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06/12/2011

L’héritage de la chouette

Documentaire réalisé en 1989 et mis en scène à partir de douze mots de racine grecque par Chris Marker, cinéaste et philosophe, auteur de "La Jetée", qui les décortique pour faire apparaître ce dont nous avons hérité de la Grèce antique.

Des États-Unis au Japon, il a baladé sa caméra là où tout mot prend sens, il a rencontré tout un aéropage d'hellénistes, logiciens, hommes politiques, artistes et a confronté leurs discours aux mémoires des cinémathèques.

Ce n’est pas un hasard si la chouette, symbole de la Grèce, avec ses immenses yeux incrédules, est omniprésente derrière les intervenants. Elle suggère la méfiance envers les opinions émises et invite à trier entre ce que nous savons et ne savons pas.

chris marker,l'héritage de la chouette,grèceCe documentaire rare et très peu distribué
est à consulter en 13 épisodes dans l’ordre
ou le désordre via le lien ...
http://gorgomancy.net/azertuyop/

 Découpage :

1. "Symposium" ou les idées reçues

A Paris, Tbilissi, Athènes et Berkeley, des historiens se prêtent au jeu de la reconstitution du « symposium », le banquet grec, autour de tables garnies de mets et de vin. Dans ce premier volet et parfois dans les suivants, leur discussion à bâtons rompus explorent divers thèmes et rejoint, au fil des digressions, des interventions isolées.

2. "Olympisme" ou la Grèce imaginaire

L’héritage de la Grèce, recomposé dans l’imaginaire contemporain, a parfois donné lieu à de terribles détournements au profit d’idéologies totalitaires comme le nazisme. Les jeux olympiques de 1936 à Berlin sont à cet égard symboliques, et la représentation du corps dans « Olympia » de Leni Riefensthal témoigne de la récupération d’un idéal au profit d’une toute autre esthétique.

3. "Démocratie" ou la cité des songes

Que recouvre précisément le mot « démocratie » lorsqu’il désigne la cité-état antique ou nos systèmes politiques contemporains ? Quelles sont les anologies ou, au contraire, les différences radicales entre des réalités séparées de plus de vingt siècles ? Certains fonctionnements ne sont-ils pas propres à toutes les civilisations ?

4. Nostalgie ou le retour impossible

Ithaque, emblème de la patrie lointaine que nul ne doit oublier : tel serait l’enseignement universel de l’« Odyssée » d’Homère. Quels liens peuvent se tisser entre une Grèce moderne dont l’histoire fut tourmentée par tant d’exils et la Grèce antique dont l’héritage est revendiqué par toute l’humanité ? Pour Vassilikos, Ionatos et Svoronos, le mot qui définit le mieux les Grecs est « nostalgie ».

5. "Amnésie" ou le sens de l’histoire

Fondée sur le témoignage ou « l’autopsie », qui signifie littéralement « se voir soi-même », notre conception de l’Histoire s’est beaucoup transformée depuis Hérodote. A des réflexions sur l’histoire, sur la relation entre politique et mémoire, succèdent les paroles de Vassilikos et de Kazan sur la génèse difficile de la Grèce contemporaine.

6. "Mathématique" ou l’empire des signes

L’héritage que nous ont imposé les Grecs avec l’espace géométrique et le langage mathématique émerveille Serres. Pourtant, à la base de l’intelligence artificielle se trouve l’algorithme arabe qui apparaît déjà dans l’écriture hiéroglyphique ou cunéiforme. Andler évoque la recherche d’une articulation entre la logique parfaite d’Aristote et l’incertitude qui règne dans les sciences cognitives.

7. "Logomachie" ou les mots de la tribu

Tous les sens de « logos » ont jailli d’un petit territoire entre Ephèse et Patmos. Selon Aristote, l’animal humain lutte avec une arme spécifique, la parole, et dans l’univers de la dialectique, ceux qui doivent s’entendre, explique Sissa, ne doivent pas se battre, mais utiliser tous les pièges de la persuasion. Le destin du logos serait-il la « logomachie », la bataille des mots ?

8. "Musique" ou l’espace de dedans

« L’art a souvent voulu imiter le réel alors qu’il devrait créer des univers sans précédents », dit Xenakis qui, comme Ionatos, tente d’expliquer ici sa vocation musicale. Loin de là, Patmos, lors de la Pâque orthodoxe… sublime lieu d’élection pour une méditation sur la musique antique puis chrétienne.

9. "Cosmogonie" ou l’usage du monde

Pour cette réflexion sur la création, Serres part de la statuaire grecque, puis Marker nous entraîne sur les pas d’une Koré de l’Acropole exposée à Tokyo. Le mystère de la cosmogonie divine est exploré par Castoriadis et Xenakis, qui s’interroge aussi sur la créativité de l’homme. Parmi les idoles que nous érigeons, Vernant présente la face monstrueuse de la Gorgone, miroir de la mort.

10. "Mythologie" ou la vérité du mensonge

Il existe un ensemble de mythes auxquels nous nous référons toujours. Steiner s’interroge sur leur genèse et leur place dans le psychisme. Ploritis évoque leur propagation ; Yoshida montre qu’ils ont été transmis au Japon dont la religion présente de fortes affinités avec ce polythéisme grec dont Nietzsche fit un modèle de tolérance car il n’engendra aucun massacre.

11. "Misogynie" ou les pièges du désir

La conception grecque de la sexualité était très différente de la nôtre. Que pensaient les Grecs du désir ? Murray et Sissa expliquent différents enjeux sociaux de l’homosexualité masculine. Objets de conquêtes ou mères, les femmes ont un statut d’éternelles mineures et semblent réduites au silence dans la cité. Pourtant, les dramaturges ont donné vie à des femmes hors du commun.

12. "Tragédie" ou l’illusion de la mort

La scène débute dans un petit bar de Tokyo, La Jetée, où l’on discute des Atrides et d’Angelopoulos. La parenté entre la Grèce et le Japon est justifiée par Xenakis et Vassilikos, puis viennent des explications sur la tragédie. Mais qui est responsable du devenir de cet héritage? Les Grecs modernes, proclame Minotis, aussitôt démenti par les images d’une « Médée » montée en Grèce par Yukio Ninagawa.

13. "Philosophie" ou le triomphe de la chouette

Honneur à la chouette, emblème de sagesse : à l’instar du philosophe elle sonde les ténèbres… Exprimés avec passion ou austérité, les avis divergent sur la définition de la philosophie. Serres, avec gravité, récuse l’idée d’une philosophie au service du pouvoir, tandis qu’au cours du banquet réuni à Tbilissi, un hommage serein est rendu à l’art du dialogue et à la belle mort du philosophe.

15/10/2011

Nabucco

Grand moment patriotique, musical, émotionnel, que cette représentation de "Nabucco" transmis par Colette Chauvin et Marcel Pirris.

(Allez jusqu'au bout du texte ci-dessous, si vous ne comprenez pas l'Italien, puis plongez au cœur de la vidéo. C'est magnifique !!!)

Le 12 mars dernier, Silvio Berlusconi a dû faire face à la réalité. L’Italie fêtait le 150 ème anniversaire de sa création et à cette occasion fut donnée, à l’opéra de Rome, une représentation de l’opéra le plus symbolique de cette unification : Nabucco de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Muti.

Nabucco de Verdi est une œuvre autant musicale que politique : elle évoque l'épisode de l'esclavage des juifs à Babylone, et le fameux chant « Va pensiero » est celui du Chœur des esclaves opprimés. En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple, qui dans les années 1840 - époque où l'opéra fut écrit - était opprimé par l'empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu'à la création de l’Italie unifiée.

Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu’Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi.

Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l’Italie, allait produire un effet inattendu, d’autant plus que Sylvio Berlusconi en personne assistait à la représentation…

Repris par le Times, Riccardo Muti, le chef d'orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de révolution :
« Au tout début, il y a eu une grande ovation dans le public. Puis nous avons commencé l’opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j’ai immédiatement senti que l’atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c’est le silence du public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va Pensiero allait démarrer, le silence s’est rempli d’une véritable ferveur. On pouvait sentir la réaction viscérale du public à la lamentation des esclaves qui chantent : « Oh ma patrie, si belle et perdue ! ».

Alors que le Chœur arrivait à sa fin, dans le public certains s’écriaient déjà : «Bis !» Le public commençait à crier «Vive l’Italie !» et «Vive Verdi !» Des gens du poulailler (places tout en haut de l’opéra) commencèrent à jeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant «Muti, sénateur à vie».

Bien qu’il l’eut déjà fait une seule fois à La Scala de Milan en 1986, Muti hésita à accorder le «bis» pour le Va pensiero. Pour lui, un opéra doit aller du début à la fin. «Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis. Il fallait qu’il y ait une intention particulière.», raconte-t-il.

Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s'est produit :

Traduction  et Commentaires :

[Après que les appels pour un "bis" du "Va Pensiero" se soient tus, on entend dans le public : "Longue vie à l'Italie !"] 
Le chef d'orchestre Riccardo Muti : Oui, je suis d'accord avec ça, "Longue vie à l'Italie" mais...

[Applaudissements]

Muti : "Je n'ai plus 30 ans et j'ai vécu ma vie, mais en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j'acquiesce à votre demande de bis pour le "Va Pensiero" à nouveau. Ce n'est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le Choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de l'Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et perdue".

[Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur scène]

Muti : Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant... nous devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un Chœur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble.

C’est alors qu’il invita le public à chanter avec le Chœur des esclaves. « J’ai vu des groupes de gens se lever. Tout l’opéra de Rome s’est levé. Et le Chœur s’est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l’opéra. »

« Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l’attention des politiciens. »    


Sincèrement MERCI à Colette Chauvin et à Marcel Pirris.                                                    

01/10/2011

L’étau télécratie - démocratie

Notre conscience individuelle n’aura jamais été autant menacée à travers l’exploitation de nos pulsions et il serait temps de brider cette arme de destruction massive que constitue le domaine télévisuel concentré sur la seule rentabilité commerciale.

C’est pour cette raison que la réaction d’Arnaud Montebourg est saine. C’est un des seuls candidats à la présidentielle de 2012, si ce n’est le seul, à avoir évoqué la question, même s’il se situe davantage sur le plan immédiatement réalisable de la concession du domaine public et de ses conséquences économiques que sur des considérations sociologiques et culturelles, inscrites dans le long terme. Mais si ce n’était que cela, cela serait déjà beaucoup.

Beaucoup, puisque cela induirait le contrôle des JT bidonnés et formatés façon Fouquet's, et surtout, permettrait d’envisager une fin à la braderie du «temps de cerveau humain disponible» via un CSA rendu compétent et indépendant. TF1 et M6 sont immédiatement visées. Tant mieux mais les contaminés du PAF sont aujourd’hui nombreux, pendant que l’apprentissage de la soumission s'est diversifiée et l’addiction au petit écran est devenue inappréciable.

télécratie, démondialisation, montebourg
On a beaucoup parlé de « Metropolis »… on n’a pas fini d’y penser.

L’alternance rêvée serait donc en effet, que l’on tienne compte et écoute l’analyse de Bernard Stiegler, initiateur et président d’Ars industrialis qui décrit parfaitement les mécanismes mis en jeu pour capter la foule des téléspectateurs isolés dont nous faisons parti à notre corps prétendument  défendant. C’est d’autant plus urgent que «la mondialisation et le phénomène d'uniformisation des comportements s'attaquent à la singularité des individus et des cultures», à notre identité initiale. N’en déplaise à un R. Enthoven qui, sans jamais s’investir dans une quelconque proposition constructive, considère la démondialisation comme un gadget tout juste bon à être «disséqué» et roulé dans un ridicule qui n’a rien d’humoristique.

La vidéo qui suit, terriblement angoissante, démontre comment l’émotion a fait place à l’exacerbation des pulsions les plus destructrices et mérite d’être visionnée ne serait-ce que pour prendre conscience du chantier qui reste à entreprendre.

16/08/2011

Histoire d’un squat

Preuve que la dignité a tout à voir avec la résistance :

Sao Paulo, 18 millions d’habitants. La plus grande ville d’Amérique Latine, la plus forte concentration de mal-logés au monde.
Au 911 de l’avenue Prestes Maia, près de 2 000 personnes ont trouvé refuge dans une usine désaffectée de 25 étages. Chômeurs, ouvriers, femmes de ménage, vendeurs à la petite semaine, se côtoient. C’est le plus grand squat d’Amérique Latine, un véritable bidonville vertical.
Severino de Sousa est arrivé le premier. A 56 ans, ce « cartoneiro » est un pilier du squat. Pour faire vivre sa famille, il trie les poubelles et revend les déchets aux usines de recyclage. Au milieu des ordures, Severino a sauvé des centaines de livres pour créer la bibliothèque du 911. En 6 ans, il a rassemblé plus de 10 000 livres.
Brasiliano da Silva vend des boissons sur les voies rapides de Sao Paulo. Il en profite pour recommander ses livres préférés. La littérature l’aide à rêver d’un monde meilleur.


Le 911 a sa propre loi. Tous doivent la respecter sous peine d’être remis en place par le conseil des habitants qui se réunit une fois par semaine. Le concierge s’occupe du courrier, les gardiens se relayent pour sécuriser l’entrée, on nettoie les parties communes à tour de rôle. Loin des violences des rues de Sao Paulo, tous trouvent un refuge et peut-être même des mots pour se battre.

A lui seul, le squat 911 s’assimile à une réussite et montre à quel point une société marginale, solidaire, peut s’organiser pour sa liberté.

Le photographe brésilien Julio Bittencourt a rendu hommage aux résidents de cet immeuble en les immortalisant, dans le cadre de leur fenêtre - symbole de vie -, pour des moments empreints d’humanité et de dignité avant que tous soient expulsés en 2007 pour …. « raisons politiques » !!!

25/07/2011

La voix foudre et tonnerre

Une voix à écouter avec le cœur au ventre, en plein vent pour mieux résister au blues ambiant et à la peur de ne pouvoir échapper à la médiocrité. La voix humaine et puissante de Jacky Micaelli.

 

Ces voix sont de l’être, à la centaine
Qui m'égratignent le cœur et l'esprit
De toutes je me rapproche
De toutes je me sens proche.
Que mon chant éclate
Et claque comme la grand-voile
Qu'il accoste sur ces rivages audacieux
Où l'amour se lève comme le jour.

Celle-ci est trompe marine
De par ces calanques où la roche résonne
L'énorme voix de l'orient
Y sculpte foudre et tonnerre

Cette autre dévale de ces hauts lieux
Où se lamente l'épaisse brume
Chez ceux qui en sont les auteurs
Même les rires semblent des plaintes

Celle-là est voix de ce peuple
A la peau maure
Qui, les yeux brillants comme des étoiles
Se moquent bien du temps qui passe.

Pour en savoir davantage

15/07/2011

Pour un défilé citoyen du 4 août

Eva Joly s’est donc attaqué au narcissisme franco-français. Elle a parlé de son envie de voir un défilé citoyen prendre peu à peu la place d’une parade de chars et d’hommes en armes convoqués sur les champs enlisés (Canard Enchaîné) pour rendre hommage à une Nation qui devrait se sentir plus menacée par les armées étrangères que par les marchés financiers et autres agences de notation.

eva joly,14 juillet,4 août

Soit. Laissons tomber le 14 juillet, ses bals et ses feux d’artifice dédiés aux familles de militaires endeuillées et faisons en sorte que le 4 août soit la fête de tous les citoyens souhaitant abolir les privilèges à commencer par celui qui consiste à payer ses impôts à l'étranger sous couvert "d'optimisation fiscale". Chiche ?

Le chef d’escadrille, premier fusible de France, en a profité pour mettre en doute la connaissance  que pouvait avoir Eva Joly des traditions hexagonales et pour pointer sa bi-nationalité. Il en aura sans doute oublié que l’antimilitarisme est une vieille histoire, une très ancienne tradition et que Georges Brassens, très apprécié de feu le général Bigeard, en avait fait, lui aussi, une chanson intitulée « Les deux oncles ».


Brassens - les deux oncles par cheshirecatfr

14/07/2011

Words... Words... Words...

Léo Férré porté disparu, seulement disparu, le 14 juillet 1993.

Il disait : "L'anarchie, c'est la révolte permanente contre soi-même et contre l'extérieur. Il y a en fait très peu d'anarchistes. L'anarchie, ce n'est pas le révolver, mais une rébellion intérieure, que l'on exprime par le regard et par la parole. L'anarchie, c'est l'extrême solitude." (source)


Une chanson dédiée aux étrangers sur un texte de Baudelaire.

Un autoportrait, un miroir, un excès de lucidité ?

Avant d’être une solution collective, l'anarchie commence par la remise en question de soi-même. Ce que, la plupart de ceux qui prétendent nous gouverner, au prétexte le plus souvent fallacieux de défendre l'intérêt général, sont incapables d'envisager. J’aimerais bien être cet anarchiste dont parle Baudelaire dans cette chanson « L’Etranger » interprétée par Léo Férré. Mais, de même que les nuages ne maîtrisent pas les vents qui les poussent, « la remise en question de soi-même », n'est pas un exercice si facile et dans ces conditions, la démocratie ne peut être qu'un choix "par défaut" ou pire, un choix partisan très éloigné de la Liberté.

« Ils ont voté ils voteront comme on prend un barbiturique
Et ils ont mis la République au fond d'un vase à reposer
Les experts ont analysé ce qu'il y avait au fond du vase
Il n'y avait rien qu'un peu de vase. »
Léo Férré, La Violence et l'ennui (1980), Words... Words... Words...

27/07/2010

Râteau d’honneur

Ou « La lettre dont on ne parlera pas », et c’est bien dommage de ne pas parler de dignité par les temps qui courent !

Rateau barbizon.jpg
En réaction à l’attribution d’une Légion d’honneur qu’il n’a jamais demandée, Jacques Bouveresse  a transmis aux Editions Agone copie d'une lettre en date du 17 juillet 2010 par laquelle il a refusé cet «honneur».

A coté d’une Légion d’Honneur accordée, acceptée et reçu des mains sales de Monsieur W. par le gestionnaire de fortune de L. Bettencourt ; le projet de donation de deux appartements à la comptable de la même L. Bettencourt, - très probablement un faux glissé dans un des tiroirs du notaire et néanmoins ami de la famille par qui le scandale arrive -, il y a aussi, et c’est très heureux :

  • une lettre adressée à un ministre de la République, V. Pécresse, par laquelle son auteur refuse très clairement de servir de caution intellectuelle à une politique «inacceptable». Un euphémisme. Cette lettre est signée par Jacques Bouveresse, philosophe exigeant et connu pour ses positions critiques contre les impostures. A noter que Jacques Bouveresse  avait déjà refusé cet «honneur supposé» à Jack Lang.

Il a répondu en Mars 2008, à une interview dans Médiapart qui éclaire les non philosophes sur sa pensée.

Lettre de Jacques Bouveresse à Mme Valérie Pécresse,
ministre de l’Enseignement supérieur

« Madame la ministre,

Je viens d’apprendre avec étonnement par la rumeur publique et par la presse une nouvelle que m’a confirmée la lecture du Journal officiel du 14 juillet, à savoir que je figurais dans la liste des promus de la Légion d’honneur, sous la rubrique de votre ministère, avec le grade de chevalier.

Or non seulement je n’ai jamais sollicité de quelque façon que ce soit une distinction de cette sorte, mais j’ai au contraire fait savoir clairement, la première fois que la question s’est posée, il y a bien des années, et à nouveau peu de temps après avoir été élu au Collège de France, en 1995, que je ne souhaitais en aucun cas recevoir de distinctions de ce genre. Si j’avais été informé de vos intentions, j’aurais pu aisément vous préciser que je n’ai pas changé d’attitude sur ce point et que je souhaite plus que jamais que ma volonté soit respectée.

Il ne peut, dans ces conditions, être question en aucun cas pour moi d’accepter la distinction qui m’est proposée et – vous me pardonnerez, je l’espère, de vous le dire avec franchise – certainement encore moins d’un gouvernement comme celui auquel vous appartenez, dont tout me sépare radicalement et dont la politique adoptée à l’égard de l’Éducation nationale et de la question des services publics en général me semble particulièrement inacceptable.

J’ose espérer, par conséquent, que vous voudrez bien considérer cette lettre comme l’expression de mon refus ferme et définitif d’accepter l’honneur supposé qui m’est fait en l’occurrence et prendre les mesures nécessaires pour qu’il en soit tenu compte.

En vous remerciant d’avance, je vous prie, Madame la ministre, d’agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux. »

Jacques Bouveresse

19/05/2010

Cut up, copie conforme

Jean-Luc Godard n'a surement pas oublié le mouvement «Cut Up» de W. Burroughs. «Film Socialisme», c'est moins d'hétérogénéité et de gratuité donc plus de cohérence. Un art du découpage, collage, montage chargé de sens et d'un rapport d'opportunité entre texte et image. C'est aussi une illustration du «la propriété, c'est le vol» contredite par «Système des contradictions économiques» et de ce qu'il faut bien payer hors usure.

Quant à l'interview de JLG dans les Inrocks à Cannes 2010, il est à lire, relire et creuser.
Godard et «Film Socialisme», Juliette Binoche (qui aurait pu ou du tourner avec JLG) et «Copie Conforme» : c'est ce qu'il faudra sans doute retenir de Cannes 2010. Ces deux là, qui n'ont apparemment rien de commun, n'ont pas de prix.

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«Domicilié en France, Godard y paie ses impôts. Il vit en Suisse parce qu'il y est né, parce qu'il ne peut se passer de "certains paysages", nous dira-t-il dans un entretien, comme toujours avec lui, très panoramique. Pendant quatre heures, dans son bureau un peu fruste, très fonctionnel, juste à côté de sa salle de travail avec sa demi-douzaine d'écrans plats et ses étagères remplies d'innombrables VHS ou DVD d'où il extrait ses citations, nous avons parlé d'histoire, de politique, de la Grèce, de la propriété intellectuelle, de cinéma bien sûr, mais aussi de choses plus intimes, comme la santé ou le rapport à la mort.» Les Inrocks

Extraits de l'interview :

Q : Pourquoi le titre, «Film Socialisme» ?

Jean-Luc Godard : «(...) Le film aurait aussi bien pu s'appeler Communisme ou Capitalisme. Mais il s'est produit un hasard amusant : en lisant une petite brochure de présentation que je lui avais fait parvenir, où le nom de la production Vega Film précédait le titre, Jean-Paul Curnier (philosophe - ndlr) a lu "Film Socialisme" et a cru que c'était le titre. Il m'a écrit une lettre de douze pages pour me dire à quel point ça lui plaisait. Je me suis dit qu'il devait avoir raison et j'ai décidé de garder Film devant Socialisme. Ça déniaisait un peu le mot.» (...)

Q : Les membres de cette famille ressemblent presque aux personnages d'une fiction ordinaire. Ça n'était pas arrivé à votre cinéma depuis très longtemps... (...) Comment procédez-vous pour agencer tout ça ?

JLG : «Il n'y a pas de règles. Ça tient de la poésie, ou de la peinture, ou des mathématiques. De la géométrie à l'ancienne surtout. L'envie de composer des figures, de mettre un cercle autour d'un carré, de tracer une tangente. C'est de la géométrie élémentaire. Si c'est élémentaire, il y a des éléments. Alors je montre la mer... Voilà, ce n'est pas vraiment descriptible, ce sont des associations. Et si on dit association, on peut dire socialisme. Si on dit socialisme, on peut parler de politique.»

Q : Par exemple de la loi Hadopi, de la question du téléchargement pénalisé, de la propriété des images...

JLG : «Je suis contre Hadopi, bien sûr. Il n'y a pas de propriété intellectuelle. Je suis contre l'héritage, par exemple. Que les enfants d'un artiste puissent bénéficier des droits de l'œuvre de leurs parents, pourquoi pas jusqu'à leur majorité... Mais après, je ne trouve pas ça évident que les enfants de Ravel touchent des droits sur le Boléro...»

Q : Vous ne réclamez aucun droit à des artistes qui prélèvent des images de vos films ?

JLG : «Bien sûr que non. D'ailleurs, des gens le font, mettent ça sur internet et en général c'est pas très bon... Mais je n'ai pas le sentiment qu'ils me prennent quelque chose. Moi je n'ai pas internet. Anne-Marie (Miéville, sa compagne et cinéaste) l'utilise. Mais dans mon film, il y a des images qui viennent d'internet, comme ces images de deux chats ensemble.»

Q : Pour vous, il n'y a pas de différence de statut entre ces images anonymes de chats qui circulent sur internet et le plan des Cheyennes de John Ford que vous utilisez aussi dans «Film Socialisme» ?

JLG : «Statutairement, je ne vois pas pourquoi je ferais une différence. Si je devais plaider légalement contre les accusations de pillage d'images dans mes films, j'engagerais deux avocats avec deux systèmes différents. L'un défendrait le droit de citation, qui n'existe quasiment pas en cinéma. En littérature, on peut citer largement. Dans le Miller (Vie et débauche, voyage dans l'œuvre de Henry Miller - ndlr) de Norman Mailer, il y a 80 % de Henry Miller et 20 % de Norman Mailer. En sciences, aucun scientifique ne paie des droits pour utiliser une formule établie par un confrère. Ça, c'est la citation et le cinéma ne l'autorise pas. J'ai lu le livre de Marie Darrieussecq, Rapport de police, et je le trouve très bien parce qu'elle fait un historique de cette question. Le droit d'auteur, vraiment c'est pas possible. Un auteur n'a aucun droit. Je n'ai aucun droit. Je n'ai que des devoirs. Et puis dans mon film, il y a un autre type d'emprunts, pas des citations mais simplement des extraits. Comme une piqûre lorsqu'on prend un échantillon de sang pour l'analyser. Ça serait la plaidoirie de mon second avocat. Il défendrait par exemple l'usage que je fais des plans des trapézistes issus des Plages d'Agnès. Ce plan n'est pas une citation, je ne cite pas le film d'Agnès Varda : je bénéficie de son travail. C'est un extrait que je prends, que j'incorpore ailleurs pour qu'il prenne un autre sens, en l'occurrence symboliser la paix entre Israël et Palestine. Ce plan, je ne l'ai pas payé. Mais si Agnès me demandait de l'argent, j'estime qu'on pourrait la payer au juste prix. C'est-à- dire en rapport avec l'économie du film, le nombre de spectateurs qu'il touche...»

Q : Pour exprimer la paix au Moyen-Orient par une métaphore, pourquoi préférez- vous détourner une image d'Agnès Varda plutôt qu'en tourner une ?

JLG : «Je trouvais la métaphore très bien dans le film d'Agnès. (...) C'est moi qui l'ai construite en déplaçant l'image. Je ne pense pas faire du tort à l'image. Je la trouvais parfaite pour ce que je voulais dire. Si les Palestiniens et les Israéliens montaient un cirque et faisaient un numéro de trapèze ensemble, les choses seraient différentes au Moyen- Orient. Cette image montre pour moi un accord parfait, exactement ce que je voulais exprimer. Alors je prends l'image, puisqu'elle existe. Le socialisme du film consiste à saper l'idée de propriété, à commencer par celle des œuvres... Il ne devrait pas y avoir de propriété des œuvres. Beaumarchais voulait seulement bénéficier d'une partie des recettes du Mariage de Figaro. Il pouvait dire "Figaro, c'est moi qui l'ai écrit". Mais je ne crois pas qu'il aurait dit "Figaro, c'est à moi". Ce sentiment de propriété des œuvres est venu plus tard. Aujourd'hui, un type pose des éclairages sur la tour Eiffel, il a été payé pour ça, mais si on filme la tour Eiffel on doit encore lui payer quelque chose.» (...)

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Q : L'écologie ne devrait pas constituer un parti politique ?

JLG : «Vous savez les partis... Les partis sont toujours pris. Même leurs noms, parfois. De Gaulle était contre les partis. A la Libération, il a quand même fait venir les partis au Conseil de la Résistance pour avoir du poids face aux Américains. Il y avait même le Front national. Sauf que ce n'était pas la même chose qu'aujourd'hui. C'était une entreprise du Parti communiste, à l'époque. Je ne sais pas très bien pourquoi les autres ensuite ont gardé ce nom-là. Un parti pris.»

Q : L'avant-dernière citation du film est : "Si la loi est injuste, la justice passe avant la loi"...

JLG : «C'est par rapport au droit d'auteur. Tous les DVD commencent par un carton du FBI qui criminalise la copie. Je suis allé chercher Pascal. Mais on peut entendre autre chose dans cette phrase.» (...)

Q : La crise grecque résonne fortement avec votre film...

JLG : «On devrait remercier la Grèce. C'est l'Occident qui a une dette par rapport à la Grèce. La philosophie, la démocratie, la tragédie... On oublie toujours les liens entre tragédie et démocratie. Sans Sophocle pas de Périclès. Sans Périclès pas de Sophocle. Le monde technologique dans lequel nous vivons doit tout à la Grèce. Qui a inventé la logique ? Aristote. Si ceci et si cela, donc cela. Logique. C'est ce que les puissances dominantes utilisent toute la journée, faisant en sorte qu'il n'y ait surtout pas de contradiction, qu'on reste dans une même logique. Hannah Arendt avait bien dit que la logique induit le totalitarisme. Donc tout le monde doit de l'argent à la Grèce aujourd'hui. Elle pourrait demander mille milliards de droits d'auteur au monde contemporain et il serait logique de les lui donner. Tout de suite.»

Q : On accuse aussi les Grecs d'être menteurs...

JLG : «Ça me rappelle un vieux syllogisme que j'apprenais à l'école. Epaminondas est menteur, or tous les Grecs sont menteurs, donc Epaminondas est grec. On n'a pas tellement avancé.» (...)

Q : Vous pensez à votre disparition ?

JLG : «Oui, forcément. Avec les problèmes de santé... Il faut que je m'entretienne beaucoup plus qu'avant. La vie se modifie. De toute façon, depuis longtemps, j'ai rompu avec la vie sociale. J'aimerais bien reprendre le tennis, que j'ai dû arrêter pour des problèmes de genou. Quand on devient vieux, l'enfance revient. C'est bien. Et non, ça ne m'angoisse pas particulièrement de disparaître.»

Q : Vous semblez très détaché...

JLG : «Mais au contraire, au contraire ! Je suis très attaché (rires). A ce propos, Anne-Marie m'a dit l'autre jour que si jamais elle me survivait, elle ferait écrire sur ma tombe : "Au contraire"...»

20/04/2010

Chant LAKOTA

La culture des peuples amérindiens dont est issu le chant qui suit, mettait en évidence des «lois primordiales» (Droits de l'Homme ?) qui ne devraient pas être si différentes des nôtres. La réalité est malheureusement tout autre dans la mesure où nous fonctionnons avant de vivre, en très grande contradiction avec la nature ou l'humanité, dans l'ignorance des conséquences liées à nos actes dont nous demeurons comptables.

Le pilote qui a jeté la bombe H sur Hiroshima était trop haut dans le ciel pour sentir la souffrance qu'il infligeait ; les financiers américains qui, avec la complicité de leur gouvernement, ont retiré leurs capitaux d'Allemagne pendant la grande dépression étaient trop près de leurs chiffres et trop loin de leurs frères pour comprendre qu'ils livraient ainsi au fanatisme un pays déjà humilié à l'excès par le traité de Versailles ; les chimistes de Monsanto ignorent tout du sentiment d'appartenance des paysans à leur terre. Etc, etc.

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«Nous n'avons jamais eu de police,
Nous n'avons jamais eu de prison.
Nous n'avions qu'un certain nombre de lois primordiales à vivre :
Ne mens pas.
Ne vole pas.
Soit fort.
Prends soin de ton frère.
Prends soin de ceux qui sont au-dessous de toi.
Prends soin des Anciens.
Utilise ta force pour le bien du Peuple.
Conduis-toi d'une façon juste»
Source

15/03/2010

« J'ai froid »

1980, Jean Ferrat chante « J'ai froid ».

2010, 21% aux régionales PACA pour le FN : Triomphe de l'imposture, de l'indigence, de la vulgarité.

POURQUOI ? ... A-t-on la réponse ?

Toujours pas. Pas vraiment. C'est encore plus gênant.

Le vent du midi s'abat en rafales
Sur la vallée noire où les arbres ploient
Leurs bras désolés fument des gitanes
J'ai froid
Une fois de plus tous les droits de l'homme
Sont foulés aux pieds sont jetés à bas
Les maîtres sanglés dans leurs uniformes
J'ai froid

Une fois de plus la grande injustice

La force imbécile triomphe du droit
Quand la liberté tombe sa pelisse
J'ai froid
Encore une fois les lettres anonymes
La bêtise épaisse en guise de loi
La salve éclatant au milieu de l'hymne
J'ai froid

Si la bête immonde sort de sa tanière

Nous retrouverons le chemin des bois
Mets dans ma valise un gros pull-over
J'ai froid
Dans tes yeux soudain ivres de colère
La révolte éclaire un grand feu de bois
Quand fera-t-il donc le tour de la terre
J'ai froid

30/01/2010

No sarkosy day

Une date à retenir : 27 mars 2010..., un appel

Inconséquence politique, échec économique, casse sociale, rupture du pacte républicain, atteinte à l'égalité des chances, politique de la peur, stratégie de la division, lois liberticides, pratiques autocratiques du pouvoir, favoritisme, népotisme, manipulations médiatiques, ingérences judiciaires, collusion avec le monde des affaires et les forces de l'argent...

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Nous avons tous nos raisons pour nous opposer à Sarkozy et à son clan, pour résister au sarkozysme. Mais ce président sans envergure, effrayé par le peuple, prend grand soin de le tenir à l'écart, muselant au besoin sa parole derrière des cordons de CRS.

Alors, ENSEMBLE, nous élèverons la voix plus haut, nous nous ferons entendre plus fort, unis dans la défense des valeurs de notre République :

Liberté - Egalité - Fraternité - Laïcité - Démocratie

Nous, simples citoyens, vigilants et inquiets, en conscience et indépendamment de tout parti ou syndicat, appelons toutes celles et tous ceux qui ressentent l'envie, le besoin de dire NON ! à Nicolas Sarkozy, à se rassembler pour un No Sarkozy Day.

Le 27 mars 2010 : une journée pour lui dire NON !

Des rassemblements seront organisées partout en France, à partir de 14 Heures devant les préfectures et les sous-préfectures, à Paris place de la Bastille, et dans le monde entier devant les ambassades de France.

A l'issue de cette journée de mobilisation, se tiendront partout des réunions ouvertes, où nous pourrons ensemble, démocratiquement, décider de la suite à donner à ce mouvement de contestation populaire du sarkozysme, contestation que nous espérons aussi large que possible.

SIGNER L'APPEL

Le groupe Facebook du No Sarkozy Day a été supprimé.

Facebook aurait-il subit des pressions ?

Voici le nouveau groupe en attendant pensez à vous y inscrire et à en diffuser l'adresse.

24/11/2009

Indifférence

Compagnie Lubat - Album : "Scatrap jazzcogne"


Dans le texte :

"Ainsi va la vie d'ici, la vie est là d'ici-bas
Elle débat et batt'rie les premiers pas dansés al banc des écoliers
Balancés dans l'air sans en avoir d'air, saoulés dans le temps
Aux folles nuits d'abus du soufflet qui s'étire et rit, c'est bon, c'est l'ton du blues

Et si c'était ça la vie, et si on nous l'avait pas dit ?
L'épique époque aussi va de l'avant, l'aventure est là
Allez, dis-le-nous donc, dis, dans des mots doux au dit désir ici, efficace étape à passer

Sur ton accordéon tu touches à touches, écoules, et facile agis là du bout des doigts
Docile au songe assis tu médites tes fois t'effaces au firmament une note cassée
Qu'assez on en ait plus jamais d'enlacer la musique
Infinie mélodie qui vit, effile l'âme à son pas dédicacé là, baladant l'horizon

Ainsi va Lubat la vie, la vie ça va, tu l'as dit
Au bal aussi c'est là que t'as tout vu passer
Le pas s'est dépaysé
Vas-y l'évasif, vas-y l'enfant, tout petit déjà
Jadis on l'a dit : "Mainatge aqueste còp te'n sortiràs pas coma aquò..."

Et si c'était dommage, pas si c'est un hommage
Aux hommes assis devant, vu de l'avant
L'aventure est là
Allez dis-le-nous donc dis
Dans des mots doux au dit désir ici efficace étape à passer

E si l'oblidas dispareish deu lengadge
Autant vrai coma pèc qu'un desir ambicios
"Assurement", libèria, tot de l'animaut sauvadge
La cauja es coma te l'as hèita.

Tanpòc au bal a tu que trucas, a tu que tracas
A tu que tòcas, a tu que rigas, a tu que ragas
A tu que riga-raga on avèvas mis lo cap Petit caborrut
Enqüèras un còp a tu que trucas, a tu que tracas
A tu que tòcas, a tu que rigas, a tu que ragas
A tu que riga-raga on avèvas mis lo cap pelut

E si l'oblidas dispareish deu lengadge
Autant vrai coma pèc qu'un desir ambicios
"Assurement", libèria, tot de l'animaut sauvadge
La cauja es coma te l'as hèita.

Vois si tu n'es pas d'avis
A ton avis ça se vit
Vitale hésitation qui va faire éclater le banc des attelés
Balancés dans l'air sans en avoir d'air, saoulés dans le temps
Aux folles nuits d'abus du soufflet ils s'étirent et rient, c'est bon, c'est l'ton du blues.
Et si c'était ça la vie, et si on nous l'avait pas dit ?
L'épique époque aussi va de l'avant, l'aventure est là
Allez, dis-le-nous donc, dis, dans des mots doux au dit désir ici, efficace étape à passer
Et si tu vas tout droit, t'y auras droit !"

21/11/2009

Peut-on se passer de Camus ?

  • On se l'arrache

Les Sarkozy :
« Ce serait un symbole extraordinaire de faire entrer Albert Camus au Panthéon »
Bruxelles - 19/11/09

  • On le cite pour-en-finir-avec-les-conformismes et dévoiler-ses-références-culturelles

Ségolène Royal :
«
Je tiens à citer également Albert Camus parce qu'il cherche et qu'il s'engage ». Le Point - 31/03/08

  • On l'égotise et on se consacre

Jean Daniel :
« (...) Et quand il a eu le prix Nobel, j'en ai été heureux comme s'il était de ma famille. Je lui ai écrit que mon admiration et mon affection pour lui demeuraient inaltérées et que, chaque fois qu'il avait estimé que j'avais tort, je n'avais plus été tout à fait sûr d'avoir raison. Il est revenu à Paris. J'ai trouvé chez moi un petit mot qui se terminait par cette phrase : « L'important, c'est que vous et moi soyons déchirés. » J'ai eu, depuis, le temps de réfléchir à chacun de ses mots. « L'important », on peut traduire : ce qui est le plus essentiel. « Le déchirement », on peut traduire : le tiraillement entre deux vérités. Cela veut dire que, pour Camus comme pour Dostoïevski, la vérité n'est pas un absolu mais doit être recherchée dans le bonheur, le tourment et la contradiction. En l'occurrence, il concédait que la vérité pouvait ne pas être seulement de son côté. Qu'il la partageait avec moi. Qui peut dire en ce moment, avec ce que vit une Algérie dont tant d'enfants ne songent qu'à rejoindre la France, si la vérité n'était pas à partager entre ses positions et les miennes ? »
Nouvel Obs. - 19/11/09

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  • On l'intériorise

L'anonyme du 35 bd Haussmann :
« Quand je passe le balai, je pense à Camus, au mythe de Sisyphe, au tonneau des danaïdes (...) et  bien sûr à la main de Thierry Henry. (...) Ce que je sais de la morale, (...), c'est au football que je le dois. »

  • On le mégote

Pierre Bergé, lui, a choisi le contrepied :
« Il n'y a pas que des génies au Panthéon, donc ça va très bien qu'il y soit. Camus n'est pas un écrivain que j'aime. Je trouve que c'est un écrivain pour instituteurs. Je pense qu'aujourd'hui Malraux et lui sont considérés comme deux serre-livres, qu'on pose sur des étagères et qu'on ne lit pas. »
Rue 89 - 21/11/09

  • On le frontispice

Le Pen lui suppute un coup fourré :
« Sur le principe, je suis assez d'accord puisque c'est un écrivain français de grande renommée, mais la date à laquelle survient cette proposition est tout de même singulièrement électoraliste", a déclaré le président du FN. "C'est un choix électoraliste. Celui d'un écrivain pied-noir à quatre mois des élections régionales où probablement la majorité va subir une lourde défaite, je crois que c'est assez évident ». Le Figaro - 20/11/09

  • On s'en grise

« Je sais que si je suis très triste, je peux m'emparer d'un San-Antonio pour rire un peu. Sinon, sans que ce soit un livre de chevet, s'il y en a un que je devrais garder avec moi, c'est l'Etranger, de Camus ». Lazarbie

  • On sonde, soupèse et condense

« Les hommes préfèrent Camus :
Les romans qui ont le plus compté dans la vie des hommes d'aujourd'hui ont été écrits par des hommes, généralement blancs et morts. Pour les femmes, c'est plus mélangé. C'est ce qui ressort d'une grande enquête menée par deux chercheuses de l'Université de Londres et commandée par le
Orange Prize for Fiction et par le quotidien The Guardian. Entrons dans le détail de ce rapport qui condense les résultats d'interviews réalisées auprès de 500 britanniques de sexe masculin, dont un certain nombre entretiennent des rapports professionnels avec la littérature, un an après que la même équipe ait posé la même question à autant de femmes il y a un an.

Résultat : L'Etranger (en anglais : The Outsider) d'Albert Camus vient en tête suivi de L'attrape-cœur de J.D. Salinger (...) les lecteurs n'attendent pas des romans qui ont changé leur vie qu'ils en soient un guide ou un compagnon éternel : ils les lisent "comme ils liraient des manuels de photo". Ils y trouveraient, chez Orwell par exemple, de quoi conforter leur angoisse de la désagrégation sociale et leur goût du combat solitaire, (...) La fiction étant parfois si étranger à nombre d'hommes, ceux-ci citent spontanément des essais ou des livres d'histoire (...) Cette enquête le confirme, le fait est qu'entre 20 et 50 ans, les hommes ne lisent pas de romans ». République des livres - 09 avril 2006

  • On s'en détourne jusqu'à la falsification

Pour ne pas décevoir les nostalgériques, accoutumés à la réécriture oiseuse et mensongère de la période de l'Algérie française.

  • Finalement, on ne saura jamais qui s'en est le plus inspiré. Vraiment. Ca se voit tellement peu.

10/11/2009

Rencontres littéraires

La littérature fait l'actualité. Ou l'inverse.

C'est le Prix Renaudot 2009 qui, très involontairement peut être, contribue à commémorer le 11 novembre, les « morts pour l'exemple » de la guerre de 14 et beaucoup d'autres injustices ...

Extrait de " Un roman français" de F. Beigbeder- Grasset (p11 & 12)

« Dans sa dernière lettre à mon arrière-grand-mère,Thibaud affirme qu'il ne dispose pas des tenailles pour découper les barbelés afin de se frayer un chemin vers les positions ennemies. Il décrit un paysage crayeux et plat, une pluie incessante qui transforme le terrain en marécage boueux et confie qu'il a reçu l'ordre d'attaquer le lendemain matin (...).

Le 161è Régiment d'Infanterie s'est jeté sur un mur de balles ; comme prévu, mon arrière-grand-père et ses hommes ont été déchirés par les mitrailleuses allemandes... On peut dire que Thibaud a été assassiné par sa hiérarchie. »


C'est aussi Marie NDiaye, Prix Goncourt 2009, racontant des vies déchirées entre l'Afrique et la France qui pose la question de la multiethnicité et constitue un pied de nez au questionnement identitaire actuel...

Extrait d'une interview réalisé pour les Inrockuptibles le 30 août 2009.

Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ?

« Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l'écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants - ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d'être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j'ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je me souviens d'une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j'aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c'est la mort." Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d'abêtissement de la réflexion, un refus d'une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n'a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n'a plus. »

06/11/2009

Claude Levi Strauss

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Dans un monde qui s'autodétruit et fait une large place à un « mono culturalisme universel », au moment où un débat mesquin, minable et "imbécile" sur l'identité nationale est lancé, Claude Levi Strauss suscite aujourd'hui les éloges de ceux qui, pour la plupart, n'ont tiré aucun enseignement de son humanisme et de ses travaux. Le découvrir en toute humilité et sans discours superflu est le seul hommage qu'on puisse lui rendre.


 

Entretien avec Claude Levi-Strauss - kewego
Rencontre filmée en 1998 au Collège de France lors de laquelle le célèbre penseur et anthropologue évoque ses souvenirs des Landes et du lycée de Mont-de-Marsan où il enseigna.

14/10/2009

Défense du Théâtre Toursky

Richard Martin et l'ensemble de la délégation partie de Marseille pour soutenir l'existence du Théâtre Toursky se présenteront à 14h30 au Ministère de la Culture et de la Communication, rue de Valois, afin d'y rencontrer Frédéric Mitterrand ou l'un de ses représentants habilité à traiter du dossier de ce théâtre  qui existe

Le 15 octobre sera le 12e jour de la grève de la faim de Richard Martin et Jean Poncet. Tergiversations et faux-fuyants ne pourront plus être de mise. La crédibilité des propos récurrents du Ministre quant à son souci de "défendre et promouvoir les artistes, porter le multiculturalisme et s'investir dans la culture populaire", est à ce prix. Le fonctionnement du théâtre Toursky aussi, qui n'a d'autre raison d'être que de conjuguer culture, mixité sociale et internationalisme.

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MICHEL BOUQUET, comédien :

« Avec ce théâtre, je défends avant tout le respect du public. J'y ai joué plusieurs fois des pièces très importantes comme Le roi se meurt de Ionesco, comme des Molière et chaque fois, sur les trois ou quatre représentations que nous donnions, j'ai trouvé d'abord une salle absolument comble et un public tout à fait magnifique. Et je me suis dis que ce public trouvait une complète satisfaction dans les spectacles qui lui étaient présentés, puisqu'il s'abonnait et restait fidèle. C'est une chose très rare et très importante de pouvoir rassembler autant de monde sur une pièce comme celle de Ionesco.
J'ai joué dans différents endroits à Marseille, mais j'ai rarement trouvé une chaleur aussi forte que chez Richard Martin. J'en ai déduit que non seulement le théâtre Toursky était nécessaire, mais qu'en plus il avait totalement fait ses preuves.
A mon âge, je sais quelle est la difficulté de construire un vrai public. Un public prêt à entendre les textes les plus difficiles et à voir les spectacles les plus importants. Pas forcément distrayants comme on l'entend dans certains cas, mais complètement distrayants sur le plan de l'esprit et du cœur. Un public qui se réunit en très grand nombre pour se frotter aux plus grands auteurs du siècle passé ou des auteurs contemporains.
Je suis très heureux de saluer en Richard Martin quelqu'un que je respecte infiniment. Sa personnalité est très importante, au même titre que les grands hommes de théâtre qui, entre les deux guerres, ont construit avec le Cartel des publics magnifiques. Que ce soit Dullin, Jouvet, Baty, Pitoeff... Richard est à mon avis de cette race-là. J'ai trouvé en Richard un défenseur de cette forme d'esprit, de cette forme de théâtre qui s'apparente au Cartel (*).
Je ne comprendrais donc pas qu'on puisse priver cet homme de son outil de travail et ce nombre de spectateurs de ce lieu de rencontres et d'évolution intellectuelle. »
La Marseillaise du 9/10/09.


(*) Michel Bouquet veut parler du « Cartel des quatre » (Dullin, Jouvet, Baty, Pitoeff), association d'entraide créée en 1927, basée sur l'estime professionnelle, le respect réciproque et dans le but de donner une visibilité au théâtre d'avant-garde.

08/10/2009

Tout le monde le sait

Everybody Knows
Leonard Cohen


Tout le monde sait que les dés sont truqués
Tout le monde les jettent avec les doigts croisés
Tout le monde sait que la guerre est terminée
Tout le monde sait que les bons gars ont perdu
Tout le monde sait que le combat était arrangé d'avance
Les pauvres restent pauvres, les riches s'enrichissent
C'est comme ça
Tout le monde le sait

Tout le monde sait que le bateau fuit
Tout le monde sait que le capitaine a menti
Tout le monde a ce sentiment de déchirement
Comme si leur père ou leur chien venait de mourir
Tout le monde parle à ses poches
Tout le monde veut une boîte de chocolats
Et une rose à longue tige
Tout le monde le sait

Tout le monde sait que tu m'aimes bébé
Tout le monde sait que tu m'aimes vraiment
Tout le monde sait que tu as été fidèle
Ah, à une ou deux nuits près
Tout le monde sait que tu as été discrète
Mais il y avait tellement de gens que tu devais rencontrer
Sans tes vêtements
Et tout le monde le sait

Tout le monde le sait, tout le monde le sait
C'est comme ça
Tout le monde le sait

Tout le monde sait que c'est maintenant ou jamais
Tout le monde sait que c'est toi ou moi
Et tout le monde sait que tu vis éternellement
Et quand que tu t'es fait une ligne ou deux
Tout le monde sait que le marché est pourris
Old Black Joe cueille encore du coton
Pour vos rubans et vos foulards
Et tout le monde sait

Et tout le monde sait que la peste arrive
Tout le monde sait que ça bouge rapidement
Tout le monde sait que les hommes et les femmes nues
Sont seulement un artéfact du passé
Tout le monde sait que la scène est morte
Mais il y aura un compteur sur ton lit
Qui révélera
Ce que tout le monde sait

Et tout le monde sait que tu es dans le trouble
Tout le monde sait ce que tu as dû traverser
Depuis la croix sanglante au dessus du Calvaire
Jusqu'aux plages de Malibu
Tout le monde sait que ça se casse
Jette un dernier coup d'œil au sacré cœur
Avant qu'il n'éclate
Et tout le monde sait

06/10/2009

Un leurre contre un sens

Une information qui semble dérisoire, ça n'a l'air de rien, mais en cascade et à la longue... c'est décourageant comme une polémique. Nous sommes à Marseille, prochaine capitale européenne de la culture en 2013. Deux lieux emblématiques : le stade Vélodrome et le théâtre Toursky.

A droite, l'idée d'une cagnotte

  • pour lutter contre l'absentéisme de lycéens qui auraient encore des envies d'école buissonnière - à cela près et compte tenu que « Les 400 coups » de JP Léaud et de François Truffaut sont largement dépassés -, ou
  • pour une simple question de contrôle social, ou
  • pour permettre aux dits lycéens de mieux digérer leur programme.
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A gauche Richard Martin, 65 ans, qui se bat pour que le théâtre Toursky, inauguré par Léo Férré au cœur de la Belle de Mai, poursuive une mission culturelle et populaire faite de résistance, de poésie, de liberté et de créativité. Des mots qui, plus que jamais, ont un sens et qui font peur, précisément pour cette raison.

D'un côté, le proviseur lycée Mistral à Marseille qui propose à ses élèves de troquer une sieste en classe contre une place au Vélodrome de l'OM. Qui choisit donc de susciter un réflexe de Pavlov plutôt que de solliciter une prise de conscience, même minime, visant à un début d'autonomie et de responsabilisation, autres mots qui font peur. Alors bien sûr, dans l'immédiat, les résultats ne se font pas attendre puisqu'il faut, provisoirement, faire parler les chiffres et combler un vide dans l'emploi du temps.

De l'autre, un homme de théâtre, Richard Martin, dans un ailleurs utopique et vital, qui écrit dans un édito :

"Les chemins de la culture sont des chemins de patience qui demandent rigueur et qualité, constance et idéal.
Les artistes sont des passeurs nomades, acteurs de la Vérité, qui interrogent leur temps.
Sous une forme ou sous une autre, ils nous apportent les courants d'expression et les mouvements vivants de la société et du monde.
Leurs exigences me tiennent particulièrement à cœur parce qu'elles sont des outils de résistance forgés pour tous.
La parole artistique, lorsqu'elle s'attache à mettre en relief la complexité de l'humain, fait fleurir les questionnements d'une âme universelle que ne cessent d'approfondir le théâtre, la musique, la danse et la poésie.
J'ai toujours tenu pour essentiel que tous ces arts, qui composent la mosaïque du spectacle vivant, portent l'expression d'une culture pour tous, vibrante dans sa diversité, contemporaine dans ses choix et ses propositions, vigilante et combative dans ses convictions, métisse et plurielle dans son message de paix et d'espérance.
En ces temps de crise où le monde est de plus en plus déréglé et instable, égaré dans le fantasme marchand qui entraîne l'homme vers l'abandon et la solitude, je suis convaincu que l'art est un formidable tremplin à l'insoumission utile.
Conserver intacte cette capacité à donner une forme et un sens à nos utopies me semble la seule voie encore praticable pour incarner la réalité d'aujourd'hui et celle de demain.
Je souhaite que toutes ces nouvelles rencontres à venir puissent nous faire partager des instants d'humour, de tendresse et de liberté, et que le croisement de ces rêveries nous interroge au plus près du monde des passions et des idées."

Alors la « cagnotte » de Martin Hirsch vaut-elle « l'insoumission utile » de Richard Martin ?
Au bout du compte, on se trouve toujours en face du même dilemme : la facilité, l'immédiate rentabilité contre toute construction patiente ; le bruit et la gesticulation contre l'apprentissage d'une vie intérieure qui pourrait nous sauver des supermarchés ; un leurre contre un sens.

Question annexe : une place au Vélodrome vaut-elle une place au théâtre Toursky ?

Sauver le théâtre Toursky

27/09/2009

Le suicide, c’est pas beau

A côté d'une expression apparemment sans queue ni tête mais révélatrice d'une tendresse enfantine et inquiète, ressemblant un peu à : «Si tu meurs, j'te tue», les discussions vont bon train sur le thème «le suicide, que faut-il en penser ?». Question absurde à propos d'un tabou douloureux qui s'ouvre sur une hypocrisie crasse.

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Si un cadre qui se suicide, est un fait «dérangeant», on constate que sur un ensemble avoisinant 12.000 cas sur une année (160.000 tentatives), seuls ceux qui remettent en cause la gestion des entreprises (on parle rarement des simples salariés), ou ceux décomptés dans les établissements publics carcéraux (environ 90), sont médiatiquement pris en charge.

Santé publique et gestions défaillantes sont à peu près les seuls axes qui orientent les réflexions pour une meilleure... «prévention» et «anticipation du risque» !!!  Et si le risque n'a pas pu être évité, encore faudra-t-il tenir compte de la difficulté à établir un lien de causalité entre suicide et travail. Du pain sur la planche en perspective pour les avocats et les assurances chargés de déterminer matériellement les pénalités infligées ou compensations accordées à «ceux qui restent» !

Mais ce qui semble être le plus «gênant» c'est de ne pas pouvoir, ni oser, désigner les suicidés comme les seuls coupables d'une «mode qui choque tout le monde».
La situation des survivants est bien entendu très inconfortable et c'est à juste titre qu'en dehors de leur deuil, l'on parle de :

  • taxer les entreprises dans lesquelles les salariés mettent fin à leur contrat de travail de façon radicale, et à minima de revoir les méthodes utilisées par les DRH,
  • ou, concernant le système pénitentiaire, d'informer des sanctions infligées à l'Etat par les tribunaux administratifs et/ou la cour européenne des droits de l'homme pour ses conditions de détention indignes sensées être à l'origine de suicides en cascade.

Sur ce dernier point, une loi visant à sécuriser la vie dans les prisons vient d'être votée sans publicité - de façon quasi honteuse - le 22 septembre dernier. Répond-elle aux attentes de Louis Albrand, auteur d'un rapport conséquent sur le sujet ? Pas vraiment ?
Qu'en pense l'Observatoire International des Prisons ? Oserait-on l'imaginer ?

Ces questions risquent de rester sans réponse d'autant que dans le contexte actuel un suicide, serait-il militant, ne suffirait pas à changer la vie et que se poser la question du «pourquoi» pourrait passer pour être l'expression d'un terrorisme rentré.

Reste l'esthétique.

Elle est parfois moins terre à terre et mieux à même de mettre en évidence les causes profondes du refus de vivre. «Le Diable Probablement», film de Robert Bresson sorti il y a plus de trente ans, en 1977, en est un exemple. Ce qu'en disait l'auteur lui-même :
«Ce qui m'a poussé à faire ce film, c'est cette civilisation de masse où bientôt l'individu n'existera plus. (...) Cette immense entreprise de démolition où nous périrons par où nous avons cru vivre. C'est aussi la stupéfiante indifférence des gens».


«Le Diable Probablement» a été interdit aux moins de 18 ans comme pouvant encourager des tendances suicidaires.

Le sujet : Un garçon d'une vingtaine d'années, Charles, est découvert, mort, dans une allée du cimetière du Père-Lachaise. Avec ses amis, il passait de nombreuses heures en discussions sans fin sur les dangers qui menacent le monde : pollution, gaspillage des ressources naturelles, décomposition du tissu social, famine, guerre... S'inquiétant pour lui, ses amis finissent par le convaincre de consulter un psychanalyste. Mais Charles ne retient de cette rencontre qu'une seule information : dans la Rome Antique, les candidats au suicide demandaient à un esclave de les aider à mourir. Il passe à l'acte en demandant à ce qu'on lui tire deux balles dans la tête.

Transcription partielle des dialogues :
« Le monde dégrade autant celui qui donne que celui qui reçoit (...) Si mon but était l'argent et le profit, je serais respecté de tout le monde (...) Je ne peux imaginer que je serai jugé pour n'avoir pas compris ce que personne ne peut comprendre (...) Plus rien n'est politique dans ma vie, si ce n'est le refus de toutes les politiques (...) Je ne suis pas déprimé. Je veux seulement avoir le droit d'être ce que je suis. Je ne veux pas que l'on me force à ne plus vouloir, à remplacer mes non désirs par de faux désirs, calculés par des statistiques, des sondages, des calculs, des classifications américano-soviétiques super-connes. Je ne veux pas être un esclave (...) Je n'ai pas envie de mourir : je déteste la vie mais je déteste aussi la mort. »

 

Mise à jour :

Dépêche du 28 septembre 2009

Un vingt-quatrième suicide à France Télécom

"Un salarié de France Télécom s'est donné la mort lundi matin à Alby-sur-Chéran, en Haute-Savoie, portant à vingt-quatre le nombre de suicides au sein de l'entreprise depuis février 2008. L'information, révélée par Le Dauphine libéré, a été confirmée par la direction du groupe.
L'employé s'est jeté d'un viaduc et a mis en cause dans une lettre son employeur

Sources Yahoo & http://contreinfo.info/

17/09/2009

Patrimoine et partis politiques

Les partis politiques appartiennent-ils au patrimoine ?

Pas de doute en ce qui concerne quelques uns de leurs lieux de réunions : Versailles, Palais du Luxembourg, Palais Bourbon qui seront visités les 19 & 20 septembre à l'occasion des journées du patrimoine.
Quant aux partis politiques eux-mêmes, acteurs d'un spectacle devenu répétitif et éprouvant, il se pourrait bien qu'ils so
ient enfin «revisités» comme le souhaitait la philosophe Simone Weil (1909‑1943), dans sa «Note sur la suppression générale des partis politiques» écrite en 1940.

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Argumentaire en dix points résumés de la philosophe :

  1. Critère du bien : "en premier lieu, la vérité et la justice ; en second lieu, l'utilité publique". (p.25)
  2. "La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, n'est pas le bien. C'est un moyen, pour satisfaire vérité, justice et utilité publique". (p.25)
  3. "Il y a plusieurs conditions pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux retiennent l'attention (p.30) : absence de passion collective d'une part ; que le peuple ait à exprimer son vouloir à l'égard des problèmes de la vie publique et non pas de faire des choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables", d'autre part. (...) "Le seul énoncé de ces deux conditions montre que nous n'avons jamais rien connu qui ressemble même de loin à une démocratie." (p.32-33)
  4. "Pour apprécier les partis politiques selon les critères de vérité, de justice et d'utilité publique, il convient d'en discerner les caractères essentiels. On peut en énumérer trois (p35) : Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective".
  5. "Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres".
  6. "L'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite".
  7. "Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration (...)" (p.35)
  8. "Aucune quantité de pouvoir ne peut jamais être regardée comme suffisante (...) Le parti se trouve (...) dans un état continuel d'impuissance qu'il attribue toujours à l'insuffisance du pouvoir dont il dispose. Serait-il maître absolu du pays, les nécessités internationales imposent des limites étroites." (p40)
  9. "Un homme qui adhère à un parti a vraisemblablement aperçu dans l'action et la propagande de ce parti des choses qui lui ont paru justes et bonnes. Mais il n'a jamais étudié la position du parti relativement à tous les problèmes de la vie publique. En entrant dans le parti, il accepte des positions qu'il ignore (...) Quand peu à peu, il connaîtra ces positions, il les admettra sans examen". (p59)
  10. A moins de renoncer à lui-même, aucun homme ne peut servir deux maîtres à la fois, un idéal collectif et un intérêt individuel, encore moins une idéologie relevant de la pensée unique et des convictions personnelles librement assumées.

Pour éclairantes que soient ces réflexions, il faut bien s'avouer que les partis restent pour l'instant un mal nécessaire. Il serait pourtant possible, d'en rétablir la crédibilité et d'en atténuer le coté négatif au moins partiellement en :

  • établissant la validité du « vote blanc » pour qu'il soit comptabilisé
  • organisant la gratuité totale des adhésions aux partis politiques
  • alignant le salaire des élus sur celui des fonctionnaires

Quant à leur aspect « patrimoine », à l'instar de la gastronomie, les partis politiques pourraient in extremis être sauvés de leur actuelle déconfiture s'ils devaient bénéficier d'une mesure de protection opportunément concoctée par convention de l'UNESCO, ratifiée par 78 Etats le 20 juin 2007.  Et ce, au même titre que « L'isopolyphonie populaire albanaise », « Le muqam ouïgour du Xinjiang » ou « Les dessins sur le sable de Vanuatu ».

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En effet, selon cette convention,

« On entend par Patrimoine Culturel Immatériel les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire (...) que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu (...), leur procure un sentiment d'identité et de continuité (...). Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l'homme, ainsi qu'à l'exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d'un développement durable. »

Ayant une part de responsabilité (trop souvent malheureuse) dans notre histoire et notre culture, « revisités » ou pas, pourquoi les partis politiques n'entreraient-ils pas au Patrimoine Culturel Immatériel de l'Humanité ?

03/09/2009

150ème anniversaire de Jean Jaurès

Républicain, dreyfusard, défenseur de la laïcité, pacifiste, Jaurès avait de ces envolées qui rendent bien médiocres les discours actuels qui, s’inscrivant dans un contexte de désacralisation de la fonction politique, s’en trouvent trop souvent abâtardis et vidés de toute référence à ce que l’on appelle «Humanisme» ou «grandeur d’âme».

Le 3 septembre 2009, Jean Jaurès aurait eu 150 ans. Le 30 juillet 1903, il prononce au Lycée d'Albi l’un de ses discours les plus retentissants : Le discours à la jeunesse.

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Un discours qui est à replacer dans le contexte de l’époque : fragilité des nations qui vivent dans la hantise des conflits armés à venir et fragilité de l’institution républicaine d’une part ; nouvelle conception droits économiques et sociaux, nouvelle conception de la laïcité d’autre part.

Extraits :

«(…)  Ce qui reste vrai, à travers toutes nos misères, à travers toutes les injustices commises ou subies, c’est qu’il faut faire un large crédit à la nature humaine ; c’est qu’on se condamne soi-même à ne pas comprendre l’humanité, si on n’a pas le sens de sa grandeur et le pressentiment de ses destinées incomparables.
Cette confiance n’est ni sotte, ni aveugle, ni frivole. Elle n’ignore pas les vices, les crimes, les erreurs, les préjugés, les égoïsmes de tout ordre, égoïsme des individus, égoïsme des castes, égoïsme des partis, égoïsme des classes, qui appesantissent la marche de l’homme, et absorbent souvent le cours du fleuve en un tourbillon trouble et sanglant».

(…) «Instituer la République, c’est proclamer que des millions d’hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre sans se déchirer ; que leurs divisions n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature même passagère une trêve funeste et un lâche repos. Instituer la République, c’est proclamer que les citoyens des grandes nations modernes, obligés de suffire par un travail constant aux nécessités de la vie privée et domestique, auront cependant assez de temps et de liberté d’esprit pour s’occuper de la chose commune».

(…) «Ce n’est pas seulement dans les relations politiques des hommes, c’est aussi dans leurs relations économiques et sociales qu’il faut faire entrer la liberté vraie, l’égalité, la justice (…)».

Jean Jaurès est mort à Paris, assassiné le 31 Juillet 1914 à 21 h 30, à l’angle de la rue du Croissant et de la rue Montmartre. Le 2 août  suivant l'ordre de mobilisation est affiché sur tout le territoire.


La chanson de Jacques Brel intitulée «Jaurès», reprise par la suite par Manu Dibango puis ensuite par Zebda, rappelle à quel point l’homme politique était devenu une figure mythique. En 2005, un téléfilm lui est consacré : «Jaurès, naissance d’un géant».

01/09/2009

Presse, le repli numérique

La presse sous contrôle, c'est une réalité qui n'est pourtant pas ou mal acceptée par la plupart des patrons de presse et directeurs de publication qui se disent, à tort, encore indépendants. Ce qui relèverait d'une forme de déni s'ils en étaient vraiment convaincus. En tous cas, si les journaux dont ils ont la responsabilité et qui ne leur appartiennent heureusement pas, sont encore dignes de crédit c'est le fait de salariés qui essaient d'y transmettre l'information en toute conscience et honnêteté.

Parmi les exemples d'indépendance perdue, quasi définitivement et de façon plus ou moins spectaculaire, on peut notamment citer le cas du Nouvel Observateur, volontiers récidiviste.

Avant les vacances, ce bastion supposé de la presse d'opposition socialiste, a préféré consacrer quelques pages d'interview à N. Sarkosy, entrecoupées de publicités glacées très chiques, plutôt que de s'intéresser à un vrai débat de société ou à l'évolution du PS, en butte à ses démons et pour cause. Du « j'aime tellement la gauche que je lui tape dessus en permanence à bras raccourcis », on est passé à « j'ai tellement réfléchi à ce que pouvait être l'opposition que, finalement, j'y renonce et me soumets à la résistible pensée unique ». Le magazine gauche caviar s'est visiblement rangé du côté des Bruni, Val, Lang, BHL, Kouchner et Cie, et s'est glissé dans une des antichambres de la presse people. Ce qui est étonnant, c'est le peu de bruit que cette contorsion a suscité. Pas même un courrier des lecteurs qui lui ait été dédié dans les numéros d'après.  Quant à l'efficacité du coup médiatique « pour sauver le journal », il y a de quoi rester perplexe. Voir note précédente.

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Du moins dans sa forme traditionnelle, la presse écrite est peut être en train de disparaître définitivement. Mais du même coup, le meilleur de son contenu échapperait à ceux qui souhaite encore la contraindre. Désormais on peut compter sur un nombre croissant d'anciens journalistes qui, d'Edwy Plenel - Mediapart -, à Daniel Schneidermann - @rrêt sur images -, en passant par Eric Mettout - Nouvelle Formule -,  préfèrent dirent ce qu'ils pensent en dehors des canaux officiels. En passant par le numérique, ils échappent à la censure, souvent à la médiocrité.

Autre avantage pour les lecteurs : la parole de ces insubordonnés devenant diffuse, il leur faut un surcroît d'énergie, de savoir faire et d'intelligence pour la rendre audible ou lisible. Les lecteurs qui sont aussi des blogueurs ont tout à y gagner.

Si ce n'est pas déjà une réalité, une autre presse est donc en train de se mettre en place. Comme son ainée, elle peut être sujette à caution mais au moins la liberté y est-elle protégée. De fait comme aux Etats-Unis, et de façon extensive, au-delà de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui autorise des restrictions à cette liberté.

Difficile d'imaginer en effet que la presse internet puisse être aussi bien contrôlée ou muselée que l'actuelle presse écrite concentrée entre les mains de personnes physiques dont les capitaux et/ou connivences politiques sont synonymes de pluie et de beau temps. Même la Chine ne parvient pas tout à fait à baîlloner ses blogueurs récalcitrants.

La partie n'est pas gagnée pour autant et même si le repli vers le numérique s'organise, c'est bien la presse traditionnelle qui pour le moment, est en danger, et qu'il faut aider.

.... AFP ; Pour soutenir l’agence Gamma, envoyer vos signatures et coordonnées à soutien.agence.gamma@gmail.com ) .....

Lors d'une réunion organisée le 26 août dernier à Jarnac par la Convention pour la 6ème République, quelques pistes ont été indiquées par Edwy Plenel. Notamment :

  • Généralisation du droit d'accès des citoyens à la « mémoire publique »
  • Garantie réelle du secret des sources
  • Création d'un statut européen de sociétés de médias à but non lucratif, qui seraient exonérées de TVA
  • Re-fondation les droits et les devoirs des journalistes et du public.

Si les contre-pouvoirs démocratiques font de la résistance, c'est tant mieux et c'est à suivre...