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01/08/2015

Exil

Exil par Angélique Ionatos, août 2015

Les poètes sont en exil. Dans notre monde soumis à une nouvelle barbarie, celle de la ploutocratie, il faut les interroger pour retrouver la mémoire et l’utopie tout à la fois. Ce sont eux qui veillent sur notre humanité.

Ma « belle et étrange patrie (1) », qui a déposé une terre si fertile sur mes racines, m’a enseigné que la poésie depuis toujours nourrit le chant. Et ce chant peut devenir un cri.

Exil, Angelique Ionatos
Abdallah Benanteur, Odysseus Elytis, Poèmes, 2004. Livre en feuilles, poèmes en français

 

C’est le hasard qui nous fait naître dans un pays plutôt que dans un autre. Et c’est l’exil qui nous fait prendre conscience de notre identité culturelle.

Je n’ai pas choisi l’exil ; je l’ai subi et j’en ai souffert.
Pour m’intégrer —donc pour survivre— sur la terre « d’accueil », il m’a fallu pour quelque temps renoncer à mon identité. Et, pour commencer, il fallait apprendre la langue étrangère, sinon on n’existe pas.

 
Notre monde occidental est, à tort ou à raison, logocentrique. Il s’installe donc une distance (physique et mentale) entre nous, expatriés, et notre pays d’origine. C’est précisément cette distance qui nous dispensera au fil du temps des richesses insoupçonnées. Entre autres, celle de la redécouverte de notre patrie.

Ce qui m’a aidée à supporter l’exil lorsqu’il devenait trop lourd, ce fut la poésie. « Grecque me fut donnée ma langue, humble ma maison sur les sables d’Homère. Unique souci ma langue sur les sables d’Homère (2). »

Lorsque j’ai enfin commencé à bien comprendre et parler le français, j’ai pu me tourner vers le grec et le redécouvrir dans toute sa beauté, sa singularité, sa richesse et sa liberté.

En 1992, je recevais d’Odysseus Elytis un petit livre à la couverture bleue cartonnée, dont le titre était gravé en rouge. Sous le titre, il y avait le dessin d’une sirène tenant dans une main un bateau et dans l’autre un poisson. Le poème s’intitulait « Parole de juillet » (3). Ce titre a tout de suite sonné dans ma tête comme « Parole d’honneur ! ».

Et j’ai commencé à le mettre en musique. C’est devenu une élégie ; mais une élégie solaire. La couleur du deuil serait blanche. Le thrène (4) se déroulerait en plein midi avec la déloyale et stridente concurrence des cigales. « Une cigale qui a su convaincre des milliers d’autres, la conscience éblouissante comme un été (5). »

Voici les premiers vers de « Parole de juillet » : « Mesuré est le lieu des hommes, et les oiseaux ont reçu le même, mais immense ! » Et plus loin : « Le Soleil sait. Il descend en toi pour regarder. Car l’extérieur n’étant que reflet, c’est dans ton corps que la nature demeure et de là qu’elle se venge. Comme dans une sauvagerie sacrée pareille à celle du lion ou de l’Anachorète Ta propre fleur pousse que l’on nomme Pensée. »

Depuis quelques mois, mon pays se trouve au cœur de l’actualité. J’entends et je lis des commentaires qui souvent me blessent. Or je connais la situation tragique dans laquelle se trouvent mes compatriotes, pour l’avoir vue de près. Dans ma ville, Athènes, où les murs crient leur misère, mais aussi dans ma propre famille. L’humiliation est terrible ! C’est pour cela que j’ai eu le désir de parler des poètes, ces autres exilés. J’ai eu le désir de remettre leur parole au cœur de cette tourmente. Et de vous en faire cadeau.

Le premier devoir d’un artiste est de témoigner de son temps. Et de résister ! « Chacun selon ses armes », dit le poète Elytis. Pour redonner espoir et dignité.

Souvent je me sens découragée parce qu’impuissante face à tant de malheur. Parfois même je suis tentée de me taire.

Alors, je lis mes poètes. Leurs mots jamais ne s’oxydent à l’haleine du désespoir. Leur parole est politique et souvent prophétique. Et voilà que l’espoir revient comme « un chant de maquisard dans la forêt des aromates (6) ».

Angélique Ionatos

Chanteuse, guitariste et compositrice. Elle a quitté la Grèce des colonels en 1969.

(1) Titre d’un poème d’Odysseus Elytis (1911-1996), poète grec, Prix Nobel de littérature 1979.

(2) Odysseus Elytis, Axion Esti, Gallimard, Paris, 1996 (1re éd. 1987).

(3) Du recueil Les Elégies de la pierre tout-au-bout, 1991.

(4) Lamentation chantée lors des funérailles.

(5) Odysseus Elytis, poème Glorificat.

(6) Níkos Gátsos (1911-1992), Amorgos, Desmos, Paris, 2001.

13/07/2015

Imbécile heureux

Depuis B. Brecht, la fabrique de l’extrême droite tourne à nouveau à plein régime avec un gout prononcé pour une autodestruction obsessionnelle sur le modèle de l’ignoble Wolfgang Schäuble, avec un regain d’hypocrisie, une honte dissimulée prélude au négationnisme, associée à des controverses sans issue et à des délires de toutes sortes.
Il est trop tôt pour reprocher quoique-ce soit à Alexis Tsipras. Qu’aurions-nous fait à sa place sachant que la Grèce toute entière exceptée ses propres naufrageurs n’espérait rien tant que le pain et l’eau. La survie.


« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Grèce, Tsipras
La Résistible ascension d'Arturo Ui
L' Attroupement 2 – 1985 Châteauvallon

Et puis, ce faisant, « le politicien malhonnête, menteur et corrompu (…) », resté dans l’ignorance de ce qu’un peuple peu à peu plongé dans une misère tiédasse peut ou ne peut même plus ressentir, mais qui a bien vu tout le parti qu’il pouvait encore en tirer, n’hésite pas à introniser un fascisme nouveau, un nouvel iceberg, mésestimé dans sa capacité destructrice mais bien réel. Pour la Grèce, la partie visible de cet iceberg porte un nom : « Aube Dorée ». Et ici ?…
Nous pouvons toujours pleurer pour nos ancêtres grecs.
Aujourd’hui rien n’y fera, mais nous aurons toujours à charge de leur succéder.

06/07/2015

Ré-oxygéner le débat sur la dette

Après la victoire de l'OXI, la Grèce n'est pas sortie des négociations donc des difficultés à faire comprendre un certain nombre d'évidences parfaitement ignorées voire sciemment contredites comme par exemple "les autres peuples européens ne paieront pas pour les Grecs" ! Ce type d'argument, pour le coup "populiste" et qui s'adresse aux opinions publiques pour les contraindre, révèle un fort taux de mauvaise foi.
Le guide p
ublié
par devrait pouvoir ré-oxygéner le débat sur la dette et contribuer à réduire son inquiétante obésité.

Dette, collectif pour un audit citoyen, grèce

Grèce : petit guide contre les bobards médiatiques

Malgré l’ingérence et la pression des dirigeants de l’Union Européenne, le peuple grec a décidé de prendre courageusement son destin en main et d’en finir avec les politiques d’austérité qui ont plongé le pays dans la misère et la récession. Dans les pays victimes de la Troïka, mais aussi dans de nombreux autres pays européens, cette victoire est perçue comme un formidable encouragement à lutter pour mettre un terme à des politiques profitables aux marchés financiers et désastreuses pour les populations.

Mais déjà les grands médias relaient l’idée absurde selon laquelle l’annulation de la dette grecque « coûterait 600 euros à chaque contribuable français ». À mesure que les négociations vont se durcir entre la Grèce et la Troïka, la propagande va s’intensifier et notre travail d’éducation populaire sur la question de la dette publique va devenir de plus en plus décisif. Ces réponses aux idées reçues sur la dette grecque ont vocation à y contribuer. (Version PDF)

Idée reçue n°1 : Annuler la dette grecque: 636 € par Français ?

Le discours officiel sur la Grèce

« Il n’est pas question de transférer le poids de la dette grecque du contribuable grec au contribuable français » (Michel Sapin, ministre de l’Économie, Europe N°1, 2/02), « une ardoise de 735 € par Français » (Le Figaro, 8 janvier), 636 € selon TF1 (2 février).

Pourquoi c’est faux ?

La France est engagée à la hauteur de 40 milliards € par rapport à la Grèce : une petite partie a été prêtée à ce pays dans le cadre de prêts bilatéraux, le reste (environ 30 milliards d’euros) étant apporté en garantie au Fonds européen de solidarité financière1 (FESF), lequel a emprunté sur les marchés financiers pour prêter à la Grèce.

Dans les deux cas ces prêts sont déjà comptabilisés dans la dette publique française (environ 2000 milliards €). Leur annulation n’augmenterait donc pas la dette.

La France devra-t-elle débourser ces sommes en cas d’annulation de la dette grecque ? Non, car en fait, la France, comme la plupart des pays, ne rembourse jamais vraiment sa dette. Lorsqu’un emprunt vient à échéance, la France le rembourse en empruntant de nouveau. On dit que l’État fait « rouler sa dette ».

La seule chose que perdraient les contribuables français, ce sont les intérêts versés par la Grèce, soit 15 € par Français et par an2.

La BCE pourrait résoudre facilement le problème de la dette grecque. Elle pourrait rayer d’un trait de plume les 28 milliards qu’elle détient. Elle pourrait racheter aux institutions publiques (États, FESF) les titres grecs qu’ils détiennent, et les annuler également. Ou bien les transformer – comme le demande la Grèce – en obligations perpétuelles, avec un taux d’intérêt fixe et faible, et pas de remboursement du capital. De toute façon une banque centrale ne court aucun risque financier puisqu’elle peut se refinancer elle-même par création monétaire.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

En France aussi la dette publique est insoutenable et ne pourra pas être remboursée. Les taux d’intérêt sont très faibles aujourd’hui ? Oui, mais c’est parce que la France mène une politique d’austérité qui plaît aux marchés financiers. C’est aussi parce que les investisseurs financiers ne veulent plus courir le risque d’investissements dans le secteur productif. Pour en finir avec cette politique en France et en Europe, il faudra aussi alléger le poids des dettes, d’une façon ou d’une autre : restructuration, remboursement partiel par un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes, annulation partielle… toutes les hypothèses doivent être étudiées et faire l’objet de choix démocratiques.

Idée reçue n°2 : Quand on doit, on rembourse ?

Le discours officiel sur la Grèce

« La Grèce devra rembourser sa dette » (Michel Sapin, 2 février) « Une dette est une dette. Rembourser est un devoir éthique pour un État de droit » (Marine Le Pen, 4 février)

Pourquoi c’est faux ?

Sauf rares exceptions, un État ne rembourse pas sa dette : il ré-emprunte pour faire face aux échéances. Au budget de l’État figurent les intérêts de la dette, jamais le remboursement de la somme empruntée (le principal). Contrairement à un particulier, l’État n’est pas mortel, il peut s’endetter sans fin pour payer ses dettes. C’est la différence avec l’emprunt d’une mère de famille qui, elle, est obligée de rembourser sa dette.

Mais quand les marchés financiers ne veulent plus prêter à un État, ou exigent des taux d’intérêt exorbitants, et que l’Etat n’a plus accès à la création monétaire de la Banque Centrale de son pays, les choses se gâtent. C’est pourquoi en 2011, quand les banques ont pris peur devant les difficultés de la Grèce, la BCE et les États européens ont du lui prêter.

C’est ce qui leur permet aujourd’hui d’exercer un brutal chantage en menaçant de couper les crédits à la Grèce si son gouvernement maintient les mesures anti-austérité promises aux électeurs: hausse du SMIC et des retraites, ré-embauche des fonctionnaires licenciés, arrêt des privatisations.

De nombreuses expériences historiques de pays surendettés (Allemagne 1953, Pologne 1991, Irak 2003, Équateur 2008, Islande 2011, Irlande 2013…) ont pourtant abouti à la même conclusion : quand la dette est trop lourde (190% du PIB pour la Grèce !), il faut l’annuler et/ou la restructurer pour permettre un nouveau départ.

Chacun sait – même le FMI et la BCE – que l’actuel fardeau de la dette est trop lourd pour la Grèce. Une renégociation est nécessaire, portant sur une annulation partielle, sur les taux d’intérêt et l’échéancier. Il faut pour cela une conférence européenne sur la dette comme ce fut le cas en 1953 pour la République Fédérale Allemande.

Pour être efficace cette conférence doit pouvoir prendre appui sur les travaux d’une commission internationale et citoyenne d’audit de la dette grecque. Cet audit déterminera quelles est la part légitime de la dette, dont il convient de s’acquitter, même avec taux d’intérêt et des délais renégociés, et la part illégitime, qui peut être contestée.

Est légitime la dette contractée légalement pour financer des investissements ou des politiques profitables à la population. Est illégitime la dette qui n’a pas servi les intérêts de la population, mais a bénéficié à des minorités privilégiées. Selon la jurisprudence internationale, une dette peut même avoir un caractère odieux ou être illégale, selon la façon dont elle a été contractée.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

En France aussi, une démarche large d’audit citoyen est nécessaire pour sensibiliser l’opinion et montrer qui sont les véritables bénéficiaires du système de la dette. Le premier rapport d’audit citoyen publié en mai 2014 a montré que 59% de la dette française pouvait être considérée comme illégitime, de par son origine (taux d’intérêt excessifs, cadeaux fiscaux). Restructurer la dette française dégagerait des ressources pour les services publics, la transition écologique… Nous allons organiser une conférence européenne des mouvements sociaux sur la dette, afin de généraliser la démarche.

Idée reçue n°3 : Les Grecs se sont goinfrés, ils doivent payer ?

Le discours officiel sur la Grèce

La Grèce, c’est une « administration pléthorique, 7% du PIB contre 3% en Europe », une « difficulté à lever l’impôt et à maîtriser les dépenses » (Claudia Senik, économiste)

Pourquoi c’est faux ?

Selon l’OCDE, les fonctionnaires représentaient en Grèce 7% de l’emploi total en 2001, et 8% en 2011, contre 11% en Allemagne et 23% en France (incluant la sécurité sociale). Les dépenses publiques de la Grèce représentaient en 2011 42% du PIB contre 45% (Allemagne) et 52% (France).

Pourquoi donc, avant même la crise financière et la récession, la dette publique grecque était-elle déjà de 103 % du PIB en 2007 ? Une étude récente montre que la flambée de la dette grecque ne résulte pas du tout d’une gabegie de fonctionnaires et de prestations sociales. Les dépenses sont restées globalement constantes en % du PIB, de 1990 jusqu’à 2007. Comme en France, ce sont les taux d’intérêt excessifs et les cadeaux fiscaux qui ont gonflé la dette. Mais en plus, les diktats de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI) ont fait plonger le PIB grec de 25 % depuis 2010, ce qui a provoqué mécaniquement une hausse de 33 % du rapport entre la dette et le PIB !

Les taux d’intérêt exigés par les prêteurs entre 1990 et 2000 ont été extravagants : en moyenne 7,5 % (taux réel corrigé de l’inflation), pour une croissance du PIB de 2,5 %. D’où un effet « boule de neige » : l’État grec s’est endetté pour parvenir à payer ces intérêts exorbitants. Si le taux d’intérêt réel était resté limité à 3 %, la dette publique grecque aurait représenté 64 % du PIB en 2007 au lieu de 103 %.

Concernant les recettes publiques, pour remplir le critère de Maastricht sur le déficit maximum de 3%, la Grèce a très fortement augmenté les impôts dans les années 1990 : de 28% à 42% du PIB. Mais dès l’entrée dans la zone euro en 2001, les riches grecs ont fait la fête. Ainsi entre 2004 et 2008 la Grèce a réduit les droits de succession, diminué par deux fois les taux d’imposition sur le revenu et décrété trois lois d’amnistie fiscale pour les fraudeurs (Études économiques de l’OCDE, Grèce 2009). Les recettes fiscales sont retombées à 38% du PIB. Si elles avaient gardé leur niveau de 2000, la dette publique grecque aurait représenté, en 2007, 86 % du PIB au lieu de 103 %.

Au total, avec des taux d’intérêt «raisonnables» et un simple maintien des recettes publiques, la dette grecque aurait été deux fois plus faible en 2007. Autrement dit on peut considérer que la moitié de la dette grecque était illégitime à cette date : elle a découlé d’une ponction opérée par les créanciers, nationaux ou étrangers, et d’une baisse des impôts au bénéfice principal des plus riches. L’explosion de la dette depuis 2007, quant à elle, est entièrement due à la récession infligée par la Troïka. Elle est donc encore plus illégitime.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

Le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique a déjà montré que les mêmes mécanismes (taux d’intérêt excessifs et cadeaux fiscaux) expliquent 59% de la dette publique française. En France aussi on pourrait en finir avec les politiques d’austérité si l’on remettait en cause le fardeau de cette dette, par une annulation partielle et / ou des mesures de restructuration.

Idée reçue n°4 : On a aidé les Grecs, ils doivent nous remercier?

Le discours officiel sur la Grèce

« La Grèce doit cesser d’être un puits sans fond » (Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, 12/02/2012)

Pourquoi c’est faux ?

De 2010 à 2013 la Grèce a reçu 207 Milliards d’euros en prêts des États européens et des institutions européennes assortis de plans de réformes. Il s’agirait « d’aides à la Grèce ».

Une étude d’ATTAC Autriche3 décortique les destinations des 23 tranches de financement imposées à la Grèce de 2010 à 2013. 77 % de ces prêts ont servi à recapitaliser les banques privées grecques (58 Mds €) ou ont été versés directement aux créanciers de l’État grec (101 Mds €), pour l’essentiel des banques européennes et américaines.

Pour 5 euros empruntés, 1 seul est allé dans les caisses de l’État grec !

Le mensuel Alternatives économiques (février 2015) complète l’analyse : de 2010 à fin 2014, 52,8 Mds € de ces prêts ont servi à payer les intérêts des créanciers. Seuls 14,7 Mds € ont servi à financer des dépenses publiques en Grèce.

Ces 207 Mds € ont donc beaucoup « aidé » les banques et les créanciers mais très peu la population grecque. Celle-ci, en revanche, doit subir l’austérité imposée par la Troïka (BCE, Commission FMI) lors de la négociation de ces prêts. De plus, l’État grec doit payer les intérêts sur l’intégralité de ces plans d’aide. Il est endetté encore pour 40 ans, jusqu’en 2054 ; 30 Mds € sont à verser en 2015.

Qui sont les véritables créanciers de la dette grecque et qui décide de son utilisation ? Pour une dette totale de 314 Mds €, les créanciers sont : le Fonds européen de stabilité financière (FESF, maintenant remplacé par le MES, 142 Mds) , les autres États européens (53 Mds), le FMI (23 Mds), le secteur privé (39 Mds), la BCE (27 Mds) et d’autres créanciers privés (31 Mds).

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), entré en vigueur en 2012, gère désormais les prêts aux États de l’UE. Il contracte des prêts sur les marchés financiers et décide de leur affectation (principalement le sauvetage des banques privées). Les acteurs des marchés financiers se financent auprès des banques centrales, dont la BCE, à des taux très inférieurs à l’inflation. Le siège du MES est au Luxembourg, paradis fiscal bien connu.

À aucun moment, l’État grec n’a la main sur les fonds souscrits par le MES. En plus des réformes imposées par la Troïka, les Grecs payent pour des prêts qui ne leur ont pas été versés et qui pour l’essentiel profitent au secteur de la finance !

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

Les « aides » bénéficient en fait aux banques et sont payées au prix fort par les populations. Entre satisfaire les besoins fondamentaux (nourriture, logement, protection sociale, santé et éducation) ou engraisser les principaux créanciers, le choix va de soi : la priorité n’est pas le remboursement, mais l’audit des dettes publiques et la clarté sur l’usage des fonds des soi-disant « sauvetages ».

Idée reçue n°5 : La Grèce doit poursuivre les réformes engagées ?

Le discours officiel sur la Grèce

Selon Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, « la Grèce est tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, sans aucune alternative, quel que soit le résultat du futur scrutin » (Le Monde 4/01/2014). Ce que François Hollande a confirmé après la victoire de Syriza : « des engagements ont été pris et doivent être tenus » (27/01).

Pourquoi c’est faux ?

L’austérité imposée n’a pas d’autre objectif que de dégager des capacités de remboursement pour les créanciers. Or, l’échec est criant ! Oui, la Grèce a besoin de réformes économiques, sociales et politiques. Mais pas celles de la Troïka – toujours moins d’État, toujours plus de marchés et d’inégalités – qui ont lamentablement échoué. Contre les logiques financières de court terme, trois pistes complémentaires doivent permettre la réappropriation par le peuple grec de son avenir :

(i) Un plan ambitieux de reconquête de l’emploi et de développement économique qui redessine le système productif vers la transition écologique. Ce plan serait bénéfique, contrairement aux affirmations de la Troïka, car 1 euro d’investissement public aura des effets multiplicateurs sur l’investissement privé et l’activité économique aujourd’hui totalement déprimés. Les pouvoirs publics doivent maîtriser le financement de l’activité : par exemple avec la création d’une banque publique de développement, un investissement massif dans l’économie sociale et solidaire, le développement de monnaies complémentaires, la promotion des banques coopératives.

(ii) La priorité à la cohésion sociale et économique contre la compétitivité et la flexibilité. La Troïka a imposé une baisse généralisée des revenus ainsi que la suppression de droits sociaux élémentaires qui ont contracté l’activité sans pour autant réduire la dette. L’État doit donc retrouver son rôle de régulateur et d’accompagnement pour maintenir la cohésion et prendre en compte les besoins socio-économiques du pays. Le partage du travail permettrait la création d’emplois et soutiendrait la demande. Le chômage pourrait baisser rapidement. Ces réformes passeraient par une autre répartition des richesses.

(iii) La refonte de la démocratie et la réforme de l’État au service des citoyens et de la justice sociale. La souveraineté de l’État passe par une fiscalité progressive, la lutte contre la corruption, la fraude et l’évasion fiscales. Ces réformes permettront de redonner des marges de manœuvre budgétaire pour financer le plan de relance, et pour lutter contre les inégalités4 et la pauvreté. Les privilèges détenus par l’oligarchie grecque, comme les armateurs, doivent donc être abolis.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

L’austérité a échoué, mais des réformes ambitieuses, radicalement différentes, sont possibles et nécessaires. Un audit des dettes publiques des pays européens pourra identifier des pistes pour leur allègement décisif. Il faut une politique économique volontariste pour renouer avec une dynamique d’investissements d’avenir vers la transition écologique. Ceci suppose la redistribution des richesses et la reconquête de la souveraineté démocratique sur l’économie, en particulier en stoppant les privatisations. Ces réformes doivent être coopératives et non soumises à la logique de la guerre économique.

Idée reçue n°6 : L’austérité, c’est dur mais ça finit par marcher ?

Le discours officiel sur la Grèce

« L’austérité, ça paye ! La Grèce repart en trombe. Selon les dernières prévisions de Bruxelles, la croissance sera cette année de 2,5 % en Grèce et 3,6 % l’année prochaine, ce qui fera d’Athènes le champion de la croissance de la zone euro! Le chômage commence à refluer de 28 à 26 %. Bref, au risque de choquer: la détestée troïka a fait du bon boulot!» (Alexis de Tarlé, JDD, 8 février)

Pourquoi c’est faux ?

Les Grecs seraient-ils stupides d’avoir mis fin à une politique qui marchait si bien ? En 2014, le PIB de la Grèce est inférieur de 25,8 % à son niveau de 2007. L’investissement a chuté de 67%. Quel bon boulot ! Le taux de chômage est de 26% alors même que nombre de jeunes et de moins jeunes ont dû quitter leur pays pour trouver un emploi. 46% des Grecs sont au-dessous du seuil de pauvreté, la mortalité infantile a augmenté de 43%. Quant aux prévisions de Bruxelles, à l’automne 2011 elles annonçaient déjà la reprise en Grèce pour 2013. Finalement, le PIB grec a chuté de 4,7% cette année-là.

Tous les économistes honnêtes le reconnaissent maintenant. Les politiques d’austérité imposées par les institutions européennes ont été catastrophiques pour la Grèce et l’ensemble de la zone Euro.

Les classes dirigeantes et la technocratie européenne ont voulu utiliser la crise pour réaliser leur vieux rêve : réduire les dépenses publiques et sociales. Sous les ordres de la Troïka et la menace des marchés financiers, les pays du Sud de l’Europe ont dû mettre en œuvre des plans drastiques de réduction des déficits publics qui les ont menés à la dépression. De 2009 à 2014, la réduction des dépenses a été de 11% du PIB pour l’Irlande, 12,5 % du PIB pour l’Espagne et le Portugal ; 28 % pour la Grèce. Les déficits ont certes été réduits, mais avec un coût social et économique monstrueux.

Et la dette a continué d’augmenter ! Pour la zone euro, elle est passée de 65% à 94% du PIB entre 2008 et 2014. L’austérité n’a pas payé, elle a au contraire enfoncé le continent dans la crise. En réduisant les impôts des hauts revenus et des sociétés, les États ont creusé les déficits, puis ont emprunté aux riches pour financer ces fameux déficits. Moins d’impôts payés d’un côté, plus d’intérêts perçus de l’autre, c’est le bingo pour les plus riches !

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

On demande aux Grecs de payer chaque année 4,5 points de la richesse nationale pour rembourser leur dette; aux citoyens européens, on ne demande « que » 2 points. L’effet est partout le même : toujours plus de chômage, et toujours moins de ces investissements publics qui pourraient préparer l’avenir.

C’est la leçon du calvaire grec. Y mettre fin concerne tous les pays d’Europe car il faut stopper la récession que l’austérité crée partout, et tirer les leçons de la crise pour s’engager dans un autre modèle de développement. Si austérité il doit y avoir, elle doit frapper les plus riches, ces « 1% » qui accaparent la richesse sociale et ont bénéficié du système de la dette. Il faut réduire les déficits et la dette, grâce à une fiscalité plus progressive et une restructuration des dettes publiques.

Idée reçue n°7 : Une cure d’austérité, c’est pas la mort ?

Le discours officiel sur la Grèce

Christine Lagarde, directrice du FMI : « Non, je pense plutôt aux petits enfants d’une école dans un petit village au Niger (…), ils ont plus besoin d’aide que les gens d’Athènes » (en réponse à la question d’un journaliste : « quand vous demandez des mesures dont vous savez qu’elle vont empêcher des femmes d’accéder à une sage-femme au moment de leur accouchement, ou des patients d’obtenir les médicaments qui pourraient sauver leur vie, est-ce que vous hésitez ? » (The Guardian, 25/05/2012). « Nous devrons tous perdre de notre confort« , (George Papandreou, Reuters, 15/12/2009)

Pourquoi c’est faux ?

En fait de réduire les dépenses de « confort », la Troïka a imposé une réduction de 40% du budget de la santé en Grèce. Résultat, « plus d’un quart de la population ne bénéficie plus de couverture sociale, les hôpitaux publics sont débordés et exsangues. La rigueur budgétaire a désorganisé le système de santé publique et entraîné une crise humanitaire » (4 janvier 2015 JDD international).

La tuberculose, la syphilis ont réapparu. Les cas de sida se sont multipliés par manque de moyens pour la prévention. Une étude parue dans le journal médical britannique The Lancet5 tire un bilan terrible : la mortalité infantile a augmenté de 43% entre 2008 et 2010, la malnutrition des enfants de 19%. Avec les coupes budgétaires dans la prévention des maladies mentales, les suicides ont grimpé de 45% entre 2007 et 2011. De nombreux centres pour le planning familial publics sont fermés, ceux qui restent fonctionnent avec un personnel réduit.

Selon Nathalie Simonnot, de Médecins du Monde, « un forfait de cinq euros à la charge des patients a ainsi été instauré pour chaque consultation à l’hôpital public…Pour un retraité qui touche 350 euros par mois, c’est un coût énorme, surtout que la plupart du temps il faut faire plusieurs consultations (…) Les médecins demandent aux patients d’acheter eux-mêmes pansements, seringues et gazes parce que certains hôpitaux sont en rupture de stock ».

Des témoignages de ce genre concernaient naguère l’Afrique. La politique de la troïka, des gouvernements grecs, ont créé un désastre sanitaire qui rend vital un changement de politique, notamment pour la santé. Si les choses ne sont pas encore pire, c’est grâce aux centaines de bénévoles des dizaines de dispensaires grecs, à Médecins du monde, à la solidarité internationale, qui ont limité les dégâts pour ceux qui n’avaient plus accès aux soins. Le nouveau gouvernement grec a raison de vouloir par exemple réembaucher dans les centres de santé les 3000 médecins qui ont été licenciés par la Troïka.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

On sait maintenant que « l’austérité tue »6. Les responsables des politiques d’austérité se rendent coupables de véritables crimes quand ils imposent des coupes massives dans les dépenses de santé, comme cela a été le cas en Grèce, en Espagne, au Portugal. Il faut partout défendre les systèmes publics de santé contre les privatisations et les restructurations qui ne visent qu’à réduire les coûts au mépris de la santé.

Idée reçue n°8 : De toutes façons la Grèce a déjà capitulé ?

Le discours officiel

« En signant un accord à l’Eurogroupe le 20 février, contrairement aux rodomontades, le gouvernement grec a fini par accepter les conditions de la troïka. Une dure leçon pour les populistes d’extrême gauche comme d’extrême droite ». (Eric Le Boucher, Slate.fr, 21/02)

Pourquoi c’est faux

Le nouveau gouvernement grec refuse les nouvelles réformes proposées par la Troïka fin 2014 : 160.000 licenciements supplémentaires dans l’administration (santé, éducation), une nouvelle baisse de 10% des retraites, de nouvelles taxes, une nouvelle hausse de la TVA.

Ces recettes ont déjà été appliquées et ont mené la Grèce au désastre. En moins de 5 ans, 30% d’entreprises ont fermé, 150.000 postes supprimés dans le secteur public, 42% d’augmentation du chômage, 45% de baisse des retraites, 40% d’augmentation de la mortalité infantile, une hausse de près de 100% du nombre des personnes sous le seuil de pauvreté.

Le programme de Syriza proposait au contraire 1. Une renégociation des contrats de prêts et de la dette. 2. Un plan national de reconstruction immédiate : mesures pour les plus pauvres (électricité et soins médicaux gratuits, tickets-repas…), le rétablissement du salaire minimum de 751 euros, la réinstauration des conventions collectives 3. La reconstruction démocratique de l’État : lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, contre la corruption, ré-embauche des fonctionnaires licenciés 4. Un plan de reconstruction productive : arrêt des privatisations, industrialisation et transformation de l’économie par des critères sociaux et écologiques.

Après un bras de fer avec les institutions européennes, le gouvernement grec a obtenu l’abandon des objectifs d’excédents budgétaires délirants prévus dans le mémorandum signé par le gouvernement précédent. De nouvelles aides seront créées : pour financer le chauffage et l’alimentation des ménages les plus démunis. Les conventions collectives seront rétablies. La fraude et l’évasion fiscales seront fortement combattus. Les petits propriétaires endettés ne seront pas expulsés de leur résidence principale.

Mais la Grèce n’est pas libérée de l’austérité. Les nouvelles mesures devront être financées sans accroître le déficit. Les privatisations seront maintenues. La Grèce s’engage à payer l’intégralité de la dette, et à ne pas revenir en arrière sur les privatisations. La hausse du salaire minimum et la restauration des négociations salariales sont repoussées. De nouvelles épreuves de force sont à prévoir dans les mois qui viennent.

Quelles leçons pour la France et l’Europe

Les institutions européennes veulent empêcher la mise en œuvre de l’essentiel du programme de Syriza. Aujourd’hui, il s’agit donc de développer dans toute l’Europe des mouvements coordonnés contre l’austérité, pour la justice sociale, pour empêcher la Troïka et nos gouvernements d’étouffer la Grèce et les alternatives sociales et politiques qui émergent en Europe. Nous proposons notamment l’organisation par les mouvements européens d’une conférence internationale sur la dette et contre l’austérité.

L’audit citoyen des dettes publiques en Europe : un outil pour vaincre l’austérité

Le collectif pour un audit citoyen de la dette publique (CAC) salue le choix du peuple grec de rejeter massivement les politiques d’austérité lors des élections du 25 janvier. Cette victoire ouvre une brèche contre l’Europe de la finance, le diktat des dettes publiques et des plans d’austérité. Engouffrons nous dans cette brèche : une autre Europe devient possible !

Le collectif pour un audit citoyen a déjà publié un premier rapport d’audit citoyen[1], montrant qu’une large part de la dette publique française peut être considérée comme illégitime. Dans la période qui s’ouvre, notre collectif va continuer à proposer aux citoyens et à l’ensemble du mouvement social européen des lignes d’analyse juridiques, économiques, sociales, des arguments et des instruments de mobilisation contre les créanciers qui mettent en coupe réglée les populations.

Avec nos partenaires des autres pays européens, à commencer par la Grèce, notre collectif va intensifier son action pour mettre en débat le caractère illégitime, insoutenable, illégal, voire odieux d’une grande partie des dettes publiques en Europe.

Nous soutenons la proposition d’une conférence européenne sur les dettes publiques. En 1953 l’accord de Londres, annulant plus de 60% de la dette de l’Allemagne de l’Ouest, a permis sa relance, tout comme les annulations de dette de l’Équateur en 2008 ou de l’Islande en 2011.

Nous soutenons la proposition de réaliser un audit des dettes publiques afin d’identifier les responsables et les bénéficiaires réels de ces dettes, et de dégager les solutions qui permettront de libérer le pays de ce boulet.

Nous soutenons également le droit de la Grèce à désobéir à ses créanciers au cas où ils refuseraient la mise en œuvre de ces solutions. Rappelons que les memoranda imposés par la Troïka sont illégaux au regard du droit européen et international.

Tous ensemble, levons le voile sur la responsabilité des créanciers qui profitent des saignées effectuées sur le dos des peuples. Tous ensemble, renforçons une démarche citoyenne de contestation et de remise en cause de cette Europe des 1 %, des spéculateurs et des banquiers. C’est aux populations, trop longtemps victimes des plans d’austérité, de compétitivité et autres « memorandums », qu’il revient de décider de leur avenir : nous voulons mettre à leur disposition tous les outils nécessaires pour comprendre et décider comment sortir de l’étau de la dette en faisant payer non pas les contribuables ordinaires mais les véritables bénéficiaires du système de la dette.

(voir aussi la vidéo : Trois idées reçues sur la crise grecque)

Guide réalisé par : Jean-Claude Chailley, Thomas Coutrot, Alexis Cukier, Pascal Franchet, Michel Husson, Pierre Khalfa, Guillaume Pastureau, Henri Sterdyniak, Sofia Tzitzikou.

Notes :

1 Le FESF, Fonds européen de solidarité financière, créé en 2010, vise à préserver la stabilité financière en Europe en fournissant une assistance financière aux États de la zone euro. Cette aide est conditionnée à l’acceptation de plans d’ajustement structurel. Il a été remplacé par le Mécanisme européen de solidarité (MES) en 2012.

2 Ivan Best, La Tribune, 5 février
3 Plans de sauvetage de la Grèce : 77 % des fonds sont allés à la finance : https://france.attac.org/nos-idees/mettre-au-pas-la-finance-les/articles/plans-de-sauvetage-de-la-grece-77-des-fonds-sont-alles-la-finance
4 Une plus grande justice sociale est source d’efficacité, ce que même l’OCDE démontre : http://tinyurl.com/kqgmq35
5 A. Kentikelenis, M.Karanikolos, A. Reeves, M.McKee, DSc, D. Stuckler, « Greece’s health crisis: from austerity to denialism », The Lancet, 20/02/2014,
6 D. Stuckler & S. Basu (2014), Quand l’austérité tue, Préface des Économistes atterrés, Ed. Autrement

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05/07/2015

Rêve de singe

Le temps passe, exit l'incroyable duperie, l'espoir change de camp !
Le ce à quoi les Grecs devaient adhérer relève d'une incroyable illusion !!!
Aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le préposé Macron commence à annoncer le résultat d'un référendum historique et à en rabattre sur les prétentions des "créanciers" dont il est l'un des porte-parole.

Reve de singe, grèce, référendum

 SOURCE

La Commission européenne a rendue publique la proposition des institutions, dans l’optique du référendum du dimanche 5 juillet.

En effet, son président Jean-Claude Juncker, renvoie, via Twitter, au communiqué de la Commission, afin que le peuple grec soit informé avec « une plus grande transparence ».

Détail du communiqué de la Commission européenne au sujet de la Grèce :

« Information de la Commission européenne relative aux dernières propositions dans le cadre des négociations avec la Grèce

Bruxelles, le 28 Juin 2015
Pour l’information du peuple grec et dans un esprit de transparence, la Commission européenne publie ses dernières propositions en accord avec les institutions (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), lesquelles prennent en compte les propositions des autorités grecques des 8, 14, 22 et 25 Juin 2015 ,mais aussi les négociations au niveau politique et technique tout au long de la semaine.

Les discussions sur ces propositions ont continué avec les autorités grecques dans la soirée de vendredi soir en vue de l’Eurogroupe du 27 Juin 2015. Il y a eu une compréhension commune, de la part de toutes les parties concernées, que cette réunion de l’Eurogroupe pouvait permettre d’atteindre un accord global pour la Grèce, qui aurait contenu non seulement des mesures en vue d’un commun accord, mais aurait couvert les besoins futurs de financement ainsi que la viabilité de la dette grecque. Elle comprenait également le soutien d’un paquet pour un nouveau départ pour la croissance et l’emploi à l’initiative de la Commission soutenant la reconstruction et l’investissement dans l’économie réelle, comme cela a été discuté et adopté lors de la réunion du Collège des commissaires le mercredi 24 Juin 2015.
Malgré cela, il n’a pas été possible de finaliser formellement et de présenter à l’Eurogroupe la version finale de ce document, ni le résumé d’un accord global, en raison de la décision unilatérale des autorités grecques d’abandonner la procédure le soir du 26 Juin, 2015″.

La proposition publiée par la Commission européenne (PDF)

De la part du bureau du Premier ministre grec: La proposition de la Commission européenne met fin aux arguments des partisans du « oui à tout »

Le texte rendu public par la Commission européenne met fin à la para-littérature, comme il met fin aussi aux arguments des partisans du « oui à tout », lesquels affirmaient jusqu’ici qu’il n’y avait pas de texte des institutions, selon des sources gouvernementales.

Comme il est mentionné, dans le texte d’aujourd’hui et celui du 25 juin, posé comme un ultimatum, les institutions exigent, entre autres:

  • l’imposition d’une TVA à 23% sur la restauration collective
  • l’abolition de la baisse de la TVA dans les îles
  • l’application d’une avance d’impôt de 100% sur les sociétés et les travailleurs indépendants
  • l’abolition des réductions pour les agriculteurs (pétrole, impôt sur le revenu)
  • que soient baissées de 900 millions € (0,5% du PIB) les dépenses de l’aide sociale (subventions, etc.).
  • la limitation immédiate des pré-retraites
  • l’abolition progressive de la retraite complémentaire.
  • l’application complète de la loi de mémorandum 3863/2010 sur la sécurité sociale
  • l’application de la clause de déficit zéro et que le financement des caisses complémentaires soit réalisé uniquement par des fonds particuliers
  • l’abolition de toutes les participations en faveur de tiers qui financent les caisses de sécurité sociale, qui a pour conséquence une baisse de leurs recettes de plus de 700 millions €
  • l’augmentation des prélèvements pour soins de santé sur les pensions de 4% à 6%
  • le gel des retraites jusqu’en 2021
  • une législation sur les licenciements collectifs et la non-réintroduction des conventions collectives, si les institutions ne le permettent pas
  • la diminution à 1500€ du montant des dépôts non saisissable
  • l’augmentation du taux en vigueur pour le règlement des dettes
  • la réduction des salaires dans le secteur public
  • la mise en oeuvre complète des boîtes à outils de l’OCDE (lait, pain, pâtisseries, dimanches, …)
  • un coup important contre les médicaments grecs
  • la poursuite de la privatisation du secteur de l’éléctricité.
  • la vente des actions de l’OTE(Compagnie du téléphone) détenues par l’État
  • la non-application d’une taxe spéciale de 12% sur les bénéfices supérieurs à 500.000 pour l’exercice 2014
  • le non-retour des cotisations sociales patronales au niveau de l’année 2014

Tout ceci constitue un ensemble de propositions qui s’inscrivent dans la conception du Fonds monétaire international, qui ont été posées comme ultimatum à la Grèce, ce qui ressort aussi de l’Eurogroupe, rapporte le bureau du Premier ministre grec qui ajoute: la seule différence concerne la TVA sur les hôtels dont le taux, dans le texte actuel posté sur le site Web de la Commission européenne, est passé de 13% à 23% pour le 25 Juin.

29/06/2015

Annonce de référendum d'Alexis Tsipras

Refuser toutes les dictatures et leurs fausses excuses.
Se méfier des larmes, mais en accepter le sens.
Ne rien renier de ses origines et les préserver.

C'est la leçon de démocratie, synonyme de courage, infligée par la Grèce d'Alexis TSIPRAS à l'Eurogroupe dont on sait de qui il se compose et de quelles lâchetés il est capable au nom des banques et des comptables.

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Image extraite de la Tribune

 

Le texte qui suit, «court, empli de gravité et de détermination, entrera vraisemblablement dans l’Histoire. Ce texte est prononcé par un homme jeune, qui a été confronté à la mauvaise fois, aux manipulations, à ce qu’il faut bien appeler toutes les bassesses de la politique, depuis cinq mois. Il dit aussi sa colère, froide et déterminée. Et c’est peut-être là l’échec principal de l’Eurogroupe et des institutions européennes : avoir transformé un partisan de l’Europe en un adversaire résolu des institutions européennes. Tsipras n’était pas il y a cinq mois de cela un opposant à l’idée européenne. Mais la multiplication des humiliations, des tentatives de coup de force, l’ont obligé à réviser nombre de ses positions, qui pour certaines d’entre-elles relevaient de l’illusion. Tsipras et Varoufakis sont aujourd’hui sur une trajectoire de collision avec l’Eurogroupe et l’UE non pas de leur fait, mais de celui des « institutions européennes ». J. Sapir

 

Allocution d'Alexis Tsipras pour annoncer le référendum au peuple grec :

"Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité.

L’objectif aujourd’hui est de mettre fin à la crise grecque de la dette publique.

Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité.

La question qui sera posée au référendum dimanche prochain sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition des institutions européennes. Je demanderai une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision.

Je vous invite à prendre cette décision souverainement et avec la fierté que nous enseigne l’histoire de la Grèce.

La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant.

Je m’engage à en respecter le résultat quel qu’il soit.

La Grèce est et restera une partie indissoluble de l’Europe. Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole.

L’Europe est la maison commune de nos peuples, une maison qui n’a ni propriétaires ni locataires.

La Grèce est une partie indissoluble de l’Europe, et je vous invite toutes et tous à prendre, dans un même élan national, les décisions qui concernent notre peuple."

28/06/2015

Draghi, sursis et confettis

POUR LA BCE QUI VIENT TROP APPAREMMENT DE S'ADOUCIR, entraînant le FMI dans son sillage, il ne s'agit que d'un "sursis". Mais on voit mal les Draghi, Lagarde et autre Juncker, banquier du Luxembourg,  passer dans le camp des repentis et Alexis Tsipras renoncé à un référendum qui donne enfin toute sa place au peuple grec le 5 juillet prochain

Draghi, sursis et confettis
Draghi, un repenti ?

 

Appel en solidarité
"Le gouvernement grec a livré un rude combat dans des conditions d'asphyxie financière inouïes pour aboutir à un accord viable et mutuellement bénéfique avec ses partenaires.
Après cinq mois de négociations, les institutions en sont venues à poser un ultimatum qui contrevient aux principes de l'UE et sape la relance de la société et de l'économie grecques.
Les créanciers exigent que le gouvernement grec applique les politiques mémorandaires comme l'avaient fait ses prédécesseurs.
Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l'humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l'obsession du FMI et des institutions européennes pour une politique d'extrême austérité."

Grèce, le coup d’État silencieux

Semaine après semaine, le nœud coulant des négociations étrangle progressivement le gouvernement grec. De hauts dirigeants européens ont d’ailleurs expliqué au « Financial Times » qu’aucun accord ne serait possible avec le premier ministre Alexis Tsipras avant qu’il ne « se débarrasse de l’aile gauche de son gouvernement ». L’Europe, qui prêche la solidarité, ne la consentirait-elle qu’aux conservateurs ?

par Stelios Kouloglou, juin 2015

A Athènes, « tout change et tout reste pareil », comme le dit une chanson traditionnelle grecque. Quatre mois après la victoire électorale de Syriza, les deux partis qui ont gouverné le pays depuis la chute de la dictature, le Mouvement socialiste panhellénique (Pasok) et la Nouvelle Démocratie (droite), sont totalement discrédités. Le premier gouvernement de gauche radical dans l’histoire du pays depuis le « gouvernement des montagnes (1) », au temps de l’occupation allemande, jouit d’une grande popularité (2).

Mais si personne ne mentionne plus le nom de la « troïka » détestée, car responsable du désastre économique actuel, les trois institutions — Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI) — poursuivent leur politique. Menaces, chantages, ultimatums : une autre « troïka » impose au gouvernement du nouveau premier ministre Alexis Tsipras l’austérité qu’appliquaient docilement ses prédécesseurs.

Avec une production de richesse amputée d’un quart depuis 2010 et un taux de chômage de 27 % (plus de 50 % pour les moins de 25 ans), la Grèce connaît une crise sociale et humanitaire sans précédent. Mais en dépit du résultat des élections de janvier 2015, qui ont donné à M. Tsipras un mandat clair pour en finir avec l’austérité, l’Union européenne continue à faire endosser au pays le rôle du mauvais élève puni par les sévères maîtres d’école de Bruxelles. L’objectif ? Décourager les électeurs « rêveurs » d’Espagne ou d’ailleurs qui croient encore à la possibilité de gouvernements opposés au dogme germanique.

La situation rappelle le Chili du début des années 1970, lorsque le président américain Richard Nixon s’employa à renverser Salvador Allende pour empêcher des débordements similaires ailleurs dans l’arrière-cour américaine. « Faites hurler l’économie ! », avait ordonné le président américain. Lorsque ce fut fait, les tanks du général Augusto Pinochet prirent la relève...

Le coup d’État silencieux qui se déroule en Grèce puise dans une boîte à outils plus moderne — des agences de notation aux médias en passant par la BCE. Une fois l’étau en place, il ne reste plus que deux options au gouvernement Tsipras : se laisser étrangler financièrement s’il persiste à vouloir appliquer son programme ou renier ses promesses et tomber, abandonné par ses électeurs.

C’est justement pour éviter la transmission du virus Syriza — la maladie de l’espoir — au reste du corps européen que le président de la BCE Mario Draghi a annoncé le 22 janvier 2015, soit trois jours avant les élections grecques, que le programme d’intervention de son institution (la BCE achète chaque mois pour 60 milliards d’euros de titres de la dette aux Etats de la zone euro) ne serait accordé à la Grèce que sous conditions. Le maillon faible de la zone euro, celui qui a le plus besoin d’aide, ne recevrait de soutien que s’il se soumettait à la tutelle bruxelloise.

Menaces et sombres prédictions

Les Grecs ont la tête dure. Ils ont voté Syriza, contraignant le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem à les rappeler à l’ordre : « Les Grecs doivent comprendre que les problèmes majeurs de leur économie n’ont pas disparu du seul fait qu’une élection a eu lieu » (Reuters, 27 janvier 2015). « Nous ne pouvons faire d’exception pour tel ou tel pays », a confirmé Mme Christine Lagarde, directrice générale du FMI (The New York Times, 27 janvier 2015), cependant que M. Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, renchérissait : « La Grèce doit payer, ce sont les règles du jeu européen » (The New York Times, 31 janvier et 1er février 2015).

Une semaine plus tard, M. Draghi démontrait que l’on savait également « faire hurler l’économie » au sein de la zone euro : sans la moindre justification, il fermait la principale source de financement des banques grecques, remplacée par l’Emergency Liquidity Assistance (ELA), un dispositif plus coûteux devant être renouvelé chaque semaine. Bref, il plaçait une épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants grecs. Dans la foulée, l’agence de notation Moody’s annonçait que la victoire de Syriza « influait négativement sur les perspectives de croissance » de l’économie (Reuters, 27 janvier 2015).

Le scénario du Grexit (la sortie de la Grèce de la zone euro) et du défaut de paiement revenait à l’ordre du jour. Quarante-huit heures à peine après les élections de janvier, le président de l’Institut allemand pour la recherche économique, M. Marcel Fratzscher, ancien économiste à la BCE, expliquait que M. Tsipras jouait « un jeu très dangereux » : « Si les gens commencent à croire qu’il est vraiment sérieux, on pourrait assister à une fuite massive des capitaux et à une ruée vers les banques. Nous en sommes au point où une sortie de l’euro devient possible » (Reuters, 28 janvier 2015). Exemple parfait de prophétie autoréalisatrice qui conduisit à aggraver la situation économique d’Athènes.

Syriza disposait d’une marge de manœuvre limitée. M. Tsipras avait été élu pour renégocier les conditions attachées à l’« aide » dont son pays avait bénéficié, mais dans le cadre de la zone euro, l’idée d’une sortie ne bénéficiant pas d’un soutien majoritaire au sein de la population. Celle-ci a été convaincue par les médias grecs et internationaux qu’un Grexit constituerait une catastrophe d’ampleur biblique. Mais la participation à la monnaie unique touche d’autres cordes, ultrasensibles ici.

Dès son indépendance, en 1822, la Grèce a balancé entre son passé au sein de l’Empire ottoman et l’« européanisation », un objectif qui, aux yeux des élites comme de la population, a toujours signifié la modernisation du pays et sa sortie du sous-développement. La participation au « noyau dur » de l’Europe était censée matérialiser cet idéal national. Pendant la campagne électorale, les candidats de Syriza se sont donc sentis obligés de soutenir que la sortie de l’euro constituait un tabou.

Au centre de la négociation entre le gouvernement Tsipras et les institutions, la question des conditions fixées par les prêteurs : les fameux mémorandums, qui, depuis 2010, obligent Athènes à appliquer des politiques d’austérité et de surimposition dévastatrices. Plus de 90 % des versements des créanciers leur reviennent pourtant directement — parfois dès le lendemain ! —, puisqu’ils sont affectés au remboursement de la dette. Comme l’a résumé le ministre des finances Yanis Varoufakis, qui réclame un nouvel accord avec les créanciers, « la Grèce a passé ces cinq dernières années à vivre pour le prêt suivant comme le drogué qui attend sa prochaine dose » (1er février 2015).

Mais comme le non-remboursement de la dette équivaut à un « événement de crédit », c’est-à-dire à une sorte de banqueroute, le déblocage de la dose est une arme de chantage très puissante aux mains des créanciers. En théorie, puisque les créanciers ont besoin d’être remboursés, on aurait pu imaginer qu’Athènes disposait aussi d’un levier de négociation important. Sauf que l’activation de ce levier aurait conduit la BCE à interrompre le financement des banques grecques, entraînant le retour à la drachme.

Rien d’étonnant donc si, trois semaines à peine après les élections, les dix-huit ministres des finances de la zone euro ont envoyé un ultimatum au dix-neuvième membre de la famille européenne : le gouvernement grec devait appliquer le programme transmis par ses prédécesseurs ou s’acquitter de ses obligations en trouvant l’argent ailleurs. Dans ce cas, concluait le New York Times, « beaucoup d’acteurs du marché financier pensent que la Grèce n’a guère d’autre choix que de quitter l’euro » (16 février 2015).

Pour échapper aux ultimatums étouffants, le gouvernement grec a sollicité une trêve de quatre mois. Il n’a pas réclamé le versement de 7,2 milliards d’euros, mais espérait que, pendant la durée du cessez-le-feu, les deux parties parviendraient à un accord incluant des mesures pour développer l’économie puis résoudre le problème de la dette. Il eût été maladroit de faire tomber tout de suite le gouvernement grec ; les créanciers ont donc accepté.

Athènes pensait pouvoir compter — provisoirement, du moins — sur les sommes qui allaient rentrer dans ses caisses. Le gouvernement espérait disposer, dans les réserves du Fonds européen de stabilité financière, de 1,2 milliard d’euros non utilisé dans le processus de recapitalisation des banques grecques, ainsi que de 1,9 milliard que la BCE avait gagné sur les obligations grecques et promis de restituer à Athènes. Mais, à la mi-mars, la BCE annonçait qu’elle ne restituerait pas ces gains, tandis que les ministres de l’Eurogroupe décidaient non seulement de ne pas verser la somme, mais de la transférer au Luxembourg, comme si l’on craignait que les Grecs ne se changent en détrousseurs de banques ! Inexpérimentée, ne s’attendant pas à de pareilles manœuvres, l’équipe de M. Tsipras avait donné son accord sans exiger de garanties. « En ne demandant pas d’accord écrit, nous avons commis une erreur », a reconnu le premier ministre dans une interview à la chaîne de télévision Star, le 27 avril 2015.

Le gouvernement continuait à jouir d’une grande popularité, en dépit des concessions auxquelles il a consenti : ne pas revenir sur les privatisations décidées par le gouvernement précédent, ajourner l’augmentation du salaire minimum, augmenter encore la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Berlin a donc lancé une opération visant à le discréditer. Fin février, le Spiegel publiait un article sur les « relations torturées entre Varoufakis et Schäuble » (27 février 2015). L’un des trois auteurs en était Nikolaus Blome, récemment transféré de Bild au Spiegel, et héros de la campagne menée en 2010 par le quotidien contre les « Grecs paresseux » (3). Le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble, qui, fait rare dans l’histoire de l’Union européenne, mais aussi de la diplomatie internationale, ironisait publiquement sur son homologue grec, qu’il qualifiait de « stupidement naïf » (10 mars 2015), était présenté par le magazine allemand comme un Sisyphe bienveillant, désolé de ce que la Grèce soit condamnée à échouer et à quitter la zone euro. Sauf si, insinuait l’article, M. Varoufakis était démis de ses fonctions.

Tandis que fuites, sombres prédictions et menaces se multipliaient, M. Dijsselbloem avançait un nouveau pion, déclarant dans le New York Times que l’Eurogroupe examinait l’éventualité d’appliquer à la Grèce le modèle chypriote, soit une limitation des mouvements de capitaux et une réduction des dépôts (19 mars 2015)... Une annonce qu’on peine à interpréter autrement que comme une tentative — infructueuse — de provoquer une panique bancaire. Tandis que la BCE et M. Draghi resserraient encore le nœud coulant, limitant davantage les possibilités pour les banques grecques de se financer, Bild publiait un pseudo-reportage sur une scène de panique à Athènes, n’hésitant pas à détourner une photographie banale de retraités faisant la queue devant une banque pour toucher leur retraite (31 mars 2015).

Fin avril, l’opération de Berlin a porté ses premiers fruits. M. Varoufakis a été remplacé par son adjoint Euclide Tsakalotos pour les négociations avec les créanciers. « Le gouvernement doit faire face à un coup d’Etat d’un nouveau genre, a alors déclaré M. Varoufakis. Nos assaillants ne sont plus, comme en 1967, les tanks, mais les banques » (21 avril 2015).

Pour l’instant, le coup d’Etat silencieux n’a touché qu’un ministre. Mais le temps travaille pour les créanciers. Ceux-ci exigent l’application de la recette néolibérale. Chacun avec son obsession. Les idéologues du FMI demandent la dérégulation du marché du travail ainsi que la légalisation des licenciements de masse, qu’ils ont promises aux oligarques grecs, propriétaires des banques. La Commission européenne, autrement dit Berlin, réclame la poursuite des privatisations susceptibles d’intéresser les entreprises allemandes, et ce au moindre coût. Dans la liste interminable des ventes scandaleuses se détache celle, effectuée par l’Etat grec en 2013, de vingt-huit bâtiments qu’il continue d’utiliser. Pendant les vingt années qui viennent, Athènes devra payer 600 millions d’euros de loyer aux nouveaux propriétaires, soit presque le triple de la somme qu’il a touchée grâce à la vente — et qui est directement revenue aux créanciers...

En position de faiblesse, abandonné de ceux dont il espérait le soutien (comme la France), le gouvernement grec ne peut résoudre le problème majeur auquel le pays est confronté : une dette insoutenable. La proposition d’organiser une conférence internationale similaire à celle de 1953, qui dispensa l’Allemagne de la plus grande partie des réparations de guerre, ouvrant la route au miracle économique (4), s’est noyée dans une mer de menaces et d’ultimatums. M. Tsipras s’efforce d’obtenir un meilleur accord que les précédents, mais celui-ci sera sûrement éloigné de ses annonces et du programme voté par les citoyens grecs. M. Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne, a été très clair à ce sujet dès le lendemain des législatives : « Nous ne changeons pas de politique en fonction d’élections » (28 janvier 2015).

Les élections ont-elles donc un sens, si un pays respectant l’essentiel de ses engagements n’a pas le droit de modifier en quoi que ce soit sa politique ? Les néonazis d’Aube dorée disposent d’une réponse toute prête. Peut-on exclure qu’ils bénéficient davantage d’un échec du gouvernement Tsipras que les partisans de M. Schäuble à Athènes ?

Stelios Kouloglou
Journaliste et documentariste.
Député européen membre de Syriza.

(1) Lire Joëlle Fontaine, « “Il nous faut tenir et dominer Athènes” », Le Monde diplomatique, juillet 2012.

(2) Selon un sondage du 9 mai publié par le quotidien Efimerida ton Syntakton, 53,2 % de la population jugerait « positive » ou « plutôt positive » la politique du gouvernement.

(3) Lire Olivier Cyran, « “Bild” contre les cyclonudistes », Le Monde diplomatique, mai 2015.

(4) Lire Renaud Lambert, « Dette publique, un siècle de bras de fer », Le Monde diplomatique, mars 2015.

26/01/2015

A propos des élections grecques

Un mois de janvier tonitruant, mais de belles analyses comme celle qui suit même si tout reste à faire...

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A PROPOS DES ÉLECTIONS GRECQUES par Danielle Bleitrach le 26 janvier 2015

Il est évident que l’on a toutes les raisons de se réjouir du vote du peuple grec en mesurant bien le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir pour que se dessine une issue pour les pays d’Europe et pour la France. Nous avons entendu des choses terribles sur le peuple grec de la part des conservateurs, les fanatiques du néo-libéralisme. Mais ce peuple a une histoire, celle de sa propre libération des nazis, celle de la lutte contre le fascisme des colonels et celle aujourd’hui du refus d’une autre dictature celle des financiers, du marché, du FMI et j’ajouterai des marchands d’armes, ça aussi c’est une vieille tradition grecque.

Nous devons féliciter le peuple grec et nous réjouir avec lui. D’abord se réjouir du fait que le peuple grec face à la situation terrible qui est la sienne ait repoussé le fascisme, la solution du capital pour dévoyer sa colère. Le score d’Aube doré demeure néanmoins non négligeable et le fascisme reste implanté dans l’appareil d’État, comme il trouve toujours une assise dans les couches en voie de marginalisation rapide et appui dans le grand patronat..

Le peuple grec a dit non à l’austérité, non à la troïka, à la logique de l’UE. C’est le sens du vote en faveur de Syriza mais aussi en faveur du KKE qui sont les seules forces à progresser (voir répartition des votes dans l’ancien parlement et celui d’aujourd’hui)..

Le fait que dans un tel contexte le KKE ne régresse pas mais au contraire progresse est un autre signe de maturité politique et une chance pour l’avenir parce que ce parti représente la volonté de conserver l’organisation dans la jeunesse et dans les couches populaires. Il donne un contenu de classe à une aspiration encore confuse mais forte.

Parce que Syriza, outre la figure de son leader charismatique, qui s’est présenté comme le renouvellement total d’une classe grecque enfermée dans une alternative sans espoir entre le Pasok (PS) et la droite, demeure une coalition non dénuée de contradictions et c’est là-dessus que tablent les vieilles forces et le capital pour  détourner le choix du peuple grec.

Nous avons connu en 1981, avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir une telle espérance ; rapidement  celle-ci a été trahie, pire encore cela a été l’installation du néo-libéralisme, le règne des cadeaux au patronat et la grande rupture entre les couches moyennes et le prolétariat privé de ses organisations.

Le parti socialiste en France a très vite d’ailleurs prétendu s’approprier la victoire en soulignant que le programme de Syriza est plus proche de la social démocratie que de tout aspect révolutionnaire. Quand on sait la manière dont le PS, en particulier son représentant en Europe Moscovici a tout fait pour torpiller le choix du peuple grec on ne peut qu’être stupéfait d’un tel culot. Mais considérons le positif une fois encore : il est temps de ne pas suivre la ligne de Macron. Désormais François Hollande quand il négocie à Bruxelles a deux alliés anti-austérité, l’Italie et la Grèce et le mouvement dans l’Europe du sud va dans le même sens sous des formes parfois différentes, alors on attend des résultats à la hauteur de la joie du PS. De même sur la question de la paix, en particulier de nouvelles relations avec la Russie, là encore le mouvement pousse avec l’élection grecque dans un sens favorable puisque Syriza et le KKE ont manifesté leur refus d’une confrontation au cœur de l’Europe, de la fascisation ukrainienne..

Maintenant est-ce que l’on peut considérer qu’un changement réel est intervenu par rapport à la crise que vit l’UE? Il s’agit d’une crise structurelle: un appareil coupé des peuples et soumis aux intérêts financiers avec comme seul facteur de régulation un monétarisme et une soumission de plus en plus marquée aux Etats-Unis, à son bellicisme, à sa destruction systématique de toute forme de coopération mutuellement avantageuse. Marquer le refus de l’austérité et se prononcer pour la paix est un grand pas dont on doit se réjouir, mais le mal est trop profond, il faudra d’autres mobilisations, d’autres interventions populaires.

Un pas a été fait, il ne faut pas le sous-estimer, il permet en tous les cas de porter le débat sur des solutions, il rompt avec la fatalité dans laquelle l’alternance PS et droite prétend depuis des années enfermer les nations européennes et qui conduisait immanquablement au fascisme par désespoir et abstention des couches populaires. Mais le risque est là, Syriza est une coalition comme Podemos en Espagne, marqué d’abord par le désaveu de l’alternance mais aussi à la recherche d’une solution qui ne change pas réellement le système, une sorte de volonté d’accommodement dans le changement espéré. Depuis des années, y compris dans les printemps arabes et dans d’autres mouvements encore plus détournés et manipulés comme l’euromaïdan, le capital sait renverser les aspirations d’une jeunesse qui proteste contre l’absence d’avenir. Une jeunesse que l’on a habituée à la suspicion de toute force organisée, élevée aussi dans l’anticommunisme, des couches moyennes diplômées qui voient se dégrader leur situation, mais qui croient encore à un certain spontanéisme et qui s’écroulent quand le capital envoie ses troupes fascistes reprendre en main leur mai 68 d’un jour. Une tentative est faite avec cette élection de donner corps à ces aspirations, c’est une bonne chose.
Voilà dit rapidement où je crois que nous en sommes, tout dépend alors de la capacité non pas à critiquer mais à chercher les moyens de favoriser l’intervention populaire pour imposer ce pourquoi elle a voté. En Grèce mais aussi en France et il faut bien constater que nous sommes démunis et qu’une des grandes questions qui se pose à nous est celle de la reconquête de couches populaires tentées par l’abstention et d’autres dérives.

Danielle Bleitrach

13/12/2013

L'austérité, c'est çà !

Explosion des suicides, des meurtres, détérioration de la santé publique, extrême droite exubérante ... taux de chômage passé de 7,2 % en 2008 à 22,6 % au début de 2012, la Grèce, le peuple grec, n'a pas fini de s'étonner de l'inertie de l'UE et de ses propres "dirigeants" qui s'agrippent à un radeau d'infortune trop exigu et menacé par d'insatiables méduses.
Cette agonie est contagieuse. D'une certaine façon, à moins d'un sursaut de simple bon sens, çà ne serait que justice. A moins que l'on ne soit en train d'inventer l'euthanasie collective ?

austérité, grèce
Messages de protestation contre les mesures d'austérité

sur la façade de la Banque de Grèce à Athènes.
14 février 2012. (LOUISA GOULIAMAKI / AFP)

"Si la crise a montré à quel point les structures de l’Union européenne sont inadaptées pour permettre une coopération efficace sur le plan économique, elle suggère d’autres dangers immédiats. Cet article (qui suit) sur le défaut de couverture sociale de 30% des Grecs pose le problème du déferlement de maladies sur le continent, dans un tel contexte les épidémies de toutes sortes vont ressurgir. Sans en être au point de l’Asie centrale où la peste est réapparue, la tuberculose est déjà là… Enfin le désastre humanitaire qui a commencé à s’étendre dans certains pays de la zone européenne nous laisse de plus en plus fragiles au moment même où l’on attaque nos propres protections sociales qui ont atténué jusqu’ici l’impact de la dite crise en France. Enfin quand l’on voit la pression des Ukrainiens guidés par une extrême-droite qui ne cache pas ses sympathies nazies, racistes, antisémites et l’enthousiasme manifesté par l’Allemagne à cet accueil pour y trouver de la main d’œuvre taillable et corvéable, l’inquiétude augmente sur l’avenir de ce continent arrimé de surcroît aux États-Unis qui en font leur nouvelle terre d’expansion."
Note de Danielle Bleitrach

L’organisation Médecins du monde s’est alarmée lundi de la situation des personnes sans couverture sociale en Grèce, qu’elle évalue à 27,7% de la population, soit plus de 3 millions de personnes, avec des conséquences particulières sur les enfants et les femmes enceintes.

"Nous sommes très inquiets du nombre des gens qui ont perdu leur sécurité sociale en Grèce" en raison de l’explosion du chômage et de la récession, ce qui a notamment "de graves conséquences pour la santé des enfants et des femmes enceintes", a indiqué Anna Maïli, présidente de la section grecque de Médecins du monde (MdM) lors d’une conférence de presse.

Selon des données des services de santé publique, "trois millions de personnes, sans prendre en compte les sans-papiers, n’ont pas accès à la santé publique", a relevé Mme Maïli.

La vaccination des enfants défaillante

Elle a souligné que "la vaccination des enfants (était) insuffisante ou parfois inexistante" pour les familles sans couverture sociale.

"Nous rencontrons tous les jours des enfants âgés de deux ou trois ans qui n’ont pas été vaccinés", et au cours des neuf derniers mois, MdM a examiné "10 633 enfants dont plus de la moitié (6580) ont dû être vaccinés", a-t-elle poursuivi.

Sans couverture sociale, le coût de vaccination d’un enfant jusqu’à l’âge de 6 ans s’établit entre 1400 et 1800 euros, selon MdM.

En raison des coupes dans le secteur public et les services sanitaires, "il n’y a aucune aide prévue pour les enfants des familles sans sécurité sociale, et les femmes sans protection sociale doivent payer pour les examens et l’accouchement", note Mme Maïli.

"Entre 2008 et 2011, le nombre d’embryons nés morts a augmenté de 21%, ce qui est le résultat de la récession et du taux de chômage", a-t-elle affirmé, en soulignant qu’outre "la crise humanitaire en Grèce, il y a maintenant une bombe sanitaire".

Soumise à une austérité stricte par ses créanciers, UE et FMI, en échange des prêts internationaux destinés à lui éviter la faillite, la Grèce est plongée dans la récession pour la sixième année consécutive, le chômage ayant explosé à plus de 27%, le taux le plus élevé dans la zone euro.

13/06/2012

La poésie qui soigne et sauve

« Revanche » commence comme « rêve », celui d'un poète grec, Odysseus Elytis. C'est le refus de se résigner et d'accepter une vie étriquée, l’espoir solaire, ce que Camus a appelé la « pensée de midi », méditerranéenne, lucide mais optimiste. « La poésie, disait-il, commence là où la mort n’a pas le dernier mot. » Ce diagnostic, posé au plus profond du gouffre douloureux de l'œuvre majeure de Odysseus Elytis, Axion Esti, trouve un écho tout particulier, quand son pays se noie dans les comptes obtus de la finance, des banques et des bourses.

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« La poésie vient se dresser là où le rationalisme dépose ses armes, prend la relève pour avancer dans la zone interdite, faisant ainsi la preuve que c'est elle qui est encore le moins rongée par l'usure. Elle assure, dans la pureté de leur forme, la sauvegarde des données permanentes par quoi la vie demeure œuvre viable. Sans elle et sa vigilance, ces données se perdraient dans l'obscurité de la conscience, tout comme les algues deviennent indistinctes dans le fond des mers. »



Et les rêves prendront leur revanche...  par Mediapart  

Merci à La rédaction de Médiapart d’avoir recueilli d'Angélique Ionatos ce message d’espoir et d’humanité qui induit que la seule colère est impuissante.  Merci aussi à ces commentaires qui y font échos et prennent le large loin du dérisoire et du cirque qui le met en scène.

06/12/2011

L’héritage de la chouette

Documentaire réalisé en 1989 et mis en scène à partir de douze mots de racine grecque par Chris Marker, cinéaste et philosophe, auteur de "La Jetée", qui les décortique pour faire apparaître ce dont nous avons hérité de la Grèce antique.

Des États-Unis au Japon, il a baladé sa caméra là où tout mot prend sens, il a rencontré tout un aéropage d'hellénistes, logiciens, hommes politiques, artistes et a confronté leurs discours aux mémoires des cinémathèques.

Ce n’est pas un hasard si la chouette, symbole de la Grèce, avec ses immenses yeux incrédules, est omniprésente derrière les intervenants. Elle suggère la méfiance envers les opinions émises et invite à trier entre ce que nous savons et ne savons pas.

chris marker,l'héritage de la chouette,grèceCe documentaire rare et très peu distribué
est à consulter en 13 épisodes dans l’ordre
ou le désordre via le lien ...
http://gorgomancy.net/azertuyop/

 Découpage :

1. "Symposium" ou les idées reçues

A Paris, Tbilissi, Athènes et Berkeley, des historiens se prêtent au jeu de la reconstitution du « symposium », le banquet grec, autour de tables garnies de mets et de vin. Dans ce premier volet et parfois dans les suivants, leur discussion à bâtons rompus explorent divers thèmes et rejoint, au fil des digressions, des interventions isolées.

2. "Olympisme" ou la Grèce imaginaire

L’héritage de la Grèce, recomposé dans l’imaginaire contemporain, a parfois donné lieu à de terribles détournements au profit d’idéologies totalitaires comme le nazisme. Les jeux olympiques de 1936 à Berlin sont à cet égard symboliques, et la représentation du corps dans « Olympia » de Leni Riefensthal témoigne de la récupération d’un idéal au profit d’une toute autre esthétique.

3. "Démocratie" ou la cité des songes

Que recouvre précisément le mot « démocratie » lorsqu’il désigne la cité-état antique ou nos systèmes politiques contemporains ? Quelles sont les anologies ou, au contraire, les différences radicales entre des réalités séparées de plus de vingt siècles ? Certains fonctionnements ne sont-ils pas propres à toutes les civilisations ?

4. Nostalgie ou le retour impossible

Ithaque, emblème de la patrie lointaine que nul ne doit oublier : tel serait l’enseignement universel de l’« Odyssée » d’Homère. Quels liens peuvent se tisser entre une Grèce moderne dont l’histoire fut tourmentée par tant d’exils et la Grèce antique dont l’héritage est revendiqué par toute l’humanité ? Pour Vassilikos, Ionatos et Svoronos, le mot qui définit le mieux les Grecs est « nostalgie ».

5. "Amnésie" ou le sens de l’histoire

Fondée sur le témoignage ou « l’autopsie », qui signifie littéralement « se voir soi-même », notre conception de l’Histoire s’est beaucoup transformée depuis Hérodote. A des réflexions sur l’histoire, sur la relation entre politique et mémoire, succèdent les paroles de Vassilikos et de Kazan sur la génèse difficile de la Grèce contemporaine.

6. "Mathématique" ou l’empire des signes

L’héritage que nous ont imposé les Grecs avec l’espace géométrique et le langage mathématique émerveille Serres. Pourtant, à la base de l’intelligence artificielle se trouve l’algorithme arabe qui apparaît déjà dans l’écriture hiéroglyphique ou cunéiforme. Andler évoque la recherche d’une articulation entre la logique parfaite d’Aristote et l’incertitude qui règne dans les sciences cognitives.

7. "Logomachie" ou les mots de la tribu

Tous les sens de « logos » ont jailli d’un petit territoire entre Ephèse et Patmos. Selon Aristote, l’animal humain lutte avec une arme spécifique, la parole, et dans l’univers de la dialectique, ceux qui doivent s’entendre, explique Sissa, ne doivent pas se battre, mais utiliser tous les pièges de la persuasion. Le destin du logos serait-il la « logomachie », la bataille des mots ?

8. "Musique" ou l’espace de dedans

« L’art a souvent voulu imiter le réel alors qu’il devrait créer des univers sans précédents », dit Xenakis qui, comme Ionatos, tente d’expliquer ici sa vocation musicale. Loin de là, Patmos, lors de la Pâque orthodoxe… sublime lieu d’élection pour une méditation sur la musique antique puis chrétienne.

9. "Cosmogonie" ou l’usage du monde

Pour cette réflexion sur la création, Serres part de la statuaire grecque, puis Marker nous entraîne sur les pas d’une Koré de l’Acropole exposée à Tokyo. Le mystère de la cosmogonie divine est exploré par Castoriadis et Xenakis, qui s’interroge aussi sur la créativité de l’homme. Parmi les idoles que nous érigeons, Vernant présente la face monstrueuse de la Gorgone, miroir de la mort.

10. "Mythologie" ou la vérité du mensonge

Il existe un ensemble de mythes auxquels nous nous référons toujours. Steiner s’interroge sur leur genèse et leur place dans le psychisme. Ploritis évoque leur propagation ; Yoshida montre qu’ils ont été transmis au Japon dont la religion présente de fortes affinités avec ce polythéisme grec dont Nietzsche fit un modèle de tolérance car il n’engendra aucun massacre.

11. "Misogynie" ou les pièges du désir

La conception grecque de la sexualité était très différente de la nôtre. Que pensaient les Grecs du désir ? Murray et Sissa expliquent différents enjeux sociaux de l’homosexualité masculine. Objets de conquêtes ou mères, les femmes ont un statut d’éternelles mineures et semblent réduites au silence dans la cité. Pourtant, les dramaturges ont donné vie à des femmes hors du commun.

12. "Tragédie" ou l’illusion de la mort

La scène débute dans un petit bar de Tokyo, La Jetée, où l’on discute des Atrides et d’Angelopoulos. La parenté entre la Grèce et le Japon est justifiée par Xenakis et Vassilikos, puis viennent des explications sur la tragédie. Mais qui est responsable du devenir de cet héritage? Les Grecs modernes, proclame Minotis, aussitôt démenti par les images d’une « Médée » montée en Grèce par Yukio Ninagawa.

13. "Philosophie" ou le triomphe de la chouette

Honneur à la chouette, emblème de sagesse : à l’instar du philosophe elle sonde les ténèbres… Exprimés avec passion ou austérité, les avis divergent sur la définition de la philosophie. Serres, avec gravité, récuse l’idée d’une philosophie au service du pouvoir, tandis qu’au cours du banquet réuni à Tbilissi, un hommage serein est rendu à l’art du dialogue et à la belle mort du philosophe.

04/05/2010

Le doigt dans l'œil

Qui croira que, selon le ministre grec des finances, le déficit public grec, qui a atteint en 2009 environ 14% du PIB, puisse être ramené sous le seuil européen autorisé de 3% «d'ici fin 2014», et ce, quelque soit le plan d'austérité imposé à sa population.

Pour éviter la banqueroute la Grèce disposera donc, sur trois ans, de 129 milliard d'euros, qu'elle devra notamment rembourser aux Etats de la zone euro au taux de 5%. Ces Etats, ayant eux-mêmes emprunté au taux de 3% environ, vont donc être amenés à spéculer sur le dos d'un pays en difficulté qui risque, «effet domino», de les entraîner dans une chute qui n'a rien d'inéluctable.

Pour le Portugal, ce sera sans doute plus rapide que pour d'autres. Montré du doigt par de douteuses agences de notation, il devra, lui aussi, participer à l'effort de sauvetage organisé pour la Grèce en empruntant à un taux de 5, 75 % pour espérer être remboursé à celui de 5%. Une double peine économique.

Comme ses effets secondaires le remède, indispensable, risque donc d'être douloureux. Croire le contraire serait se mettre «le doigt dans l'œil».

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Cette situation absurde devrait au moins permettre d'ouvrir un vrai débat débouchant sur une véritable structuration - unification économique et sociale de l'Europe. Aux antipodes du traité de Lisbonne.

A ce stade des observations, la Banque Centrale Européenne devrait pouvoir intervenir pour prêter à bas coût aux Etats en difficulté pour peu que ceux-ci aient accepté de respecter un quota de dépenses équilibré entre investissements et fonctionnement, et pour peu qu'elle dépende d'un gouvernement européen digne de ce nom sans préjudice de l'ombre portée sur la souveraineté et la susceptibilité de chacun des Etats membres. Aujourd'hui, la BCE ne fait qu'orchestrer une cacophonie poussant à l'euroscepticisme.

De même, il devrait pouvoir être fait obligation aux banques fixées sur les territoires européens, de participer au refinancement de la dette des Etats à des taux fixes et plafonnés. En l'occurrence, il serait normal que la banque Goldman Sachs et/ou ses filiales, assume ses responsabilités et que sa hiérarchie soit mise en demeure de rembourser, au moins partiellement, les emprunts frauduleux qu'elle a induits dans le cadre de la crise grecque.

Le New York Times du 13 février 2010 a évoqué le chiffre de 300 millions de dollars versés à Goldman Sachs à titre d'honoraires. Il s'agissait de rémunérer une astuce ayant permis à la Grèce d'emprunter des milliards de dollars en secret. Objectif : ne pas mettre en péril l'entrée du pays, déjà très endetté, dans l'union monétaire européenne. Ce genre de supercherie ne fait plus rire personne et n'est malheureusement qu'une partie apparente de l'iceberg. «Greece is just the tip of the iceberg».

Quant aux agences de notation, n'étant utiles qu'aux spéculateurs qui parient à la hausse ou à la baisse sur les marchés, «économie casino», et n'étant rétribuées que par eux, il ne serait pas inconvenant de mettre sous tutelle les Fitch Ratings, Moody's, Standard & Poor's, etc. Une BCE revisitée ou un FMI hors de soupçon pourrait jouer ce rôle. Ce qui, pour l'instant et en l'état de l'UE, est impossible, même si on fait semblant d'y croire comme on a pu faire semblant de s'attaquer aux paradis fiscaux.

Il est quasiment certain que le cas de la Grèce va enrichir l'argumentaire consistant à protéger les couches de populations les plus aisées, à imposer un plan préventif d'austérité, à justifier quelques réformes iniques et pas forcément efficaces : retraites, suppression d'emploi, regroupement des établissements hospitaliers, casse de ce qui reste des services publics etc, sans jamais remettre en cause ce qui continue à faire la faillite du système : l'impunité des marchés financiers.