de dérouler le tapis rouge à des aboyeurs plus hystériques et excessifs les uns que les autres, de Luc Rosenzweig à Elisabeth Lévy – la Nadine Morano du journalisme, pour laquelle le mot « hystérie » semble avoir été inventé.

Pr_Charcot_DSC09405.jpg
Extrait d'une peinture d'André Brouillet montrant Blanche Wittmann
en pleine crise d'hystérie avec Jean-Martin Charcot à gauche

Il aurait fallu trouver d’autres arguments que leur sempiternel ricanement « le camp du bien ! » (Eh oui, difficile de caser Hessel dans l’axe du mal !) ou la défense pathétique, chez Bilger ou Ferry, d’un ordre établi qui ne génère que pauvreté, privation de libertés et injustice.
Se permettre de répondre à Hessel exige une autre hauteur de vues pour que la bassesse d’attaques sur l’âge du capitaine, le négationnisme sur son passé, et la vulgarité généralisée de leurs crachats.

Philippe Sollers (qui croit aujourd’hui judicieux de se joindre à ce concert) théorisait, voici quelques années, sur « La France moisie » (eut égard, notamment à la montée du Front national).
Rien n’incarne mieux cette France moisie, ne lui déplaise, que ces sarcasmes venimeux contre Hessel. À vrai dire, on ne saurait s’en étonner : voir une Elisabeth Lévy ou un Zemmour l’encenser, c’aurait été inquiétant. À ceux qui auraient encore des doutes sur ces pseudos briseurs de tabous qui ont   leur rond de serviette sur tous les médias dominants, il dévoile leurs vrais visages et ce qui les anime : une haine pure de tout ce qui est à gauche d’eux.

Une raison de plus d’être reconnaissants à Hessel de les avoir fait sortir du bois pour ce qu’ils sont : des idiots utiles du sarkozysme, voire du Front national, dont les jérémiades sur la « pensée unique » et le « politiquement correct » cache une vraie servilité à l’égard des dominants.

Qu’il continue, surtout. Les chiens aboient et la caravane passe…"

Liens :

 

(1) Animateurs du site causeur.fr, qui, de salon de thé où l’on cause, vire de plus en plus à un ersatz de tea party.

(2) Europe Ecologie Les Verts

D. ADAM
le 9 novembre 2011

 

DERNIÈRE MINUTE :

LE CRIF REVENDIQUE LA CENSURE DE STEPHANE HESSEL ET L’ATTEINTE A LA LIBERTE D’EXPRESSION A NORMALE SUP.

Communiqué publié sur Mediapart le 14 janvier à 00h55.

«Nous apprenons avec stupeur la décision de Mme Canto-Sperber, la directrice de l’Ecole Normale Supérieure, de retirer la réservation de la salle accordée pour la tenue d’une rencontre exceptionnelle avec Stéphane Hessel mardi 18 janvier. Cette conférence s’inscrivait dans la lignée de l’appel qui a reçu les signatures prestigieuses de personnalités politiques et intellectuelles de sensibilités très diverses, et de plus de 10000 citoyens. Voir et signer l’appel.

Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) revendique cette victoire de la censure, et remercie ses amis : Valérie Pécresse (ministre de l’enseignement supérieur), Bernard-Henry Lévy, Alain Finkielkraut, Claude Cohen-Tanoudji, Arielle Schwab. Tous, selon lui, seraient intervenus activement pour bâillonner Stéphane Hessel et ses prestigieux soutiens.

Mobilisées pour les droits démocratiques et contre les menaces visant Stéphane Hessel et les prévenus de la campagne BDS, de nombreuses personnalités devaient effectivement s’exprimer à la tribune ou par des messages :

  • Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)
  • Leila Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Européenne)
  • Haneen Zoabi (députée au parlement israélien)
  • Michel Warschawski (Israélien, fondateur du Centre d’Information Alternative, AIC)
  • Nurit Peled (mère israélienne d’une victime d’attentat, fondatrice du cercle des familles endeuillées, Prix Sakharov pour la paix du parlement européen)
  • Elisabeth Guigou (députée, ancienne Ministre de la Justice et Garde des Sceaux)
  • Daniel Garrigue (député, porte parole de République Solidaire)
  • Gisèle Halimi … et bien d’autres…

300 personnes étaient déjà inscrites pour cette conférence, exclusivement annoncée sur Mediapart. La direction de l’ENS a déjà reçu de nombreux mails de protestation, auxquels elle répond par le déni…

Le comportement indigne de la directrice d’un des hauts lieux de l’intelligence française et de celles et ceux qui ont fait pression sur elle pose de nombreuses questions auxquelles nous répondrons, avec nos invités et amis, lors du rassemblement auquel appellent les organisations ayant soutenu cette conférence.

Rendez-vous mardi 18 janvier à 18h30 pour un grand rassemblement contre la censure et pour le respect des libertés démocratiques.
Place du Panthéon, devant l'édifice où sont inhumés les grands hommes de la république, dont notamment Rousseau et Voltaire.

Nul n’a le droit d’interdire aux citoyens de ce pays de dénoncer l’impunité des violations israéliennes du droit international et la collusion de notre gouvernement avec la droite extrême au pouvoir en Israël ! »

Organisations signataires : AFPS (Association France Palestine Solidarité), CCIPPP (Campagne Civile pour la Protection du Peuple Palestinien), CJPP5 (Comité Paix Juste Palestine 5ème), Génération Palestine, GUPS (Union Générale des Etudiants de Palestine, UJFP (Union Juive Française pour la Paix).

09/04/2010

BDS : thème tabou ?

La campagne BDS - boycott, désinvestissement, sanctions - à l'encontre de l'Etat d'Israël est-elle un sujet tabou ?

La prise de position de J-P Dubois, reproduite ci-après, à propos du boycott des produits israéliens, a le mérite de souligner l'incongruité des déclarations gouvernementales devant le CRIF, Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, prononcées à Bordeaux en février dernier.

Elle a aussi le mérite de recadrer un boycott qui ne serait qu'un ensemble de réactions spontanées mais éparses, sans organisation véritable, et donc sans véritable efficacité contre un gouvernement israélien qui se permet de passer outre les sanctions votées par l'ONU aussi bien que les recommandations très diplomatiques qu'on ne cesse de lui adresser.

«Le camp du Droit» dans lequel se situe la LDH et son président, J-P Dubois, fait implicitement référence au processus de Barcelone de 1995 à travers lequel  l'Union Européenne et les signataires de l'accord qui en a suivi, se sont engagés sur la base des frontières définies en 1967. Ce faisant les produits issus des territoires occupés de Palestine ne peuvent pas être vendus au bénéfice d'Israël. C'est le sens de l'arrêt prononcé par la Cour de justice de l'Union européenne le 25 février 2010 à propos de l'affaire Brita.

cartes_israel_raye_Palestine.jpg

Sortir de ce débat là, ne pas insister sur la question du droit international comme peut le faire le Tribunal Russell, serait prendre le risque d'une polémique sans issue et se condamner à l'inertie ou à l'inefficacité qui a trop souvent été l'apanage de la communauté européenne.

Le boycott pourrait être une arme pour faire triompher le Droit. Les tentatives pour le justifier ne manquent pas. (1) (2) Mais dans la mesure où l'Etat d'Israël est mis en cause, c'est aussi prendre le risque de toucher à un tabou, être aussitôt taxé d'antisémitisme et jugé coupable d'«incitation à la discrimination raciale»(!).

Et si la tribune de J-P Dubois ne va pas au bout d'un raisonnement établissant un plan d'action contre la colonisation des «territoires occupés», c'est que demeure la question : comment faire tomber un tabou ?



Tribune : "Agir aujourd'hui contre la colonisation des «territoires occupés»"

Aujourd'hui comme hier, le conflit israélo-palestinien projette sur la société française un halo de passions, de solidarités et de colères. Toutes ne servent pas la solution juste de ce conflit et certaines mettent parfois gravement en danger les principes que nous avons en partage. Comment sortir de la confusion, comment agir, assurer, enfin, la victoire du droit sur le fait ?

On a vu une ministre de la République, «ministre du droit» qui plus est, critiquer devant ses amis du CRIF une campagne de boycott, et parler de «produits casher» pour désigner les «produits des colonies illégales d'Israël». De tels propos nourrissent la confusion entre religieux et politique et de fait, légitiment une ethnicisation du politique.

Des aveuglements symétriques poussent d'autres acteurs politiques ou communautaires à ne plus distinguer les peuples des gouvernements, imputant à l'ensemble des Israéliens la politique criminelle du gouvernement Netanyahu... ou à l'ensemble des Palestiniens les crimes du Hamas. Certes, ceux qui ont ordonné ou commis les crimes de guerre établis, au nom de l'Onu, par le rapport Goldstone ont été légitimés par des élections libres. Et ce fait interdit d'envisager la moindre perspective de paix en les excluant d'une négociation.

Mais ces assimilations opposent la colère à la colère, la négation à la négation ; elles conduisent à la folie et au meurtre de masse. Dans ce contexte, l'alternative laïque d'un Etat de Palestine démocratique, multinational et non religieux dans lequel athées, chrétiens, juifs et musulmans cohabiteraient égaux en dignité et en droits n'est qu'un rêve. Un rêve qui serait rapidement submergé par les fantasmes de disparition de l'Autre, par la « purification » du territoire par la force.

Faut-il alors se résigner à un avenir de sang et de terreur pour tous, y compris pour ceux qu'enivre l'actuelle supériorité militaire et financière d'Israël ?

Notre conviction est qu'il faut tenir bon sur les principes de la justice et du droit. Même si la tâche est rude. Car nous sommes au plus noir d'une histoire sombre depuis des décennies, celle d'un peuple sur lequel l'Europe s'est déchargée de sa mauvaise conscience ; ceux qui fuyaient la « destruction des Juifs d'Europe » ont construit leur Etat-refuge autour du rêve millénaire de «l'an prochain à Jérusalem». Nul - et les Européens moins que tout autre - n'a le droit d'oublier ce contexte effroyable. Mais Jérusalem n'était pas vide, la Palestine n'était pas un désert préservé inhabité et deux peuples devaient trouver un foyer national. On sait la suite ; le rêve des uns s'est nourri du cauchemar des autres, chaque jour davantage.

Chacun sait - citoyens, Etats comme gouvernements - qu'aucun des deux peuples ne pourra rejeter l'autre ni à la mer, ni au désert. Mais nous laissons, par notre inertie, l'irréparable s'accomplir. Nous laissons les gouvernants israéliens briser tout espoir d'un Etat palestinien digne de ce nom, détruire systématiquement toute ébauche de société palestinienne viable ; enfermer, coloniser, morceler, asservir. Les Etats-Unis financent cette violence, l'Europe en achète les fruits.

Ce faisant, l'Europe dément quotidiennement ses propres discours sur les valeurs humanistes de l'Union ; elle se fait complice des fossoyeurs de l'avenir commun. Car cet avenir n'est pas seulement désespérant pour les Palestiniens abandonnés de tous : que sera dans dix ans un Etat d'Israël hérissé de murs et de missiles antimissiles, devenu le symbole universel de la loi du plus fort, du reniement répété de la parole donnée et de la dernière expression historique de l'oppression coloniale ? Croit-on qu'une démocratie déjà gravement malade résistera indéfiniment à la banalisation de l'injustice et, désormais, même des crimes de guerre ?

Sauf à nous laisser contaminer par le cynisme des actuels gouvernants israéliens, nous ne pouvons continuer à détourner les yeux. Mais comment agir sans ajouter la rage à la rage et l'injustice à l'injustice ? D'abord en refusant d'assimiler les peuples et leurs gouvernants. Les Israéliens ne se confondent pas plus avec Benyamin Netanyahu ou Avigdor Lieberman que les Palestiniens ne s'identifient avec les dirigeants du Hamas. Ensuite en veillant à soutenir celles et ceux qui, au sein de la société israélienne, continuent à se battre courageusement pour que le nom d'Israël ne devienne pas synonyme d'oppression. Enfin, en sanctionnant ceux qui violent la légalité internationale. Il nous faut rappeler, fermement, que les territoires occupés, tous les territoires occupés depuis plus de quarante ans le sont illégalement ; que Jérusalem n'est pas plus la «capitale éternelle et indivisible d'Israël» que le Koweït n'était la 19e province de l'Irak de 1990 ; que chaque colonie devra être évacuée, que chaque territoire devra être restitué, que chaque morceau du mur déclaré illégal par la Cour internationale de justice devra être détruit.

Tout simplement parce que la loi du plus fort doit plier devant le droit commun de l'humanité.

Parler, même fermement, ne suffit pas. Il faut des actes qui sanctionnent la colonisation, particulièrement au plan économique. Il faut rendre l'exploitation des terres annexées et de ceux qui en ont été spoliés plus coûteuse que ce qu'elle rapporte.

Boycotter, donc, les produits des entreprises coloniales ? Difficile, car le gouvernement israélien en dissimule systématiquement l'origine. Boycotter alors tous les produits israéliens, puisque ce serait « cela ou rien » ? Ce serait confondre Israël et ses colonies, c'est-à-dire faire exactement le jeu des partisans du «Grand Israël» en entrant dans leur logique. Et ce serait aussi alimenter les tentatives d'assimilation de toute critique de l'Etat d'Israël à de l'horreur de l'antisémitisme. Confondre le combat contre les gouvernants avec le boycott de toute une société, ce serait nourrir l'amalgame entre boycott des produits israéliens et «boycott des Juifs», amalgame que certains nourrissent sans scrupules. L'effroyable lapsus de la ministre française de la Justice, venant après les accusations aussi injustes qu'insultantes d' «incitation à la discrimination raciale» dirigées contre des militants et notamment contre une adhérente de la LDH, témoigne déjà d'une légitimation par les plus hautes autorités de l'Etat de cette dérive vers une «importation ethnicisante» du conflit israélo-palestinien. Nous devons nous en garder comme de la peste.

La Ligue des droits de l'Homme n'a, dans cette affaire comme en toute autre, qu'un seul «camp» : le camp du droit.

C'est pourquoi elle appelle aujourd'hui tous les citoyens à exiger des autorités françaises qu'elles le fassent respecter. Il leur revient de refuser le « traitement préférentiel » - accordé aux produits israéliens par l'Union européenne - à toute importation de produits « coloniaux » ou même de produits dont il n'est pas indiscutablement établi qu'ils ne sont pas les fruits de l'oppression coloniale. C'est non seulement possible, c'est légal : la Cour de justice de l'Union européenne vient, dans un arrêt du 25 février 2010, de donner raison aux autorités du port de Hambourg qui ont pris cette décision.

L'Europe est aujourd'hui le premier partenaire commercial d'Israël : si les Etats membres de l'Union suivent l'exemple des autorités de Hambourg, la loi sera dite et les exploiteurs des territoires occupés devront bien l'entendre.

La LDH appelle donc à élargir cette campagne aux dimensions de toute l'Union européenne. Elle appelle à cesser toute complicité même passive avec la colonisation, et à faire enfin appliquer l'article 2 de l'accord d'association entre l'Union et Israël qui fait du respect des droits de l'Homme la condition des relations commerciales privilégiées qu'il institue. Elle appelle à la sanction de tous les crimes de guerre dont le rapport Goldstone a établi l'existence à la demande de l'Onu, que ces crimes aient été commis par l'armée israélienne, par le Hamas ou par quelque autre criminel que ce soit.

Elle appelle enfin à la mobilisation internationale pour que l'Etat palestinien promis par la communauté internationale il y a déjà dix-sept ans voie enfin le jour, dans l'intégralité des territoires volés aux Palestiniens il y a déjà quarante-trois ans, afin que cesse une des plus anciennes injustices qui font injure au droit international.

Il y a cent douze années, face à l'antisémitisme d'Etat que révélait l'affaire Dreyfus naissaient d'une part le projet sioniste de Theodor Herzl, d'autre part la mobilisation universaliste qui créait la Ligue française pour la défense des droits de l'Homme et du citoyen. La naissance d'Israël a donné corps au premier ; ne laissons pas la lâcheté et la haine le défigurer en oubliant les exigences du second de ces deux projets. Parce qu'il n'est pas d'avenir humain à Jérusalem hors de la coexistence de deux Etats viables pour deux peuples égaux en droits, la LDH reste fidèle au refus de l'injustice qui l'a fait naître. Ni pro-israélienne ni pro-palestinienne, encore moins « pro-casher » ou « pro-halal », elle campe du côté du droit, de l'égalité et de l'universalité des droits de l'Homme. De grands mots ? Il ne tient qu'à nous d'en faire de grands actes. L'injustice ne durera que tant que nous la tolèrerons.

Jean-Pierre Dubois
Président de la Ligue des droits de l'Homme