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22/10/2015

Netanyhaou falsifie la Shoah

Mercredi 21 octobre 2015. Une nouvelle fois, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui s’exprimait le 20 octobre devant le 37e Congrès sioniste mondial, a affirmé que le génocide des Juifs aurait été soufflé à Adolf Hitler par le grand mufti de Jérusalem Amin Al-Husseini, figure de proue du nationalisme palestinien dans les années 20 et 30, rallié aux nazis en 1941. En mai 2010, Gilbert Achcar revenait sur cette falsification entretenue depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

 

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Via le mur FB de Julien Salingue

 

Dans la guerre de propagande d’Israël tous les moyens sont bons !

Inusable grand mufti de Jérusalem

Régulièrement, des ouvrages « découvrent » les sympathies nazies du leader palestinien Amin Al-Husseini ; régulièrement, les dirigeants israéliens en tirent parti pour dénoncer l’antisémitisme congénital des Arabes. Car c’est bien l’objectif de ces pseudo-recherches historiques que de justifier l’occupation des Territoires et l’oppression des Palestiniens.

Ces dernières années ont vu une recrudescence spectaculaire de la guerre des mots opposant Israël aux Palestiniens et aux Arabes, avec le concours actif des partisans des deux camps en Europe et aux États-Unis. Cette dimension particulière du conflit israélo-arabe a toujours été cruciale pour l’État d’Israël : constitué dès l’origine en forteresse enclavée dans un environnement régional hostile, il doit impérativement cultiver le soutien des pays occidentaux à sa cause.

C’est lors de l’invasion du Liban, en 1982, que l’image d’Israël en Occident se détériora sensiblement pour la première fois. Le long siège de Beyrouth, marqué par les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, perpétrés sous supervision israélienne, choquèrent l’opinion publique mondiale. En Israël même, ce traumatisme, comparable à celui produit aux États-Unis par la guerre du Vietnam, demeure présent (1).

Entre ce moment et celui de la première Intifada, en 1987-1988, l’État hébreu fut ainsi le théâtre d’un remarquable réexamen critique des mythes centraux de l’idéologie sioniste par ceux qu’on appela les « nouveaux historiens » (2). Cette réécriture de l’histoire des origines d’Israël donna naissance à un courant, certes minoritaire mais qualitativement important : le « post sionisme ». Il n’empêcha cependant pas le glissement à droite, par étapes, de la société israélienne, de l’enlisement précoce des accords d’Oslo jusqu’à l’affirmation d’un « néo sionisme » agressif.

Aussi stigmatisé que... Adolf Hitler

Selon la définition du sociologue israélien Uri Ram, « le post sionisme est d’orientation citoyenne (il soutient l’égalité des droits et a en ce sens une préférence pour un État de tous ses citoyens dans les frontières de la “ligne verte” [ligne d’armistice avant la guerre de 1967]), universelle et mondiale. Le néo sionisme est particulariste, tribal, juif, ethnonationaliste, intégriste et même fasciste sur la marge (3) ».

Le sabotage par Israël des négociations de paix, sa colonisation accélérée des territoires palestiniens occupés et ses offensives meurtrières au Liban (2006) et à Gaza (2008-2009) accentuent inexorablement la dégradation de son image. Pour tenter de l’enrayer, les instances israéliennes officielles et leurs partisans inconditionnels en Occident invoquent, comme toujours, la mémoire de la Shoah, dont ils espèrent une légitimation de leur action (4).

Mieux : ils ont toujours tenté d’impliquer les Palestiniens et les Arabes dans le génocide nazi. C’est dans ce but que, dès la fin de la seconde guerre mondiale, les instances sionistes ont mis en exergue le tristement célèbre mufti de Jérusalem. Figure de proue du nationalisme palestinien dans les années 1920 et 1930, Amin Al-Husseini, exilé de Palestine par les autorités britanniques en 1937, avait rejoint le camp des puissances de l’Axe en 1941, après un séjour en Irak. Il contribua activement, depuis Berlin et Rome, à la propagande des régimes nazi et fasciste ainsi qu’à la mise sur pied d’unités bosniaques musulmanes de la SS — qui ne commirent cependant pas d’exactions anti juives.

Largement discrédité dans le monde arabe, sinon en Palestine, avant même son exil européen, Al-Husseini rencontra si peu d’écho que, malgré toutes ses exhortations à rejoindre les troupes de l’Axe, seuls 6 300 soldats originaires de pays arabes, selon les calculs d’un historien militaire américain, « passèrent par les différentes organisations militaires allemandes », dont 1 300 originaires de Palestine, de Syrie et d’Irak, le reste en provenance d’Afrique du Nord. Ces chiffres doivent être comparés aux 9 000 soldats arabes de la seule Palestine engagés dans l’armée britannique et aux 250 000 Maghrébins qui combattirent dans les rangs de l’armée française de la libération et fournirent la majeure partie de ses morts et blessés (5).

Le mufti fut néanmoins érigé en représentant attitré des Palestiniens et des Arabes par la désinformation du mouvement sioniste qui, en 1945, exigea — sans succès — qu’il soit déféré devant le tribunal international de Nuremberg, comme s’il avait représenté un rouage essentiel de la machine génocidaire nazie. Un nombre considérable d’articles, de brochures et de livres fut produit afin de désigner Al-Husseini à la vindicte publique. Il est vrai que la figure du mufti permettait de présenter les Palestiniens comme coresponsables du génocide hitlérien et, à ce titre, de justifier qu’un « État juif » soit érigé sur le territoire de leur patrie.

Cette motivation devint une constante du discours de l’Etat d’Israël après sa création. Elle explique l’importance extraordinaire accordée au mufti par Yad Vashem, le mémorial de la Shoah, à Jérusalem. Tom Segev a noté que le mur qui lui est consacré cherche à donner l’impression d’une convergence entre le projet génocidaire antisémite du nazisme et l’hostilité arabe à Israël (6). Peter Novick a relevé, de son côté, que l’article sur le mufti dans l’Encyclopedia of the Holocaust, publiée en association avec Yad Vashem, est beaucoup plus long que les textes sur Heinrich Himmler, Reinhard Heydrich, Joseph Goebbels ou Adolf Eichmann, et n’est dépassé — de peu — que par l’article sur Adolf Hitler (7).

Avec la flambée de racisme anti-arabe et d’islamophobie depuis les attentats du 11 septembre 2001, on a assisté à une prolifération de publications visant à établir que les Juifs étaient confrontés en Palestine, en 1948, à une menace de génocide. Les Arabes n’étaient-ils pas — et ne restent-ils pas aujourd’hui — mus par la même haine des Juifs que les nazis, à l’instar du mufti ? L’expulsion des Palestiniens au moment de la fondation de l’Etat d’Israël et leur assujettissement continu par celui-ci ne procèdent-ils pas, dans ces conditions, de la légitime défense ?

Dans cette masse d’ouvrages, deux se distinguent par leur apparence de sérieux, du fait d’un travail sur les archives nazies, américaines ou britanniques : celui de Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallman (8), et celui de Jeffrey Herf (9). Dans les deux cas, les auteurs connaissent très peu le monde arabe et en ignorent la langue. On trouvera un excellent dossier critique sur l’ouvrage de Cüppers et Mallman dans la revue de la Fondation Auschwitz, Témoigner entre histoire et mémoire (10). Dans sa contribution, Dominique Trimbur relève que le livre semble s’insérer « dans un courant historique marqué par un certain air du temps, celui du début des années 2000 (…). L’intégralité de la démonstration fait difficilement preuve de nuance, notamment lorsqu’il est question “des” Arabes et “du” monde musulman ; une assimilation qui trouve son illustration dans la reprise, sinon l’intégration assumée, de l’expression “choc des civilisations” ».

En réaction à l’exploitation par Tel-Aviv de la mémoire de la Shoah et pour légitimer les aspirations palestiniennes, deux tendances contradictoires se sont développées du côté arabe : d’une part, la comparaison des agissements d’Israël au nazisme, réciproque arabe de la tradition israélienne fort ancienne consistant à comparer divers Palestiniens et Arabes aux nazis ; d’autre part, la négation de la Shoah.

Le fait que nombre de personnes dans le monde arabe puissent combiner ces deux discours contradictoires — l’un tenant le nazisme pour l’étalon suprême du mal, l’autre impliquant qu’il est moins criminel qu’on ne le prétend — l’indique clairement : il s’agit là d’une tentative de compenser par un recours à la violence symbolique l’impuissance à riposter efficacement à la violence réelle. C’est la montée de ce négationnisme réactif et émotionnel que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad tente d’exploiter dans sa concurrence avec le royaume saoudien pour gagner la sympathie de l’islam sunnite arabe.

En réalité, ceux qui, dans le monde arabe, adhèrent sérieusement, et en connaissance de cause, au discours pathologique du négationnisme occidental — le négationnisme devenant, dans leur cas, un « antisionisme des imbéciles » (pour paraphraser l’expression célèbre qui fait de l’antisémitisme le « socialisme des imbéciles ») — constituent une infime minorité.

La grande majorité des attitudes négationnistes relève plutôt de l’exaspération. C’est ce que suggèrent des enquêtes d’opinion conduites parmi les Palestiniens d’Israël, qui forment certainement la population arabe la mieux informée sur le génocide juif, thème bien présent dans les programmes scolaires élaborés par les autorités israéliennes (11).

Réalisé par l’université de Haïfa en 2006, un premier sondage montra, à la surprise générale, que 28 % des Arabes israéliens en étaient venus à nier la Shoah, la proportion grandissant avec le niveau d’instruction des sondés (12). Deux ans plus tard, sur fond d’exacerbation de la violence, le même sondage obtenait 40 % de réponses négationnistes (13) !

Le caractère paroxystique de la situation actuelle semble rendre l’incommunicabilité entre les adversaires plus insurmontable que jamais. Néanmoins, quiconque connaît l’opposition apparemment irréductible qui séparait Israéliens et Arabes entre la création de l’Etat d’Israël en 1948 et les années 1970 sait qu’aujourd’hui, en dépit de tout, beaucoup plus d’Arabes et de Palestiniens envisagent une coexistence pacifique avec les Israéliens, et bien plus d’Israéliens reconnaissent que leur Etat est coupable de persécuter les Palestiniens. Il faut espérer que les uns et les autres sauront éviter à la région une nouvelle « catastrophe » — sens commun des deux termes Shoah et Nakba.

 

Gilbert Achcar

Professeur à l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’université de Londres. Auteur de Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo-arabe des récits, Sindbad - Actes Sud, Arles, 2009.

 

(1) C’est ce qu’a attesté à sa manière, encore récemment, le film d’animation d’Ari Folman, Valse avec Bachir, sorti en 2008.

(2) Sur les « nouveaux historiens » israéliens, cf. Benny Morris (sous la dir. de), Making Israel, University of Michigan Press, Ann Arbor, 2007, et Dominique Vidal, avec Sébastien Boussois, Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.

(3) Cité par Dalia Shehori dans « Post-zionism didn’t die, it’s badly injured », Haaretz, Tel-Aviv, 28 avril 2004.

(4) Sur l’« instrumentalisation » de la Shoah en Israël, cf. Tom Segev, Le Septième Million.Les Israéliens et le génocide, Liana Levi, Paris, 2002, et Idith Zertal, La Nation et la Mort. La Shoah dans le discours et la politique d’Israël, La Découverte, Paris, 2008.

(5) Antonio J. Muñoz, Lions of the Desert : Arab Volunteers in the German Army, 1941-1945, Axis Europa, New York, 1997 ; Lukasz Hirszowicz, The Third Reich and the Arab East, Routledge & Kegan Paul, Londres, 1966 ; Belkacem Recham, « Les militaires nord-africains pendant la seconde guerre mondiale », sur Internet : http://colloque-algerie.ens-lsh.fr

(6) Le Septième Million, op. cit.

(7) Peter Novick, L’Holocauste dans la vie américaine, Gallimard, Paris, 2001.

(8) Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallman, Croissant fertile et croix gammée, Verdier, Paris, 2009.

(9) Jeffrey Herf, Nazi Propaganda for the Arab World, Yale University Press, New Haven, 2009.

(10) No 105, octobre-décembre 2009, p. 233-252.

(11) De surcroît, 80 % de ces Palestiniens comprennent l’hébreu et ne sauraient donc ignorer l’évocation constante du souvenir de la Shoah en Israël.

(12) Fadi Eyadat, « Poll : Over 25 % of Israeli Arabs say Holocaust never happened », Haaretz, 18 mars 2007.

(13) Fadi Eyadat, « Poll : 40 % of Israeli Arabs believe Holocaust never happened », Haaretz, 17 mai 2009.

17/05/2015

« Trop, c’est trop ! » – Combattre l’antisémitisme et sanctionner la politique israélienne

DÉNONCER L’ANTISÉMITISME C’EST DÉNONCER LE RACISME,
et inversement.

« Trop, c’est trop ! » – Combattre l’antisémitisme et sanctionner la politique israélienne
Communiqué de la LDH

Ayant accueilli des Juifs victimes de l’antisémitisme et des survivants du génocide perpétré par les nazis, l’État d’Israël a le droit de vivre en paix et de voir ses frontières reconnues. A cet égard, nous restons fidèles à la double exigence affirmée par Pierre Vidal-Naquet au lendemain de la guerre de 1967 : défendre l’existence de cet État mais exiger aussi de lui l’évacuation des territoires conquis alors afin que puisse s’y établir un État palestinien.

Israël, Palestine
Alma Sheppard-Matsuo, War crimes, end israeli apartheid
(Crimes de guerre, finissez-en avec l'apartheid israélien, 2014, États-Unis.

Hélas, les élections législatives  de mars 2015 et la formation du gouvernement qui en résulte nous éloignent encore davantage de cette issue. En effet, elles ont donné la victoire à Benjamin Netanyahou, lequel a déclaré ouvertement son refus d’un tel État. Forts de leur supériorité militaire, les gouvernants actuels de l’État d’Israël risquent donc de rendre impossible toute création d’un État pour le peuple palestinien. Comme on peut le constater, la poursuite de la colonisation de l’ensemble de Jérusalem et de la Cisjordanie ainsi que le blocus aérien, maritime et terrestre de Gaza, condamnent sa population civile, au mieux à survivre, au pire à mourir parmi les ruines.

Il faut donc des sanctions et des pressions internationales à l’encontre de cette politique. Nous sommes préoccupés, en France, par la montée de l’antisémitisme et des autres formes de racisme et nous les combattons. Mais nous nous élevons aussi, avec force, contre tous ceux qui se servent de l’argument de l’antisémitisme pour refuser de critiquer la politique désastreuse menée par Benjamin Netanyahou.

Les Israéliens désireux de mettre en œuvre une autre politique ont besoin de soutien et pensent que seules des sanctions prises à l’encontre de ce gouvernement peuvent être efficaces afin que soient reconnues les légitimes aspirations des Palestiniens à vivre en paix au sein de frontières sûres.

Seule une forte campagne d’opinion en France et en Europe peut permettre de contrer cette politique. Et c’est pourquoi, nous demandons que la France et tous les États européens reconnaissent l’État de la Palestine, comme vient de le faire la Suède, qu’ils votent pour son entrée comme membre à part entière des Nations unies et enfin qu’ils s’engagent à faire cesser toute vente d’armes, coopération militaire ou transfert de technologie susceptible d’un usage militaire vers Israël et à suspendre l’accord de coopération de l’Union européenne avec Israël. Nous demandons aussi que cesse toute poursuite contre les militants qui appelleraient au boycott des produits israéliens, même si certains d’entre nous ne sont pas favorables à un tel boycott.

« Trop, c’est trop ! », c’était le cri que plusieurs d’entre nous avions lancé en décembre 2001, avec Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet et Stéphane Hessel, lorsque des coups dramatiques étaient portés contre Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne à Ramallah. Dans la continuité de leur action, nous appelons à une campagne au double mot d’ordre : « Combattons l’antisémitisme ! Soutenons ceux qui s’opposent en Israël à la politique de ce gouvernement, sur lequel des pressions sont indispensables pour qu’on sorte de cette impasse ! »

Les 64 premiers signataires : Tewfik Allal, Etienne Balibar, Françoise Basch, Fethi Benslama, Sophie Bessis, Alexandre Bilous, Françoise Blum, Anne Brunswic, Monique Chemillier-Gendreau, Patrick Chemla, Alice Cherki, Suzanne Citron, Catherine Clément, Sonia Dayan-Herzbrun, Marianne  Debouzy, Sylviane De Wangen, Michel Dreyfus, Ivar Ekeland, Jeanne Favret-Saada, Chérif Ferjani, Jean Ganeval, François Gèze, Frédéric Goldbronn, Lise Halbwachs, Mohammed Harbi, Françoise Héritier, Jacques Jedwab, Francine Kahn, Marcel-Francis Kahn, Philippe Kalfayan, Abdellatif Laabi, Pascal Lederer, Catherine Lévy, Daniel Lindenberg, Gilles Manceron, Denis Marx, Gustave Massiah, Jérôme Maucourant, Sophie Mazas, Marie-José Mondzain, Edgar Morin, Véronique Nahoum-Grappe, Jean-Luc Nancy, Emmanuel Naquet, Gilles Perrault, Michelle Perrot, Jacques Rancière, Bernard Ravenel, Vincent Rebérioux, Michel Rotfus, Elisabeth Roudinesco, Nourredine Saadi, Claudette Scemama, Abraham Ségal, Leila Shahid, Didier Sicard, Pierre Tartakowsky, Jacques Testart, Marie-Noëlle Thibault, Michel Tubiana, Georges Vigarello, Georges Wajs, Michèle Zemor, Idith Zertal.

Contact et signatures : trop-cest-trop@laposte.net

« Trop, c’est trop ! » est un collectif d’individus constitué à la fin de l’année 2001 à l’initiative de Madeleine Rebérioux et Pierre Vidal-Naquet pour protester contre l’enfermement de Yasser Arafat à Ramallah et les coups portés par l’armée israélienne à l’Autorité palestinienne. Il s’est exprimé de nouveau quand de nouvelles menaces ont compromis encore davantage la paix dans la région qui passe par l’existence d’un Etat palestinien.

Pour aider à ses initiatives : chèques à l’ordre de « LDH Trop, c’est trop ! » à l’adresse suivante : Ligue des droits de l’Homme, 138, rue Marcadet, 75018 Paris.

04/09/2014

Du non isolement d'Israël

En matière de sanctions à infliger à Israël pour ses « manquements » au droit, l’attentisme de la communauté internationale à quelques exceptions près, et singulièrement l'attentisme de l’Europe, relève d’une stratégie.
L’impérialisme américain et de ses sbires, sans lesquels le gouvernement fascisant de Nétanyaou ne pourrait exister, ayant plusieurs fers au feu – Ukraine, Irak, Grand Marché Transatlantique notamment – a tout intérêt à « laisser filer » le droit pourvu qu’un cessez-le-feu très provisoire et illusoire le lui permette.
Mais le peuple palestinien « pacifié » par Tsahal, écarté de tout processus politique réel, risque à tout moment d’être replongé dans l’horreur à la moindre velléité qu’il aurait de faire valoir ses droits.

israël, stratégie

La stratégie d’Israël consiste à faire de la question palestinienne un non-problème, que les palestiniens soient cloîtrés, livrés à la folie meurtrière des extrémismes, contrôlés dans leur prison très provisoirement "paisible" pourvu qu’ils y soient ignorés, mais que, surtout, Israël puisse librement commercer, renforcer son lobbying et maintenir son impunité intacte.
Par son attentisme, la communauté internationale participe honteusement à cette stratégie.

Communiqué de l’AEDH
(Association Européenne pour la Défense des droits de l'Homme)

Gaza : après le cessez-le-feux, l’UE paiera pour ne pas avoir à prendre de décision

L’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme (AEDH) regrette vivement que l’Union européenne se soit contentée lors de la réunion du Conseil du 30 août 2014 d’une déclaration attentiste sans effet alors que l’on compte plus de 2 000 morts et 10 000 blessés palestiniens et qu’une issue durable et négociée directement reste toujours aussi incertaine. Il convient que les organisations internationales qui pensent représenter la « communauté internationale » – dont l’UE se targue de faire partie – prennent enfin la mesure du danger que fait planer la poursuite de la politique israélienne. Si la sécurité de l’État d’Israël est au prix d’offensives aussi meurtrières, dont témoigne le déséquilibre des morts, c’est parce que les droits de tous les peuples de la région ne sont pas considérés comme de même valeur. Si une tentative de résolution peut un jour déboucher sur une paix réelle, ce ne peut être que dans le respect du droit international, des résolutions de l’ONU, un accord mutuel de reconnaissance entre deux États souverains, la fin du blocus de Gaza, l’arrêt de de la colonisation et le retrait de toutes les colonies israéliennes qui rendent illusoire la viabilité d’un état palestinien.

Le 22 juillet 2014, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne s’était contenté de choisir une position d’évitement avec comme axe central : « Tous les groupes terroristes dans la bande de Gaza doivent désarmer » tout en accordant que « l’opération de l’armée israélienne doit être proportionnée et conforme au droit international humanitaire ». Le Conseil du 30 août évolue mais avec beaucoup de prudence et appelle « les deux parties » à « aboutir à une amélioration fondamentale des conditions de vie des Palestiniens dans la bande de Gaza par la levée du bouclage et demande qu’il soit mis un terme à la menace que le Hamas et les autres groupes radicaux actifs à Gaza constituent pour Israël ». Il demande au « gouvernement palestinien de consensus » d’exercer « l’ensemble de ses responsabilités à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza », il demande un « accès humanitaire immédiat et sans entrave ». Il est aussi rappelé que l’UE est prête à contribuer à une solution globale et durable renforçant la sécurité, le bien-être et la prospérité des Palestiniens comme des Israéliens » et le conseil se prononce pour « un accord définitif reposant sur une solution fondée sur la coexistence de deux États pour instaurer « une paix et une stabilité durables ». Le Conseil rappelle que « la bande de Gaza fera partie d’un futur État de Palestine ».

L’AEDH considère que cette analyse même si elle manifeste une certaine évolution positive, ne représente pas la réalité, mais justifie une prudence de l’Union européenne. S’il est justifié de condamner la violence du Hamas, cela n’a de sens que si dans le même temps le recours à une invasion militaire destructrice est dénoncé comme tel. Sinon, il s’agit d’un texte qui a pour fonction de ne pas risquer de mettre en contradiction les principes de démocratie, de primauté du droit, d’universalité et d’indivisibilité des droits qui ont présidé à la construction de l’UE, et la poursuite de l’accord d’association signé en 1995 avec l’État d’Israël et dont l’article 2 précise que les relations entre les deux parties doivent être fondées sur le respect des droits de l’Homme et sur les principes démocratiques qui régissent leurs politiques intérieures et internationales. L’AEDH considère que l’accord d’association qui lie l’UE et l’État d’Israël aurait dû être immédiatement suspendu, comme le permet son article 2 dès le début de l’offensive militaire sur Gaza.

En 2002, le Parlement européen avait adopté une résolution demandant avec raison la suspension de cet accord et prévoyait même l’envoi d’une « force internationale d’interposition et d’observation » au Proche-Orient sous l’égide des Nations-Unies. Douze ans plus tard, les droits de l’Homme sont encore moins respectés par le gouvernement israélien. Douze ans plus tard, le respect des droits pour tous reste à imposer.

L’AEDH considère que le Conseil européen du 30 août aurait dû être le moment pour l’UE de sortir de son équilibrisme qui revient à privilégier un compromis provisoire au détriment de la recherche de la justice. L’AEDH attend de l’UE qu’elle fasse usage de tous les moyens de pression dont elle dispose pour obliger le gouvernement israélien à adopter une politique de respect du droit international qui sorte de l’oppression, de la colonisation, de l’occupation militaire et de la guerre et du blocus de Gaza qui interdit à la population palestinienne tout moyen de vivre.

Bruxelles, le 3 Septembre 2014

10/08/2014

Velléités et mensonges

Le 15 décembre 2011 était enregistrée une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d’enquête sur la coopération militaire et sécuritaire entre la France et Israël, échanges de matériels de guerre et de matériels assimilés avec ce pays. Cette proposition était notamment portée par Jean-Jacques CANDELIER. Ce même député qui a demandé la dissolution de la LDJ, laquelle continue, par hacker interposé, d’étaler son agressivité à l’égard de toute remarque désobligeante vis à vis de Tsahal ou du boucher Netanyaou, et bénéficiant de la même bienveillante impunité.

Concernant la coopération militaire, les déclarations d’intention fusent d’un peu partout sans franchir cet autre dôme de fer déployé au dessus des crimes commis par Israël à l’encontre de la population palestinienne sans qu’elle n’y puisse rien.
Le dilemme posé par la question «Comment peut-on rester neutre ? ! ! !» n'a pas tardé à trouver une réponse.

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L'occident est-il en déclin ? Matthias Lehmann

Elle réside dans une attente irrésolue et indécise, qui se veut stratégique, étant bien entendu que les sanctions prises contre la Russie, l’Irak ou la Syrie ne sauraient souffrir de retard puisqu'elles ont reçu l’agrément des EU.

«Les sanctions financières internationales sont un instrument de la politique étrangère de la France. À l’encontre de personnes physiques ou morales ou d’entités, les sanctions visent notamment à imposer un gel des fonds, des avoirs et des ressources économiques, ainsi que leurs transactions financières ou commerciales. À l’encontre d’un pays, les sanctions visent à interdire le commerce de biens et de services ciblés et peuvent inclure des mesures de gel à l’égard de personnes.»

Mais on comprend mal que ce type de décision puisse nécessiter un feu vert délivré par Washington. C’est en tout cas à ce feu vert, accordé ou pas, que l’on mesure l’indépendance et le courage d’un chef d’État qui essaye en vain de ne pas passer pour un sinistre imbécile ou pour le larbin inconséquent d'un empire en déclin.

03/10/2013

Une lettre d'Albert Einstein

Une note de Danielle Bleitrach à propos d'un courrier d'Albert Einstein qui devrait éclaircir la vision trouble que l'on peut avoir d’un État d’Israël éperdument cynique et donner du courage aux défenseurs de cet État qui en manqueraient :

Traité de non-prolifération nucléaire. Israël n'est pas membre du TNP et n'a pas signé la Convention sur les armes biologiques (bactériologiques). L’État hébreux a signé, mais non ratifié, la Convention sur les armes chimiques.
Vecteurs. L'armée israélienne en disposerait potentiellement de trois pour utiliser ses armes nucléaires : ses avions F-16 et F-15 ; les missiles balistiques Jéricho I et II ; des missiles de croisière embarqués sur trois sous-marins de la classe Dolphin.


«Quand Einstein et Hannah Arendt dénonçaient avec d’autres intellectuels juifs l’apparition d’un parti fasciste qui n’est autre que l’ancêtre du Likoud, le parti de Benjamin Netanhayoun, l’actuel premier ministre qui est actuellement en train de donner ses lettres de noblesse à l’antisémitisme en le transformant en lutte contre un danger planétaire qui menace l’humanité, en refusant à l’Iran le droit au nucléaire civil alors même que ce fou dangereux ne se contente plus d’opprimer les Palestiniens mais s’arroge le droit de posséder, lui, l’armement nucléaire et chimique. Comment peut-on tolérer qu’un pouvoir fasciste, qui a la haine pour seule vocation au nom d’Israël Uber alles, défie toute l’humanité ? Voilà le visage réel du fascisme et s’il s’est trouvé un Bertolt Brecht pour refuser le nazisme au nom de tous les peuples y compris ce lui que l’on nomme allemand, le devoir des juifs est de refuser ce fascisme là au nom de tous les peuples y compris de celui que l’on nomme juif.»

einstein, lettre de 1948

Danielle Bleitrach - le 03 oct 2013

     «

Les dirigeants israéliens sont des fascistes par Albert Einstein,
lettre adressée au New york Times en 1948
 

A l’éditeur du New-York Times
New York, 2 Dec. 1948

Parmi les phénomènes politiques les plus inquiétants de notre époque, il y a dans l’État nouvellement créé d’Israël, l’apparition du "Parti de la Liberté" (Tnuat Haherut), un parti politique étroitement apparenté dans son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et son appel social aux partis Nazi et fascistes.

Il a été formé par les membres et partisans de l’ancien Irgun Zvai Leumi, une organisation terroriste d’Extrême-Droite et nationaliste en Palestine.

La visite actuelle de Menahem Begin, le chef de ce parti, aux États-Unis est évidemment calculée pour donner l’impression d’un soutien américain à son parti lors des prochaines élections israéliennes, et pour cimenter les liens politiques avec les éléments Sionistes conservateurs aux États-Unis.

Plusieurs Américains de réputation nationale ont prêté leurs noms pour accueillir sa visite.

Il est inconcevable que ceux qui s’opposent au fascisme dans le monde entier, si correctement informés quant au passé et aux perspectives politiques de M. Begin, puissent ajouter leurs noms et soutenir le mouvement qu’il représente.

Avant que des dommages irréparables ne soient faits par des contributions financières, des manifestations publiques en soutien à Begin et avant de donner l’impression en Palestine qu’une grande partie de l’Amérique soutient des éléments fascistes en Israël, le public américain doit être informé sur le passé et les objectifs de M. Begin et de son mouvement.

Les déclarations publiques du parti de Begin ne montrent rien quant à leur caractère réel. Aujourd’hui ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que jusqu’à récemment ils ont prêché ouvertement la doctrine de l’État Fasciste.

C’est dans ses actions que le parti terroriste trahit son véritable caractère. De ses actions passées nous pouvons juger ce qu’il pourrait faire à l’avenir.

Attaque d’un village Arabe

Un exemple choquant fût leur comportement dans le village Arabe de Deir Yassine
Ce village, à l’écart des routes principales et entouré par des terres Juives, n’avait pas pris part à la guerre et avait même combattu des bandes arabes qui voulaient utiliser comme base le village.

Le 9 Avril, d’après le New-York Times, des bandes de terroristes ont attaqué ce village paisible, qui n’était pas un objectif militaire dans le combat, ont tué la plupart de ses habitants – 240 hommes, femmes et enfants – et ont maintenu quelques uns en vie pour les faire défiler comme captifs dans les rues de Jérusalem.

La majeure partie de la communauté juive a été horrifiée par cet acte,et l’Agence Juive a envoyé un télégramme d’excuses au Roi Abdullah de Trans-Jordanie.

Mais les terroristes, loin d’avoir honte de leurs actes, étaient fiers de ce massacre, l’ont largement annoncé et ont invité tous les correspondants étrangers présents dans le pays à venir voir les tas de cadavres et les dégâts causés à Deir Yassin.

L’incident de Deir Yassin illustre le caractère et les actions du Parti de la Liberté. Au sein de la communauté juive, ils ont prêché un mélange d’ultra-nationalisme, de mysticisme religieux et de supériorité raciale.

Comme d’autres partis fascistes, ils ont été utilisés pour casser les grèves et ont eux-même encouragé la destruction des syndicats libres. Dans leur Convention, ils ont proposé les syndicats de corporation sur le modèle fasciste italien.

Lors des dernières années de violences sporadiques anti-Britanniques, l’IZL et le groupe Stern ont inauguré le règne de la terreur parmi la communauté juive de Palestine.

Des professeurs ont été battus pour s’être exprimés contre eux, des adultes ont été abattus pour ne pas avoir laissé leurs enfants les rejoindre.

Par des méthodes de gangsters, des tabassages, des bris de fenêtres et des vols largement répandus, les terroristes ont intimidé la population et ont exigé un lourd tribut.

Les hommes du Parti de la Liberté n’ont pas pris part aux accomplissements constructifs en Palestine. Ils n’ont repris aucune terre, n’ont construit aucune colonie et ont seulement amoindri l’activité de la Défense Juive.

Leurs efforts dans l’immigration, très divulgués, étaient minutieux et consacrés principalement à faire venir des compatriotes fascistes.

Contradictions

Les contradictions entre les affirmations "en or" faites actuellement par Begin et son Parti et les rapports de leur performance passée en Palestine donnent l’impression d’un parti politique peu ordinaire.

C’est la marque indubitable d’un parti fasciste pour qui le terrorisme (contre les Juifs, les Arabes ainsi que les Britanniques) et les fausses déclarations sont des moyens, et dont un "État Leader" est l’objectif.

À la lumière des observations précédentes, il est impératif que la vérité au sujet de M. Begin et de son mouvement soit connue dans ce pays.

Il est encore plus tragique que la haute direction du Sionisme américain ait refusé de faire campagne contre les efforts de Begin, ou même d’exposer à ses propres éléments les dangers pour Israël que représente le soutien à Begin.
     »

Les soussignés prennent donc ces moyens pour présenter publiquement quelques faits frappants au sujet de Begin et de son parti et pour recommander à tous ceux qui sont concernés de ne pas soutenir cette dernière manifestation du fascisme.
ISIDORE ABRAMOWITZ, HANNAH ARENDT, ABRAHAM BRICK, RABBI JESSURUN CARDOZO, ALBERT EINSTEIN, HERMAN EISEN, M.D., HAYIM FINEMAN, M. GALLEN, M.D., H.H. HARRIS, ZELIG S. HARRIS, SIDNEY HOOK, FRED KARUSH, BRURIA KAUFMAN, IRMA L. LINDHEIM, NACHMAN MAJSEL, SEYMOUR MELMAN, MYER D. MENDELSON, M.D., HARRY M. ORLINSKY, SAMUEL PITLICK, FRITZ ROHRLICH, LOUIS P. ROCKER, RUTH SAGER, ITZHAK SANKOWSKY, I.J. SHOENBERG, SAMUEL SHUMAN, M. ZNGER, IRMA WOLPE, STEFAN WOLPE.

Commentaires de Qumsiyeh :

L’Herut est le précurseur du parti israélien du Likud (conformément à l’idéologie de Vladimir Jabotinsky).
Begin (un terroriste recherché) est devenu plus tard le Premier Ministre d’Israel (Likud) et sous son gouvernement, des dizaines de milliers de civils libanais et palestiniens ont été tuées dans les années 80.
Les successeurs de Menachem Begin au Likud (et en tant que premiers ministres israéliens) dont Netanyahu et Sharon sont responsables d’innombrables autres décès de civils.
Tandis que les auteurs mentionnent les excuses de l’Agence Juive "envoyée au Roi Abdullah" qui n’est pas même Palestinien, des recherches postérieures démontrent la participation de la Hagannah et de l’Agence Juive dans le massacre de Deir Yassin ainsi que la participation de l’Agence Juive et du Fonds National Juif dans le nettoyage ethnique

02/03/2008, Qumsiyeh
Traduction : MG pour ISM

18/12/2012

Michel Warschawski

Michel Warschawski, président du Centre d’Information Alternative (AIC) de Jérusalem, vient de recevoir (10/12/2012) le prix des droits de l'homme de la République française et c'est mérité.

Du coup, Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, se fend d’une lettre ouverte à Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Mais peu importe les aigreurs du CRIF puisque même un hebdo comme Le Point ne "frissonne pas en entendant prononcer le nom de Michel Warschawski".

Pour mesurer son engagement à défendre l’idée qu’ « Un autre Israël est possible », on pourra s’en référer à une suite d’articles parus dans Médiapart, et à quelques interviews dont celui qui suit, accordé le 5 novembre au site Alohanews :

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Michel Warschawski: “Israel n’existe que par la guerre”

Journaliste et membre du Tribunal Russel, Michel Warschawski contribue à la cause palestinienne en combattant l’occupation et le colonialisme organisé depuis plus de quarante ans par les gouvernements israéliens successifs.
Lors de cet entretien, il est question de la société israélienne, la politique israélienne ainsi que ses rapports avec l’Iran.

Dans le livre Un autre Israël est possible que vous avez co-écrit avec Dominique Vidal, vous mettez en lumière le mouvement des “indignés” de la population israélienne qui a planté ses tentes l’été 2011 à Jérusalem, Haïfa et Tel-Aviv. Quelles étaient leurs revendications ?

Ce mouvement qu’on appelait le mouvement des tentes ou mouvement des indignés de 2011, s’est intentionnellement limité à des revendications d’ordre socio-économiques. Les revendications étaient le droit au logement, le droit à une santé publique gratuite, le droit à l’éducation. Il s’agit de droits et pas d’une marchandise dans le cadre d’une libéralisation et d’un néo-libéralisme débridé. Il a fait l’impasse sur les questions liées au conflit en Palestine et au conflit israélo-arabe en général.

Ce mouvement s’est questionné sur les sujets de société, mais s’est bien gardé de s’exprimer sur les questions politiques bien qu’il y ait une corrélation entre les deux. Les injustices naissent en partie d’une politique ultralibérale sécuritaire qui consacre la majorité de son budget à la Défense. Votre analyse là-dessus ?

Effectivement, cette séparation entre le social d’un coté et le politique de l’autre est une scission totalement artificielle loin de la réalité. Pour satisfaire les revendications du mouvement, il faut faire des choix politiques! Il faut réduire substantiellement le budget militaire. Il faut arrêter de subventionner les colonies. C’est la faiblesse du mouvement, il fallait lier les deux et ne pas se focaliser sur l’aspect économique. Le mouvement devait dénoncer une classe politique qui a fait le choix de l’occupation coloniale depuis maintenant quarante ans.

Quel est votre rapport à l’État d’Israël ?

Je suis citoyen israélien. Je me sens totalement impliqué comme citoyen, comme père, comme grand-père dans cette société israélienne tout en étant radicalement critique non seulement de la politique menée par les différents gouvernements israéliens depuis qu’il existe, mais aussi envers la nature même de l’État. Israël n’est pas un état normal. Israël selon sa propre définition est un État juif dont l’objectif est de renforcer le caractère juif démographiquement parlant. C’est-à-dire l’État qui considère l’indigène, le Palestinien comme un étranger sur sa terre. Une grande partie a été expulsée de cette terre, ce sont les réfugiés. Et ceux qui sont restés sont perçus comme des locataires tolérés. Sans parler de la population occupée de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui n’a aucun droit politique et qui vit sous administration militaire maintenant depuis plus de quarante ans.

Vous êtes président du Centre d’Information Alternative (AIC) de Jérusalem, comment ce projet a vu le jour ?

C’est un projet éminemment politique. Nous étions des militants et c’était une initiative ancienne puisque le centre a été constitué en 1984. Sa spécificité est que ce centre est composé de militants politiques israéliens et palestiniens. C’est une organisation réellement mixte de militants de la gauche palestinienne et militants antisionistes israéliens qui collaboraient depuis bien longtemps dans le combat contre le colonialisme, contre l’occupation coloniale, contre la politique de guerre.

À un certain moment, nous avons été confrontés à un déficit d’informations. Rappelons-nous qu’en Israël, en 1982, c’est la guerre du Liban, un immense mouvement antiguerre se met en place. Plus de 400.000 personnes descendent dans les rues de Tel-Aviv pour condamner les massacres. Nos amis palestiniens avec qui nous étions ensemble dans le combat politique nous disent: “Nous ne comprenons pas ce qui se passe, nous ne nous attendions pas à une telle mobilisation”. Il y avait donc une demande d’intelligibilité, de faire comprendre ce qui se passe en Israël. Et parallèlement en Palestine s’est déroulé à la même époque un nouveau phénomène à savoir l’émergence des mouvements populaires qui deviendra plus tard la première Intifada. Les mouvements de femmes, des syndicats étudiants, des syndicats ouvriers ont pris les devants de la scène. Ces derniers étaient totalement méconnus du côté israélien. Il y avait une volonté dans notre centre de faire connaître la réalité de la société palestinienne aux Israéliens, aux médias israéliens, aux faiseurs d’opinions, aux militants. Et aussi d’expliquer aux Palestiniens, de leur donner des clés de compréhension des évolutions de la société israélienne.

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Quelle est votre analyse sur l’actualité entre Israël et l’Iran ?

Israël a besoin d’un ennemi. Il doit être en état de guerre permanent. Sans beaucoup d’exagération, Israël n’existe que par la guerre. Israël n’est soutenu par les États-Unis (3,5 milliards $ par an) que parce qu’il joue un rôle militaire dans la région. La pire catastrophe qui puisse arriver à Israël, c’est qu’il n’y ait pas de guerre, qu’il n’y ait pas d’ennemi, pas de menace. Il s’agit donc toujours d’identifier une nouvelle menace. Nous avons eu le terrorisme qui est devenu le terrorisme islamiste et qui ensuite s’est généralisé à l’Islam. Ce n’est pas suffisant, alors on prend le Hezbollah, mais ce dernier est trop petit. Il faut trouver plus grand,  j’irai même à dire qu’il faut vendre à Washington que cet ennemi ne menace pas seulement Israël, mais menace la civilisation judéo-chrétienne tout entière. Nous arrivons à cette équation générale que la civilisation judéo-chrétienne est menacée par l’Islam représenté par la République Islamique d’Iran.

On prend les fanfaronnades, des déclarations qui parfois sont stupides de Mahmoud Ahmadinejad monnaie comptant. Le gouvernement israélien s’insurge en accusant ce dernier de vouloir détruire Israël. Alors que toute analyste sérieux vous dira que ce n’est pas vrai. Faisant d’ailleurs le jeu d’Ahmadinejad qui comme cela peut se présenter comme le seul qui maintient le combat pour défendre le droit des Palestiniens. De ce fait, Israël permet de justifier cette stratégie de guerre permanente et préventive dans la région.

Est-ce qu’au final, Mahmoud Ahmadinejad ne serait pas l’ennemi utile d’Israël ?

Tout d’abord, Mahmoud Ahmadinejad est à la tête d’une puissance régionale. Ce dernier se bat non pas contre Israël, ce n’est pas du tout son objectif. Ce dernier veut assoir la place de l’Iran comme puissance incontournable dans la région. L’ennemi d’Ahmadinejad, le vrai conflit n’est pas du tout avec Israël, mais c’est avec l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe.

Le clivage sunnite-chiite ?

Ce n’est pas essentiellement une question sunnite-chiite. C’est une question d’ordre économique et de pouvoir stratégique dans la région. L’hégémonie dans cette région, notamment dans le détroit d’Ormuz, dans la région du Golfe est extrêmement importante. Mahmoud Ahmadinejad se sert de la question palestinienne et d’une rhétorique radicalement antiisraélienne pour renforcer sa position dans la région. Il veut montrer que ses adversaires arabes en font moins que lui sur la question palestinienne. Là est véritablement l’enjeu d’Ahmadinejad. Ce n’est pas du tout la guerre contre Israël.

Je partage l’opinion des services de renseignements israéliens intelligents qui disent qu’il faut arrêter de considérer l’Iran comme un pouvoir irrationnel, que ce sont des fous, des fanatiques, ce n’est pas tout sérieux comme analyse. En Iran, il y a un agenda politique, il y a des objectifs politiques sur lesquels se greffe cette rhétorique radicale, mais qui est tout à fait rationnelle. D’ailleurs, Barack Obama l’a compris, car il entreprend des négociations avec le gouvernement iranien. C’est ce que veut l’Iran, parlez avec eux et donnez leur la place, arrêtons de les marginaliser.

Quel est l’enjeu réel de la visite de Benjamin Netanyahou dans l’Hexagone ?

Je ne crois pas qu’il y ait d’enjeux importants. C’est une opération de relations publiques. Le gouvernement d’extrême droite israélienne est assez isolé et critiqué y compris par des pays de l’Union européenne, y compris par les États unis bien que ce soit discret, élections présidentielles obligent. Le gouvernement israélien est totalement en porte à faux face aux politiques qui se dessinent en Occident.  Ces derniers essayent de se replacer dans la région du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Pendant ce temps-là, de nouvelles puissances s’affirment comme la Russie qui revient, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Dans ce cadre-là, les États-Unis seront obligés de s’adapter à cette nouvelle réalité. Tandis que du côté du israélien, nous avons un gouvernement qui vit vingt ans en arrière. Ce dernier agit comme si le président était encore George Bush, qui est encore dans la guerre globale et préventive. Ce ne peut être la stratégie américaine d’aujourd’hui parce qu’elle a échoué et leur a couté très cher.

Il y a donc les germes d’une tension, non pas d’une remise en question de l’alliance stratégique qui unit les deux pays, celle-là est malheureusement encore présente pour longtemps. Il y a une question primordiale qui se pose: comment gérer la nouvelle donne internationale et régionale ? Benjamin Netanyahou est totalement isolé. Ce n’est pas le cas en Israël malheureusement, mais nous sommes à contre-courant de la plupart des chefs d’États européens et des Américains. Nous ne pouvons pas continuer comme cela.

Alors on essaie de montrer que tout va bien, on va faire beaucoup de photographies sur le parvis de l’Élysée. C’est une opération assez inutile. Je ne donne aucune importance à cela. Il y a quand même quelque chose d’important, l’Union européenne vient de rehausser le statut d’Israël dans les institutions européennes. Non seulement, il n’y a pas de sanctions, mais on donne une reconnaissance, un bonus à Israël. C’est rendre un très mauvais service à la population israélienne. Je crois que les sanctions, cela permet parfois d’ouvrir les yeux et de réaliser que nous sommes dans le gouffre. Nous sommes en train de nous isoler. Qu’on nous caresse dans le sens du poil quoiqu’on fasse malgré les massacres, malgré la colonisation, malgré le refus de négocier quoi que ce soit. Nous ne faisons que renforcer les mauvaises tendances.

Un mot pour Alohanews ?

Continuez ! Je pense qu’il est extrêmement important d’aider le public à avoir des clés de compréhension. Ce n’est pas l’information qui manque. Moi je ne suis pas de ceux qui lisent les journaux. L’important n’est pas de savoir, mais de comprendre. Ce que beaucoup de citoyens européens n’arrivent pas à comprendre. Qu’est ce que cela veut dire ? Il faut décrypter l’information qu’on nous donne et non l’intérioriser de façon passive.

Propos recueillis par Mouâd Salhi

Site du Centre d’Information Alternative: Cliquez ici

07/05/2010

JCall, appel asymétrique

Le 3 mai a été présenté à Bruxelles sous le sigle JCall, European Jewish Call for Reason , le pendant du lobby américain J-Street, un «Appel à la raison», signé par des intellectuels et des personnalités juives européennes.

Extraits :

"(...) nous avons décidé de nous mobiliser autour des principes suivants :

L'avenir d'Israël passe nécessairement par l'établissement d'une paix avec le peuple palestinien selon le principe «deux Peuples, deux États». Nous le savons tous, il y a urgence. Bientôt Israël sera confronté à une alternative désastreuse : soit devenir un État où les Juifs seraient minoritaires dans leur propre pays ; soit mettre en place un régime qui déshonorrait Israël et le transformerait en une arène de guerre civile.

(...) L'alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l'encontre des intérêts véritables de l'État d'Israël.

(...) Ce mouvement (...) a pour ambition d'œuvrer à la survie d'Israël en tant qu'État juif et démocratique, laquelle est conditionnée par la création d'un État palestinien souverain et viable. (...)"

La liste des signataires de JCall n'est pas forcément un problème. Quoique...
Bernard-Henri Lévy y côtoie Alain Finkielkraut, et un historien comme Zeev Sternhell, dont les positions sont réputées critiques à l'égard de la politique d'Israël contrairement à celles des premiers nommés dont le sionisme a souvent été synonyme d'intolérance à l'emporte-pièce. Mais peu importe que l'on apprécie ou pas la composition de cette liste. La raison du plus faible est loin d'être respectée.

raison du plus faible.jpg

Pour sa part, la déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union européenne considère : «A travers JCall il y a un interlocuteur pour les Palestiniens». Source

De fait, cet appel à la raison peut être considéré comme positif dans la mesure où parler à un mur ne sert pas à grand-chose. Mais Leïla Shahid est-elle suivie par beaucoup d'autres palestiniens ? Essaie-t-elle de prêter main forte à une réelle opposition au couple B. Netanyahu - A. Lieberman, ou de prendre au mot une apparente et momentanée mauvaise humeur de la diaspora pour mieux desserrer l'étau dans lequel les palestiniens sont enfermés ?

Ce qui est plus gênant dans cette initiative, outre le fait qu'elle se veuille basée sur l'exclusive froideur de la raison et motivée par les intérêts du seul Etat d'Israël, c'est son évidente ignorance du déséquilibre existant entre un jet de pierre et un tir de bombe au phosphore, entre une prison à ciel ouvert et l'ombre d'un parasol sur la plage de Tel-Aviv. David Chemla, cofondateur de JCall, le reconnaît lui-même au moins partiellement, lorsqu'il écrit : «Je pense qu'en réalité, notre initiative améliore l'image d'Israël en Europe (...) ».

Au bout du compte, il donne l'impression que la création d'un Etat palestinien n'est qu'un moyen pour Israël. Pas une fin. L'humanisme supposé de JCall en prend un sacré coup, et il faudrait s'en contenter ?!!


Au surplus, il est relativement confortable pour un Etat, démocratique ou pas, d'avoir en face de lui une opposition «raisonnable». Pour un peuple spolié de ses territoires, humilié en permanence malgré le soupir des nations au simple constat quotidien de ses souffrances et livré à ce qui ressemble plus à une milice religieuse qu'à une armée de résistants, la position est beaucoup plus difficile à tenir.

Dans ces conditions, solliciter une «initiative symétrique», ce qui a été fait le 6 mai 2010, relève non plus d'un calcul plus ou moins réfléchi, mais de l'inconscience ou de la provocation, et risque d'aboutir à séparer définitivement les «personnalités palestiniennes et du monde arabe» du peuple le plus isolé du Moyen-Orient. Comment oser demander à une victime d'aller au secours de son tortionnaire serait-il lui-même fils de victime ?!!

Un article d'Alain Gresh dans la Monde Diplomatique, dresse une mise en perspective intéressante du sujet. Il n'est malheureusement daté que du 5 mai 2010.

09/04/2010

BDS : thème tabou ?

La campagne BDS - boycott, désinvestissement, sanctions - à l'encontre de l'Etat d'Israël est-elle un sujet tabou ?

La prise de position de J-P Dubois, reproduite ci-après, à propos du boycott des produits israéliens, a le mérite de souligner l'incongruité des déclarations gouvernementales devant le CRIF, Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, prononcées à Bordeaux en février dernier.

Elle a aussi le mérite de recadrer un boycott qui ne serait qu'un ensemble de réactions spontanées mais éparses, sans organisation véritable, et donc sans véritable efficacité contre un gouvernement israélien qui se permet de passer outre les sanctions votées par l'ONU aussi bien que les recommandations très diplomatiques qu'on ne cesse de lui adresser.

«Le camp du Droit» dans lequel se situe la LDH et son président, J-P Dubois, fait implicitement référence au processus de Barcelone de 1995 à travers lequel  l'Union Européenne et les signataires de l'accord qui en a suivi, se sont engagés sur la base des frontières définies en 1967. Ce faisant les produits issus des territoires occupés de Palestine ne peuvent pas être vendus au bénéfice d'Israël. C'est le sens de l'arrêt prononcé par la Cour de justice de l'Union européenne le 25 février 2010 à propos de l'affaire Brita.

cartes_israel_raye_Palestine.jpg

Sortir de ce débat là, ne pas insister sur la question du droit international comme peut le faire le Tribunal Russell, serait prendre le risque d'une polémique sans issue et se condamner à l'inertie ou à l'inefficacité qui a trop souvent été l'apanage de la communauté européenne.

Le boycott pourrait être une arme pour faire triompher le Droit. Les tentatives pour le justifier ne manquent pas. (1) (2) Mais dans la mesure où l'Etat d'Israël est mis en cause, c'est aussi prendre le risque de toucher à un tabou, être aussitôt taxé d'antisémitisme et jugé coupable d'«incitation à la discrimination raciale»(!).

Et si la tribune de J-P Dubois ne va pas au bout d'un raisonnement établissant un plan d'action contre la colonisation des «territoires occupés», c'est que demeure la question : comment faire tomber un tabou ?



Tribune : "Agir aujourd'hui contre la colonisation des «territoires occupés»"

Aujourd'hui comme hier, le conflit israélo-palestinien projette sur la société française un halo de passions, de solidarités et de colères. Toutes ne servent pas la solution juste de ce conflit et certaines mettent parfois gravement en danger les principes que nous avons en partage. Comment sortir de la confusion, comment agir, assurer, enfin, la victoire du droit sur le fait ?

On a vu une ministre de la République, «ministre du droit» qui plus est, critiquer devant ses amis du CRIF une campagne de boycott, et parler de «produits casher» pour désigner les «produits des colonies illégales d'Israël». De tels propos nourrissent la confusion entre religieux et politique et de fait, légitiment une ethnicisation du politique.

Des aveuglements symétriques poussent d'autres acteurs politiques ou communautaires à ne plus distinguer les peuples des gouvernements, imputant à l'ensemble des Israéliens la politique criminelle du gouvernement Netanyahu... ou à l'ensemble des Palestiniens les crimes du Hamas. Certes, ceux qui ont ordonné ou commis les crimes de guerre établis, au nom de l'Onu, par le rapport Goldstone ont été légitimés par des élections libres. Et ce fait interdit d'envisager la moindre perspective de paix en les excluant d'une négociation.

Mais ces assimilations opposent la colère à la colère, la négation à la négation ; elles conduisent à la folie et au meurtre de masse. Dans ce contexte, l'alternative laïque d'un Etat de Palestine démocratique, multinational et non religieux dans lequel athées, chrétiens, juifs et musulmans cohabiteraient égaux en dignité et en droits n'est qu'un rêve. Un rêve qui serait rapidement submergé par les fantasmes de disparition de l'Autre, par la « purification » du territoire par la force.

Faut-il alors se résigner à un avenir de sang et de terreur pour tous, y compris pour ceux qu'enivre l'actuelle supériorité militaire et financière d'Israël ?

Notre conviction est qu'il faut tenir bon sur les principes de la justice et du droit. Même si la tâche est rude. Car nous sommes au plus noir d'une histoire sombre depuis des décennies, celle d'un peuple sur lequel l'Europe s'est déchargée de sa mauvaise conscience ; ceux qui fuyaient la « destruction des Juifs d'Europe » ont construit leur Etat-refuge autour du rêve millénaire de «l'an prochain à Jérusalem». Nul - et les Européens moins que tout autre - n'a le droit d'oublier ce contexte effroyable. Mais Jérusalem n'était pas vide, la Palestine n'était pas un désert préservé inhabité et deux peuples devaient trouver un foyer national. On sait la suite ; le rêve des uns s'est nourri du cauchemar des autres, chaque jour davantage.

Chacun sait - citoyens, Etats comme gouvernements - qu'aucun des deux peuples ne pourra rejeter l'autre ni à la mer, ni au désert. Mais nous laissons, par notre inertie, l'irréparable s'accomplir. Nous laissons les gouvernants israéliens briser tout espoir d'un Etat palestinien digne de ce nom, détruire systématiquement toute ébauche de société palestinienne viable ; enfermer, coloniser, morceler, asservir. Les Etats-Unis financent cette violence, l'Europe en achète les fruits.

Ce faisant, l'Europe dément quotidiennement ses propres discours sur les valeurs humanistes de l'Union ; elle se fait complice des fossoyeurs de l'avenir commun. Car cet avenir n'est pas seulement désespérant pour les Palestiniens abandonnés de tous : que sera dans dix ans un Etat d'Israël hérissé de murs et de missiles antimissiles, devenu le symbole universel de la loi du plus fort, du reniement répété de la parole donnée et de la dernière expression historique de l'oppression coloniale ? Croit-on qu'une démocratie déjà gravement malade résistera indéfiniment à la banalisation de l'injustice et, désormais, même des crimes de guerre ?

Sauf à nous laisser contaminer par le cynisme des actuels gouvernants israéliens, nous ne pouvons continuer à détourner les yeux. Mais comment agir sans ajouter la rage à la rage et l'injustice à l'injustice ? D'abord en refusant d'assimiler les peuples et leurs gouvernants. Les Israéliens ne se confondent pas plus avec Benyamin Netanyahu ou Avigdor Lieberman que les Palestiniens ne s'identifient avec les dirigeants du Hamas. Ensuite en veillant à soutenir celles et ceux qui, au sein de la société israélienne, continuent à se battre courageusement pour que le nom d'Israël ne devienne pas synonyme d'oppression. Enfin, en sanctionnant ceux qui violent la légalité internationale. Il nous faut rappeler, fermement, que les territoires occupés, tous les territoires occupés depuis plus de quarante ans le sont illégalement ; que Jérusalem n'est pas plus la «capitale éternelle et indivisible d'Israël» que le Koweït n'était la 19e province de l'Irak de 1990 ; que chaque colonie devra être évacuée, que chaque territoire devra être restitué, que chaque morceau du mur déclaré illégal par la Cour internationale de justice devra être détruit.

Tout simplement parce que la loi du plus fort doit plier devant le droit commun de l'humanité.

Parler, même fermement, ne suffit pas. Il faut des actes qui sanctionnent la colonisation, particulièrement au plan économique. Il faut rendre l'exploitation des terres annexées et de ceux qui en ont été spoliés plus coûteuse que ce qu'elle rapporte.

Boycotter, donc, les produits des entreprises coloniales ? Difficile, car le gouvernement israélien en dissimule systématiquement l'origine. Boycotter alors tous les produits israéliens, puisque ce serait « cela ou rien » ? Ce serait confondre Israël et ses colonies, c'est-à-dire faire exactement le jeu des partisans du «Grand Israël» en entrant dans leur logique. Et ce serait aussi alimenter les tentatives d'assimilation de toute critique de l'Etat d'Israël à de l'horreur de l'antisémitisme. Confondre le combat contre les gouvernants avec le boycott de toute une société, ce serait nourrir l'amalgame entre boycott des produits israéliens et «boycott des Juifs», amalgame que certains nourrissent sans scrupules. L'effroyable lapsus de la ministre française de la Justice, venant après les accusations aussi injustes qu'insultantes d' «incitation à la discrimination raciale» dirigées contre des militants et notamment contre une adhérente de la LDH, témoigne déjà d'une légitimation par les plus hautes autorités de l'Etat de cette dérive vers une «importation ethnicisante» du conflit israélo-palestinien. Nous devons nous en garder comme de la peste.

La Ligue des droits de l'Homme n'a, dans cette affaire comme en toute autre, qu'un seul «camp» : le camp du droit.

C'est pourquoi elle appelle aujourd'hui tous les citoyens à exiger des autorités françaises qu'elles le fassent respecter. Il leur revient de refuser le « traitement préférentiel » - accordé aux produits israéliens par l'Union européenne - à toute importation de produits « coloniaux » ou même de produits dont il n'est pas indiscutablement établi qu'ils ne sont pas les fruits de l'oppression coloniale. C'est non seulement possible, c'est légal : la Cour de justice de l'Union européenne vient, dans un arrêt du 25 février 2010, de donner raison aux autorités du port de Hambourg qui ont pris cette décision.

L'Europe est aujourd'hui le premier partenaire commercial d'Israël : si les Etats membres de l'Union suivent l'exemple des autorités de Hambourg, la loi sera dite et les exploiteurs des territoires occupés devront bien l'entendre.

La LDH appelle donc à élargir cette campagne aux dimensions de toute l'Union européenne. Elle appelle à cesser toute complicité même passive avec la colonisation, et à faire enfin appliquer l'article 2 de l'accord d'association entre l'Union et Israël qui fait du respect des droits de l'Homme la condition des relations commerciales privilégiées qu'il institue. Elle appelle à la sanction de tous les crimes de guerre dont le rapport Goldstone a établi l'existence à la demande de l'Onu, que ces crimes aient été commis par l'armée israélienne, par le Hamas ou par quelque autre criminel que ce soit.

Elle appelle enfin à la mobilisation internationale pour que l'Etat palestinien promis par la communauté internationale il y a déjà dix-sept ans voie enfin le jour, dans l'intégralité des territoires volés aux Palestiniens il y a déjà quarante-trois ans, afin que cesse une des plus anciennes injustices qui font injure au droit international.

Il y a cent douze années, face à l'antisémitisme d'Etat que révélait l'affaire Dreyfus naissaient d'une part le projet sioniste de Theodor Herzl, d'autre part la mobilisation universaliste qui créait la Ligue française pour la défense des droits de l'Homme et du citoyen. La naissance d'Israël a donné corps au premier ; ne laissons pas la lâcheté et la haine le défigurer en oubliant les exigences du second de ces deux projets. Parce qu'il n'est pas d'avenir humain à Jérusalem hors de la coexistence de deux Etats viables pour deux peuples égaux en droits, la LDH reste fidèle au refus de l'injustice qui l'a fait naître. Ni pro-israélienne ni pro-palestinienne, encore moins « pro-casher » ou « pro-halal », elle campe du côté du droit, de l'égalité et de l'universalité des droits de l'Homme. De grands mots ? Il ne tient qu'à nous d'en faire de grands actes. L'injustice ne durera que tant que nous la tolèrerons.

Jean-Pierre Dubois
Président de la Ligue des droits de l'Homme