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31/05/2010

Dettes publiques : Etats d'urgence

D'après une dépêche du Parisien libéré....

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Après l'échec du colmatage, place au siphonage.

Alors que des millions de milliards d'euros, de dollars et de yens fictifs se déversent depuis le 22 avril dans les caisses non moins fictives de banques internationales et des agences de notations auxquelles elles ont partie liée, un nouvel espoir de colmater la fuite des capitaux dans les paradis fiscaux à l'origine de la crise la plus noire que l'on pouvait imaginer, s'est anéanti cette nuit. L'opération de régularisation de l'ultralibéralisme baptisée «Top kill» s'avère être un échec.

Autre quasi certitude à ce jour : ici même, la BP (Banque Postale) récemment privatisée aurait violé, comme ses consœurs, ses propres règles de sécurité. Déjà !

Pour les pompiers de Wall Street, Londres, Francfort et Paris, il s'agissait d'envoyer dans le puits un signal fort de matières solides et bien réelles. Une fois le flux de capital stoppé grâce à cette «boue», l'objectif était de cimenter la source. Mais cette opération hautement délicate n'avait jamais été menée à une telle profondeur de cupidité.

«Alors que nous avons d'abord reçu des retours positifs sur l'opération, il apparaît clairement maintenant que cela n'a pas marché», ont reconnu les chefs d'état réunis au siège du FMI dans un communiqué commun. L'administration de la gouvernance mondiale, ou plutôt son prototype auto désigné, qui a fait le tour des places boursières vendredi dernier, voulait soumettre la compagnie des banques et autres organisateurs des marchés financiers à une forte pression, pour ne pas dire contrainte.
Les opinions publiques restant hantées par le désastre qu'avait entraîné l'inertie des gouvernements étatsunien, européen et asiatique lors des dernières faillites de 2008, l'objectif des administrateurs était de les rassurer. Mais les banques ne s'avouant pas solidaires entre elles, la catastrophe est vite apparue comme inéluctable.

Prochaine solution : siphonner le bocal à finances. Facile à dire !

Pourtant, tous les espoirs se portent désormais sur l'installation d'un nouveau dispositif prévoyant de sectionner les réseaux sociaux endommagés, d'éliminer les corps inutiles, d'ajuster enfin une structure souple permettant d'y capturer l'argent-dette puis de le siphonner jusqu'à un navire de surface pour en récupérer un max. «Ce dispositif n'est pas sans risque et n'a encore jamais été expérimenté» ont rappelé les experts. Ils ajoutent très sérieusement : «(...) au point où nous en sommes, pourquoi ne pas assécher le golfe du Mexique pour ne plus entendre parler de la plateforme «Deepwater Horizon» ? (...) Selon le résultat de l'expérience, nous pourrions en tirer un mode opératoire pour éliminer dettes et déficits publics».

L'investigation est pour l'instant sans réponse.

24/05/2010

Retraites Cumulus

Peut-on tolérer l'hypocrisie attachée à la fonction des élus et gouvernants de la République consistant à justifier le cumul des «indemnités» forfaitaires et non réelles de plusieurs mandats et de plusieurs retraites ? Mettre un terme à cette injustice aurait au moins valeur de symbole aux yeux de ceux qui survivent avec une minimum vieillesse de 708,9575 € mensuel pour seul viatique.

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Evidemment cette façon de voir n'est pas celle de :

  • François Baroin, ministre du Budget : «La rémunération des ministres est moins élevée en France qu'à l'étranger. Elle est indexée sur les traitements de la Fonction publique, qui ne baissent pas chez nous, alors que d'autres pays les réduisent. Je me méfie des décisions démagogiques».
  • Ni celle de Georges Tron, secrétaire d'Etat à la Fonction publique : «Il n'y a pas de raison de baisser le salaire des ministres en France puisque le salaire des fonctionnaires ne baisse pas».
  • Non plus que celle de Jean-Louis Bianco, ex secrétaire général de l'Elysée : «(...) Je considère le non-cumul comme une avancée qui permettra un renouvellement attendu de la classe politique. C'est pourquoi je me suis prononcé contre cumul dans le cadre de la rénovation au sein du PS et que je m'y tiendrai dès que cette règle sera appliquée».
  • Et encore moins celle de la Fédération Bancaire Française qui souligne qu'au «nom de l'efficacité, de l'équité et de la saine concurrence, les règles doivent être les mêmes pour tous». Que «ces règles n'ont de sens que si elles existent au niveau international et sont appliquées de la même manière sur l'ensemble des grandes places financières».

Autrement dit, quelques soient les efforts demandés au nom de la défense supposée de l'euro, tous argumentent et militent sans complexe pour le maintien du statut quo, personne ne remettant vraiment en cause le cumul des rémunérations et encore moins celui des retraites haut perchées qui vont avec.

Mais «retraite cumulus» au profit des agents de l'Etat - celle des sénateurs est un modèle du genre - ou pas, la solidarité ne sera jamais effective hors

  • création d'emplois
  • taxation des stocks options et autres revenus financiers,
  • suppression franche et claire du bouclier fiscal,
  • élargissement justement partagé de l'assiette des cotisations patronales et salariales,
  • suppression de libéralités fiscales et sociales accordées aux multinationales implantées sur le territoire sans aucune compensation

Faute de quoi, il faudrait attendre que la mondialisation fasse le premier pas ou une nouvelle nuit du 4 août. Autant dire longtemps.

19/05/2010

Cut up, copie conforme

Jean-Luc Godard n'a surement pas oublié le mouvement «Cut Up» de W. Burroughs. «Film Socialisme», c'est moins d'hétérogénéité et de gratuité donc plus de cohérence. Un art du découpage, collage, montage chargé de sens et d'un rapport d'opportunité entre texte et image. C'est aussi une illustration du «la propriété, c'est le vol» contredite par «Système des contradictions économiques» et de ce qu'il faut bien payer hors usure.

Quant à l'interview de JLG dans les Inrocks à Cannes 2010, il est à lire, relire et creuser.
Godard et «Film Socialisme», Juliette Binoche (qui aurait pu ou du tourner avec JLG) et «Copie Conforme» : c'est ce qu'il faudra sans doute retenir de Cannes 2010. Ces deux là, qui n'ont apparemment rien de commun, n'ont pas de prix.

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«Domicilié en France, Godard y paie ses impôts. Il vit en Suisse parce qu'il y est né, parce qu'il ne peut se passer de "certains paysages", nous dira-t-il dans un entretien, comme toujours avec lui, très panoramique. Pendant quatre heures, dans son bureau un peu fruste, très fonctionnel, juste à côté de sa salle de travail avec sa demi-douzaine d'écrans plats et ses étagères remplies d'innombrables VHS ou DVD d'où il extrait ses citations, nous avons parlé d'histoire, de politique, de la Grèce, de la propriété intellectuelle, de cinéma bien sûr, mais aussi de choses plus intimes, comme la santé ou le rapport à la mort.» Les Inrocks

Extraits de l'interview :

Q : Pourquoi le titre, «Film Socialisme» ?

Jean-Luc Godard : «(...) Le film aurait aussi bien pu s'appeler Communisme ou Capitalisme. Mais il s'est produit un hasard amusant : en lisant une petite brochure de présentation que je lui avais fait parvenir, où le nom de la production Vega Film précédait le titre, Jean-Paul Curnier (philosophe - ndlr) a lu "Film Socialisme" et a cru que c'était le titre. Il m'a écrit une lettre de douze pages pour me dire à quel point ça lui plaisait. Je me suis dit qu'il devait avoir raison et j'ai décidé de garder Film devant Socialisme. Ça déniaisait un peu le mot.» (...)

Q : Les membres de cette famille ressemblent presque aux personnages d'une fiction ordinaire. Ça n'était pas arrivé à votre cinéma depuis très longtemps... (...) Comment procédez-vous pour agencer tout ça ?

JLG : «Il n'y a pas de règles. Ça tient de la poésie, ou de la peinture, ou des mathématiques. De la géométrie à l'ancienne surtout. L'envie de composer des figures, de mettre un cercle autour d'un carré, de tracer une tangente. C'est de la géométrie élémentaire. Si c'est élémentaire, il y a des éléments. Alors je montre la mer... Voilà, ce n'est pas vraiment descriptible, ce sont des associations. Et si on dit association, on peut dire socialisme. Si on dit socialisme, on peut parler de politique.»

Q : Par exemple de la loi Hadopi, de la question du téléchargement pénalisé, de la propriété des images...

JLG : «Je suis contre Hadopi, bien sûr. Il n'y a pas de propriété intellectuelle. Je suis contre l'héritage, par exemple. Que les enfants d'un artiste puissent bénéficier des droits de l'œuvre de leurs parents, pourquoi pas jusqu'à leur majorité... Mais après, je ne trouve pas ça évident que les enfants de Ravel touchent des droits sur le Boléro...»

Q : Vous ne réclamez aucun droit à des artistes qui prélèvent des images de vos films ?

JLG : «Bien sûr que non. D'ailleurs, des gens le font, mettent ça sur internet et en général c'est pas très bon... Mais je n'ai pas le sentiment qu'ils me prennent quelque chose. Moi je n'ai pas internet. Anne-Marie (Miéville, sa compagne et cinéaste) l'utilise. Mais dans mon film, il y a des images qui viennent d'internet, comme ces images de deux chats ensemble.»

Q : Pour vous, il n'y a pas de différence de statut entre ces images anonymes de chats qui circulent sur internet et le plan des Cheyennes de John Ford que vous utilisez aussi dans «Film Socialisme» ?

JLG : «Statutairement, je ne vois pas pourquoi je ferais une différence. Si je devais plaider légalement contre les accusations de pillage d'images dans mes films, j'engagerais deux avocats avec deux systèmes différents. L'un défendrait le droit de citation, qui n'existe quasiment pas en cinéma. En littérature, on peut citer largement. Dans le Miller (Vie et débauche, voyage dans l'œuvre de Henry Miller - ndlr) de Norman Mailer, il y a 80 % de Henry Miller et 20 % de Norman Mailer. En sciences, aucun scientifique ne paie des droits pour utiliser une formule établie par un confrère. Ça, c'est la citation et le cinéma ne l'autorise pas. J'ai lu le livre de Marie Darrieussecq, Rapport de police, et je le trouve très bien parce qu'elle fait un historique de cette question. Le droit d'auteur, vraiment c'est pas possible. Un auteur n'a aucun droit. Je n'ai aucun droit. Je n'ai que des devoirs. Et puis dans mon film, il y a un autre type d'emprunts, pas des citations mais simplement des extraits. Comme une piqûre lorsqu'on prend un échantillon de sang pour l'analyser. Ça serait la plaidoirie de mon second avocat. Il défendrait par exemple l'usage que je fais des plans des trapézistes issus des Plages d'Agnès. Ce plan n'est pas une citation, je ne cite pas le film d'Agnès Varda : je bénéficie de son travail. C'est un extrait que je prends, que j'incorpore ailleurs pour qu'il prenne un autre sens, en l'occurrence symboliser la paix entre Israël et Palestine. Ce plan, je ne l'ai pas payé. Mais si Agnès me demandait de l'argent, j'estime qu'on pourrait la payer au juste prix. C'est-à- dire en rapport avec l'économie du film, le nombre de spectateurs qu'il touche...»

Q : Pour exprimer la paix au Moyen-Orient par une métaphore, pourquoi préférez- vous détourner une image d'Agnès Varda plutôt qu'en tourner une ?

JLG : «Je trouvais la métaphore très bien dans le film d'Agnès. (...) C'est moi qui l'ai construite en déplaçant l'image. Je ne pense pas faire du tort à l'image. Je la trouvais parfaite pour ce que je voulais dire. Si les Palestiniens et les Israéliens montaient un cirque et faisaient un numéro de trapèze ensemble, les choses seraient différentes au Moyen- Orient. Cette image montre pour moi un accord parfait, exactement ce que je voulais exprimer. Alors je prends l'image, puisqu'elle existe. Le socialisme du film consiste à saper l'idée de propriété, à commencer par celle des œuvres... Il ne devrait pas y avoir de propriété des œuvres. Beaumarchais voulait seulement bénéficier d'une partie des recettes du Mariage de Figaro. Il pouvait dire "Figaro, c'est moi qui l'ai écrit". Mais je ne crois pas qu'il aurait dit "Figaro, c'est à moi". Ce sentiment de propriété des œuvres est venu plus tard. Aujourd'hui, un type pose des éclairages sur la tour Eiffel, il a été payé pour ça, mais si on filme la tour Eiffel on doit encore lui payer quelque chose.» (...)

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Q : L'écologie ne devrait pas constituer un parti politique ?

JLG : «Vous savez les partis... Les partis sont toujours pris. Même leurs noms, parfois. De Gaulle était contre les partis. A la Libération, il a quand même fait venir les partis au Conseil de la Résistance pour avoir du poids face aux Américains. Il y avait même le Front national. Sauf que ce n'était pas la même chose qu'aujourd'hui. C'était une entreprise du Parti communiste, à l'époque. Je ne sais pas très bien pourquoi les autres ensuite ont gardé ce nom-là. Un parti pris.»

Q : L'avant-dernière citation du film est : "Si la loi est injuste, la justice passe avant la loi"...

JLG : «C'est par rapport au droit d'auteur. Tous les DVD commencent par un carton du FBI qui criminalise la copie. Je suis allé chercher Pascal. Mais on peut entendre autre chose dans cette phrase.» (...)

Q : La crise grecque résonne fortement avec votre film...

JLG : «On devrait remercier la Grèce. C'est l'Occident qui a une dette par rapport à la Grèce. La philosophie, la démocratie, la tragédie... On oublie toujours les liens entre tragédie et démocratie. Sans Sophocle pas de Périclès. Sans Périclès pas de Sophocle. Le monde technologique dans lequel nous vivons doit tout à la Grèce. Qui a inventé la logique ? Aristote. Si ceci et si cela, donc cela. Logique. C'est ce que les puissances dominantes utilisent toute la journée, faisant en sorte qu'il n'y ait surtout pas de contradiction, qu'on reste dans une même logique. Hannah Arendt avait bien dit que la logique induit le totalitarisme. Donc tout le monde doit de l'argent à la Grèce aujourd'hui. Elle pourrait demander mille milliards de droits d'auteur au monde contemporain et il serait logique de les lui donner. Tout de suite.»

Q : On accuse aussi les Grecs d'être menteurs...

JLG : «Ça me rappelle un vieux syllogisme que j'apprenais à l'école. Epaminondas est menteur, or tous les Grecs sont menteurs, donc Epaminondas est grec. On n'a pas tellement avancé.» (...)

Q : Vous pensez à votre disparition ?

JLG : «Oui, forcément. Avec les problèmes de santé... Il faut que je m'entretienne beaucoup plus qu'avant. La vie se modifie. De toute façon, depuis longtemps, j'ai rompu avec la vie sociale. J'aimerais bien reprendre le tennis, que j'ai dû arrêter pour des problèmes de genou. Quand on devient vieux, l'enfance revient. C'est bien. Et non, ça ne m'angoisse pas particulièrement de disparaître.»

Q : Vous semblez très détaché...

JLG : «Mais au contraire, au contraire ! Je suis très attaché (rires). A ce propos, Anne-Marie m'a dit l'autre jour que si jamais elle me survivait, elle ferait écrire sur ma tombe : "Au contraire"...»

15/05/2010

Big Brother Awards, palmarès 2010

Communiqué final in extenso

Extraits :

La liste des lauréats des Prix Orwell 2010, sanctionnant les pires atteintes à la vie privée, aux libertés publiques et individuelles, semble interminable. De mémoire d'organisateurs, jamais le choix n'a été aussi difficile. Les jurés ont d'abord absolument tenu à exclure le plus attendu des Big Brothers, Nicolas Sarkozy, pour dopage et récidivisme chronique, et préféré «récompenser» les plus méritants de ses exécuteurs, qu'ils soient ministres, hauts fonctionnaires, élus locaux, entreprises, médias ou personnalités. Résultat : dix trophées décernés, neuf prix Orwell et un prix Voltaire pour cette 10ème édition des BBA !

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Orwell Etat/Elus :

Eric Besson, ministre de l'immigration : , remporte le Prix haut la main. Les chefs d'inculpation sont multiples : durcissement des quotas d'expulsions, refus de disculper les personnes et associations aidant les migrants, expulsion expéditives hors contrôle du juge des libertés et non respect des droits des migrants. (...)

La catégorie Etats/Elus était si fournie en candidats poids lourds que deux mentions ont été instaurées :

Mention spéciale "Fichiers" :

A la quasi unanimité, le jury a souhaité récompenser les ministres successifs de l'Education nationale pour six années d'efforts à mettre en place un fichage systématique (sans base légale et dénoncé par des instances de l'ONU comme le Conseil des droits de l'enfant) des enfants dès l'âge de trois ans. Base Elèves et la BNIE (Base nationale d'identifiants élèves) sont le socle d'un futur "Safari", qui permettra un fichage à la source des futurs actifs, façon "casier scolaire". (...)

Mention spéciale "Exécuteurs des basses oeuvres" :

Elle récompense ces hauts fonctionnaires, petits chefs ou élus zélés sans lesquels la machine à broyer ne serait pas aussi performante. Grand gagnant : Eric Ciotti, rapporteur de la dernière loi sécuritaire de l'ère Sarkozy "Loppsi2", "porte-flingue" du gouvernement pour toutes les questions de sécurité intérieure, et "conducator" zélé d'un département qui veut être le premier à supprimer les allocations aux familles en difficultés. (...)

Orwell "Localités" :

Tir groupé pour les Alpes Maritimes ! Car c'est le maire de Nice Christian Estrosi qui décroche la palme du pire élu local de ces BBA 2010. pour avoir promu la fameuse loi «anti-bandes» votée cette année, et pour sa volonté de faire de sa ville un laboratoire de la vidéosurveillance (en projet, un réseau 600 caméras à Nice pour un investissement de 7,6 millions d'euros). (...)

Orwell "Entreprise" :

Le Prix revient aux banques BNP Paribas, la Banque Postale, LCL, la Société générale... et tous les autres établissements bancaires qui laissent ou incitent leurs employés à dénoncer aux services de la Préfecture les clients sans papiers venus à leur guichet.

Orwell "Novlang" :

Brice Hortefeux, notre nouveau et célèbre auvergnant ministre de l'Intérieur, n'est pas oublié. Il a signé le décret imposant le terme de «videoprotection» et la modification de tous les textes règlementaires, histoire de rétablir une réalité sinon sécurisante du moins sécurisée. Ensuite le jury a été sensible à la campagne dite des « Voisins vigilants », autre avatar de la nouvelle sémantique orwellienne, qui pousse la population à s'entre-surveiller. (...)

Mention spéciale "médias" :

Dans cette catégorie, les journalistes «qui soufflent sur la braise sécuritaire» méritaient bien une petite mention. Parmi les six cas d'école soumis au jury (...), le jury finalement placé ex-aequo Les Infiltrés (France 2 / CAPA) (...) et le journaliste du JT de TF1, dans l'affaire Continental, pour avoir diffusé des images non-floutées qui ont permis d'arrêter et de condamner des syndicalistes.

A l'opposé du Big Brother Awards, le Prix Voltaire.

Il récompense des individus et des collectifs qui luttent contre la surveillance et tentent d'enrayer la frénésie de contrôle des élus et des responsables publics et privés. Parmi les huit candidats en lice cette année, c'est le groupe Pièces et main d'œuvre, né à Grenoble il y a une dizaine d'années et son minutieux travail d'information sur les relents totalitaires des techno-sciences, qui a remporté les suffrages.

Le jury a aussi été sensible au mot d'ordre du REFI, le Réseau Emploi Formation Insertion, composé de salariés des services publics (Pôle Emploi, organismes sociaux, direction du travail, associations, organismes de formation...) qui refusent de participer à la chasse à l'étranger et au fichage systématique de la précarité  (...)

Et puis, surprise le jury a exigé...un Prix Spécial du Jury a été remis à Alex Türk, sénateur du Nord et président de la Commission de l'informatique et des libertés (CNIL). Il a finalement été distingué par ce Prix Spécial, après avoir été un candidat malheureux pendant de si nombreuses années.

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S'essayant à l'humour, monsieur le sénateur a fait parvenir un message de remerciement via facebook :

«Enfin ! Après des années d'attente, me voici primé par la petite équipe du Big Brother Awards. En 2004, je venais d'être élu Président de la CNIL, je n'avais pris aucune initiative, ni même été rapporteur, comme sénateur, de la loi de 2004 et j'avais déjà failli obtenir le prix ! Finalement, je n'avais pas été retenu et j'en avais été fort marri.
Certes on ne m'attribue que le prix spécial mais peut-être aurais-je la chance, l'année prochaine, de remporter le grand prix...
Quoiqu'il en soit, je ressens cette distinction comme un très grand honneur : comment en effet ne pas y être sensible quand elle vous est ainsi décernée par un «jury» composé de membres aussi peu éclairés, tellement contents d'eux-mêmes et ô combien dépourvus de toute influence ?»

Vue la concurrence, Türk a intérêt à s'accrocher pour se maintenir au top. Quant aux oubliés du BBA, ils ne perdent rien pour attendre.

12/05/2010

Départs anticipés

Santé, retraites..., il faut partir au bon moment. La version «Minc» revisitée par Médiapart et par bon nombre de commentateurs, devrait être reprise par les humoristes en panne d'imagination. S'il en existe encore.

Il faut dire que le terrain avait été déblayé en 2008 par un excellent titre «Départs anticipés» de Christopher Buckley où sur la 4ème de couverture, on peut lire :

«Ils exagèrent, tous ces retraités. À Washington, entre villas de luxe et terrains de golf, ils sont de plus en plus nombreux à vivre aux crochets de la jeune génération. Aidée par un sénateur assoiffé de pouvoir, Cassandra, conseillère en communication et bloggeuse révoltée, déclare la guerre aux baby-boomers. Son arme ? Le « transitionnement volontaire », comprenez : le suicide assisté...»

Irrésistible.

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Sans parler de plagiat, Alain Minc qui, lui, ne se risquera jamais à l'élimination directe, en a sans doute tiré d'ultimes conséquences pour son père de 102 ans et trouvé là une illustration choc pour les conseils qu'il glissera moyennant finance à l'oreille de ses amis aux ascendances encombrantes.

La méthode est sensiblement différente pour l'ex PS Besson qui, par préfecture de Moselle interposée, s'est subrepticement débarrassé d'un dangereux ado de 15 ans, polyhandicapé, kosovar et sans papier. Lui, n'aura pas le temps de vieillir en France. Ni même celui de se faire soigner. La version «Besson» est sans doute moins drôle, tout aussi sournoise mais peut-être plus efficace.

11/05/2010

Et in fine ?

Selon Alternatives Economiques :

«Ce qui continue surtout à nourrir l'inquiétude pour l'avenir, c'est la politique de rigueur accrue annoncée dans toute la zone. En effet, les pays les plus menacés (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne) sont durablement engagés dans des politiques d'austérité de fer, mais si dans le même temps la France et l'Allemagne serrent à leur tour les boulons, la zone euro va retomber dans la récession et les problèmes de dette publique de tous ses membres vont encore s'aggraver...» Source

Or, du «sommet social» du 10 mai sont sorties les mesures suivantes :

  • «Le dispositif «zéro charges» pour les très petites entreprises (les TPE représentent 95% des entreprises en France), qui permet l'exonération des charges sociales pour les embauches dans les entreprises de moins de dix salariés est jugé «moins nécessaire» par Nicolas Sarkozy grâce à «l'amorce de reprise» et il devrait donc être arrêté fin juin. Ces exonérations pourraient toutefois être pérennisées pour l'embauche de seniors (le taux d'emploi des seniors atteint 39% en France, 44,7% pour l'Union européenne. Y a-t-il une raison pour que ça change ?), mais à une échéance non précisée.»
  • «Les aides exceptionnelles aux ménages les plus fragiles ne seront pas reconduites.»

Fermez le ban. Pour parfaire la mise en scène :

  • Le Medef qui fait semblant de ne pas être d'accord à propos des TPE, ne dit strictement rien lorsque l'«on» affirme sans rire qu'un effort sera demandé aux hauts revenus et aux revenus du capital pour participer au financement des retraites. Bizarre.
  • Les autres syndicats se contenteront quant à eux d'aides prolongées pour couvrir (mais jusqu'à quand ?) le chômage partiel, des aides à l'apprentissage et éventuellement du droit de ronchonner en rond devant micros et caméras sur la sémantique : Vous avez dit « rigueur, rigueur ». - Moi, j'ai dit «rigueur, rigueur ?», comme c'est austère ! Pourquoi aurais je dis « rigueur, rigueur ? » - Je vous assure mon cher cousin, que vous avez dit «rigueur», ...
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Mais reprenons la conclusion d'Alternatives Economiques : «si dans le même temps la France et l'Allemagne serrent à leur tour les boulons, la zone euro va retomber dans la récession et les problèmes de dette publique de tous ses membres vont encore s'aggraver.»

Et in fine... la rigueur annoncée pour le court terme ressemblerait plutôt à ces cheveux coupés pour éponger la marée noire dans le golfe du Mexique.

En attendant, les bourses flambent. Nous sommes en mai, le temps des cerises pour les spéculateurs que Michel Barnier tient pour seuls responsables du «malheur des peuples européens» et qui, n'ayant jamais été aussi puissants vont se dépêcher, pas vus pas pris et d'ailleurs invisibles, de vendre leurs actifs. Logique.

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Selon Paul Jorion, chroniqueur au Monde-Economie, «Défier la spéculation en se tambourinant la poitrine et en criant : «Je suis plus fort que toi !», ça ne suffira pas. La spéculation est comme l'hydre de Lerne : on lui coupe l'une de ses sept têtes, ou même les sept à la fois, et elles repoussent aussitôt. Ce qu'il faut mettre en place, pour mettre la spéculation hors d'état de nuire, c'est une interdiction des paris sur les fluctuations de prix. On ne pourra pas en faire l'économie.»

Il est vrai qu'une gestion rigoureuse n'a de sens que sur le long terme et nécessite une gouvernance européenne qui devrait normalement avoir les moyens de se faire respecter, y compris et en premier lieu par les chefs de gouvernement et par les spéculateurs. 750 milliards ne suffiront pas à les calmer. Au contraire.

07/05/2010

JCall, appel asymétrique

Le 3 mai a été présenté à Bruxelles sous le sigle JCall, European Jewish Call for Reason , le pendant du lobby américain J-Street, un «Appel à la raison», signé par des intellectuels et des personnalités juives européennes.

Extraits :

"(...) nous avons décidé de nous mobiliser autour des principes suivants :

L'avenir d'Israël passe nécessairement par l'établissement d'une paix avec le peuple palestinien selon le principe «deux Peuples, deux États». Nous le savons tous, il y a urgence. Bientôt Israël sera confronté à une alternative désastreuse : soit devenir un État où les Juifs seraient minoritaires dans leur propre pays ; soit mettre en place un régime qui déshonorrait Israël et le transformerait en une arène de guerre civile.

(...) L'alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l'encontre des intérêts véritables de l'État d'Israël.

(...) Ce mouvement (...) a pour ambition d'œuvrer à la survie d'Israël en tant qu'État juif et démocratique, laquelle est conditionnée par la création d'un État palestinien souverain et viable. (...)"

La liste des signataires de JCall n'est pas forcément un problème. Quoique...
Bernard-Henri Lévy y côtoie Alain Finkielkraut, et un historien comme Zeev Sternhell, dont les positions sont réputées critiques à l'égard de la politique d'Israël contrairement à celles des premiers nommés dont le sionisme a souvent été synonyme d'intolérance à l'emporte-pièce. Mais peu importe que l'on apprécie ou pas la composition de cette liste. La raison du plus faible est loin d'être respectée.

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Pour sa part, la déléguée générale de la Palestine auprès de l'Union européenne considère : «A travers JCall il y a un interlocuteur pour les Palestiniens». Source

De fait, cet appel à la raison peut être considéré comme positif dans la mesure où parler à un mur ne sert pas à grand-chose. Mais Leïla Shahid est-elle suivie par beaucoup d'autres palestiniens ? Essaie-t-elle de prêter main forte à une réelle opposition au couple B. Netanyahu - A. Lieberman, ou de prendre au mot une apparente et momentanée mauvaise humeur de la diaspora pour mieux desserrer l'étau dans lequel les palestiniens sont enfermés ?

Ce qui est plus gênant dans cette initiative, outre le fait qu'elle se veuille basée sur l'exclusive froideur de la raison et motivée par les intérêts du seul Etat d'Israël, c'est son évidente ignorance du déséquilibre existant entre un jet de pierre et un tir de bombe au phosphore, entre une prison à ciel ouvert et l'ombre d'un parasol sur la plage de Tel-Aviv. David Chemla, cofondateur de JCall, le reconnaît lui-même au moins partiellement, lorsqu'il écrit : «Je pense qu'en réalité, notre initiative améliore l'image d'Israël en Europe (...) ».

Au bout du compte, il donne l'impression que la création d'un Etat palestinien n'est qu'un moyen pour Israël. Pas une fin. L'humanisme supposé de JCall en prend un sacré coup, et il faudrait s'en contenter ?!!


Au surplus, il est relativement confortable pour un Etat, démocratique ou pas, d'avoir en face de lui une opposition «raisonnable». Pour un peuple spolié de ses territoires, humilié en permanence malgré le soupir des nations au simple constat quotidien de ses souffrances et livré à ce qui ressemble plus à une milice religieuse qu'à une armée de résistants, la position est beaucoup plus difficile à tenir.

Dans ces conditions, solliciter une «initiative symétrique», ce qui a été fait le 6 mai 2010, relève non plus d'un calcul plus ou moins réfléchi, mais de l'inconscience ou de la provocation, et risque d'aboutir à séparer définitivement les «personnalités palestiniennes et du monde arabe» du peuple le plus isolé du Moyen-Orient. Comment oser demander à une victime d'aller au secours de son tortionnaire serait-il lui-même fils de victime ?!!

Un article d'Alain Gresh dans la Monde Diplomatique, dresse une mise en perspective intéressante du sujet. Il n'est malheureusement daté que du 5 mai 2010.

04/05/2010

Le doigt dans l'œil

Qui croira que, selon le ministre grec des finances, le déficit public grec, qui a atteint en 2009 environ 14% du PIB, puisse être ramené sous le seuil européen autorisé de 3% «d'ici fin 2014», et ce, quelque soit le plan d'austérité imposé à sa population.

Pour éviter la banqueroute la Grèce disposera donc, sur trois ans, de 129 milliard d'euros, qu'elle devra notamment rembourser aux Etats de la zone euro au taux de 5%. Ces Etats, ayant eux-mêmes emprunté au taux de 3% environ, vont donc être amenés à spéculer sur le dos d'un pays en difficulté qui risque, «effet domino», de les entraîner dans une chute qui n'a rien d'inéluctable.

Pour le Portugal, ce sera sans doute plus rapide que pour d'autres. Montré du doigt par de douteuses agences de notation, il devra, lui aussi, participer à l'effort de sauvetage organisé pour la Grèce en empruntant à un taux de 5, 75 % pour espérer être remboursé à celui de 5%. Une double peine économique.

Comme ses effets secondaires le remède, indispensable, risque donc d'être douloureux. Croire le contraire serait se mettre «le doigt dans l'œil».

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Cette situation absurde devrait au moins permettre d'ouvrir un vrai débat débouchant sur une véritable structuration - unification économique et sociale de l'Europe. Aux antipodes du traité de Lisbonne.

A ce stade des observations, la Banque Centrale Européenne devrait pouvoir intervenir pour prêter à bas coût aux Etats en difficulté pour peu que ceux-ci aient accepté de respecter un quota de dépenses équilibré entre investissements et fonctionnement, et pour peu qu'elle dépende d'un gouvernement européen digne de ce nom sans préjudice de l'ombre portée sur la souveraineté et la susceptibilité de chacun des Etats membres. Aujourd'hui, la BCE ne fait qu'orchestrer une cacophonie poussant à l'euroscepticisme.

De même, il devrait pouvoir être fait obligation aux banques fixées sur les territoires européens, de participer au refinancement de la dette des Etats à des taux fixes et plafonnés. En l'occurrence, il serait normal que la banque Goldman Sachs et/ou ses filiales, assume ses responsabilités et que sa hiérarchie soit mise en demeure de rembourser, au moins partiellement, les emprunts frauduleux qu'elle a induits dans le cadre de la crise grecque.

Le New York Times du 13 février 2010 a évoqué le chiffre de 300 millions de dollars versés à Goldman Sachs à titre d'honoraires. Il s'agissait de rémunérer une astuce ayant permis à la Grèce d'emprunter des milliards de dollars en secret. Objectif : ne pas mettre en péril l'entrée du pays, déjà très endetté, dans l'union monétaire européenne. Ce genre de supercherie ne fait plus rire personne et n'est malheureusement qu'une partie apparente de l'iceberg. «Greece is just the tip of the iceberg».

Quant aux agences de notation, n'étant utiles qu'aux spéculateurs qui parient à la hausse ou à la baisse sur les marchés, «économie casino», et n'étant rétribuées que par eux, il ne serait pas inconvenant de mettre sous tutelle les Fitch Ratings, Moody's, Standard & Poor's, etc. Une BCE revisitée ou un FMI hors de soupçon pourrait jouer ce rôle. Ce qui, pour l'instant et en l'état de l'UE, est impossible, même si on fait semblant d'y croire comme on a pu faire semblant de s'attaquer aux paradis fiscaux.

Il est quasiment certain que le cas de la Grèce va enrichir l'argumentaire consistant à protéger les couches de populations les plus aisées, à imposer un plan préventif d'austérité, à justifier quelques réformes iniques et pas forcément efficaces : retraites, suppression d'emploi, regroupement des établissements hospitaliers, casse de ce qui reste des services publics etc, sans jamais remettre en cause ce qui continue à faire la faillite du système : l'impunité des marchés financiers.