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19/08/2015

L'Occident, bras armé des dictatures

L’OCCIDENT, BRAS ARME DES DICTATURES

En défendant certains régimes alors qu’ils condamnent leurs voisins, en mettant leurs intérêts commerciaux et militaires devant la défense des droits humains, la France et l’Europe participent à la répression violente de milliers de civils dans le monde arabe.

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Triste été pour les droits de l’Homme. Le roi Salmane a occupé la plage de Vallauris et François Hollande la place d’honneur, le 6 août, à la cérémonie d’inauguration du nouveau canal de Suez, véritable sacre à la gloire du général Al-Sissi et de la coopération militaire franco-égyptienne. Le président français s’est rendu sur place en compagnie des patrons de l’industrie aéronautique et militaire. Un ballet estival qui résume à lui seul les ambitions du gouvernement français pour le monde arabe. Car, outre les 24 Rafale, la frégate Fremm et les missiles vendus à l’Égypte au nom de la lutte contre le terrorisme (dans laquelle des milliers de civils égyptiens ont déjà été assassinés), la France exporte, en toute connaissance de cause, pour des millions d’euros, des armes et des munitions similaires à celles déjà utilisées par l’armée égyptienne pour massacrer des milliers de manifestants. Au nom de la soi-disant « lutte contre le terrorisme », les démocraties occidentales qui rivalisent pour armer l’Égypte et d’autres régimes autoritaires, participent en réalité à la plus importante offensive contre les sociétés civiles jamais lancée dans le monde arabe. Civils, opposants pacifiques, laïcs, défenseurs des droits humains, activistes, journalistes, juristes, intellectuels : en Égypte, en Arabie Saoudite, au Bahreïn et ailleurs, comme en Syrie, ce sont aussi ces acteurs clé et incontournables d’une possible transition démocratique qui sont visés par les régimes en place.

Mais alors que l’on constate l’avènement, à l’Élisée, d’un « néoréalisme » en phase avec les nouveaux enjeux sécuritaires, ne revenons pas sur les dizaines de milliers de prisonniers politiques, les centaines de condamnations à mort et de disparitions forcées dans une Égypte aujourd’hui livrée sans garde-fous au contrôle des forces de sécurité, à la presse muselée, la justice aux ordres et aux élections parlementaires repoussées sine die à plusieurs reprises.

Tenons-nous en à des considérations purement stratégiques sur « l’intérêt national », invoqué à l’envi pour justifier un partenariat privilégié avec le régime égyptien. Cet « intérêt » qui justifie de condamner la dictature de Bachar al-Assad tout en soutenant celle d’Abdel Fattah al-Sissi, de prétendre lutter contre l’islamisme tout en soutenant le régime saoudien.

Voir un gage de stabilité dans un régime soutenu à bout de bras par les gérontocraties pétrolières du Golfe, un régime dont le président renchérit sur la répression exercée par son prédécesseur, lui-même déposé quatre ans plus tôt par un gigantesque mouvement populaire inattendu, relève de la haute voltige intellectuelle. Comme l’a rappelé justement le célèbre défenseur des droits de l’Homme égyptien Bahey el-Din Hassan dans les colonnes du New York Times, l’idée d’une Égypte autoritaire mais stable et forte, qui assurerait le contrôle de son territoire et serait la clé de voûte de la sécurité régionale, est un mythe. C’est en Syrie et en Irak, rappelle-t-il, dans les pays qui ont été soumis aux pires décennies de répression politique et où des régimes autoritaires ont démantelé méthodiquement les institutions d’État, que l’avènement de Daech a été rendu possible.

Quinze ans de « guerre contre le terrorisme » se sont soldés par un échec cinglant au terme duquel les jihadistes ont mis la main sur des pans entiers de la Syrie, de l’Irak et du Yémen. Aujourd’hui présents en Libye et au Nigeria, ils menacent ouvertement les villes européennes et américaines. Quatre millions de réfugiés syriens ont fui leur pays, soumis à une boucherie menée par Bachar al-Assad, véritable défi à la stabilité régionale. La Méditerranée est devenue un vaste cimetière où près de 2 000 demandeurs d’asile fuyant la guerre, la répression et la misère, ont trouvé la mort en moins de sept mois (trente fois plus que l’année dernière à la même période).

Soutenir des dictatures sous prétexte de sécurité et de stabilité n’est pas seulement une preuve de mépris pour les peuples de la région, c’est surtout un déni criant des réalités régionales. N’en déplaise aux thuriféraires d’un « néoréalisme » sécuritaire : la défense des droits de l’Homme a été, en 2011, la pierre angulaire du plus important mouvement de masse de l’histoire du monde arabe moderne.

Le gouvernement français semble désormais soutenir une équation nauséabonde et trompeuse qui opposerait une diplomatie des intérêts à une diplomatie des valeurs, la sécurité –y compris celle de l’emploi d’un fonctionnaire de la Défense ou d’un ouvrier de Saint-Nazaire–, au droit à la vie d’un opposant égyptien.

L’intérêt national des Français comme des Européens, est aussi défini par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, il a la particularité d’être universel : la liberté et l’égalité de tous les êtres humains.

Il est impossible de gagner le long combat contre le terrorisme dans la région sans s’assurer que le droit à la dignité, à la sécurité et à l’intégrité physique des citoyens arabes a la même valeur que celui de n’importe quel citoyen européen : qu’il est inaliénable et fondamental.

Il est impossible à la France comme à l’Europe de prétendre consolider durablement leur influence sans comprendre dans la défense de leurs intérêts celle, obstinée, quotidienne, des valeurs universelles et des millions de citoyens qui s’en prévalent au prix fort.

Françoise Dumont, présidente de la LDH,
Karim Lahidji, président de la FIDH

29/02/2012

Des camps pour les Roms ?

«L’origine du mal, c’est-à-dire de cette circulation d’une population qui n’est acceptée nulle part et qui vit dans des conditions indignes, c’est de ne pas avoir fixé une règle européenne pour (la) garder là où elle doit vivre, en Roumanie» (…) Il faut donc «des règles européennes pour éviter que nous re-connaissions cette circulation encore et encore, et ensuite qu’il y ait des camps qui puissent être ceux de notre propre décision, c’est-à-dire éviter que ces populations ne s’installent n’importe où» dixit François Hollande le 12 février dernier.

Roms-Hollande

Pour mémoire : les Centres de Rétention Administratives ont été officiellement créés le 29 octobre 1981 après que François Mitterrand ait été élu. La police exerce dans les CRA son autorité sans aucun contrôle judiciaire, sur la seule base d’un règlement de police de 1938 autorisant l’internement des étrangers sans-papiers.

Ce n’est pas parce que les porte flingues de l’UMP font semblant de s’offusquer de cette déclaration « hasardeuse » (ou pas) qu’il faut en exonérer le candidat du PS.

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 La LDH lui adresse ce courrier :

« 

Monsieur François Hollande
Parti socialiste
59, avenue de Ségur
75007 Paris

Paris, le 20 février 2012

Monsieur,

La Ligue des droits de l’Homme tient à vous faire part de sa vive préoccupation après les propos que vous avez tenus concernant les Roms sur le plateau de Canal+.
Sans aucunement nourrir la stratégie d’amalgame douteux immédiatement déclenchée par les responsables de l’UMP, nous estimons important de vous faire part de notre opinion sur la situation des populations roms, situation qui ressort essentiellement de la discrimination.

De toute évidence, l’usage d’un certain nombre d’expressions et de vocables à tout le moins approximatifs « organiser une solution », « camps », « origine du mal » relève au mieux d’une grande ignorance du sujet, pourtant sensible et au coeur de l’intervention de nombreuses organisations de la société civile, dont la Ligue des droits de l’Homme.

De la même manière, en appeler à une modification des règles européennes de circulation uniquement pour les Roms revient à plaider pour un traitement discriminatoire, contraire et aux textes européens, et à l’esprit des valeurs dont vous vous réclamez par ailleurs.

Il aurait été souhaitable de rappeler, face aux téléspectateurs, que les Roms sont des citoyens européens auxquels la France refuse de reconnaître une citoyenneté pleine et entière en les privant notamment de l’accès à l’emploi, par le maintien des mesures transitoires au niveau européen, donc de la liberté de circulation et d’installation. Que cette discrimination empêche de fait toute intégration par le travail et l’éducation, pénalisant ainsi les adultes et les enfants. Enfin, qu’il est honteux qu’à la haine raciale dont ils sont victimes dans leur pays, réponde en écho leur stigmatisation publique en France par l’actuel président de la République.

Le contexte du débat politique français, marqué par une concurrence entre droite et extrême droite pour occuper le terrain du rejet racial et identitaire, confère à ces sujets une ampleur et une portée symbolique majeures. Ils requièrent une attention vigilante, une réelle connaissance des dossiers concernés et la conviction profonde que la défense des principes humanistes, des droits fondamentaux, constitue au contraire une boussole fiable et gage de victoire.

Dans l’espoir que vous partagerez cette conviction, je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

»

Pierre Tartakowsky
Président de la LDH

15/02/2012

De quoi le socialisme est-il encore le nom ?

«Les Américains qui manifestent contre Wall Street protestent aussi contre ses relais au sein du Parti démocrate et à la Maison Blanche. Ils ignorent sans doute que les socialistes français continuent d’invoquer l’exemple de M. Barack Obama. Contrairement à M. Nicolas Sarkozy, le président des Etats-Unis aurait su selon eux agir contre les banques. S’agit-il seulement d’une méprise ? Qui ne veut pas (ou ne peut pas) s’attaquer aux piliers de l’ordre libéral (financiarisation, mondialisation des flux de capitaux et de marchandises) est tenté de personnaliser la catastrophe, d’imputer la crise du capitalisme aux erreurs de conception ou de gestion de son adversaire intérieur. En France, la faute incombera à « Sarkozy », en Italie, à « Berlusconi », en Allemagne, à « Merkel . (…)» Serge Halimi – Novembre 2011.

Dans la foulée strausskhanienne, avec pour sparring-partners la plupart des nostalgiques du virtuose FMiniste, François Hollande vient de faire un immense cadeau à tous ceux qui refusent de se laisser tondre par les artisans d’un ultralibéralisme mortifère mais qui hésitaient encore entre une gauche vraiment socialiste et une impasse sociale-démocrate.

Passant d’un discours lyrique et frémissant prononcé au Bourget (23 janvier 2012) :
«Mon véritable adversaire, il n'a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c'est le monde la finance»,
l’ancien secrétaire du PS, du temps de la gauche pêle-mêle, n’a pas hésité à faire preuve de cynisme en affirmant aux traders de la city que ses anciens soutiens communistes n’étaient plus en mesure de les inquiéter (!!!) (13 février 2012 au Guardian).

ps,hollande,guardian,city

Au-delà de l’insulte réelle et ressentie par toutes celles et tout ceux qui espèrent encore et se battent pour éviter l’enfermement dans le piège néolibéral, une nouvelle preuve de renoncement, une seconde nature chez François Hollande, vient d’être magistralement administrée, y compris à son équipe de campagne au cas où elle ne l’aurait pas encore perçu.
Il va être difficile pour quelques-uns de ses actuels porte-paroles de justifier des positions telles que celles prises par A. Montebourg ou Benoit Hamon («Tourner la page. Reprenons la marche du progrès social» - Flammarion, Paris, 2011, p. 14-19) :

«Le Parti socialiste européen (PSE) est historiquement associé (…) à la stratégie de libéralisation du marché intérieur et à ses conséquences sur les droits sociaux et les services publics. Ce sont des gouvernements socialistes qui ont négocié les plans d’austérité voulus par l’Union européenne et le Fonds monétaire international. En Espagne, au Portugal et en Grèce bien sûr, la contestation des plans d’austérité prend pour cible le FMI et la Commission européenne, mais aussi les gouvernements socialistes nationaux. (…) Une partie de la gauche européenne ne conteste plus qu’il faille, à l’instar de la droite européenne, sacrifier l’Etat-providence pour rétablir l’équilibre budgétaire et flatter les marchés. (…) Je ne m’y résigne pas.»

Le Front de gauche ne s’y résigne pas non plus.

12/11/2011

Qui demain, défendra l’Etat social ?

Suite à un article paru dans le journal Le Monde titré «Les économistes de gauche poussent François Hollande à se démarquer de la politique d'austérité», on peut effectivement se demander si le nouveau leader du PS est en mesure de répondre à cette attente. (Qui défendra demain l’Etat social ?)

"Contrairement à l'idée répandue que la politique de "mondialisation" tend à favoriser leur dépérissement, les Etats continuent en fait à jouer un rôle déterminant au service de la politique qui les affaiblit. Il est remarquable que les politiques visant à déposséder les Etats au profit des marchés financiers aient été édictés par des Etats, et, qui plus est, des Etats gouvernés par des socialistes. Ce qui signifie que les Etats, et tout spécialement ceux qui sont gouvernés par des sociaux-démocrates, contribuent au triomphe du néo-libéralisme, non seulement en travaillant à la destruction de l'Etat social (c'est-à-dire notamment des droits de travailleurs et des femmes), mais aussi en cachant les pouvoirs qu'ils relaient" [Contre-feux 2, 2001].

piranhas néolibéraux

La réflexion de Pierre Bourdieu pourrait bien être d’une cuisante actualité tant il est vrai qu’à vouloir noyer le poisson, le pêcheur social-démocrate n’a aucune chance face aux piranhas néolibéraux.
Et qu’il est de plus en plus probable que le PS tel que représenté par F. Hollande n’aura ni le courage ni la volonté de se démarquer vraiment de la droite libérale.
A moins que la mobilisation à la gauche de ce PS là ne s’active, comment évitera-t-on alors de s’enfoncer davantage encore dans la médiocrité ? La médiocrité a des œillères, ça crève les yeux ! En plus, elle est sourde, obstinée, apathique et, par faiblesse, s’amuse à noyer le …. poisson.

Rappel à méditer :

Les piranhas ont très peu de prédateurs et à part le caïman et le héron, les principaux dangers qui menacent ce poisson sont les membres de sa propre espèce.

Pour ce qui est de la chair de ce poisson, elle n’est pas très savoureuse et n’a pas beaucoup de goût.

Les indigènes qui doivent faire traverser un cours d’eau à un troupeau savent qu’ils doivent souvent payer un tribut aux bancs de piranhas. Ils sacrifient un animal faible ou malade afin d’attirer ces poissons. Pendant qu’ils dévorent leur proie, le reste du troupeau passe dans une sécurité toute relative.