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30/03/2014

Platon sur la place rouge

Sur l’agora de la « place rouge » à Manosque, autrement désignée « Place Pagnol », au beau milieu de livres anciens, fromages de chèvre et cafés fumants, un ami me fait part ce samedi de ses hésitations, voire difficultés, à considérer les méthodes de gouvernance comme dénuées d’arrière-pensées et débarrassées, au moins partiellement, de leur écorce égocentrique. Nous convenons facilement du malaise.
Pour étayer ce constat désabusé et le prolonger, référence est alors faite à la lettre VII de Platon, une réflexion portant sur un gouvernement juste à partir de l’expérience d’injustice faite à Socrate.
Les auteurs anciens comme ceux qui le sont moins, ont la très heureuse manie de se rappeler à notre bon souvenir dès lors que nous déplorons ici et là une déficience de la pensée critique.

Cette lettre est un bonheur à découvrir ou à redécouvrir que les tempêtes et les gras rires de quelques caffis n’ont encore jamais contredit.

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Platon. Lettre 7. Extrait


«Jadis dans ma jeunesse, j'éprouvais ce qu'éprouvent tant de jeunes gens.

J'avais le projet, du jour où je pourrais disposer de moi-même, d'aborder aussitôt la politique. Or voici en quel état s'offraient alors à moi les affaires du pays : la forme existante du gouvernement battue en brèche de divers côtés, une révolution se produisit.

A la tête de l'ordre nouveau cinquante et un citoyens furent établis comme chefs, onze dans la ville, dix au Pirée (ces deux groupes furent préposés à l'agora et à tout ce qui concerne l'administration des villes), - mais trente constituaient l'autorité supérieure avec pouvoir absolu.

Plusieurs d'entre eux étaient soit mes parents, soit des connaissances qui m'invitèrent aussitôt comme à des travaux qui me convenaient.

Je me fis des illusions qui n'avaient rien d'étonnant à cause de ma jeunesse. Je m'imaginais, en effet, qu'ils gouverneraient la ville en la ramenant des voies de l'injustice dans celles de la justice. Aussi observai-je anxieusement ce qu'ils allaient faire.

Or, je vis ces hommes faire regretter en peu de temps l'ancien ordre de choses comme un âge d'or. Entre autres, mon cher vieil ami Socrate, que je ne crains pas de proclamer l'homme le plus juste de son temps, ils voulurent l'adjoindre à quelques autres chargés d'amener de force un citoyen pour le mettre à mort, et cela dans le but de le mêler à leur politique bon gré malgré.

Socrate n'obéit pas et préféra s'exposer aux pires dangers plutôt que de devenir complice d'actions criminelles.

A la vue de toutes ces choses et d'autres encore du même genre et de non moindre importance, je fus indigné et me détournai des misères de cette époque. Bientôt les Trente tombèrent et, avec eux, tout leur régime. De nouveau, bien que plus mollement, j'étais pressé du désir de me mêler des affaires de l'état.

Il se passa alors, car c'était une période de troubles, bien des faits révoltants, et il n'est pas extraordinaire que les révolutions aient servi à multiplier les actes de vengeance personnelle.

Pourtant ceux qui revinrent à ce moment usèrent de beaucoup de modération.

Mais, je ne sais comment cela se fit, voici que des gens puissants traînent devant les tribunaux ce même Socrate, notre ami, et portent contre lui une accusation des plus graves qu'il ne méritait certes point : c'est pour impiété que les uns l'assignèrent devant le tribunal et que les autres le condamnèrent, et ils firent mourir l'homme qui n'avait pas voulu participer à la criminelle arrestation d'un de leurs amis alors banni, lorsque, bannis eux-mêmes, ils étaient dans le malheur.

Voyant cela et voyant les hommes qui menaient la politique, plus je considérais les lois et les mœurs, plus aussi j'avançais en âge, plus il me parut difficile de bien administrer les affaires de l'état.

D'une part, sans amis et sans collaborateurs fidèles, cela ne me semblait pas possible.

(Or, parmi les citoyens actuels, il n'était pas commode d'en trouver, car ce n'était plus selon les us et coutumes de nos ancêtres que notre ville était régie. Quant à en acquérir de nouveaux, on ne pouvait compter le faire sans trop de peine.)

De plus, la législation et la moralité étaient corrompues à un tel point que moi, d'abord plein d'ardeur pour travailler au bien public, considérant cette situation et voyant comment tout marchait à la dérive, je finis par en être étourdi.

Je ne cessais pourtant d'épier les signes possibles d'une amélioration dans ces événements et spécialement dans le régime politique, mais j'attendais toujours, pour agir, le bon moment. Finalement, je compris que tous les états actuels sont mal gouvernés (car leur législation est à peu près incurable sans d'énergiques préparatifs joints à d'heureuses circonstances).

Je fus alors irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée.

Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement.»

Traduction Joseph Souilhé, Paris, 1926

27/03/2014

Les associations sont nécessaires

Pour info : le secteur associatif dans les Alpes de Haute Provence

Le premier tour des élections municipales montre une abstention record, une percée du Front National et un désaveu de la politique du gouvernement.

Mais qui ne voit que, parmi les causes principales, figurent le déclin de la vie sociale et la disparition de la vie associative dans les quartiers, dans les zones rurales, dans les territoires périurbains ?

Les gouvernements successifs et de nombreuses collectivités ont multiplié sans discernement les suppressions de subventions, le passage aux appels d’offres, l’allongement indéfini des délais de paiement, la complexification des procédures.

De ce fait nombre d’associations porteuses des valeurs de coopération, de responsabilité, d’égalité, de liberté et de fraternité ont disparu : par exemple la Cathode en Seine-Saint-Denis, télévision locale qui donnait la parole aux habitants des banlieues, Intolérage, qui travaillait à Marseille sur la tolérance chez les enfants dès la maternelle, les Clubs de prévention du Loiret et de Seine Maritime, etc. Les licenciements se sont multipliés dans des petites et moyennes associations qui « tenaient le terrain », avec les plans de rigueur successifs. Partout, les conditions de travail se dégradent et la capacité d’agir diminue.(LIRE ICI d’autres exemples)

Aujourd’hui, nous le disons avec force : pour l’avenir de la démocratie, les associations sont nécessaires.

collectif associations

Cela doit se traduire par une autre politique associative au niveau local, national et européen :

- la reconnaissance du rôle des associations dans la société. Celles-ci produisent avant tout du développement humain, de la participation à la vie de la cité, du lien social et de l’épanouissement des personnes. La création de richesse économique, bien que réelle, n’est jamais qu’une conséquence de leur activité et ne correspond aucunement à leur finalité ;

- des financements publics stables et garantis aux associations qui traduisent cette reconnaissance, dès le budget 2015 de l’État, avec le maintien des dotations globales aux collectivités et une autre orientation des subventions de l’État ;

- une autre réglementation nationale et européenne qui reconnaisse la diversité associative et favorise la libre initiative des citoyens, dimension indispensable de la démocratie.

Mais avec la signature du pacte budgétaire européen, la France est devenue un protectorat de la Commission européenne*. C’est pourquoi le changement incombe également aux instances européennes, qui portent une grande part de responsabilité dans la situation actuelle. Celui-ci doit se traduire après le renouvellement du Parlement européen et de la Commission par une autre construction européenne, dans laquelle les droits fondamentaux seront premiers par rapport au droit de la concurrence.

Faute de quoi la dérive que nous observons en France sera celle de toute l’Europe.

Le Collectif des Associations Citoyennes

Contact presse : Isabelle Boyer – 07 70 98 78 56 – contact@associations-citoyennes.net

C.A.C. : 108, rue Saint-Maur 75011 Paris -www.associations-citoyennes.net

*Le projet de budget est soumis à la Commission européenne avant toute mise en discussion au niveau national.

Travail détaché à contre-emploi

Travail détaché, travailleurs enchaînés par Gilles Balbastre, auteur des "Nouveaux Chiens de Garde" qui avait tant déplu aux éditocrates patentés et rétribués par le Medef et autres libéraux. Avril 2014 dans le Monde Diplomatique et à l'attention de celles et ceux qui ne sont pas abonnés...

travail détaché

 

Changement de personnel : du 22 au 25 mai 2014, les Européens éliront leurs députés, un scrutin qui influera sur le choix du prochain président de la Commission. Mais l’Union abandonnera-t-elle pour autant une feuille de route politique qui, pour l’heure, se caractérise par l’organisation du dumping social ?

 

Ils sont quatre, un peu à l’écart du dernier rond-point qui mène par une petite route à un poste de gardiennage. Ils ne lâchent pas des yeux la vingtaine de militants de la Confédération générale du travail (CGT) qui, par ce petit matin de janvier, frigorifiés et les bras chargés de tracts, attendent l’embauche des centaines de travailleurs de l’immense chantier voisin.

Une première camionnette approche. Des syndicalistes l’arrêtent, interrogent les ouvriers sur leur origine, tendent des tracts en portugais. Malgré la barrière de la langue, un échange sur leurs droits s’engage à travers la fenêtre entrouverte. Aussitôt, les quatre hommes s’approchent. « Je vous demande de circuler, lance le plus âgé, menaçant. Vous n’avez pas à leur parler. Entrez sur le chantier. » Les syndicalistes repoussent énergiquement le quarteron, qui se remet à l’écart.

A chaque nouvelle camionnette arrêtée, les quatre individus notent le numéro d’immatriculation, prennent discrètement des photos, chuchotent dans un Dictaphone. La scène se passe en 2014, en France. A Loon-Plage, plus précisément : un no man’s land balayé par un vent glacial, au bord de la mer du Nord.

On découvrira que l’homme agressif n’est autre que le responsable du chantier du terminal méthanier d’Electricité de France (EDF) ; les trois autres, ses sbires. Tous refusent de répondre à nos questions. « Là, on est sur un rond-point public, glisse M. Marcel Croquefer, délégué CGT de Polimeri Europa France. Vous imaginez ce qui se passe à l’intérieur du site ? »

Effectivement, il vaut mieux avoir de l’imagination pour savoir ce qui se passe sur le deuxième plus grand chantier de France — derrière celui du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville. Le dossier de presse produit par le maître d’œuvre, Dunkerque LNG (filiale d’EDF), daté du 19 février 2014, annonce mille trois cent trente-sept salariés : « 95 % d’Européens, dont un tiers originaires du Nord-Pas-de-Calais. » Mais si les syndicalistes se sont déplacés avec leurs tracts en langues étrangères, c’est qu’ils savent qu’ici les travailleurs viennent majoritairement d’Italie, du Portugal et de Roumanie.

Est-ce le résultat de la directive européenne 96/71/CE, dite de « détachement des salariés » (lire « Odyssée d’une « bonne idée » »), qui permet aux entreprises européennes de recruter des étrangers en versant les cotisations sociales dans leur pays d’origine ? « On a du mal à connaître le nombre exact de travailleurs étrangers sur le chantier. Ça tourne quand même autour de 60 % », estime Mme Christelle Veignie, secrétaire de l’union locale CGT de Dunkerque.

Les syndicalistes attendront longtemps les ouvriers italiens. Bloqués par leur direction dans les campings où ils logent, ceux-ci ne seront autorisés à retourner travailler que vers 10 heures du matin, une fois le dernier militant parti...

C’est grâce à une opération coup de poing similaire, menée le 10 décembre 2013 par des syndicalistes de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et de la CGT du bâtiment, que cette question de la proportion de salariés détachés sur le chantier du terminal méthanier est apparue dans la presse locale. Et pourtant, il a fallu attendre l’intervention spectaculaire d’une quinzaine de militants du Front national (FN) pour que l’affaire prenne de l’ampleur. Le 12 décembre, ceux-ci occupent le toit de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Dunkerque et déploient une banderole : « Emploi, les nôtres d’abord ». L’action pique la curiosité des médias nationaux ; elle affole les autorités politiques et préfectorales à quelques mois des élections municipales. Manifestement, la jolie façade qui ceint le chantier a fini par se lézarder.

Depuis l’annonce par le président Nicolas Sarkozy, le 3 mai 2011, de sa construction à Loon-Plage, ce terminal faisait en effet office de dépliant publicitaire patronal et politique en matière de lutte contre le chômage dans le Dunkerquois, particulièrement touché. Tout commence quand, devant une foule de journalistes, M. Sarkozy promet des centaines d’emplois — l’année précédente, la fermeture de la raffinerie des Flandres a entraîné le licenciement de trois cent soixante-dix salariés. Le maître d’œuvre Dunkerque LNG et les acteurs locaux, économiques et politiques, déploient alors une communication d’envergure : le 12 décembre 2011, par exemple, la filiale d’EDF organise une grande manifestation au palais des congrès de Dunkerque, en partenariat avec Pôle emploi, la CCI et Entreprendre ensemble, une association pour l’insertion et l’emploi présidée par le maire socialiste de la ville, l’ancien ministre du travail Michel Delebarre. Celui-ci évoque à cette occasion un « coup de fouet psychologique » pour la région (Nord Littoral, 19 décembre 2011).

Prêtes à tout pour atteindre le Graal d’un emploi, mille cinq cents personnes font le déplacement : « Un véritable rush, à la hauteur des espoirs suscités par le chantier du terminal méthanier », commente le quotidien Nord Littoral. « Le terminal méthanier a un effet objectif et indiscutable, déclare en octobre 2012 le responsable de l’antenne locale de Pôle emploi, M. Cyrille Rommelaere. Six cent dix-huit contrats ont été signés avec des demandeurs d’emploi. La moitié d’entre eux étaient inscrits à Pôle emploi depuis plus de douze mois, et à 68 % ils viennent de la Côte d’Opale (1). »

« On se bat
contre le dumping social,
pas contre les étrangers »

Quelques semaines plus tard, on entend déjà parler italien, portugais et roumain dans la région. Le mirage se dissipe ; la population a compris : « Nous, on se bat contre le dumping social, contre les entorses au droit du travail, pas contre les étrangers », insiste Mme Veignie. « Mais les gens en ont marre des belles promesses, complète M. Croquefer. Le FN n’a plus qu’à surfer sur la déception accumulée. Le vote Le Pen aux municipales, ce sera de leur faute ! »

Le scandale des salariés détachés de Loon-Plage tombe mal pour le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, empêtré en cette fin d’année 2013 dans la promesse du président François Hollande d’inverser la courbe du chômage. En décembre, une renégociation à Bruxelles de la directive relative au détachement des travailleurs offre au ministre du travail Michel Sapin un prétexte pour claironner, à son retour, que la France a obtenu un « accord satisfaisant et ambitieux, conforme à la position [qu’elle a] défendue avec constance (2) ». Les médias relaient aussitôt.

Or il ne s’agit que d’un « compromis » entre les ministres du travail européens au sein du Conseil, qui édulcore une proposition initiale du Parlement — et qui demeure soumis à la validation des députés. Accompagné du ministre de l’intérieur Manuel Valls (et donc d’un grand nombre de caméras), M. Sapin se rend néanmoins aussitôt au terminal méthanier pour une visite-surprise : « Il s’agit de voir si le code du travail, les directives européennes sur le détachement sont bien appliqués », explique « fermement » à l’Agence France-Presse (AFP) l’entourage du ministre (19 décembre 2013).

Sur place, certains agents de l’Etat ne décolèrent pas. La visite- « surprise » a été annoncée... la veille par la presse locale. Le jour dit, les employeurs ont conseillé à leurs ouvriers italiens et portugais de rester dans leurs mobile homes. Le directeur adjoint de l’inspection du travail de Dunkerque, M. Olivier Moyon, qui a refusé de participer à cette « mascarade », dénonce l’expédition auprès de son ministre de tutelle dans un courrier daté du 5 février, dont nous avons pu prendre connaissance : « La divulgation dans la presse locale la veille des détails de l’opération obérait toute chance d’effectuer des constatations en flagrance d’infractions de travail illégal, en plus de décrédibiliser nos services, sur lesquels certains travailleurs rencontrés dans le cadre de nos missions nous expriment déjà régulièrement leurs doutes. (...) [Ils questionnent] la réalité de notre détermination à faire respecter le droit du travail par leurs employeurs. »

Echec du contrôle, réussite de l’opération de communication. Les médias repartent de Loon-Plage, les autorités locales peuvent à nouveau détourner les yeux, et Dunkerque LNG, continuer de sous-traiter ses travaux à une forte proportion d’ouvriers étrangers.

Le retour de l’omerta ne satisfait toutefois pas les militants syndicaux. Le 14 février, dans un petit matin toujours aussi glacial, l’union locale CGT de Dunkerque s’installe une fois de plus à l’entrée du chantier avec camion sono et tracts. Plus de journalistes, mais encore beaucoup de travailleurs italiens et portugais... Bus, camionnettes, quelques voitures : au bas mot quatre cents salariés défilent devant les syndicalistes, décidés à ne pas accepter une telle situation.

Le lendemain, vers 17 h 30, le même ballet reprend, mais en sens inverse. Quid des trente-cinq heures réglementaires ? Un ouvrier portugais ose nous répondre : « En ce moment, on travaille quarante heures par semaine. Mais, normalement, on en travaille cinquante. Pour nous, c’est bien, parce que comme ça on gagne un peu plus. On a besoin d’argent, on a besoin de bosser. »

Sur le chantier, pas de syndicat, pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Difficile, dès lors, d’obtenir des informations sur le respect du paiement des heures supplémentaires. « Dans le bâtiment, les sept premières heures au-dessus de trente-cinq heures sont majorées d’un quart. Les suivantes, de 50 %. Vous imaginez les gains potentiels pour les entreprises si elles ne les paient pas ?, lance M. David Sans, délégué CGT du groupe Vinci. Les fiches de salaire, on n’a pas pu les voir, parce qu’elles sont directement données au pays. On a su que certains ouvriers étaient hébergés à cinq dans une petite maison. Ils touchaient bien le smic, mais le loyer leur était défalqué de la paie. » « Lors de l’appel d’offres de Dunkerque LNG sur le lot électricité, Spie s’est positionné à hauteur de 16 millions d’euros pour un marché proposé à 25 millions. Les Italiens de Techint Sener l’ont emporté à 12 millions, confie M. Didier Czajka, délégué CGT de la société Spie. Le différentiel du niveau des cotisations sociales entre la France et l’Italie n’est pas si important que ça. » Une seule explication : « Le non-respect des conventions collectives françaises. »

Traduire les citations
à comparaître coûte plus cher
que l’amende encourue

Le 5 mars, le trilogue (lire « Une directive trop cruciale pour être débattue publiquement ») entre négociateurs du Parlement européen a abouti à un accord de principe visant à « renforcer les contrôles et à responsabiliser les entreprises donneuses d’ordres », selon M. Sapin. Pour le commissaire européen chargé des affaires sociales, M. László Andor, il s’agit d’un « signal clair : l’Europe n’accepte pas la fraude ou l’abus des règles applicables au détriment des travailleurs détachés (3) ».

Parmi les agents de l’Etat, tout le monde n’en est pas convaincu. Notamment parmi les inspecteurs du travail, nombreux à dénoncer les difficultés croissantes à assurer leur mission. Dans un premier temps, l’entreprise étrangère qui « détache » un salarié vers la France doit fournir une déclaration préalable à la direction locale du travail. Mais le document — qui précise le nom du salarié, sa qualification, l’entreprise où il doit travailler, la durée de sa mission, ses horaires, ses temps de pause, le taux de salaire horaire — passe régulièrement à la trappe. Et, quand un inspecteur constate la présence d’un salarié étranger sans l’envoi de la fameuse déclaration, la sanction de l’employeur demeure une menace très lointaine. « Quand le procureur décide de délivrer une citation à comparaître contre une entreprise étrangère, la traduction de la citation s’avère souvent plus coûteuse que l’amende encourue. La plupart du temps, le parquet classe », constate, un peu amer, M. Pierre Joanny, inspecteur du travail lillois et ancien secrétaire de SUD-Travail. Imaginons que, malgré tout, la justice condamne une entreprise ? « Les amendes sont rarement recouvrées », tranche-t-il.

Restent les dizaines de milliers de salariés détachés dans les règles, qui pourraient être contrôlés. Mais encore faudrait-il pouvoir le faire... L’arbre du chantier du terminal méthanier cache une forêt touffue. La lecture des tableaux de déclarations de détachement 2013 et 2014 illustre l’ampleur du phénomène, dans une région où se concentrent l’un des principaux ports de France et quinze usines de type Seveso 2, majoritairement détenues par des multinationales. Vingt-cinq Roumains chez Polimeri Europa France, huit Lituaniens chez Total, treize Roumains chez McDonald’s, plusieurs centaines de Portugais chez Aluminium Dunkerque... Au total, plusieurs milliers de travailleurs européens ont été détachés en 2013 dans des sociétés dunkerquoises. Ils étaient officiellement 144 411 en France en 2011, contre 16 545 en 2002, selon un rapport parlementaire publié en avril 2013 (4).

Il suffit de se promener, un dimanche, dans les campings de la région dunkerquoise — Mer et Vacances à Leffrinckoucke (59), Los Palomitos aux Hemmes de Marck (62) ou Vert Village à Crochte (59) — pour voir des camionnettes portugaises, des voitures italiennes et des hommes discrets et furtifs, peu bavards, qui filent entre les mobile homes. Il faut se rendre à l’hôtel Première classe d’Armbouts-Cappel (59) le soir après 18 heures pour entendre parler polonais, à Looberghe pour apprendre le roumain, à Bray-Dunes pour découvrir le lituanien. Sur le site des Gîtes de France du Nord, en plein hiver, tous les logements autour de Dunkerque affichent complet.

« Les entreprises prétendent qu’elles se tournent vers l’étranger faute de pouvoir trouver en France les spécialisations dont elles ont besoin. En réalité, des salariés français pourraient effectuer la plupart des tâches », précise M. Joanny. « La véritable motivation ? Les gains réalisés sur les horaires, les salaires, les indemnités professionnelles, l’hébergement ou la restauration, complète Mme Veignie. Pour les salariés français, c’est l’introduction organisée du ver dans le fruit. »

Cette concentration massive d’étrangers détachés alourdit la charge de travail déjà importante des dix agents affectés au service de l’inspection du travail de Dunkerque. Or une réforme gouvernementale en cours pourrait encore aggraver les choses : « Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a actuellement cent quarante-sept agents. Il n’y en aurait plus que cent vingt-neuf si cette réforme aboutissait, s’alarme M. Joanny. Si les gouvernants avaient vraiment la volonté de protéger les travailleurs, il suffirait par exemple de construire le même cadre de coopération internationale que celui qui existe en matière policière. Nous pourrions alors nous rendre dans un autre pays européen pour travailler avec nos collègues. »

Mais cette volonté politique existe-t-elle ? Dans sa lettre à M. Sapin, M. Moyon écrit : « Le procureur de la République de Dunkerque a déjà été destinataire de deux procès-verbaux d’infractions multiples constatées à l’encontre d’entreprises étrangères contrôlées en 2012, pour lesquelles à ce jour les suites judiciaires données sont inconnues. » Les employeurs des salariés détachés ont peut-être des raisons de ne pas s’inquiéter du « durcissement » de la directive 96/71/CE...

Gilles Balbastre, Journaliste.

(1) Libération, Paris, 5 octobre 2012.

(2) Libération, 9 décembre 2013.

(3) AFP, 5 mars 2013.

23/03/2014

Indispensable Bertold Brecht

Un texte dont on ne devrait pas se passer...

Pour la défense de la culture, contre la barbarie*
« Précision indispensable à toute lutte contre la barbarie »

Brecht, culture contre barbarie

Camarades, sans prétendre apporter beaucoup de nouveauté, j’aimerais dire quelque chose sur la lutte contre ces forces qui s’apprêtent, aujourd’hui, à étouffer la culture dans le sang et l’ordure, ou plutôt les restes de culture qu’a laissé subsister un siècle d’exploitation.
Je voudrais attirer votre attention sur un seul point, sur lequel la clarté devrait, à mon avis, être faite, si vraiment l’on veut mener contre ces puissances une lutte efficace, et surtout si l’on veut la mener jusqu’à sa conclusion finale.
Les écrivains qui éprouvent les horreurs du fascisme, dans leur chair ou dans celle des autres, et en demeurent épouvantés, ne sont pas pour autant, avec cette expérience vécue ou cette épouvante, en état de combattre ces horreurs.

Beaucoup peuvent croire qu’il suffit de les décrire, surtout lorsqu’un grand talent littéraire et une sincère indignation rendent la description prenante.
De fait, ces descriptions sont d’une grande importance.
Voilà qu’on commet des horreurs.
Cela ne doit pas être.
Voilà qu’on bat des êtres humains.
Il ne faut pas que cela soit.
À quoi bon de longs commentaires ?
Les gens bondiront, et ils arrêteront le bras des bourreaux.
Camarades, il faut des commentaires.
Les gens bondiront, peut-être, c’est relativement facile.
Mais pour ce qui est d’arrêter le bras des bourreaux, c’est déjà plus difficile. L’indignation existe, l’adversaire est désigné.
Mais comment le vaincre ?

L’écrivain peut dire : ma tâche est de dénoncer l’injustice, et il abandonne au lecteur le soin d’en finir avec elle.
Mais alors, l’écrivain va faire une expérience singulière.
Il va s’apercevoir que la colère comme la pitié sont des phénomènes de masse, des sentiments qui quittent les foules comme ils y sont entrés.
Et le pire est qu’ils les quittent d’autant plus qu’ils deviennent plus nécessaires.
Des camarades me disaient : la première fois que nous avons annoncé que des amis étaient massacrés, il y a eu un cri d’horreur, et l’aide est venue, en quantité.
Puis on en a massacré cent. Et lorsqu’on en eut tué mille et que le massacre ne sembla plus devoir finir, le silence recouvrit tout, et l’aide se fit rare.

C’est ainsi : « Lorsque les crimes s’accumulent, ils passent inaperçus. Lorsque les souffrances deviennent intolérables, on n’entend plus les cris. Un homme est frappé à mort, et celui qui assiste est frappé d’impuissance.
Rien là que de normal.
Lorsque les forfaits s’abattent comme la pluie, il n’y a plus personne pour crier qu’on les arrête. »
Voilà ce qu’il en est.

Comment y parer ? N’y a-t-il donc aucun moyen d’empêcher les hommes de se détourner de l’horreur ? Pourquoi s’en détournent-ils ?
Parce qu’ils ne voient pas la possibilité d’intervenir.

S’il n’a pas la possibilité de les aider, l’homme ne s’attarde pas sur la douleur des autres. On peut retenir le coup lorsqu’on sait où, quand, pour quelle raison, dans quel but il est donné.
Et lorsqu’on peut arrêter le coup, lorsqu’il subsiste pour cela une possibilité, fût-ce la plus mince, alors on peut avoir pitié de la victime.
On le peut aussi dans le cas contraire, mais pas longtemps, en tout cas pas au-delà du moment où les coups commencent à s’abattre sur la victime comme la grêle.

Alors, pourquoi les coups tombent-ils ? Pourquoi la culture, ou ces restes de culture qu’on nous a laissés, pourquoi est-ce jeté par-dessus bord comme un poids mort et encombrant ?
Pourquoi la vie de millions d’hommes, de la grande majorité des hommes, est-elle à ce point appauvrie, dénudée, à moitié ou complètement détruite ?

Il y en a parmi nous qui ont une réponse.
Ils disent : c’est la sauvagerie.
Ils croient assister chez une part, et une part de plus en plus grande, de l’humanité, à un déchaînement effrayant, un déchaînement soudain, sans cause décelable, et qui disparaîtra peut-être, du moins ils l’espèrent, aussi vite qu’il est survenu ; à l’irrésistible remontée au grand jour d’une barbarie longtemps réprimée ou en sommeil, et de nature instinctuelle.
Ceux qui répondent de la sorte sentent évidemment eux-mêmes qu’une telle réponse ne porte pas très loin.
Et ils sentent également eux-mêmes qu’il n’est pas juste d’attribuer à la sauvagerie l’apparence d’une force naturelle, d’une invincible puissance infernale.

Aussi disent-ils qu’on a négligé l’éducation du genre humain.
Il y a un devoir dans ce domaine auquel on a manqué, ou bien c’est le temps qui a manqué. Il faut rattraper cela, réparer cette négligence, et mobiliser contre la barbarie – la bonté.

Il faut faire appel aux grands mots, conjurer les grandes et impérissables idées qui nous ont déjà sauvés une fois : liberté, dignité, justice, dont l’histoire passée est là pour garantir l’efficacité.
Et les voilà tout à leurs grandes incantations.
Que se passe-t-il alors ? Lui fait-on reproche d’être sauvage, le fascisme répond par un éloge fanatique de la sauvagerie.
Accusé d’être fanatique, il répond par l’apologie du fanatisme.
Le convainc-t-on de violation, de destruction de la raison, il franchit le pas allègrement, et il condamne la raison.

C’est que le fascisme trouve, lui aussi, qu’on a négligé l’éducation des masses. Il attend beaucoup de la suggestion des esprits et de l’endurcissement des cœurs.
À la barbarie de ses chambres de torture, il ajoute celle de ses écoles, de ses journaux, de ses théâtres.
Il éduque l’ensemble de la nation, il ne fait même que cela du matin au soir. Il n’a pas grand-chose d’autre à distribuer aux masses : d’où un gros travail d’éducation.

Comme il (le fascisme) ne donne pas aux gens de quoi manger, il leur apprend comment se discipliner.
Il n’arrive pas à mettre de l’ordre dans son système de production, il lui faut pour cela des guerres, il développera donc l’éducation et le courage physiques.
Il lui faut sacrifier des victimes, il développera donc le sens du sacrifice.

Cela aussi, c’est exiger beaucoup des hommes, cela aussi, ce sont bel et bien des idéaux, parfois même des exigences très hautes, des idéaux élevés.
Seulement, nous savons à quoi servent ces idéaux, qui est ici l’éducateur, et au service de qui cette éducation est mise : sûrement pas au service des éduqués.

Qu’en est-il de nos idéaux à nous ?
Même ceux d’entre nous qui aperçoivent dans la barbarie la racine du mal ne parlent, on l’a vu, que d’éduquer, d’influencer les esprits – sans rien influencer d’autre.
Ils parlent d’apprendre aux gens la bonté. Mais on n’arrivera pas à la bonté par l’exigence de bonté, de bonté sous n’importe quelles conditions, même les pires ; pas plus que la barbarie ne résulte de la barbarie.

Pour ma part, je ne crois pas à la barbarie pour la barbarie. Il faut défendre l’humanité quand on prétend qu’elle serait barbare même si la barbarie n’était pas une bonne affaire.

Mon ami Feutchwanger parodie avec esprit les Nazis lorsqu’il dit : la bassesse générale prime l’intérêt particulier (1) ; mais il n’a pas raison. La barbarie ne provient pas de la barbarie, mais des affaires ; elle apparaît lorsque les gens d’affaires ne peuvent plus faire d’affaires sans elle.

Dans le petit pays d’où je viens (2), le régime est moins terrible que dans bien d’autres. Et pourtant, chaque semaine, on y détruit cinq mille têtes du meilleur bétail. C’est un malheur, mais ce n’est pas le déchaînement subit d’instincts sanguinaires.
S’il en était ainsi, ce serait moins grave. La cause commune à la destruction du bétail et à la destruction des biens culturels, ce ne sont pas des instincts barbares. Dans un cas comme dans l’autre, on détruit une partie de ces biens qui ont coûté beaucoup de peines, parce qu’elle est devenue une gêne et une charge.
Quand on sait que les cinq continents souffrent de la faim, ces mesures sont à n’en pas douter des crimes, mais ils n’ont rien, absolument rien d’actes gratuits commis par malignité pure.
Dans le régime social en vigueur actuellement dans la plupart des pays du globe, les crimes en tous genres sont largement récompensés et les vertus coûtent très cher. « L’homme bon est sans défense et l’homme sans défense se fait matraquer : mais avec de la bassesse on obtient tout.

La bassesse s’installe pour dix mille ans.
La bonté, elle, a besoin de gardes du corps, et elle n’en trouve pas. »
Gardons-nous d’exiger des hommes la bonté, sans autre précision !
Puissions-nous, nous aussi, ne rien demander d’impossible !
Ne nous exposons pas, nous aussi, au reproche d’exhorter l’homme à des performances surhumaines, comme de supporter un régime effroyable grâce à de hautes vertus, un régime dont on dit qu’il pourrait sans doute être changé, mais non pas qu’il doit l’être ! Ne défendons pas que la culture !

Ayons pitié de la culture, mais ayons d’abord pitié des hommes !
La culture sera sauvée quand les hommes seront sauvés.
Ne nous laissons pas entraîner à dire que les hommes sont faits pour la culture et non la culture pour les hommes ! Cela rappellerait trop la pratique des foires où les hommes sont là pour les bêtes de boucherie, et non l’inverse !

Camarades, réfléchissons aux racines du mal !
Voici qu’une grande doctrine, qui s’empare de masses de plus en plus grandes sur notre planète (laquelle est encore très jeune), dit que la racine de tous nos maux est dans les rapports de propriété.
Cette doctrine, simple comme toutes les grandes doctrines, s’est emparée des masses qui ont le plus à souffrir des rapports de propriété existants et des méthodes barbares par lesquelles ils sont défendus.
Elle devient réalité dans un pays qui couvre le sixième du globe, où les opprimés et les non-propriétaires ont pris le pouvoir.

Là-bas on ne détruit pas les denrées alimentaires, on ne détruit pas les biens culturels.
Beaucoup d’entre nous, écrivains, qui apprenons et réprouvons les horreurs du fascisme, n’ont pas encore compris cette doctrine et n’ont pas décelé les racines de la barbarie.
Ils courent toujours, comme avant, le danger de considérer les cruautés du fascisme comme des cruautés gratuites.
Ils demeurent attachés aux rapports de propriété parce qu’ils croient que les cruautés du fascisme ne sont pas nécessaires pour les défendre.
Mais ces cruautés sont nécessaires à la préservation des rapports de propriété existants.
En cela les fascistes ne mentent pas, ils disent la vérité.

Ceux d’entre nos amis que les cruautés du fascisme indignent autant que nous, mais qui tiennent aux rapports de propriété existants, ou que la question de leur maintien ou de leur renversement laisse indifférents, ne peuvent mener le combat contre une barbarie qui submerge tout avec suffisamment d’énergie et de persévérance, parce qu’ils ne peuvent nommer, et aider à instaurer, les rapports sociaux qui devraient rendre la barbarie superflue.

Par contre, ceux qui, à la recherche des sources de nos maux, sont tombés sur les rapports de propriété, ont plongé toujours plus bas, à travers un enfer d’atrocités de plus en plus profondément enracinées, pour en arriver au point d’ancrage qui a permis à une petite minorité d’hommes d’assurer son impitoyable domination.

Ce point d’ancrage, c’est la propriété individuelle, qui sert à exploiter d’autres hommes, et que l’on défend du bec et des dents, en sacrifiant une culture qui ne se prête plus à cette défense ou refuse désormais de s’y prêter, en sacrifiant les lois de toute société humaine, pour lesquelles l’humanité a combattu si longtemps et avec l’énergie du désespoir.
Camarades, parlons des rapports de propriété ! Voilà ce que je voulais dire au sujet de la lutte contre la barbarie montante, afin que cela fût dit ici aussi, ou que moi aussi je l’aie dit.

Juin 1935

* Bertolt Brecht, « Précision indispensable à toute lutte contre la barbarie », Discours au Premier Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, juin 1935, dans Sur le réalisme, Éd. L’Arche, Paris, 1970, pp. 31-37.

1. Calembour. Le slogan démagogique des nazis qui est ainsi parodié (« Gemeinnutz geht vor Eigennutz ») signifie : « L’intérêt général prime l’intérêt particulier ».

2. Le Danemark.

18/03/2014

Pensum

Après la rencontre avec le président de la République, LDH, Licra, Mrap et SOS Racisme entendent poursuivre leurs efforts communs.....
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que tout reste à faire !

racisme,antisémitisme,discriminations
Circulaire adressée aux préfets

Que peut-on en effet espérer d'un chef de l’État qui ne désavouera jamais son exorbitant ministre de l'Intérieur, qui est pourtant un des premiers visés lorsqu'il s'agit de dénoncer le contexte politique qui favorise, admet et attise "une parole de haine dans le débat et l’espace public(...)." ?
Au final, il pourrait donc bien s'agir d'une visite courtoisie tout à fait vaine et organisée comme un pensum.

La Ligue des droits de l’Homme, la Licra, le Mrap et SOS Racisme ont été reçues ensemble, vendredi 14 mars, par le président de la République ; les associations, qui partagent les valeurs universelles de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, se félicitent de cette rencontre de travail, une première dans l’histoire de la République. Elles ont d’emblée souligné la dégradation du contexte politique qui a vu se déchaîner une parole de haine dans le débat et l’espace public, et pointé le risque de voir cette parole légitimée par des forces politiques engagées contre les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité.

Exprimant leur volonté de mettre en place des éléments de contre-offensive, elles ont déploré l’absence d’une parole d’État ferme, condamnant, au juste niveau, le caractère toxique de cette libération, l’absence d’un grand débat sur la place des étrangers et le déficit, au sein de l’appareil d’État, d’une représentation disposant à la fois d’une forte légitimité et de moyens suffisants.

Elles ont abordé la question du statut des étrangers, du sentiment de deux poids deux mesures qui s’enracine dans le pays, des discriminations dont les Roms sont la cible, et déploré l’état du dossier du droit de vote des résidents non européens et le fait que le récépissé de contrôle d’identité n’ait pas fait l’objet d’expérimentations. Elles ont également souligné l’importance de revivifier la Semaine d’éducation contre le racisme.

A l’écoute sur l’ensemble de ces sujets, le président de la République en a reconnu l’importance et n’a fermé aucune porte.

Les quatre associations entendent poursuivre leurs efforts communs face à la montée de la haine raciste, antisémite et xénophobe, face aux préjugés sexistes et homophobes. Elles entendent faire preuve de vigilance et de mobilisation durant les campagnes électorales des municipales et des européennes, et construire une dynamique de débat public qui fasse obstacle aux semeurs de haine et réhabilite la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.

Communiqué conjoint LDH, Licra, Mrap, SOS Racisme / Paris, le 17 mars 2014

16/03/2014

Léon Landini, écoutes et leurres diplomatiques

Comme tout sujet s’épuise et peut même finir par lasser la caravane éditorialiste, on pourra toujours faire provisoirement diversion en examinant les 634 pistes sur lesquelles le vol MH370 a pu atterrir… En attendant et si l’on veut bien y prêter attention, Léon Landini fait une fois de plus preuve de lucidité. A défaut de rassurer, son éclairage sur la récente actualité est une respiration nécessaire.

Landini, écoutes et leurres diplomatiques
E. Snowden

Depuis quelques jours, la droite est sens dessus dessous parce que certains juges ont mis sur écoute les conversations téléphoniques de Sarkozy, mis en cause dans plusieurs affaires graves.

Pourtant personne n’est scandalisé quand le gouvernement américain se permet d’espionner les conversations de tous les Français et, ajouterai-je, de tous les "Européens", Angela Merkel en tête !

Cela semble à peine « problématique » à nos gouvernants, qu’ils soient de droite ou de gauche, puisque les protestations à ce sujet sont de pure forme…

En définitive pour savoir ce que disent Sarkozy ou son avocat, le plus simple serait de le demander aux Américains qui, eux sont au courant de tout sans que cela préoccupe grand monde !

Au sujet de l’Ukraine, par l’intermédiaire des médias à leur dévotion, nos gouvernants déclarent péremptoirement qu’il est interdit à un pays de diviser en deux une nation et que cette interdiction est une loi internationale.

C’est sans doute pour cette raison qu’ils s’y sont mis à plusieurs pour dépecer la Yougoslavie en utilisant pour cela des bombes à uranium appauvri. Dans certains villages de ce pays où des bombes radio-actives ont été lâchées, les villages se dépeuplent car un nombre important d’habitants décède brutalement entre 50 et 60 ans : mais cela n’intéresse ni nos médias, ni nos gouvernants.

C’est sans doute aussi « parce qu’on n’a pas le droit de diviser un pays » que les puissances occidentales ont divisé la Corée, avec un mur frontalier de plusieurs centaines de kilomètres, qu’elles refusent la réunion de Taïwan à la Chine populaire, qu’elles viennent de susciter la division meurtrière du Soudan et que pendant trente ans, elles ont imposé la division en deux du Vietnam. Quant à la Tchécoslovaquie, elle a été divisée en deux parties sans même un référendum avec la bénédiction de son grand voisin allemand et de toute l’Union européenne… Ne parlons même pas de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques qui fut démantelée en 1991 sur une simple décision de trois présidents de République (sur 15 !), dont l’Ukrainien Koutchma, sous les applaudissements des Occidentaux, alors qu’UN AN PLUS TÔT, 76% des Soviétiques avaient voté pour le maintien de la Fédération soviétique ! Enfin, Laurent Fabius a-t-il entendu parler du Mur de la honte qui, à l’initiative de l’Etat d’Israël, divise la Palestine historique en instituant un véritable apartheid à l’encontre les habitants des Territoires occupés ?

En ce moment-même, les eurocrates de droite et de « gauche » réfléchissent à la manière la plus efficace de faire éclater l’Espagne, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Italie ou la France en invoquant l’Europe des régions transfrontalières…

Par ailleurs, en tant qu’ancien résistant, je suis révolté – le mot est faible ! – pour dire le mépris et le dégoût que m’inspire le Président de la République lorsqu’il reçoit à l’Elysée, en notre nom à tous, le soi-disant premier ministre de l’Ukraine. Premier ministre autoproclamé qu’une photo parue récemment sur l’internet montre effectuant le salut hitlérien !!!

Recevoir ce personnage au moment même où nous célébrons le 70ème anniversaire du Conseil National de la Résistance est indigne d’un président qui est censé nous représenter !

Léon Landini, ancien officier F.T.P.-M.O.I

11/03/2014

Jules Durand, Dreyfus ouvrier

L'émission « La Fabrique de l'Histoire » sur France culture vient de consacrer un documentaire sur l'affaire du « Dreyfus ouvrier » Jules Durand, dans le cadre d'une semaine sur le thème de l'engagement.

Elle fait suite à la réunion publique et à la journée d'études à l'université du Havre des 13 et 14 novembre derniers, où la LDH était très présente, et dont les travaux vont être prochainement publiés.

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Enquête sur l'affaire Jules Durand ou le 2 poids & 2 mesures
Mise en perspective : Les ouvriers marseillais soutiennent Jules Durand (3 février 2014) 

Portrait de Jules Durand inconnu © Radio France
Un documentaire de Anaïs Kien, réalisé par Françoise Camar

 

Le 25 novembre 1910, Jules Durand est condamné à avoir la tête tranchée par la cour d’assises de Rouen.

Le jeune secrétaire du syndicat des Dockers charbonniers du Havre, était accusé d'avoir appelé à se débarrasser des "Jaunes", ceux qui ne font pas grève contrairement à leurs collègues depuis près de trois semaines. 

A la suite d'une rixe un soir sur le port à la sortie des bistrots un Jaune trouve la mort. 

La Compagnie Transatlantique saisit cette belle occasion d'en finir avec cette grève et organise l'instruction dans ses propres locaux. 

Lorsque le verdict tombe, l'affaire devient nationale, Jaurès s'insurge de cette machination dans les colonnes de l'Humanité, les dockers du monde entier envoient pétitions et messages de soutien pour que Durand soit innocenté. Il le sera mais trop tard. Devenu fou, Il trouvera la mort à l'asile de Rouen, probablement inconscient que la vérité avait été rétablie. 

Cependant les auteurs de cette machination ne furent jamais inquiétés. 
Avec les témoignages de:

Marc Hedrich, juge d'instruction au tribunal de grande instance du Havre, Jean-Pierre Castelain, ethnologue, association des Amis de Jules Durand, Johan Porthier, secrétaire du syndicat des dockers, Jacques Defortescu, secrétaire de l'institut  d'histoire sociale CGT-Seine-Maritime, Pierre Lebas, ancien secrétaire de l'union locale CGT du Havre...

Dockers charbonniers havrais © Radio France

Site des Amis de Jules Durand 

08/03/2014

PAF, Roissy, violences faites aux femmes

Campagne contre les violences faites aux femmes, version Roissy ? Silence, on tape !

Communiqué cosigné par la LDH
Mercredi 26 février 2014, zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle. Six femmes honduriennes et nicaraguayennes se rendent dans le bureau de l’Anafé (Association nationale d'assistance aux frontières pour le étrangers - Permanence juridique : 01.42.08.69.93) et racontent avoir été victimes quelques heures plus tôt de violences policières lors d’une tentative de renvoi forcé à destination de Mexico. Cette première tentative a échoué devant le refus du commandant de bord d’embarquer des passager.e.s dans de telles conditions.

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Ces femmes apparaissent bouleversées, et souhaitent porter plainte. L’Anafé les assiste dans cette démarche et récolte leurs témoignages. Quatre d’entre elles sont examinées par le médecin intervenant en zone d’attente, et se voient délivrer un certificat médical attestant de lésions et hématomes multiples.
Devant la gravité des accusations, l’Anafé saisit immédiatement le ministère de l’intérieur de cette situation, et lui demande de surseoir au renvoi forcé de ces femmes dans l’attente qu’une enquête soit diligentée. Dès le lendemain, la police aux frontières (PAF) tente à nouveau de les refouler. Depuis, les tentatives de renvoi sont quotidiennes et le ministère de l’intérieur ne manifeste aucune réaction.
Mardi 4 mars, la PAF parvient à expulser deux d’entre elles : l’une d’elle aurait été menottée et bâillonnée, tandis que l’autre est renvoyée la veille de l’audience prévue devant le Juge des libertés et de la détention, et ne pourra pas faire valoir sa cause devant la Justice.
Mercredi 5 mars : les tentatives pour refouler les quatre femmes, toujours maintenues en zone d’attente se poursuivent, de même que le silence du ministère de l’intérieur. L’une d’entre elle est placée en garde à vue pour avoir refusé d’embarquer vers le Mexique, et sera finalement condamnée par le tribunal correctionnel à deux mois de prison et cinq ans d’interdiction du territoire français.
Au moment même où le gouvernement lance une campagne, conduite par la ministre des droits des femmes, pour « libérer la parole face aux violences et orienter les victimes vers les professionnels », ce slogan resterait-il lettre morte pour les femmes étrangères placées en zone d’attente ?

Face à la gravité de cette situation, nos organisations demandent au gouvernement :

  •  de permettre à celles qui ont été expulsées le 4 mars de pouvoir, si elles le souhaitent, revenir en France pour soutenir leur cause devant la Justice, et de veiller à ce que celle qui a été condamnée puisse faire valoir ses droits en appel ;
  •  de protéger d’un renvoi forcé les femmes toujours maintenues en zone d’attente de Roissy, dans l’attente que leurs plaintes soient examinées ;
  •  de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le droit à la protection contre les violences faites aux femmes soit également une réalité en zone d’attente ;
  •  et, pour les personnes demandeuses d’asile, de garantir la présence en zone d’attente de référent.e.s sur les questions de violences liées au genre.

Les organisations signataires :
ACAT ADDE ANAFE COMEDE FASTI Femmes de la terre Femmes pour le dire, Femmes pour agir Forum Femmes Méditerranée GENEPI GISTI Ligue du droit international des femmes Ligue des droits de l’Homme (LDH) Mouvement Français pour le Planning Familial Mouvement Jeunes Femmes Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) Osez le Féminisme RAJFIRE Revue Pratiques Syndicat des avocats de France (SAF) Syndicat de la Magistrature (SM) Syndicat de la Médecine générale (SMG) SOS Sexisme

7 mars 2014, Veille de la journée internationale des droits des femmes

06/03/2014

Chantage et immigration

Comment accepter sans broncher les accords de gestion concertée de l’immigration imposés par l’Union européenne aux pays limitrophes de l’UE ?... Et ce, sans qu'il soit question de faire respecter par les pays signataires le moindre engagement à respecter les droits humains ?

Quant à l'Ukraine, la question saurait-elle seulement se poser ?

immigration,accord de réadmission

Communiqué commun cosigné par la LDH
L’Union Européenne et la Tunisie ont signé, lundi 3 mars, un accord de lutte contre l’immigration clandestine, en échange d’une promesse de simplification des visas et d’ouverture à l’immigration régulière. L’UE s’est engagée à favoriser une meilleure intégration des ressortissants tunisiens en situation régulière dans l’UE, ainsi que des migrants en situation régulière en Tunisie.

Nous avons appris ce que valent ces promesses soumises aux politiques restrictives des pays européens avec des quotas par profession, par exemple, en France.

En fait l’UE recherche avec ce type d’accord déjà signé avec un premier pays méditerranéen, le Maroc en juin 2013, ainsi qu’avec d’anciennes républiques soviétiques - Moldavie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan -, à imposer à ces pays des accords de réadmission des migrants irréguliers et à transformer ces pays en gestionnaires des frontières extérieures de l’UE.

Alors même que les organisations démocratiques de Tunisie : Union générale tunisienne du travail (UGTT), Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et de l’immigration tunisienne : Coordination des Assises de l’immigration tunisienne (FTCR - ADTF- UTIT - AIDDA - COLLECTIF 3C - UTAC - ZEMBRA - ATNF - ATML- FILIGRANES - ACDR - UTS - CAPMED - CFT – YOUNGA) avaient appelé le gouvernement tunisien à ne pas signer cet accord, l’Union européenne a soumis celui-ci à une pression intense et à un chantage à l’aide économique.

Nos organisations dénoncent cette politique de l’Union européenne, qui vise à fortifier une Europe forteresse par un glacis constitué par les pays limitrophes en usant de pressions inacceptables sur ceux-ci.

Signataires : Ailes Femmes du Maroc, Association Femmes Plurielles, Attac, CGT, Cedetim-IPAM, Centre d’information inter-peuples (CIIP Grenoble), Cimade, Collectif de soutien aux réfugiés algériens, FSU, FTCR, GISTI, LDH, Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), Solidaires, Europe Écologie - Les Verts, Ensemble (Front de Gauche), Parti de Gauche (Front de Gauche).

Paris, le 6 mars 2014

05/03/2014

Extrêmes droites mutantes en Europe

Pour celles et ceux qui ne sont pas abonné(e)s...

A paraître dans le "diplo" de mars sous le titre

"Extrêmes droites mutantes en Europe"

extremes droites en europe

Depuis une trentaine d’années, un peu partout en Europe, les extrêmes droites ont le vent en poupe. Si quelques partis imprègnent leurs diatribes de références néonazies, la plupart cherchent la respectabilité et envahissent le terrain social. Se présentant comme le dernier recours et comme un rempart contre une supposée islamisation de la société, ils poussent à une recomposition des droites.

par Jean-Yves Camus, mars 2014

Si l’on fait remonter l’émergence des populismes d’extrême droite au début des années 1980, plus de trente ans ont passé sans qu’apparaisse plus clairement une définition à la fois précise et opérationnelle de cette catégorie politique. Il faut donc tenter d’y voir plus clair dans la catégorie fourre-tout de ce que l’on nomme communément « extrême droite » ou « populisme » (1).

En Europe, depuis 1945, le terme d’« extrême droite » désigne des phénomènes très différents : populismes xénophobes et « antisystème », partis politiques nationaux-populistes, parfois fondamentalismes religieux. La consistance du concept est sujette à caution, dans la mesure où, d’un point de vue plus militant qu’objectif, les mouvements affublés de cette étiquette sont interprétés comme une continuation, parfois adaptée aux nécessités de l’époque, des idéologies nationale-socialiste, fasciste et nationaliste autoritaire dans leurs diverses déclinaisons. Ce qui ne reflète pas la réalité.

Certes, le néonazisme allemand — et le Parti national-démocratique d’Allemagne (NPD) dans une certaine mesure — comme le néofascisme italien (réduit à CasaPound Italia, Flamme tricolore et Force nouvelle, soit 0,53 % des voix au total) s’inscrivent bien dans la continuité idéologique de leurs modèles, de même que les avatars tardifs des mouvements des années 1930 en Europe centrale et orientale : Ligue des familles polonaises, Parti national slovaque, Parti de la Grande Roumanie. Toutefois, au plan électoral, seul le défunt Mouvement social italien (MSI), dont l’histoire s’interrompt en 1995 avec le tournant conservateur impulsé par son chef Gianfranco Fini, a réussi à sortir cette famille politique de la marginalité en Europe occidentale (2) ; et à l’Est, elle marque aujourd’hui le pas (voir carte). Même si les succès d’Aube dorée en Grèce et du Jobbik en Hongrie (3) prouvent qu’elle n’est pas définitivement enterrée, en 2014 elle est très minoritaire.

Acceptation de la démocratie parlementaire

L’époque ne prisant guère les grandes idéologies qui prônent l’avènement d’un homme et d’un monde nouveaux, les valeurs de cette extrême droite traditionnelle s’avèrent inadaptées. Le culte du chef et du parti unique convient mal aux attentes de sociétés éclatées, individualistes, dans lesquelles l’opinion se forge à travers les débats télévisés et la fréquentation des réseaux sociaux. Toutefois, le legs idéologique de cette extrême droite « à l’ancienne » reste fondamental. C’est d’abord une conception ethniciste du peuple et de l’identité nationale, dont découle la double détestation de l’ennemi extérieur — l’individu ou l’Etat étranger — et de l’ennemi intérieur — les minorités ethniques ou religieuses et l’ensemble des adversaires politiques. C’est aussi un modèle de société organiciste, souvent corporatiste, fondé sur un antilibéralisme économique et politique niant le primat des libertés individuelles et l’existence des antagonismes sociaux, si ce n’est celui opposant le « peuple » et les « élites ».

Les années 1980-1990 ont vu le succès électoral d’une autre famille, que les médias et nombre de commentateurs ont continué à appeler « extrême droite », même si certains sentaient déjà que la comparaison avec les fascismes des années 1930 n’était plus pertinente, qu’elle empêchait la gauche d’élaborer une réponse autre qu’incantatoire à ses adversaires. Comment nommer les populismes xénophobes scandinaves, le Front national (FN) en France, le Vlaams Belang en Flandre, le Parti libéral d’Autriche (FPÖ) ? La grande querelle terminologique commençait, qui n’est pas encore close. « National-populisme » — utilisé par Pierre-André Taguieff (4) —, « droites radicales », « extrême droite » : l’exposé des controverses sémantiques qui opposent les politistes nécessiterait un livre entier. Suggérons donc simplement que les partis mentionnés ont muté de l’extrême droite vers la catégorie des droites populistes et radicales.

La différence tient à ce que, formellement et le plus souvent sincèrement, ces partis acceptent la démocratie parlementaire et l’accession au pouvoir par la seule voie des urnes. Si leur projet institutionnel reste flou, il est clair qu’il valorise la démocratie directe, par le moyen du référendum d’initiative populaire, au détriment de la démocratie représentative. Le slogan du « coup de balai » destiné à chasser du pouvoir des élites jugées corrompues et coupées du peuple leur est commun. Il vise tout à la fois la social-démocratie, les libéraux et la droite conservatrice.

Le peuple est pour eux une entité transhistorique englobant les morts, les vivants et les générations à venir, reliés par un fonds culturel invariant et homogène. Ce qui induit la distinction entre les nationaux « de souche » et les immigrés, en particulier extra-européens, dont il faudrait limiter le droit de résidence ainsi que les droits économiques et sociaux. Si l’extrême droite traditionnelle reste à la fois antisémite et raciste, les droites radicales privilégient une nouvelle figure de l’ennemi, à la fois intérieur et extérieur : l’islam, auquel sont associés tous les individus originaires de pays culturellement musulmans.

Les droites radicales défendent l’économie de marché dans la mesure où celle-ci permet à l’individu d’exercer son esprit d’entreprise, mais le capitalisme qu’elles promeuvent est exclusivement national, d’où leur hostilité à la mondialisation. Ce sont en somme des partis nationaux-libéraux, qui admettent l’intervention de l’Etat non plus seulement dans les champs de compétence régaliens, mais aussi pour protéger les laissés-pour-compte de l’économie globalisée et financiarisée, comme en témoigne le discours de Mme Marine Le Pen, présidente du FN (5).

En quoi les droites radicales se distinguent-elles finalement des droites extrêmes ? Avant tout, par leur moindre degré d’antagonisme avec la démocratie. Le politologue Uwe Backes (6) montre que la norme juridique en vigueur en Allemagne admet comme légitime et légale la critique radicale de l’ordre économique et social existant, tandis qu’elle définit comme un danger pour l’Etat l’extrémisme, qui est un rejet en bloc des valeurs contenues dans la Loi fondamentale. Sur la base de cette classification, il semble pertinent de nommer « droites extrêmes » les mouvements qui récusent totalement la démocratie parlementaire et l’idéologie des droits de l’homme, et « droites radicales » ceux qui s’en accommodent.

Un ethnicisme explicite ou latent

Ces deux familles occupent une place différente dans le système politique. Non seulement l’extrême droite se trouve dans la situation de ce que le chercheur italien Piero Ignazi appelle le « tiers exclu » (7), mais elle se fait aussi gloire de cette position et en tire des ressources. Les droites radicales, elles, acceptent de participer au pouvoir, soit comme partenaires d’une coalition gouvernementale — la Ligue du Nord en Italie, l’Union démocratique du centre (UDC) en Suisse, le Parti du progrès en Norvège, soit comme force d’appoint parlementaire d’un cabinet dans lequel elles ne siègent pas : le Parti pour la liberté (PVV) de M. Geert Wilders aux Pays-Bas, le Parti du peuple danois. Leur pérennité est-elle assurée ? Ce type de parti vit sur le fil, entre une marginalité qui, si elle dure, mène à un « plafond de verre » électoral et une normalisation qui, si elle s’avère trop évidente, peut conduire au déclin.

L’exemple grec est un cas d’école. Après presque trente ans d’existence groupusculaire, le mouvement néonazi Aube dorée remporte près de 7 % des voix lors des deux scrutins législatifs de 2012 (8). Faut-il en déduire que son racisme ésotérico-nazi a subitement gagné quatre cent vingt-six mille électeurs ? Nullement. Ceux-ci ont d’abord préféré l’extrême droite traditionnelle, incarnée par le LAOS (Alarme populaire orthodoxe) entré au Parlement en 2007. Mais entre les deux scrutins législatifs de 2012 s’est produit un événement clé : la participation du LAOS au gouvernement d’union nationale dirigé par M. Lucas Papadémos, dont la feuille de route consistait à faire approuver par le Parlement un nouveau plan de « sauvetage » financier, accordé par la « troïka (9) » au prix de mesures d’austérité drastiques. Devenu une droite radicale (10), le LAOS a perdu de son attrait au profit d’une Aube dorée qui refusait toute concession. A l’inverse, dans la plupart des pays européens, les droites radicales ont soit totalement supplanté leurs rivales extrémistes (Suède, Norvège, Suisse et Pays-Bas), soit réussi, comme les Vrais Finlandais, à émerger dans des pays où celles-ci avaient échoué.

Dernier cas de figure, qui devient fréquent : celui où la droite radicale subit la concurrence électorale de formations « souverainistes ». La volonté de sortir de l’Union européenne constitue le cœur du programme de ces partis, mais ils exploitent aussi les thématiques de l’identité, de l’immigration et du déclin culturel, sans pour autant porter le stigmate d’une origine extrémiste et en évacuant la dimension raciste. On mentionnera l’Alternative pour l’Allemagne, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), le Team Stronach pour l’Autriche et Debout la République, dirigé par M. Nicolas Dupont-Aignan, en France.

Ce n’est pas le moindre défaut du terme « populisme » que d’être utilisé à tort et à travers, en particulier pour discréditer toute critique du consensus idéologique libéral, toute remise en question de la bipolarisation du débat politique européen entre conservateurs-libéraux et sociaux-démocrates, toute expression dans les urnes du sentiment populaire de défiance envers les dysfonctionnements de la démocratie représentative. L’universitaire Paul Taggart, par exemple, malgré les qualités et la relative précision de sa définition des populismes de droite, ne peut s’empêcher d’établir une symétrie entre ces derniers et la gauche anticapitaliste. Il évacue ainsi la différence fondamentale que constitue l’ethnicisme explicite ou latent des droites extrêmes et radicales (11). Chez lui comme chez bien d’autres, le populisme de la droite radicale ne se définit pas par sa singularité idéologique, mais par sa position de dissensus au sein d’un système politique où seul serait légitime le choix de formations libérales ou de centre gauche.

De même, la thèse défendue par Giovanni Sartori selon laquelle le jeu politique s’ordonnerait autour de la distinction entre partis du consensus et partis protestataires, les premiers étant ceux qui ont la capacité d’exercer le pouvoir et qui sont acceptables comme partenaires de coalition, pose le problème d’une démocratie de cooptation, d’un système fermé. Si la source de toute légitimité est le peuple et qu’une partie conséquente de celui-ci (entre 15 et 25 % dans de nombreux pays) vote pour une droite radicale « populiste » et « antisystème », au nom de quel principe faut-il la protéger d’elle-même en maintenant un ostracisme qui tient ces formations à l’écart du pouvoir — sans d’ailleurs, sur la durée, réussir à réduire leur influence ?

Ce point de philosophie politique est d’autant plus important qu’il concerne aussi l’attitude des faiseurs d’opinion à l’égard des gauches alternatives et radicales, délégitimées parce qu’elles veulent transformer — et non aménager — la société. Ce qui leur vaut souvent, selon la vieille et fausse idée des « extrêmes qui se rejoignent », d’être désignées comme le double inversé des radicalités de droite. Le politiste Meindert Fennema construit ainsi une vaste catégorie des « partis protestataires », définis comme s’opposant à l’ensemble du système politique, blâmant celui-ci pour tous les maux de la société et n’offrant, selon lui, aucune « réponse précise » aux problèmes qu’ils soulèvent. Mais qu’est-ce qu’une « réponse précise » aux problèmes que la social-démocratie et la droite libérale-conservatrice n’ont pas réussi à résoudre ?

Le problème de l’Europe est-il d’ailleurs la montée des droites extrêmes et radicales ou le changement de paradigme idéologique des droites ? L’un des phénomènes majeurs des années 2010, c’est que la droite classique a de moins en moins de réticences à accepter comme partenaires de gouvernement des formations radicales telles que la Ligue du Nord en Italie, l’UDC suisse, le FPÖ en Autriche, la Ligue des familles polonaises, le Parti de la Grande Roumanie, le Parti national slovaque et désormais le Parti du progrès norvégien.

Il ne s’agit pas que de tactique et d’arithmétique électorales. La porosité croissante entre les électorats du FN et de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) le démontre, au point que le modèle des trois droites — contre-révolutionnaire, libérale et plébiscitaire (avec son mythe de l’homme providentiel) — élaboré naguère par René Rémond, même si on y ajoute une quatrième incarnée par le Front national (12), ne rend plus du tout compte de la réalité française. Sans doute va-t-on vers une concurrence entre deux droites. L’une, nationale-républicaine, opérerait une synthèse souverainiste et moralement conservatrice de la tradition plébiscitaire et de la droite radicale frontiste ; ce serait le retour de la famille « nationale ». L’autre serait fédéraliste, proeuropéenne, libre-échangiste et libérale au plan sociétal.

Avec bien sûr des variantes locales, la lutte de pouvoir au sein de la grande nébuleuse des droites se joue partout en Europe autour des mêmes clivages : Etat-nation contre gouvernement européen ; « une terre, un peuple » contre une société multiculturelle ; « soumission totale de la vie à la logique du profit (13) » ou primat de la communauté. Avant de penser la manière de battre les droites radicales dans les urnes, la gauche européenne devra admettre les mutations de son adversaire. On en est loin.

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, fondation Jean-Jaurès. Auteur de l’ouvrage Les Droites extrêmes en Europe, Seuil, Paris, à paraître.
 

(1) Lire Serge Halimi, «  Le populisme, voilà l’ennemi  !  », et Alexandre Dorna, «  Faut-il avoir peur du populisme  ?   », Le Monde diplomatique, respectivement avril 1996 et novembre 2003.

(2) Son parti Futur et liberté pour l’Italie a obtenu 0,47 % des voix aux élections de février 2013.

(3) Lire G. M. Tamas, «  Hongrie, laboratoire d’une nouvelle droite  », Le Monde diplomatique, février 2012.

(4) Pierre-André Taguieff, L’Illusion populiste, Berg International, Paris, 2002.

(5) Lire Eric Dupin, «  Acrobaties doctrinales au Front national  », Le Monde diplomatique, avril 2012.

(6) Uwe Backes, Political Extremes : A Conceptual History From Antiquity to the Present, Routledge, Abingdon (Royaume-Uni), 2010.

(7) Piero Ignazi, Il Polo escluso. Profilo storico del Movimento Sociale Italiano, Il Mulino, Bologne, 1989.

(8) Aucune majorité ne s’étant dégagée pour former un nouveau gouvernement après les élections législatives de mai 2012, un nouveau scrutin s’est tenu un mois plus tard.

(9) Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne.

(10) M. Georgios Karatzaferis, qui le dirige, appartenait auparavant à la Nouvelle Démocratie du premier ministre Antonis Samaras.

(11) Paul Taggart, The New Populism and the New Politics : New Protest Parties in Sweden in a Comparative Perspective, Palgrave Macmillan, Londres, 1996.

(12) René Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Aubier, Paris, 1954. Ajout pris en compte par l’auteur dans Les Droites aujourd’hui, Louis Audibert, Paris, 2005.

(13) Robert de Herte, Eléments, n° 150, Paris, janvier-mars 2014.

02/03/2014

UKRAINE, mission impossible

Pour Svoboda et les nouveaux maîtres auto-déclarés de Kiev, qui ne réussissent à masquer ni leur antisémitisme ni leurs origines fascistes, tout est bon pour une «dé-soviétisation» de l’Ukraine, y compris un rapprochement avec une UE impuissante, prête à tous les compromis mais trop heureuse de pouvoir jouer le rôle très subalterne quoique déstabilisant de "miroir aux alouettes".

La guerre des corrompus est-ouest n'en est qu'à ses débuts et il ne faut sans doute pas compter sur Poutine pour éprouver une quelconque bienveillance à l'égard de l'Europe et des USA qui, sans en avoir les moyens, lorgnent jusqu'à en loucher sur les positions géostratégiques de la fédération de Russie.
Pour sortir de l'impasse, encore faudrait-il que les dirigeants, de part et d'autre de l'Ukraine, fassent l’effort de se parler et renoncent à leurs prétentions. Mission impossible ?...

L'analyse de Jacques Sapir vaut mise au point :

ukraine

  • Le mouvement de contestation du pouvoir du Président Ianoukovitch, mouvement dont la base était une révolte contre la corruption bien plus qu’une volonté d’adhésion à l’union Européenne, a été débordé par des éléments ultra-nationalistes, dont certains appartiennent à des groupuscules fascisants. Ces éléments ont délibérément cherché l’affrontement, en tirant sur les forces de sécurité, faisant prendre des risques inconsidérés aux autres manifestants qui étaient pris en otage. Ces militants portent une large part de responsabilité dans les morts de la place Maidan. Leur nombre oscille entre 10000 et 20000 ; ils étaient minoritaires dans le mouvement de protestation, mais ils sont devenus politiquement dominants au fur et à mesure que la situation se dégradait et que montait la violence des affrontements. Ce sont eux qui ont cherché à prendre d’assaut le Parlement, provoquant la réaction des forces de sécurité, et déclenchant la séquence des événements qui a conduit à la fuite de Ianoukovitch.

  • Il faut ici rappeler que le Président et le Parlement ont été régulièrement élus. Mais, ces élections (2010) avaient permis de mesurer combien la politique ukrainienne était marquée par une division entre des populations russes (et russophones) regroupées à l’est du pays et des population ukrainophonnes, dont une partie habite les régions qui, avant 1914, étaient soit dans l’empire Austro-Hongrois soit étaient en Pologne. L’Ukraine est un pays neuf, dont l’existence est fragilisée par ces divisions. Ces dernières ont été renforcées par les évolutions économiques de ces dix dernières années, qui ont vu les relations avec la Russie se développer rapidement. L’Ukraine de l’Est, russophone, vit mieux que l’Ukraine de l’Ouest. Pour cette dernière, l’Union européenne représente un pôle d’attraction important, même s’il est probablement imaginaire compte tenu de la situation économique actuelle de l’UE.

  • Le pouvoir légal a lui aussi une part de responsabilité dans ces événements tragiques, que ce soit par un usage disproportionné de la force au début des manifestations, ou par ses hésitations par la suite qui ont démoralisé une bonne part de ses soutiens. Il a été incapable de s’opposer à une logique minoritaire, qui s’est exprimée même au Parlement lors du vote, au début du mois de février de la loi supprimant le statut de langue officielle au Russe (à côté de l’Ukrainien). Ce vote apparaît aujourd’hui comme un tournant symbolique car il a fait basculer l’affrontement d’une logique de lutte pour la démocratie et contre la corruption à une logique nationaliste-ethniciste. Les populations tant russes que russophones des régions de l’Est de l’Ukraine et de la Crimée n’ont pu qu’être légitimement inquiètes de la rupture du pacte sur lequel était fondé l’Ukraine indépendante depuis 1991.

  • Mais, l’opposition légale a aussi une part de responsabilité en particulier dans son incapacité à faire respecter les accords signés avec le Président. Elle s’est laissée déborder par les groupes ultra-nationalistes et n’a pu ni su les reprendre en main. Elle s’est aussi bercée d’illusion sur le soutien que les pays de l’Union européenne pourraient lui apporter.

  • À la suite des événements tragiques de fin février s’est donc mis en place un pouvoir de fait à Kiev, provoquant un effondrement de la légitimité de l’État ukrainien. La dissolution d’unités de la police, qui n’avaient fait qu’obéir aux ordres, a provoqué une profonde inquiétude dans les régions de l’Est. Ce à quoi on assiste depuis le 28 février, soit la prise du pouvoir par des groupes pro-russes en Crimée, à Kharkov, à Donetsk et même à Odessa, n’est que la suite logique du basculement d’une lutte pour la démocratie et contre la corruption vers un affrontement ethnique. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’intervention militaire de la Russie qui est en cours. Il faut ici ajouter qu’il y a en Ukraine pas moins de 17 réacteurs nucléaires et de nombreux centres de stockage de matériaux fissiles, ce qui représente un autre danger pour la sécurité de la région toute entière.

  • Personne, dans ces conditions, n’a intérêt, sauf les groupes extrémistes, à une partition de l’Ukraine. Ce n’est pas dans l’intérêt de la Russie, qui certes y gagnerait ce qu’elle possède de facto déjà, soit l’industrie ukrainienne, mais qui verrait alors se profiler une longue période d’affrontements avec l’UE et les États-Unis. Ce n’est pas non plus l’intérêt de l’UE, car il lui faudrait porter littéralement à bout de bras l’Ukraine occidentale (et la moitié de la population). Le coût économique serait élevé dans une situation où plus personne ne veut payer pour autrui. Il serait aussi répété sur de nombreuses années, car l’on voit mal comment la situation de l’Ukraine occidentale pourrait s’améliorer à court terme. Les conséquences financières seraient aussi importantes, car les banques européennes, et en particulier autrichiennes, sont lourdement exposées au risque ukrainien. De plus, l’UE pourrait être tenue pour responsable de la situation en Ukraine centrale et occidentale et, avec la montée rapide d’un désenchantement qui n’est hélas que trop probable, elle devrait affronter la montée de sentiments pro-russes dans cette population.

  • Il faut donc aujourd’hui que les dirigeants de l’UE et les dirigeants russes se rencontrent d’urgence et établissent une feuille de route pour une fédéralisation de l’Ukraine, mais maintenant son intégrité territoriale. Des garanties doivent être apportées à la population russophone, et les groupes ultra-nationalistes doivent être d’urgence désarmés et réduits à l’impuissance. L’Ukraine peut vivre comme une Nation souveraine, mais à la condition de trouver les formes de son intégration économique. Or, aujourd’hui, seule la Russie et l’union eurasienne sont en mesure de fournir un véritable moteur au développement du pays. L’Union Européenne doit cesser de penser que la Russie financera une Ukraine hostile. La Russie doit pour sa part comprendre le tropisme politique et culturel vers l’Europe d’une partie de la population ukrainienne. Les conditions d’un accord permettant au pays de retrouver sa stabilité sont possibles. Elles correspondent aux intérêts tant de l’UE que de la Russie. Il faut espérer que l’idéologie de l’affrontement ne l’emportera pas et que la raison triomphera.