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23/07/2012

Surf humanitaire

Note de lecture : Défendre les droits de l’homme n’a jamais autant nécessité de s’engager à défendre les droits économiques, culturels et sociaux.

La charité militante a jusqu’ici consisté à donner quelques miettes aux plus déshérités pour aboutir, sans que les militants eux-mêmes en aient vraiment conscience, à ce que les plus faibles restent à leur place ou disparaissent ou remercient.

"Donner, c'est manifester sa supériorité, ... ; accepter sans rendre ou sans rendre plus, c'est se subordonner..."
dixit Marcel Mauss, auteur d’un essai sur le don , dans « Sociologie et anthropologie ».

Or la charité est une relation émotionnelle et dissymétrique - à sens unique - très peu susceptible de « remettre l’humain » à la place centrale qu’il doit occuper, la charité ne maintenant l'ordre social qu’en son état inégalitaire alors que défendre les Droits de l’Homme nécessiterait de modifier cet ordre, ce système.

Existent évidemment des situations d'urgence - famines, guerre, accidents, catastrophes écologiques, tracasseries administratives et/ou policières -, conséquences de la gestion irrationnelle de notre monde, où l'intervention "humanitaire", caritative, permet de sauver des vies, d'alléger les souffrances, de rassurer et d’entourer momentanément des victimes plus ou moins isolées. Mais cela ne permet en aucun cas de résoudre les problèmes de fond qui sous-tendent ces situations et d'empêcher leur répétition à l’infini.

surf humanitaire, essai sur le don, droits de l'homme

Mieux, cela dédouane, supplée et finit par cautionner les politiques de gestion forcément insuffisantes en matière de défense des droits humains. (Voir note précédente)

A moins de croire que la théorie du don, frappé d’i-réciprocité par le système néolibéral, permette de rendre « viable » l’ordre du monde, « l’humanitaire » risque de ne satisfaire que ses adeptes et militants, sous couvert de panser à l’emplâtre les atteintes faites au corps social.

Une façon toute sociale-démocrate d’éviter d’en affronter vraiment les causes, la racine, et de surfer sur l’humanitaire, l’écorce.

Au surplus, d'après la « Chronique de l’intolérable du quinquennat du successeur de Nicolas Sarkozy », « ce qui était inacceptable sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy le reste sous celui de son successeur. » Réseau Éducation Sans Frontières.

 

 

08/07/2012

La rigueur, c'est pas sérieux

Le mot "rigueur" est donc une grossièreté à éviter. A tout prix. Et c’est bien pourquoi il faut lui préférer celui de "sérieux", même si de tous les antonymes de la litote « assumée » (dire moins pour suggérer plus) certains peuvent avoir un sens proche de la réalité : absurde.

Par exemple :

Sachant qu'un rapport du sénat de 2009 évalue le coût d’une expulsion à 20 970 € par personne...

En annonçant qu’il excluait d'aller  au-delà des quelque 30000 régularisations annuelles décidées sous le gouvernement Fillon, Manuel Valls laisse entendre qu’il en expulsera autant. Au moins ?  Guéant, allez savoir pourquoi, rêvait de 40 000 expulsions l’an.

Sur cette base, et si l’on en croit les sénateurs qui se sont donc penché sur la question, l’ensemble des contribuables devra dépenser 839 Millions d’euros compte non tenu des hausses tarifaires intervenues depuis 2009 !

De quoi faire des jaloux et aviver les aigreurs d’autant que ces expulsions touchent en priorité les citoyens roumains, malheureusement choisis comme bouc-émissaires, et qui, faisant partie intégrante de l’Union européenne, peuvent aller et venir dans cet espace, à leur gré ou presque.

La logique -- rigoureuse - voudrait qu’a minima des solutions de logement alternatif leurs soient proposées en lieu et place de ces expulsions qui ne disent pas leur nom, qui attisent les ressentiments, accentuent l’in-sécurisation généralisée et finissent par "peser" sur Bercy.

C’est en tout cas ce qui ressort de la demande faite par le Collectif national droits de l’Homme Romeurope au 1er ministre.

rigueur,roms,expulsions

Mais dans les ministères, on préfère au mot « expulsion » celui d’« ARH » (aide au retour humanitaire), nettement plus "gratifiant" puisque « l’aide au retour humanitaire est attribuée aux étrangers en situation de dénuement et de grande précarité séjournant en France depuis au moins trois mois ». (Cette aide consiste à offrir un billet d’avion et un petit pécule - 300 € par adulte et 100 € par enfant - à des personnes en situation de détresse présentes depuis au moins 3 mois en France. Ce qui équivaut, bon an mal an et au final à ces 839 M d’€.)  

Une manne pour qui veut se donner la peine d’organiser des navettes !

En fait, et dans le cas des Roms, l’ARH est une façon, très « sérieuse », de vider leur camps sans attendre que les tribunaux aient pris de temps de délibérer et de contourner la condamnation dont la France a écopé par décision du Conseil de l’Europe, lequel a dénoncé une violation du droit au logement et exigé des garanties relatives à l'expulsion inscrites dans la Charte sociale européenne.

Mise à jour du 9 juillet 2012

02/07/2012

Le manifeste censuré de Camus

Dans une note précédente, un communiqué de la section LDH d’Aix en Provence faisait état de « réticences » culturelles associées à des « complaisances » honteuses elles-mêmes liées à un devoir de mémoire non assumé de la part du maire de cette ville.
Résultat : un imbroglio sciemment orchestré qui a été à l’origine de difficultés éprouvées par les organisateurs d’une exposition consacrée à Albert Camus dans le cadre de Marseille-Provence capitale européenne de la culture 2013.

A la veille de commémorer l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie - 5 juillet 1962 -, les rancœurs des tenants de l’Algérie Française ressurgissent encore aujourd’hui et illustrent l'origine de la censure dont a été victime Camus autant que la cause anticoloniale et pacifiste dont il a voulu faire bénéficier ses semblables en Algérie comme en France.

On sait en effet qu’en 1939, l’auteur de La Chute a publié, dans divers journaux, des articles dénonçant la politique de répression contre les nationalistes algériens et l’étouffement de toutes les revendications du PPA (Parti du peuple algérien). Certains d'entre eux ont été censurés.

A propos de cette censure, un inédit de Camus a été exhumé des Archives Nationales d’Outre-Mer, lesquelles - coïncidence - se trouvent à Aix-en-Provence.

manifeste censuré d'Albert Camus

Ce texte traite de la liberté de la presse, du rôle du « journaliste libre », de la désinformation qui existait déjà, et qui est encore, très largement, mise en évidence sur la scène médiatique pour qui veut se donner la peine de s'y soustraire.

« 

Il est difficile aujourd’hui d’évoquer la liberté de la presse sans être taxé d’extravagance, accusé d’être Mata-Hari, de se voir convaincre d’être le neveu de Staline.

Pourtant cette liberté parmi d’autres n’est qu’un des visages de la liberté tout court et l’on comprendra notre obstination à la défendre si l’on veut bien admettre qu’il n’y a point d’autre façon de gagner réellement la guerre.

Certes, toute liberté a ses limites. Encore faut-il qu’elles soient librement reconnues. Sur les obstacles qui sont apportés aujourd’hui à la liberté de pensée, nous avons d’ailleurs dit tout ce que nous avons pu dire et nous dirons encore, et à satiété, tout ce qu’il nous sera possible de dire. En particulier, nous ne nous étonnerons jamais assez, le principe de la censure une fois imposé, que la reproduction des textes publiés en France et visés par les censeurs métropolitains soit interdite au Soir républicain, par exemple. Le fait qu’à cet égard un journal dépend de l’humeur ou de la compétence d’un homme démontre mieux qu’autre chose le degré d’inconscience où nous sommes parvenus.

Un des bons préceptes d’une philosophie digne de ce nom est de ne jamais se répandre en lamentations inutiles en face d’un état de fait qui ne peut plus être évité. La question en France n’est plus aujourd’hui de savoir comment préserver les libertés de la presse. Elle est de chercher comment, en face de la suppression de ces libertés, un journaliste peut rester libre. Le problème n’intéresse plus la collectivité. Il concerne l’individu.

Et justement ce qu’il nous plairait de définir ici, ce sont les conditions et les moyens par lesquels, au sein même de la guerre et de ses servitudes, la liberté peut être, non seulement préservée, mais encore manifestée.

Ces moyens sont au nombre de quatre : la lucidité, le refus, l’ironie et l’obstination.

La lucidité suppose la résistance aux entraînements de la haine et au culte de la fatalité. Dans le monde de notre expérience, il est certain que tout peut être évité. La guerre elle-même, qui est un phénomène humain, peut être à tous les moments évitée ou arrêtée par des moyens humains. Il suffit de connaître l’histoire des dernières années de la politique européenne pour être certains que la guerre, quelle qu’elle soit, a des causes évidentes. Cette vue claire des choses exclut la haine aveugle et le désespoir qui laisse faire. Un journaliste libre, en 1939, ne désespère pas et lutte pour ce qu’il croit vrai comme si son action pouvait
influer sur le cours des événements. Il ne publie rien qui puisse exciter à la haine ou provoquer le désespoir. Tout cela est en son pouvoir.

En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d’opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu’un esprit un peu propre accepte d’être malhonnête. Or, et pour peu qu’on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s’assurer de l’authenticité d’une nouvelle. C’est à cela qu’un journaliste libre doit donner toute son attention. Car, s’il ne peut dire tout ce qu’il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu’il ne pense pas ou qu’il croit faux. Et c’est ainsi qu’un journal libre se mesure autant à ce qu’il dit qu’à ce qu’il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l’on sait la maintenir. Car elle prépare l’avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l’origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l’uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu’elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu’aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servile mensonge.

Nous en venons ainsi à l’ironie. On peut poser en principe qu’un esprit qui a le goût et les moyens d’imposer la contrainte est imperméable à l’ironie. On ne voit pas Hitler, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, utiliser l’ironie socratique. Il reste donc que l’ironie demeure une arme sans précédent contre les trop puissants. Elle complète le refus en ce sens qu’elle permet, non plus de rejeter ce qui est faux, mais de dire souvent ce qui est vrai. Un journaliste libre, en 1939, ne se fait pas trop d’illusions sur l’intelligence de ceux qui l’oppriment. Il est pessimiste en ce qui regarde l’homme. Une vérité énoncée sur un ton dogmatique est censurée neuf fois sur dix. La même vérité dite plaisamment ne l’est que cinq fois sur dix. Cette disposition figure assez exactement les possibilités de l’intelligence humaine. Elle explique également que des journaux français comme Le Merle ou Le Canard enchaîné puissent publier régulièrement les courageux articles que l’on sait. Un journaliste libre, en 1939, est donc nécessairement ironique, encore que ce soit souvent à son corps défendant. Mais la vérité et la liberté sont des maîtresses exigeantes puisqu’elles ont peu d’amants.

Cette attitude d’esprit brièvement définie, il est évident qu’elle ne saurait se soutenir efficacement sans un minimum d’obstination. Bien des obstacles sont mis à la liberté d’expression. Ce ne sont pas les plus sévères qui peuvent décourager un esprit. Car les menaces, les suspensions, les poursuites obtiennent généralement en France l’effet contraire à celui qu’on se propose. Mais il faut convenir qu’il est des obstacles décourageants : la constance dans la sottise, la veulerie organisée, l’inintelligence agressive, et nous en passons. Là est le grand obstacle dont il faut triompher. L’obstination est ici vertu cardinale. Par un paradoxe curieux mais évident, elle se met alors au service de l’objectivité et de la tolérance.

Voici donc un ensemble de règles pour préserver la liberté jusqu’au sein de la servitude. Et après ?, dira-t-on. Après ? Ne soyons pas trop pressés. Si seulement chaque Français voulait bien maintenir dans sa sphère tout ce qu’il croit vrai et juste, s’il voulait aider pour sa faible part au maintien de la liberté, résister à l’abandon et faire connaître sa volonté, alors et alors seulement cette guerre serait gagnée, au sens profond du mot.

Oui, c’est souvent à son corps défendant qu’un esprit libre de ce siècle fait sentir son ironie. Que trouver de plaisant dans ce monde enflammé ? Mais la vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie. Personne ne veut recommencer dans vingt-cinq ans la double expérience de 1914 et de 1939. Il faut donc essayer une méthode encore toute nouvelle qui serait la justice et la générosité. Mais celles-ci ne s’expriment que dans des cœurs déjà libres et dans les esprits encore clairvoyants. Former ces cœurs et ces esprits, les réveiller plutôt, c’est la tâche à la fois modeste et ambitieuse qui revient à l’homme indépendant. Il faut s’y tenir sans voir plus avant. L’histoire tiendra ou ne tiendra pas compte de ces efforts. Mais ils auront été faits. 

»

27/06/2012

Mikis Théodorakis, antisémite ?!!!

Parmi les faits, très rares, dont les prédécesseurs du gouvernement Ayrault peuvent se vanter, il en est un qui ne devrait pas passer inaperçu : avoir élevé Mikis Théodorakis au rang de commandeur de la Légion d’Honneur.

Jean-François Copé, Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet, n’ont cependant pas hésité à son sujet, à avancer quelques contrevérités qui les rendent clairement coupables de diffamation:

  1. Mikis Théodorakis est antisémite
  2. Jean Luc Mélenchon est l’ami de Mikis Théodorakis
  3. Donc Jean Luc Mélenchon est antisémite

Le sophisme pourrait évidemment très facilement se retourner contre ses auteurs en changeant la seconde proposition par Jean-François Copé, Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet ont décoré Mikis Théodorakis de la Légion d’Honneur, … donc Jean-François Copé, Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet sont (ou décorent des) antisémites.

Autre élément de réflexion : JLM n’a jamais rencontré Mikis Théodorakis, ne serait-ce que le jour où il a reçu cette décoration, ce que l’on regrette mais que l’on ne saurait reproché au leader du FdG.

Mais la question n'est pas là et quoiqu’il en soit de cette polémique construite sans aucun égard pour les victimes juives de la Shoah, le compositeur grec leur a répondu ce qui suit :

«Je suis Grec et fier de l’être, car nous sommes le seul peuple en Europe qui, pendant l’occupation allemande (1941-1944), non seulement n’a pas exercé de poursuites contre les Juifs mais, au contraire, les a aidés à vivre et à survivre avec tous les moyens dont nous disposions.

À l’époque, J’étais moi-même partisan de l’Armée populaire de Libération et je me souviens que nous avions pris sous notre protection de nombreuses familles de Juifs Grecs, que nous nous sommes souvent battus contre les SS pour les sauver et beaucoup d’entre nous l’ont payé de leur vie.

Trilogie Mathausen, Théodorakis

Plus tard, j’ai composé le cycle “Mauthausen” que, notamment en Israël, l’on considère quasiment comme un hymne national. J’ai ressenti une des plus grandes émotions de ma vie quand, dans les années 80, il m’a été accordé de diriger cette œuvre sur le site du camp de concentration de Mauthausen, tout d’abord chantée en grec par sa première interprète, Maria Farantouri, puis en allemand par Gisela May et en hébreu par la chanteuse israélienne, Elinoar Moav. Je l’ai dirigée une fois encore sur ces lieux et, depuis lors, l’œuvre enregistrée est diffusée sans interruption sur le site du camp.

En 1972, j’ai bravé le boycottage européen et j’ai donné des dizaines de concerts en Israël, des moments que je qualifierais d’historiques en raison des liens d’amour mutuel qui nous unissaient.

À cette même époque, Yigal Allon, alors Vice-Premier ministre du gouvernement israélien et Ministre de l’Éducation et de la Culture, m’a confié une première mission, celle de transmettre un message de paix à Arafat au nom de son gouvernement. C’est dans cette intention que je l’ai rencontré à Beyrouth et, à cette occasion, j’ai donné une conférence de presse dans une salle. Un groupe de fanatiques Palestiniens avait décidé de m’abattre, car il me considérait comme un complice des Juifs. C’est Arafat lui-même qui me l’a dit le lendemain avec, à ses côtés… le groupe de mes assassins en puissance. Qu’est-ce qui m’a sauvé ? Mon amour authentique pour les deux peuples martyrs : les Juifs et les Palestiniens.

«Quand on t’a entendu pendant la conférence de presse», m’ont-ils dit, « on a compris que nous nous trompions». Qu’est-ce que j’avais dit au cours de la conférence de presse ? «Le conflit qui vous oppose ne sera pas résolu par les armes, mais par la compréhension mutuelle. De l’autre côté, il y a des hommes ordinaires qui vous ressemblent, simples et travailleurs, capables d’aimer et qui, comme vous, aiment leur famille et leur pays. C’est eux que vous devez trouver, parce que c’est avec eux que vous pourrez vivre dans la paix».

Arafat m’a dit : «Tu as chanté les Juifs et tu as eu raison, car eux aussi c’est un peuple tourmenté. Comme nous. Alors, s’il te plaît, écris une chanson pour nous aussi…». C’est ainsi que j’ai écrit aussi un chant pour le peuple palestinien qui est devenu son Hymne national.

Bien plus tard, à l’occasion de la remise du prix Nobel de la Paix à Rabin (Israël) et à Arafat (Palestine), l’orchestre symphonique d’Oslo avec, en soliste, l’interprète finlandaise Arja Saijonmaa a joué “Mauthausen” en hommage à Israël et le chant que j’avais composé, reconnu comme Hymne National, en l’honneur du peuple palestinien. Ce moment symbolique suffit à démontrer la place que j’occupe dans l’esprit et dans les cœurs des deux peuples.

Je suis souvent allé en Israël, en Palestine et au Liban et c’était chaque fois la paix, l’amitié, la coexistence et la coopération entre ces deux peuples martyrs qui occupaient mes pensées. En tant que Grec, je me sens proche d’eux, comme si nous appartenions à la même famille. Et pourtant, pour certains fanatiques d’un côté comme de l’autre, je suis la cape rouge agitée devant le taureau.. Pourquoi ? Parce que j’ai la franchise et le courage de dire la vérité et de la dire même dans la gueule du loup. Ainsi, quand je suis en Palestine je m’exprime ouvertement et publiquement contre les fanatiques qui me haïssent et, quand je suis en Israël, je fais de même en critiquant tout aussi ouvertement et publiquement les fanatiques qui, en raison de la diaspora juive présente dans tous les pays du monde, ont la possibilité de transformer leur haine en venin et en mensonges monstrueux.

Dans mon opéra «les Métamorphoses de Dionysos» (dont j’ai écrit aussi le livret), il y a une scène où des Juifs sont déportés par des SS dans des camps d’extermination. Il s’agit d’un moment crucial de l’œuvre, d’une condamnation du Nazisme qui dévoile d’une façon très humaine, l’affliction psychique et intellectuelle que je ressens devant les souffrances des Juifs.

D’ailleurs, la dénonciation du racisme et la défense de ses victimes ont guidé mes décisions et mes actes tout au long de ma vie. Une vie jalonnée de poursuites qui m’ont souvent poussé jusqu’au seuil de la mort.

Donc, me qualifier de raciste et d’antisémite n’est pas une simple calomnie, mais l’expression de la pire bassesse morale, issue le plus souvent de cercles proches d’organisations et d’individus opérant dans la mouvance du Néonazisme et auxquels la crise a permis de relever la tête pour nous menacer et –incroyable, mais vrai– nous accuser, eux, d’….antisémitisme en utilisant un arsenal de mensonges et de déclarations insidieuses!

Il suffit de dire, par erreur manifeste, dans une interview de trois heures «antisémite» au lieu de «antiraciste», et on s’empare d’une seule et unique phrase dont on isole un mot, brandi comme un étendard, tout simplement pour servir l’intention de m’incriminer. Combien d’années était-on aux aguets pour une simple erreur ? Le mot «antisémite» correspond-il vraiment à ce qui suit ? «J’aime le peuple juif avec lequel nous avons vécu et souffert en Grèce pendant des années et je hais l’antisémitisme». Je suppose que mes différents ennemis se sont bien gardés de citer ces paroles. Et pourtant, c’est EXACTEMENT la phrase qui suit. Ce n’est pas quelque chose que je viens d’inventer, après-coup, en guise d’alibi. Il en EST ainsi et il est facile de le prouver de façon incontestable en écoutant TOUTE la phrase, exactement comme je l’ai prononcée et non pas en la tronquant comme l’ont voulu mes adversaires.

Peut-être va-t-on se demander pourquoi et comment certains persistent à vouloir discréditer un ami si fidèle d’Israël et des Juifs et tentent de me faire passer à tout prix pour un antisémite. (De qui parle-t-on ? De quelqu’un qui a connu les sous-sols de la Gestapo pour les sauver !)…

Toutefois, la réponse est finalement simple : beaucoup de mes amis juifs sont d’accord avec moi. Certains sont d’accord avec moi,-même s’ils vivent en Israël, donc dans la tourmente quotidienne des évènements. Alors, si les simples citoyens du peuple d’Israël entendent mes idées, telles qu’elles sont réellement exprimées, ils « risqueraient » (selon mes ennemis, bien sûr) d’être d’accord avec moi, en pensant que la solution du problème ne se trouve pas dans la violence et les armes, mais dans la coexistence et la paix. Ce qui ne plaît pas du tout à mes adversaires car, bien sûr, j’ai –à plusieurs reprises– totalement désapprouvé la politique de l’État d’Israël et j’ai exprimé ce désaccord avec force et de la façon la plus claire et la plus catégorique (comme je fais toujours). Pour ne pas courir le risque que ces citoyens se rangent à mes opinions, ils ne doivent pas les entendre. Et quelle est la meilleure et la plus sûre façon de procéder pour arriver à ses fins ? Et bien, leur tactique habituelle : me coller «l’étiquette» d’antisémite, de sorte qu’aucun Juif, où qu’il se trouve, ne veuille plus entendre non seulement mes idées, mais même mon nom.

Et maintenant, particulièrement en France où brusquement on «s’est souvenu» d’une interview donnée il environ un an et demi, il existe -de toute évidence- une autre raison: porter atteinte à la Gauche. Leur prétendu «argument» (qui est totalement mensonger) est que son leader, M. Mélenchon me connaît et que, par conséquent…il a des amis antisémites ! Toutefois, la vérité –malheureusement pour eux– est évidente et je pense que tout homme animé de bonnes intentions peut s’en rendre compte.

Donc, même si après la lecture de ce qui précède, certains persistent encore à me faire passer pour quelqu’un que je n’ai jamais été et que, bien sûr, je ne suis pas, le doute n’est plus permis. Tout est fait sciemment pour servir d’autres finalités, car ma foi inébranlable dans la paix et la coexistence de ces deux peuples martyrs dérange plus d’un.»

Athènes, le 15 juin 2012
Mikis Théodorakis
mikis@mikistheodorakis.gr

20/06/2012

Droit d'asile

Les lois sécuritaires des ministres Hortefeux, Besson et Guéant, produisent toujours les mêmes effets : des injustices d'autant plus insupportables qu'elles sont absurdes et d’autant plus absurdes que leur efficacité est loin d’être évidente !

Ce n’est pas faire un procès d’intention au nouveau gouvernement que de s'interroger dès maintenant sur les raisons pour lesquelles de mauvaises lois deviendraient bonnes dès lors qu’un nouveau ministre serait chargé de les faire appliquer.

La loi CESEDA (Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile en France) fait partie de cet arsenal juridique dont une famille arménienne de Manosque pourrait avoir à supporter les conséquences sans même plus pouvoir servir d’argument électoral à l’adresse d’une population retranchée derrière sa peur de l’Autre ou la simple indifférence.

Demander l'asile en France, Nora Zakaryan 
Les avocats appelés à plaider devant la CNDA ont fait grève pour manifester contre la dégradation de leurs conditions de travail, revendiquant d’avoir à traiter des cas humains et non des dossiers.
 

Or, la famille ZAKARYAN, ayant été gravement menacée en Arménie pour des raisons politiques indépendantes de sa volonté, a dû trouver refuge parmi nous. Elle a fait une demande d’asile auprès de l’OFPRA qui, pour l’instant l’a rejetée. Un recours auprès de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) a été déposé. C’est peu dire que le droit d’asile en France, lorsqu’il est accordé, relève de l’exception. 

Pendant ce temps, Nora ZAKARYAN, élève de 1ère L, doit passer les épreuves du baccalauréat en 2012 & en 2013, et souhaite poursuivre ses études en France, « normalement », au même titre que ses ami(e)s.

Conscients du risque de reconduite à la frontière encouru par cette famille qui ne gène en rien l’ordre public, l’ensemble du corps enseignant du Lycée Félix Esclangon à Manosque, les camarades de classe et ami(e)s de Nora, la Ligue des Droits de l’Homme de Manosque, toutes celles et tout ceux qui veulent défendre l’effectivité des droits élémentaires et du droit d’asile en particulier, demandent à ce que la famille ZAKARYAN puisse continuer de vivre sur notre territoire.

Pour lui apporter un soutien, la section locale de la LDH lance un appel à signer une pétition en ligne : « Soutien à Nora Zakaryan et à sa famille »

En tout état de cause, les cas de familles expatriées et ayant demandé à bénéficier du droit d’asile devraient être examinés avec plus de souplesse dès lors que le nouveau gouvernement dont nous sommes désormais dotés aurait à cœur de défendre les Droits de l’Homme bien plus et bien mieux que son prédécesseur.

13/06/2012

La poésie qui soigne et sauve

« Revanche » commence comme « rêve », celui d'un poète grec, Odysseus Elytis. C'est le refus de se résigner et d'accepter une vie étriquée, l’espoir solaire, ce que Camus a appelé la « pensée de midi », méditerranéenne, lucide mais optimiste. « La poésie, disait-il, commence là où la mort n’a pas le dernier mot. » Ce diagnostic, posé au plus profond du gouffre douloureux de l'œuvre majeure de Odysseus Elytis, Axion Esti, trouve un écho tout particulier, quand son pays se noie dans les comptes obtus de la finance, des banques et des bourses.

grèce,odysseus elytis,angélique ionatos  

« La poésie vient se dresser là où le rationalisme dépose ses armes, prend la relève pour avancer dans la zone interdite, faisant ainsi la preuve que c'est elle qui est encore le moins rongée par l'usure. Elle assure, dans la pureté de leur forme, la sauvegarde des données permanentes par quoi la vie demeure œuvre viable. Sans elle et sa vigilance, ces données se perdraient dans l'obscurité de la conscience, tout comme les algues deviennent indistinctes dans le fond des mers. »



Et les rêves prendront leur revanche...  par Mediapart  

Merci à La rédaction de Médiapart d’avoir recueilli d'Angélique Ionatos ce message d’espoir et d’humanité qui induit que la seule colère est impuissante.  Merci aussi à ces commentaires qui y font échos et prennent le large loin du dérisoire et du cirque qui le met en scène.

31/05/2012

L’avenir du Front de Gauche

Pour ne pas avoir à prendre le risque de laisser entrer par la fenêtre celles et ceux à qui nous avons clairement indiqué le chemin de la sortie, il nous faut aujourd’hui, à l’occasion des élections législatives, et, rien n’étant jamais acquis, « finir le job » sans faire preuve de crédulité. Les premières mesures hollandaises n’étant que de fragiles symboles, elles ne crédibilisent en rien la nouvelle équipe sociale-démocrate qui se veut apaisante. Le gouvernement français boycottera l'Euro 2012 de football en Ukraine ?  La belle jambe !

front de gauche,janette habel,pierre khalfa,evelyne sire-marin

La brume ayant souvent les mêmes effets que l’enfumage, nous préférons reprendre à notre compte les grandes lignes d’une note paruesous la signature de Janette Habel, Pierre Khalfa et Evelyne Sire-Marin, membres du Conseil national de campagne du Front de gauche et pour la dernière nommée, vice-présidente au BN de la Ligue des Droits de l’Homme, une note qui entame une réflexion sur l'avenir du Front de Gauche :

« Nous avons participé avec enthousiasme à la campagne du Front de gauche, sans être militants d'aucun des partis qui le composent et nous voulons prolonger ce combat, alors que la défaite de Nicolas Sarkozy ouvre une nouvelle période politique. Par son mode bonapartiste de gouvernement, sa course effrénée derrière le Front national, sa volonté de remettre en cause les fondements même des compromis sociaux issus de la seconde guerre mondiale, le Président sortant représentait un danger pour la démocratie. Mais la victoire de François Hollande, si elle ouvre bien des perspectives nouvelles, est loin de permettre de résoudre les problèmes que cette élection a mis en évidence, alors que le fort pourcentage de Marine Le Pen montre qu’une partie de l'électorat populaire croit trouver dans la xénophobie du Front national une solution à ses problèmes sociaux et à ses angoisses.

« L’austérité peut ne plus être une fatalité », a dit François Hollande le soir de son élection. Si l'on doit lui donner acte de cette affirmation, il faut cependant se rappeler que le programme du nouveau Président reste entaché par les dogmes du néolibéralisme qui ont partout mené à la catastrophe. Ainsi en est-il de sa volonté d’arriver à un équilibre budgétaire en 2017, qui l'obligera à couper massivement dans les dépenses publiques si la réforme de la fiscalité se révèle être a minima. (…)

Le programme défendu par le Front de gauche avait l’ambition de répondre à un enjeu majeur, celui de sortir la France de l’emprise des marchés financiers pour amorcer un nouveau mode de développement fondé sur la satisfaction des besoins sociaux, la réduction des inégalités et le respect des impératifs écologiques. La dynamique populaire qui s’est manifestée durant sa campagne a été le signe que ce programme de lutte contre les politiques néolibérales entrait en résonance avec des préoccupations profondes de nos concitoyens. Donné à moins de 5 % au début de la campagne électorale, Jean-Luc Mélenchon termine à plus de 11 % des suffrages malgré l'intense pression du vote utile. Pour celles et ceux qui veulent, à gauche, transformer la société, une nouvelle force politique a émergé qui peut avoir comme ambition de devenir majoritaire à gauche dans l’avenir. Il importe que les élections législatives à venir confirment et amplifient ce mouvement. (…)

Le budget 2013 sera décisif pour en juger. Mais la réponse dépendra aussi de notre propre capacité à faire prévaloir les solutions dont nous sommes porteurs. Le Front de gauche devra peser sur les orientations du gouvernement en s'appuyant sur les mobilisations sociales. Mais en tout état de cause il devra refuser un budget d’austérité. En revanche il devra soutenir toute mesure permettant de libérer le pays de l’emprise des marchés financiers, de contribuer à la transition écologique, de promouvoir les droits, l’égalité entre les hommes et les femmes, de renforcer les services publics et d’améliorer les rapports de forces des salariés vis-à-vis du patronat. (…)
Au-delà, dès cet été, il faut organiser une initiative politique commune à toutes les composantes du Front de gauche pour tirer les leçons de son expérience unitaire et pour penser son avenir.

21/05/2012

Eclipse momentanée

Illustrée par Kazimir Malevitch

eclipse partielle avec mona lisa,1914
Eclipse partielle avec Mona Lisa, 1914

 

15/05/2012

64 ème Nakba

Un accord a été signé ce lundi 14 mai 2012 pour mettre un terme à la grève de la faim dans les prisons israéliennes. Selon le document, les conditions de détention et le droit de visite sont améliorés, et Israël ne reconduira pas la période de détention administrative des quelque 300 prisonniers qui sont aujourd’hui derrière les barreaux sans inculpation, ni condamnation.

Cet accord a été conclu alors que les Palestiniens célèbrent aujourd’hui la « Nakba », la « catastrophe » que représente pour eux la création de l'Etat d'Israël en 1948.

nakba, 64ème anniversaire

La sirène hurle dans le centre de Ramallah en souvenir de la« Nakba », le début de l’exil pour les réfugiés palestiniens qui ont perdu leurs maisons et leurs terres pendant le conflit israélo-arabe de 1948.

Comme chaque année, les slogans affirment le droit au retour des réfugiés. Mais cette année, chacun pense aux quelque 1 600 grévistes de la faim dans les prisons israéliennes.

Pour certains, l’accord conclu ce lundi est une victoire. D’autres sont beaucoup plus sceptiques, comme Farideh, dont le fils prisonnier a cessé de s’alimenter il y a près d’un mois : « Maintenant, je ne sais rien ! Je n’ai pas vu mon fils et ses amis ! Jeudi, je vais le voir pour savoir ce qu’il va dire ».

Farideh et d’autres proches de prisonniers passent leurs journées sous les tentes qui ont fleuri dans les centres-villes de toutes les localités palestiniennes. Ici, chacun soutient le mouvement, même si les détenus mettent leur vie en péril. « Notre fils fait comme ça. Il ne mange pas et ne boit pas. Si notre fils ne fait pas comme ça, notre fils reste en prison ! », précise Farideh.

Comme chaque année, la célébration de la « Nakba»  donne lieu à des affrontements entre jeunes Palestiniens et soldats israéliens. Ce mardi, c’est à la prison israélienne d’Ofer, en Cisjordanie, que les militants palestiniens se sont donné rendez-vous.

Nicolas Falez, RFI , Jérusalem

12/05/2012

Greve de la faim pour la dignité

"Imaginons un instant deux mille prisonniers politiques en Chine engagés dans une grève de la faim depuis plusieurs semaines ; ou bien deux mille autres, mobilisés dans un mouvement similaire en Russie. Il y a peu de doute que les télévisions et les radios, si promptes à se mobiliser sur les atteintes aux droits humains dans de lointains pays, ouvriraient leurs bulletins d’information sur cette nouvelle, s’indigneraient de cette violation des droits élémentaires, appelleraient nos autorités à réagir et même à intervenir, à imposer des sanctions à Pékin ou à Moscou.

Il y a bien deux mille prisonniers politiques qui font la grève de la faim, mais en Palestine. Et l’information ne semble pas intéresser grand-monde. Mais nous le savons depuis longtemps, les Palestiniens, les Arabes, les musulmans ne sont pas vraiment des êtres humains comme les autres.

greve de la faim en israel

Revenons d’abord sur les faits, rapportés par le correspondant du Monde (« Le mou­vement de grève de la faim des pri­son­niers pales­ti­niens en Israël s’étendrait à 2 000 détenus », Lemonde.fr, 6 mai) :

« Israël éprouve des dif­fi­cultés crois­santes à contrôler le mou­vement de grève de la faim des pri­son­niers pales­ti­niens, qui ne cesse de s’étendre. Com­mencée le 17 avril pour pro­tester contre la pra­tique de la détention admi­nis­trative (qui permet de main­tenir un suspect en prison sans jugement, pendant une période de six mois renou­ve­lable), cette action regrou­perait aujourd’hui quelque 2 000 détenus, selon Addameer, l’association pales­ti­nienne de défense des droits des prisonniers. » (...)

« Deux pri­son­niers au moins sont dans un état cri­tique : Bilal Diab, âgé de 27 ans, est ori­gi­naire de Jénine, et Thaer Halahla, âgé de 33 ans, ori­gi­naire de Hébron (tous deux membres du Djihad isla­mique), ont com­mencé leur grève de la faim le 29 février. Après soixante-​​six jours sans ali­men­tation, ils sont entrés dans ce que les médecins appellent “une phase aléa­toire de survie”. Les deux hommes ont comparu, jeudi 3 mai, sur une chaise rou­lante, devant le Cour suprême d’Israël, mais celle-​​ci a renvoyé sa décision sur une éven­tuelle remise en liberté à une date ultérieure. »

« Au moins six autres pri­son­niers sont dans un état de santé jugé alarmant. Ce mou­vement de grève s’est étendu aux prin­cipaux centres de détention en Israël, et plu­sieurs chefs de file de la résis­tance pales­ti­nienne, comme Ahmad Saadat, chef du Front popu­laire pour la libé­ration de la Palestine (FPLP), l’ont rejoint. Alors que les mani­fes­ta­tions de soli­darité se mul­ti­plient dans plu­sieurs villes pales­ti­niennes, le gou­ver­nement du premier ministre israélien, Benyamin Néta­nyahou, hésite sur la conduite à adopter. »

Cette grève pose d’abord la question des détentions administratives (c’est-à-dire sans preuve et sans jugement), une pratique héritée de l’époque du mandat britannique, quand Londres luttait (1944-1948) contre le « terrorisme sioniste ». Comme je le rappelle dans De quoi la Palestine est-elle le nom ?, ces lois d’exception avaient été dénoncées par nombre de juristes, dont le docteur Moshe Dunkelblum, qui devait siéger plus tard à la Cour suprême d’Israël. Le 7 février 1946, il déclarait : « Ces ordonnances constituent une menace constante contre les citoyens. Nous, juristes, voyons en elles une violation flagrante des principes fondamentaux de la légalité, de la justice, de la discipline. Elles légalisent le plus parfait arbitraire des autorités militaires et administratives. (…) Elles dépouillent les citoyens de leurs droits et confèrent aux autorités des pouvoirs illimités. » Mais, une fois arrivés au pouvoir, les sionistes oublièrent ces critiques et retournèrent ces lois contre les Arabes.

La Cour suprême d’Israël, que certains présentent comme le garant de la démocratie dans ce pays, a rejeté l’appel de deux prisonniers administratifs en grève de la faim depuis deux mois (« Court rejects petition by Palestinian hunger strikers against detention », Haaretz, 8 mai 2012). En toute hypocrisie, elle a noté que cette pratique de la détention administrative était « une aberration dans le domaine juridique » et devait donc être utilisée « aussi peu que possible », mais les prisonniers qui avaient fait appel étaient déboutés. Il fut un temps où Israël autorisait officiellement des « pressions physiques modérées » contre les détenus palestiniens : un peu de torture, pas trop... Une décision que cette Cour suprême « humaniste » a soutenue jusqu’en 1999 (on était, à l’époque, en pleines « négociations de paix » entre Israël et l’OLP !).

La grève des prisonniers palestiniens a été relayée par les déclarations de Richard Falk, le rap­porteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occupés, qui s’est déclaré « écœuré par les vio­la­tions continues des droits de l’homme dans les prisons israé­liennes. Depuis 1967, 750 000 Pales­ti­niens, dont 23 000 femmes et 25 000 enfants, ont été en détention dans les prisons israé­liennes, soit près de 20% du total de la popu­lation pales­ti­nienne des ter­ri­toires occupés », a-​​t-​​il rappelé (cité dans Armin Arefi, « Israël : la dernière arme des prisonniers palestiniens », AFPS).


Conclusions : silence radio dans la plupart des médias ; aucune pression sur le gouvernement israélien ; aucune indignation morale de tous ces grands intellectuels... La terre continue de tourner et certains s’étonnent que les discours européens sur la démocratie et les droits humains suscitent surtout des ricanements dans le monde arabe.
"

"Palestine, ces prisonniers ignorés en grève de la faim"

Mardi 8 mai 2012, par Alain Gresh


10/05/2012

Pour des législatives utiles

A l’initiative de l’Association-France-Palestine-Solidarité des Alpes de Haute Provence, la LDH 04 prend toute sa place dans la préparation des prochaines élections législatives.

D’une façon générale, il s’agit de donner un sens au changement qui vient de nous être promis, de faire en sorte que l’Assemblée Nationale ne soit pas une simple chambre d’enregistrement et que la séparation des pouvoirs y soit effective notamment aux travers des questions relatives aux Droits civiques, économiques, culturels et sociaux.

Avant même que le siège parisien de notre association ne fasse parvenir le communiqué qui suit, notre participation à cette manifestation citoyenne allait donc de soi.

Cette rencontre aura lieu le 16 mai à 18h, salle de cinéma des Mées (04).

Les candidats y sont invités à exposer, s'ils étaient élus, ce que sera leur engagement. En présence de la presse locale, ils pourront notamment éclairer l’ensemble des électeurs sur les thèmes suivants :

Pour des législatives utiles

Communiqué LDH - Paris

Le résultat de l’élection présidentielle ouvre une phase politique nouvelle dont les législatives vont être un moment clé. Ce sont les députés élus qui détermineront dans une large mesure le profil du gouvernement à venir, sa capacité à traduire dans la loi ses orientations.

La Ligue des droits de l’Homme invite donc les citoyennes et les citoyens à s’inscrire dans les débats qui vont accompagner cette suite électorale, avec leurs préoccupations démocratiques, leur volonté de voir rendre effective l’égalité des droits.

La question de l’égalité a été au cœur de la présidentielle ; c’est sur ce choix de société que se sont prononcés électrices et électeurs. Il s’inscrit dans un besoin fort de voir engagé un travail de réhabilitation de la démocratie, au plein sens du terme : démocratie de représentation, démocratie dans les prises de décision, démocratie sociale et justice fiscale… Les attentes sont à la hauteur des défis : immenses.

Les relever implique que se développent les confrontations, le débat d’idées, les initiatives et que des décisions soient prises ; bref, une démocratie vivante. Pour y contribuer, la Ligue des droits de l’Homme soutient une série de propositions immédiates, inscrites dans le cadre du Pacte pour les droits et la citoyenneté, signé par plus de cinquante associations et organisations syndicales.

Elle en débattra avec les représentants des partis qui inscrivent leur candidature dans le cadre de la dynamique électorale qui a contribué à l’élection du nouveau Président, le 22 mai, à Paris, dans les locaux de l’Ageca (177, rue de Charonne, 75011 Paris).

Paris, le 9 mai 2012.

06/05/2012

Sur tous les tons.

A méditer cette réflexion d'Alexis CORBIERE trouvée sur son blog :

"Pour conclure momentanément (...), si l’on considère qu’une course de vitesse est engagée avec l’extrême droite, il est indiscutable qu’elle a encore une longueur d’avance sur nous, mais nous courrons plus vite qu’elle."

Le combat de demain devra en effet être concentré sur ce et ceux qui fait et font le lit de l'extrême droite, sur ses racines et pas seulement sur sa réprésentation.


Autrement dit :

Dessin Tardi, dégage


26/04/2012

Le jour d'après

La véritable souffrance, celle que l’on dit être une explication au vote d’extrême droite largement teinté de xénophobie, a été engendrée par la vulgarité des entreprises basées sur le profit que l’on peut tirer de l’inconscience et de l’ignorance, de ces notes insupportables interprétées chaque jour sur le piano déglingué des infos sous culturante.

La véritable souffrance déforme les visages au point de les rendre inaudibles.

http://1.bp.blogspot.com/_XtI1QtksMio/TUmEC_CvRkI/AAAAAAAADR4/m6JBS6OLi6U/s1600/Bacon+Study+for+the+Head+of+a+Screaming+Pope%252C+1952.jpg
Francis Bacon, 1909 - 1992

La priorité, l'urgence aujourd'hui : Battre le candidat des droites, le candidat sortant !


« La Ligue des droits de l’Homme se félicite du haut niveau de participation au premier tour de l’élection présidentielle.

Elle y voit la volonté du peuple français de restituer à la politique son rôle primordial, sans céder aux injonctions de se plier aux intérêts économiques.

La LDH constate l’ampleur du désaveu qui frappe le Président sortant. Ce qui a été sanctionné, c’est un quinquennat au service des puissants, caractérisé par des choix aggravant les injustices sociales, légitimant la xénophobie d’Etat, multipliant les atteintes aux droits et aux libertés, enfermant les citoyens dans une société de surveillance et dans une démocratie limitée. En s’en prenant à tout-va à diverses catégories de la population, parce qu’au chômage, selon leur origine, et même selon leur religion, en désignant des boucs émissaires et en attisant les peurs et les haines, Nicolas Sarkozy a légitimé les idées du Front national, qui s’en trouve plus fort que jamais.

Parce que notre pays ne peut continuer à se livrer, à lui-même, une guerre civile froide, parce que sa défaite est une étape nécessaire, il faut, le 6 mai 2012, barrer la route à Nicolas Sarkozy.

Mais, infliger une défaite au candidat sortant ne suffira pas à répondre aux angoisses et aux espoirs que traduit le premier tour des élections présidentielles. Ce sera au nouveau président de la République d’impulser une autre politique qui, dépassant l’alternance institutionnelle, ouvre la voie à une réelle alternative politique.

Rétablir un fonctionnement démocratique des institutions en supprimant le cumul des mandats, en assurant l’indépendance de la justice et en élisant les membres du Conseil constitutionnel, ainsi que les autres Autorités indépendantes, à une majorité des deux tiers du Parlement.

Bannir la xénophobie d’Etat en régularisant les sans-papiers qui étudient, vivent et travaillent ici, en ouvrant enfin un réel débat sur l’immigration, en accordant aux étrangers non européens le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales, et faire reculer le racisme en cessant de stigmatiser des catégories entières de population en raison de leur origine ou de leur religion.

Restituer aux citoyens leurs libertés en réformant profondément la justice pénale, en abolissant les lois d’exception, en rétablissant la justice des mineurs dans toute son exceptionnalité, en limitant les fichiers et leur usage à des fins proportionnées, contrôlables et à la finalité établie.

Reconstruire des services publics qui soient à la disposition de tous et auxquels tous doivent avoir accès, lancer un plan d’action pour l’hébergement d’urgence et le logement social, construire une justice fiscale et sociale qui assure la progressivité de l’impôt et la redistribution des richesses.

Construire une autre Europe, aux institutions démocratiques, dégagée du dogme de la concurrence, et ouverte sur le monde.

La LDH, au cours des mois à venir, portera ces revendications comme autant de conditions nécessaires pour que notre société cesse de produire de l’injustice et de l’exclusion, pour que se construise l’espoir d’une société plus solidaire et plus libre.»

Communiqué de la LDH

Paris, le 24 avril 2012.

24/04/2012

L’épine du mépris

A force de confondre populisme et populaire, le peuple, faussement porté au pinacle le temps d’une élection, aura été considéré comme moins que rien et abandonné à ses phobies destructrices dont il ne guérira malheureusement ni en un jour, ni en un mois.

FN, UMP, mépris, xénophobie

« Près de sept millions de suffrages pour MLP, plus encore pour un Sarkozy qui n’a fait depuis cinq ans qu’attiser la haine des musulmans et des immigrés, et, à ce jour, pas un membre du Parti socialiste, sur les plateaux de télévisions, pour prononcer le mot « racisme ». Pas un mot de condamnation morale, pas un slogan antiraciste de base, tous reprennent en revanche, en chœur avec les sarkozystes, la thématique du "vote de protestation" et des "Français qui souffrent". » *

Comme toujours, l’intérêt supérieur et périodique de la chasse - pêche aux voix dépasse celui de la stricte et constante défense des Droits de l’Homme.

Le Front de Gauche a été seul, "front contre front", à tenter de dénoncer la bassesse d’un vote qui doit plus à l’ignorance sciemment entretenue qu’à la souffrance subie du précariat.

« C’est en somme, (…) toute la complaisance des partis de gouvernement à l’encontre du Front National, et tout le mépris de ces partis pour les immigrés, les étrangers ou les non-blancs, qui se sont (se seront ?) exhibés en un honteux spectacle. Une attitude qui a déjà fait ses preuves, depuis trente ans, en termes de lepénisation des esprits. » *

A ce moment du constat, il suffirait d’un simple fait divers dans la lignée de l’affaire Merah, voire de moindre importance, pour que la phobie xénophobe serve un peu plus d’écran aux ignominies et impostures de la clique en place et permette à son chef de clan d’être réélu malgré ses turpitudes.

Les uns comme les autres font mine d’ignorer ce que leur mépris de classe a pu engendrer dans une population coupée de ses racines culturelles et nourrie aux journaux, jeux, séries, chroniques télévisées autant qu’aux bourrages de crane consuméristes plutôt qu’à la reconnaissance de cet Autre sans qui la solidarité ne peut pas s’exprimer, de cet Autre sans lequel la citoyenneté n’a aucun sens.

Mieux, tous cynismes confondus, ils affirment « comprendre » le vote de ces électeurs qui se sont prononcés en faveur de la droite et de l’extrême droite : un vote qu’ils auront eux-mêmes contribué à fabriquer.

« C’est donc d’un même mouvement, son identité sociale et son identité anti-raciste qu’abandonne (progressivement ?) le Parti socialiste : tout se passe comment si ses dirigeants avaient renoncé à voir dans les immigrés et leurs descendants des alliés ou des victimes à défendre pour les présenter (ou les reconnaître) avant tout comme des fauteurs de troubles. » *

 

* Les citations sont extraites du site "Collectif... les mots sont importants"

20/04/2012

Pourquoi Dupond & Dupont tournent en rond

"Pourquoi Dupond et Dupont tournent en rond"... pourquoi ne pas prolonger la question dans un domaine plus humain ?

Intéressant constat qui, s’il s’avérait exact, pourrait fonctionner comme une allégorie et mener à la conclusion que nos représentants ont décidemment besoin de voix et de lumière, de "bruit et de fureur", pour ne pas être surpris en train de tourner en rond et de retomber dans les griffes besogneuses de spéculateurs dopés à l’industrie du GPS ou à celle du sondage d’opinions préfabriquées.

Présidentielles 2012

Quant aux représentés que nous sommes, nous ne devrions pas avoir à supporter d’être tenus en laisse au prétexte que notre colère ou notre indignation aurait à être « fédérée ».

A la veille de s’exprimer par un vote, il s’agit de savoir quel aura été le candidat le plus attentif au concert et à la colère que nous avons pris la peine de localiser avant de savoir contre qui elle devait en définitive être dirigée. Il s'agir de savoir aussi quel candidat sera le moins attentiste pour réparer la morsure des injustices et des inégalités subies.

Si Dupond et Dupont se posent encore la question, ils finiront bien par y répondre.

18/04/2012

SOS

L’élection présidentielle a lieu ces 22 avril et 6 mai ; elle sera suivie des élections législatives les 10 et 17 juin. La Ligue des droits de l’Homme appelle les citoyennes et les citoyens à s’approprier ces élections et à voter.

La Ligue des droits de l’Homme, qui combat depuis 1898 pour les droits politiques et sociaux de tous, Français et étrangers, n’a pas pour tradition de s’exprimer sur le vote avant le premier tour de la présidentielle.

Aujourd’hui, elle le fait avec gravité, en pleine conscience de ses responsabilités, sur la base des valeurs républicaines qu’elle défend et avec la diversité des choix et sensibilités politiques qui la caractérisent.

Présidentielles 2012

En juin 2005, face à une loi arbitraire réservant un sort inhumain aux étrangers, la Ligue des droits de l’Homme alertait sur les risques que cette politique faisait peser sur notre démocratie et sur la République. Dans une démarche exceptionnelle, elle lançait un « appel à l’insurrection des consciences ».

En mai 2007, sous l’impulsion directe de Nicolas Sarkozy, ex-ministre de l’Intérieur devenu président de la République, son gouvernement adoptait une série de mesures liberticides, asphyxiant la démocratie, construisant une société de méfiance, de surveillance et d’exclusion, bafouant la justice ainsi que la dignité et les valeurs de la République. Au point qu’en 2009, la Ligue des droits de l’Homme lançait un véritable cri d’alarme sous forme d’une campagne de mobilisation citoyenne, proclamant « Urgence pour les droits, urgence pour les libertés ! ».

En cinq ans, l’action du président de la République − à nouveau candidat − s’est partagée entre le mauvais et le pire : stigmatisations des populations fragilisées par les crises, agressions contre les organisations syndicales, exaltation de la xénophobie portée par le funeste débat sur « l’identité nationale », refus obstiné de mettre en débat les choix d’austérité, de débattre de l’emploi, des droits sociaux, régulièrement donnés comme les sujets principaux de préoccupation, avant la sécurité et l’immigration, pourtant cyniquement mis en avant pour tenter de rallier des voix sur l’unique base de la peur.

La Ligue des droits de l’Homme considère que poursuivre dans cette voie constituerait une menace des plus graves pour la République. C’est pourquoi, elle appelle les électrices et électeurs à refuser que soit poursuivie − et a fortiori aggravée − la régression des droits et des libertés, la xénophobie d’Etat et l’autoritarisme, la mise en cause de l’égalité des citoyens.

Elle les appelle à exprimer dans les urnes leur volonté de retrouver le vrai visage de la République, et à rester mobilisés au-delà des élections.

Communiqué LDH du 14 avril 2012

16/04/2012

Check-point à Paris

Une nouvelle fois, le gouvernement israélien vient d’interdire aux personnes qui soutiennent pacifiquement les Palestiniens dans leur lutte légitime de circuler librement.

check-point à Paris, israël
Source AFP

Ainsi faisant, déjà soumise à des conditions drastiques et arbitraires, l’entrée dans les territoires occupés devient, en violation flagrante du droit international, presque impossible à celles et ceux qui manifestent leur refus de la politique israélienne.

Alors qu’il lui appartenait de rappeler les autorités israéliennes à leurs obligations, le gouvernement français s’est contenté de son silence habituel. Pour s’opposer à cette complicité, faudra-t-il en venir à demander des mesures de rétorsion destinées à empêcher tel ou tel porteur de la nationalité israélienne l’entrée en France sans visa ?

A se livrer à de telles pratiques, en comptant sur la caution des gouvernements occidentaux, le gouvernement israélien s’enfonce toujours un peu plus dans le recours à une répression qui renforce son isolement.

La Ligue des droits de l’Homme demande expressément au gouvernement français (et, à terme, à celui qui lui succèdera) de faire rétablir les conditions normales du droit international de circulation qui permettraient à ses ressortissants d’entrer dans les territoires occupés.

Communiqué LDH Paris, le 16 avril 2012

10/04/2012

Paranoïa critique

Gunter Grass scandalise ?...  


[ Un documentaire de l'émission Zone Libre Radio Canada.]

Ce que l’on conteste à l’auteur du Tambour, c’est plutôt son droit moral de dénoncer le silence fait autour du nucléaire israélien au prétexte de son passé. Mais la question que G. Grass soulève est des plus importantes puisqu’elle engage la responsabilité des actuels inconditionnels soutiens au gouvernement d’Israël, ce dernier étant dirigé par ce qu’il devrait être convenu d’appeler «des kamikazes d’Etat», prêts à réduire en cendres le Moyen-Orient pour défendre ses frontières et à jouer de ses relations économiques pour exiger le silence sur les violations du droit international qu’il commet sans discontinuer et sans vergogne.

gunter grass scandalise ?,nucléaire israélien

En fait, G. Grass ne fait que remettre sur le tapis la question tabou du programme nucléaire israélien, qui date de 1954, et qui a débuté, soit dit en passant, en étroite coopération avec la France, qui elle aussi cherchait à se doter de la bombe atomique.

Tout serait évidemment beaucoup plus clair et moins conflictuel si Israël consentait à reconnaître officiellement la réalité de son appartenance au club des nations disposant de l’arme nucléaire et faisait la démonstration de sa capacité à vivre en paix avec le peuple palestinien. C’est loin d’être une demande exorbitante !

En attendant Gunther Grass, qui se reconnaît «une origine, entachée d'une tare à tout jamais ineffaçable», et voit concentrée sur sa personne quantité de ressentiments qui n’ont vraisemblablement rien à voir avec elle, fait aussi bien les frais d’une évidente hypocrisie que d'une paranoïa critique.

Il écrit :

« Pourquoi me taire, pourquoi taire trop longtemps
Ce qui est manifeste, ce à quoi l'on s'est exercé
dans des jeux de stratégie au terme desquels
nous autres survivants sommes tout au plus
des notes de bas de pages

C'est le droit affirmé à la première frappe
susceptible d'effacer un peuple iranien
soumis au joug d'une grande gueule
qui le guide vers la liesse organisée,
sous prétexte qu'on le soupçonne, dans sa zone de pouvoir,
de construire une bombe atomique.

Mais pourquoi est-ce que je m'interdis
De désigner par son nom cet autre pays
Dans lequel depuis des années, même si c'est en secret,
On dispose d'un potentiel nucléaire en expansion
Mais sans contrôle, parce qu'inaccessible
À toute vérification ?

Le silence général sur cet état de fait
silence auquel s'est soumis mon propre silence,
pèse sur moi comme un mensonge
une contrainte qui s'exerce sous peine de sanction
en cas de transgression ;
le verdict d'"antisémitisme" est courant.

Mais à présent, parce que de mon pays,
régulièrement rattrapé par des crimes
qui lui sont propres, sans pareils,
et pour lesquels on lui demande des comptes,
de ce pays-là, une fois de plus, selon la pure règle des affaires,
quoiqu'en le présentant habilement comme une réparation,
de ce pays, disais-je, Israël
attend la livraison d'un autre sous-marin
dont la spécialité est de pouvoir orienter des têtes explosives
capables de tout réduire à néant
 

en direction d'un lieu où l'on n'a pu prouver l'existence
ne fût-ce que d'une seule bombe atomique,
mais où la seule crainte veut avoir force de preuve,
je dis ce qui doit être dit.

Mais pourquoi me suis-je tu jusqu'ici ?
parce que je pensais que mon origine,
entachée d'une tare à tout jamais ineffaçable,
m'interdit de suspecter de ce fait, comme d'une vérité avérée,
le pays d'Israël, auquel je suis lié
et veux rester lié.

Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire,
vieilli, et de ma dernière encre :
La puissance atomique d'Israël menace
une paix du monde déjà fragile ?
Parce qu'il faut dire,
ce qui, dit demain, pourrait déjà l'être trop tard :
et aussi parce que nous - Allemands,
qui en avons bien assez comme cela sur la conscience -
pourrions fournir l'arme d'un crime prévisible,
raison pour laquelle aucun
des subterfuges habituels n'effacerait notre complicité.

Et admettons-le : je ne me tais plus,
parce que je suis las de l'hypocrisie de l'Occident ; il faut en outre espérer
que beaucoup puissent se libérer du silence,
et inviter aussi celui qui fait peser cette menace flagrante
à renoncer à la violence
qu'ils réclament pareillement
un contrôle permanent et sans entraves
du potentiel nucléaire israélien
et des installations nucléaires iraniennes
exercé par une instance internationale
et accepté par les gouvernements des deux pays.

C'est la seule manière dont nous puissions les aider
tous, Israéliens, Palestiniens,
plus encore, tous ceux qui, dans cette
région occupée par le délire
vivent côte à côte en ennemis
Et puis aussi, au bout du compte, nous aider nous-mêmes. »

Günter Grass Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni

08/04/2012

«Entendre les rossignols chanter des marseillaises»

«Entendre les rossignols chanter des marseillaises», c’est retrouver harmonie et noblesse dans le discours politique : un autre monde qui s’oppose à la vulgarité, à la violence ou à l’insignifiance des Le Pen et Sarkosy.

La fin de l’allocution prononcée à Limoges par le porte-parole du Front de Gauche et empruntée à un texte de Victor HUGO (William Shakespeare – 3ème partie : conclusion. Livre II – Le 19ème siècle), est un texte particulièrement riche puisqu’il se veut une déclinaison de l’Humain.

Une déclinaison précédée par une prise en compte des faiblesses individuelles :

« (…) Ah ! Il y a des heures où il semble qu’on voudrait entendre les pierres murmurer contre la lenteur de l’homme !
Quelquefois on s’en va dans les bois. A qui cela n’arrive-t-il pas d’être parfois accablé ? On voit tant de choses tristes. (…) une génération est en retard, la besogne du siècle languit. Comment ! Tant de souffrances encore ! On dirait qu’on a reculé. Il y a partout des augmentations de superstition, de lâcheté, de surdité, de cécité, d’imbécillité. La pénalité pèse sur l’abrutissement. Ce vilain problème a été posé : faire avancer le bien-être par le recul du droit (…) »

… mais qui renoue avec l’espoir d’une délivrance et la démonstration d’une force idéale et collective :

« (…) En avant ! On voudrait entendre les rossignols chanter des marseillaises. (…) Il y a des haltes, des repos, des reprises d’haleine dans la marche des peuples, comme il y a des hivers dans la marche des saisons. (…) Désespérer serait absurde ; mais stimuler est nécessaire.
Stimuler, presser, gronder, réveiller, suggérer, inspirer
, (…) De là cette parole : Délivrance, qui apparaît au-dessus de tout dans la lumière, comme si elle était écrite au front même de l’idéal. »

HUGO, JLM, LIMOGES

A Limoges, J-L. Mélenchon a repris un autre passage du texte d’Hugo. Rythmé, imagé, mobilisateur, intégré dans un ensemble sincère, cohérent et généreux :

« (…) Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie. Je le répète, ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance de la littérature du dix-neuvième siècle.

Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours,

Oui, pour combattre les violences et les impostures,

Oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés,

Oui, pour conclure logiquement et marcher droit,

Oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner,

Oui, pour panser en attendant qu’on guérisse,

Oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes,

Oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne,

Oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné,

Oui, nous sommes tes fils, Révolution ! (…)»

04/04/2012

Militant dans l’Hérault, une folie ?

Un communiqué commun de la section LDH de Loupian et du comité régional Languedoc Roussillon de la Ligue des droits de l’homme nous apprend que, le 26 mars 2012, un militant défenseur de l’environnement a fait l’objet d’un arrêté du maire de sa commune, confirmé deux jours plus tard par le préfet de l’Hérault, ordonnant son admission en soins psychiatriques.

Ce militant, qui manifestait par une action non-violente son opposition à un projet de déclassement d’une zone Natura 2000 dans sa commune, a été hospitalisé aux motifs allégués qu’il présentait des troubles mentaux « qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public », troubles qui se manifestaient par « des propos désobligeants et insultants » et par le fait qu’il s’était « cadenassé à une grille de protection de la mairie ».

La motivation ahurissante de cet arrêté, censée caractériser un trouble grave à l’ordre public – à moins que le préfet de l’Hérault ne considère que des propos désobligeants ne compromettent … la sûreté des personnes ! - révèle une dérive inquiétante : après les placements en garde à vue et les poursuites judiciaires de plus en plus fréquents, le pouvoir exécutif s’est trouvé une nouvelle arme contre les militants actifs, l’hospitalisation contrainte en psychiatrie.

folie & répression
Lire aussi :Collectif « Mais c’est un Homme » : déclaration du 1er août 2011

Ce militant, au mépris de ses droits les plus élémentaires, a été placé à l’isolement pour avoir refusé le traitement que l’on voulait lui imposer, a été interdit de tout contact avec ses proches pendant plusieurs jours, et a eu le plus grand mal à obtenir communication des décisions le concernant !!

Les organisations signataires, membres du collectif « Mais c’est un homme », dénoncent l’usage inadmissible par l’autorité administrative de ce pouvoir d’internement - survivance archaïque au regard des législations de nombreux autres pays européens – à des fins coercitives et les atteintes graves ainsi portées aux libertés et aux droits sociaux.

Elles exigent la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques imposée à ce militant, encore hospitalisé à ce jour malgré un certificat médical récent favorable à la levée de celle-ci."

30/03/2012

Salah Hamouri, empêché de circuler

Salah Hammouri est empêché de circuler. Il était attendu un peu partout en France et en particulier dans les environs de Manosque, à Ste Tulle, le 17 avril à l'invitation de l'AFPS.

Salah Hamouri empêché de circuler

Le message qui suit nous est parvenu :

«Ce jeudi 29 mars, 18 h30, Salah n’a toujours pas le tampon sur son passeport pour circuler librement. Son avocat a fait une nouvelle demande aujourd’hui auprès des services israéliens du ministère de l’intérieur. Sans aucun résultat ni la moindre explication. Silence total mais… pas de tampon.

Les diplomates français, à Paris ou en poste à Tel-Aviv et à Jérusalem, ont fait savoir à la famille qu’ils sont intervenus et qu’ils interviennent toujours auprès de l’ambassade d’Israël en France et sur place. Selon nos informations ils n’obtiennent pas plus d’explications. Les autorités israéliennes feignant de ne pas savoir…

Demain ce sera le week-end sur place. Et le 5 avril au soir commence la Pâque juive qui durera jusqu’au 15 avril. Ne resteront plus que 5 jours – à partir de dimanche – jusqu’à la Pâque juive.»

Nous souhaitons, dans ces conditions, vous encourager à poursuivre les efforts entrepris et à intervenir auprès des autorités françaises et israéliennes, notamment auprès de l’ambassade d’Israël en France pour débloqer la situation.

Ambassadeur Yossi Gal. 3, rue Rabelais - 75008 Paris
Courriel : information@paris.mfa.gov.il

« Rendre la raison populaire ».

Sous le titre " Pourquoi je vote Jean Luc Mélenchon", Henri Pena Ruiz, philosophe, écrivain, professeur, ancien membre de la Commission Stasi, membre du Parti de Gauche, écrit :


"La République va mal. Sur fonds de mondialisation ultra-libérale, les droits sociaux régressent, le chômage s'accroit, le lien social se dissout, les fanatismes religieux renaissent. Les services publics sont en cours de destruction, le code du travail fruit des luttes ouvrières est raturé par une économie inhumaine, la souveraineté populaire vidée de sa substance. Les inégalités s'accroissent à mesure que grandit l'écart entre les revenus du travail et ceux du capital. D'illusoires compensations identitaires, lourdes de dangers, menacent désormais les grandes conquêtes de l'émancipation laïque et sociale. Quant à l’irresponsabilité écologique induite par l’obsession du profit à court terme, elle est lourde de menaces pour la Terre, demeure de l’Humanité tout entière.
Dans le monde, la spéculation financière se donne libre cours pour affamer les peuples et plier les Etats à sa loi, qui n'a rien de rationnel, comme le montrent les fluctuations erratiques des Bourses. En Europe la BCE prête à 1% aux banques, qui prêtent à 8% aux Etats…Où est la faute? Dans le privilège manifeste des institutions bancaires et des intérêts privés qu'elles incarnent. Bref l'intérêt particulier usurpe l'intérêt général, et l'Europe des banques s'assujettit l'Europe des peuples. L'économie créatrice de richesse est asphyxiée au profit des spéculations boursières qui jouissent de lois internationales sur mesure. Comme l'a écrit Marx, le capitalisme mondialisé noie tout dans « les eaux glacées du calcul égoïste ». Il réduit les hommes à des choses, à des ressources exploitables, « employables »… et liquidables. "Il épuise en même temps le travailleur et la terre elle-même". Par un tel constat, prémonitoire, Marx en appelait à une authentique écologie sociale.


L’ivresse de profit immédiat se mondialise quoi qu'il en coûte aux êtres humains et à la nature.

henri pena ruiz,front de gauche, rendre la raison populaire

Aujourd'hui, pour de nombreuses personnes, le désespoir, les suicides, les dérives vers une nouvelle misère, marquent l'inhumanité de ce capitalisme décomplexé. La fatalisation de politiques qui organisent la privatisation des services publics ôte tout recours aux plus démunis. Tout cela se dit et s'accomplit au nom de l’internationalisme, noble idéal dévoyé et détourné au profit de la seule Internationale des capitaux. Par une mystification constante, la concorde des peuples unissant leurs forces économiques devient l'alibi idéologique de la domination croissante des marchés et des spéculateurs.


Quant aux idéologues de la classe dominante, ils osent parler des droits sociaux en les qualifiant d’assistanat, alors que le capitalisme lui-même se fait assister par des fonds publics quand la spéculation tourne mal. Toute honte bue ils cherchent à culpabiliser les victimes du système en les rendant responsables de leur situation. Bref, le capitalisme fait retour à ses esprits animaux, brisant l'harmonie de l'humanité avec la nature, en même temps qu'il rend impossible l'harmonie des hommes entre eux en creusant des inégalités abyssales entre les revenus du travail et ceux du capitalisme financier. L’idéologie dominante tend aujourd’hui comme hier à être celle de la classe dominante, qui impose par media interposés ses approches, son vocabulaire, sa façon de poser les questions c’est-à-dire de consacrer les mensonges et les illusions de l’ultralibéralisme.


La victoire idéologique provisoire de l’ultralibéralisme est telle qu'une certaine gauche, pusillanime et complexée, en a intériorisé la logique sous prétexte de réalisme. Oublieuse de ses principes et de ses valeurs fondatrices, elle abandonne les victimes du capitalisme mondialisé à leur triste sort. Elle préfère gérer le système avec des modifications à la marge, et se borner à des réformes sociétales partielles, sans doute nécessaires, mais très insuffisantes dès lors qu’elles laissent en l’état la réalité sociale elle-même. Elle cède ainsi au credo libéral qui investit et subvertit totalement la construction européenne, au point de rendre méconnaissable le projet fraternel que Victor Hugo imaginait en inventant l’expression « Etats Unis d’Europe ».

Oublié le partage des meilleurs acquis sociaux, de la culture pour tous, de services publics soustraits aux ravages du mercantilisme, d’une aspiration à la paix et à la concorde, de l’émancipation laïque multiforme. Un conformisme déguisé en réalisme consacre plus ou moins consciemment le moins disant social, l’apartheid culturel induit par l’argent roi, la privatisation générale des services publics, l’orientation atlantiste de toute l’Europe, les privilèges publics de religions préposées au supplément d’âme d’une monde sans âme. La tragédie des exclus et des laissés pour compte est trop souvent passée sous silence. Soins, logement, culture, leur deviennent inaccessibles. Fourier disait qu’on mesure le degré de civilisation d’une société au sort qu’elle réserve aux plus démunis. Mesurons, et soulignons le scandale des situations de détresse multipliées alors que jamais l’humanité n’a produit autant de richesses.


Il est grand temps d’opposer à ce système inhumain et à l’idéologie qui l’encense une véritable alternative sociale, écologique, laïque et citoyenne. Il est grand temps que s'affirme une gauche enfin décomplexée, fière de son héritage, une gauche pour de bon, prête à reprendre la bataille des idées et à donner aux mouvements sociaux la perspective politique qui leur fait si cruellement défaut.

La droite, elle, fait sa politique. Que la gauche retrouve enfin le courage de faire la sienne !

Une gauche décomplexée doit mettre à l'ordre du jour la lutte contre les inégalités, le droit du travail, une fiscalité redistributrice propre à reconstruire les services publics, trop longtemps sacrifiés aux privatisations. Par ailleurs la responsabilisation écologique et humaine de l'économie appelle un nouveau mode de production, propre à conjuguer le respect de l’environnement et celui des hommes, indissociables.

Il convient de récuser l’idée que l’économie est une sphère indépendante du social.

L’expression « économie sociale » devrait être un pléonasme. Elle est hélas devenue une contradiction. De fait, dans le discours et la pratique de l'ultralibéralisme, la dimension sociale est sans cesse réduite à une donnée extérieure, à un résidu facultatif, que l’on tend à confier aux hasards de la charité au lieu d’en faire la raison d’être de la production et du partage.
Ceux qui osent dire « faisons d’abord une bonne économie, on verra ensuite si on peut faire du social » commencent par se servir des revenus exorbitants. 4 millions d’euros annuels en moyenne pour les PDG du CAC 40, avec des pointes à 9 millions (Carlos Gohn, PDG de Renault), voire plus. Comment oser prétendre ensuite que le SMIC à 1700 euros mensuels est une revendication insensée ?

Il ne s’agit pas de culpabiliser l’enrichissement mais de rappeler que nulle richesse ne tombe du ciel et qu’une certaine façon de s’enrichir s’assortit d’un coût social, humain, et écologique, qui ne figure pas dans les livres de compte des multinationales capitalistes et de la nébuleuse financière qui la régit.

Cette façon d'externaliser les coûts pour accroître les profits est d’ailleurs en contradiction flagrante avec l'idéologie libérale, qui veut que les acteurs de l'économie assument intégralement les coûts de leur initiative. Qui assiste qui?

Il faut oser poser la question à ceux qui travestissent leur irresponsabilité intéressée en rigueur de gestion et n’ont pas de mots assez durs pour la dépense publique. Celle-ci relève pourtant de la solidarité redistributive, voire du salaire indirect conçu pour faciliter à tous l’accès aux biens fondamentaux d’une existence humaine digne de ce nom. Peut-on refuser plus longtemps une utilisation humaine des gains de productivité rendus possibles par la science et la technique ? Les bénéficiaires du système vont sans doute, comme à leur habitude, agiter l’épouvantail du totalitarisme et du stalinisme. Qu’importe. La caricature et l’amalgame ne sont pas des arguments. Ceux qui gouvernent par la peur ne méritent aucune considération.


Une gauche authentique doit faire valoir les idéaux républicains qui permettent à tous de vivre ensemble dans une égale liberté. Il s’agit de donner sens à une sphère commune qui conjugue l’émancipation sociale et l’émancipation politique.

Une refondation citoyenne de la République Française par une assemblée constituante pour une sixième république peut y pourvoir. Dans cet esprit, la réaffirmation de la laïcité, pour fonder la loi commune sur les droits humains universels, et restituer l’argent public aux services publics, est une urgence.

Et ce notamment pour l’Ecole publique, si éprouvée depuis des années. La République ne saurait donner plus aux croyants qu’aux athées sans bafouer l'égalité de droits. Ce n’est pas brimer la religion que d’en faire une option libre, qui n'engage que les croyants, et ne doit plus jouir de privilèges. La loi et la conduite de la vie doivent s’émanciper de toute tutelle religieuse ou idéologique, afin de promouvoir la liberté la plus radicale qui soit: celle de disposer pleinement de soi. Marianne porte le bonnet phrygien de l'esclave affranchi. L'émancipation des femmes, des exploités, des travailleurs venus d'ailleurs pour produire la richesse nationale, est à l'ordre du jour. Toute discrimination raciste, xénophobe ou sexiste est indigne d'une nation que la Révolution Française a redéfinie comme une communauté de droit, et dont le mouvement ouvrier a rendu crédibles les promesses par la conquête des droits sociaux. Laïcité et justice sociale sont les deux fondements indissociables de la République, chose publique en laquelle se dit le bien commun à tous.

henri pena ruiz,front de gauche

Telles sont les perspectives dans lesquelles s'inscrit le Front de Gauche, et auxquelles son programme donne chair et vie. Voilà une véritable alternative, claire et nette ! Difficile ? Certes. Mais pas plus que les conquêtes sociales du Front Populaire et de la Libération. Oui, l'espoir vient de renaître. D’abord par les luttes sociales, ensuite par l’émergence d’un projet politique émancipateur et crédible. Les fauteurs de crise n’ont pas de leçons d’économie à donner au peuple. Il est grand temps de briser la fatalisation lancée naguère par Margaret Thatcher (« There is no alternative ») et reprise aujourd’hui par tous ceux qui prétendent que rien d’autre n’est désormais possible que ce qu’impose la dictature des marchés.

Le Front de Gauche n’est pas un Front de circonstance, aussi éphémère qu’une élection, mais une alliance durable, autour d'un projet de justice dont le sens est de rappeler toute la gauche à sa raison d’être. Toute la gauche y gagnera.

Car la vraie victoire doit être celle de ses idées et des réformes qu’elles inspireront pour le bien de tous, et notamment des plus démunis. L’humain d’abord.
Dès maintenant il est possible de contribuer au succès d’une gauche aussi résolue à être elle-même que la droite l’a été depuis cinq ans pour le bien des nantis. En ces temps de crise qui fragilisent les conditions de vie de la majorité des Français, c'est une perspective d'espérance concrète que fait vivre le Front de Gauche avec son programme de progrès social et de refondation écologique. Et ce, entre autres, pour les victimes du système, chômeurs ou travailleurs écrasés par la logique du capitalisme financier, mais de façon plus large pour une société réconciliée avec elle-même. Marx disait que le prolétariat est une classe universelle, car en luttant pour s'affranchir de l'exploitation capitaliste il délivre la société tout entière des rapports de domination qui empêchent un usage humain du progrès économique. Un partage plus juste, une vie plus conforme à l’accomplissement humain, une nouvelle harmonie entre l’homme et la nature et entre les hommes eux-mêmes, s’esquissent à l’horizon pour peu que l’audace de penser le monde et de le transformer devienne le bien de tout le peuple.


Condorcet disait qu’il fallait oser une instruction publique propre à « rendre la raison populaire ».

Dans le même esprit, il faut aujourd’hui reconstruire la politique sur la plus haute idée qui soit d’une humanité prenant conscience de ses possibilités en tous et en chacun. Place au peuple ! Un mariage inédit de la culture et de la politique va briser la morgue des puissants qui tentent de fataliser leur domination en prétendant que le capitalisme pudiquement rebaptisé libéralisme correspond aux lois éternelles de l’économie. Pourtant la conjonction des catastrophes écologiques et des crises qui font chavirer dans la précarité des millions de personnes prouve le contraire.
Il faut donc changer les finalités de la politique, en faisant de l'humain le but essentiel de l'activité économique et de sa régulation sociale, et en rappelant que la nature n'est pas un réservoir inépuisable que l'on puisse utiliser sans souci de la préserver, sans scrupules ni égard pour sa fonction de demeure de l'humanité. N’oublions pas que le rapport des hommes entre eux règle le rapport de toute l’humanité à la nature. Cela peut être en mal, comme l’atteste aujourd’hui la conjonction des nouvelles formes d’exploitation capitaliste et d’une irresponsabilité prédatrice à l’égard de la nature, avec par exemple la tragédie de Fukushima. Cela peut être en bien, dès lors que pourront être conquis d’un même mouvement la justice sociale et le soin collectif de l’environnement.
Il faut aussi changer les modalités de la politique en la refondant sur le partage du savoir et de la culture, afin de permettre au peuple de redevenir acteur de son destin. Oser ce pari des Lumières en politique, à l'opposé des obscurantismes qui enfouissent l'essentiel, et faire campagne en livrant au peuple les clés de l'explication des processus dont il souffre : tel est l'honneur de la réhabilitation de la politique engagée par le Front de Gauche. Oui, la politique peut servir à briser le fatalisme, en montrant que l'on peut construire un autre monde. Et changer la vie.
Voilà pourquoi je vote pour Jean Luc Mélenchon, admirable candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles. Je forme des vœux pour qu’entre les deux tours le rassemblement de toute la gauche puisse avoir lieu sur la base d'orientations communes à définir de concert. Le respect mutuel des composantes de la gauche est essentiel. C’est ainsi seulement que le candidat de gauche le mieux placé par le suffrage universel pourra battre celui de la droite. Dans la foulée le vote pour les candidates et candidats du Front de Gauche aux élections législatives donnera du poids à la gauche décomplexée dont le pays a besoin.

"


Henri Pena-Ruiz

Derniers ouvrages parus:
Entretien avec Karl Marx. Editions Plon.
Qu'est-ce que la solidarité ? Le coeur qui pense Editions Abeille et Castor.

19/03/2012

Israël : le carnage continue

Les rebelles ont souvent de bonnes idées. C’est le cas pour le père de Gilad SHALIT  qui, restant dans l’opposition au gouvernement Netanyahou malgré la libération de son fils,  admet et fait valoir que, s’il était palestinien, il «kidnapperait des soldats». Elu, il négocierait avec le Hamas. Bonne idée aussitôt perçue et ramenée à l’expression déprimante du syndrome de Stockholm !
(*)

C’est le cas de Théo Klein qui, à propos du procès intenté par le CRIF à Charles ENDERLIN, correspondant d’Antenne 2 en Israël ayant dénoncé par le verbe et l’image la mort d’un enfant palestinien, a eu le «culot» de se montrer critique à l’égard des sionistes qu’il est censé défendre.

Ces deux expressions «rebelles», à contrecourant d’un sionisme pur, dur et dévastateur, n’empêchent ni ne ralentissent les violences faites à des civils palestiniens, plus isolés que jamais malgré les printemps arabes dont ils devraient bénéficier. Comment l’oublier ?

Théo KLEIN, Noam SHALIT, Palestine
Le carnage continue.
Israël, ou plus exactement le mouvement sioniste,
n’a pas cessé d’être brutal et répressif à l’égard des Palestiniens
depuis l’avènement du mouvement sioniste en Palestine à la fin du 19ème siècle.

 

JOURNEE DE LA TERRE

Organisée par l’AFPS 04 et Médecins du Monde

le 23 mars à 18 h

au Cinéma Le Bourguet à Forcalquier

Projection de My Land … un documentaire de Nabil Ayouch qui donne
la parole à de vieux réfugiés palestiniens

&

Conférence – débat avec Hael AL FAHOUM, Ambassadeur de Palestine en France autour de la question : « Peut-on parler d’un tournant dans la stratégie palestinienne ? »,
et Bernard RAVENEL, Historien autour de la question : « Le rôle de l’Europe et des mouvements de solidarité ».

 

israel-palestine,my land, journée de la terre

courriel : francepalestine.04@gmail.com

 

18/03/2012

Bastille, le grand retour

18 mars 2012,la bastille

Le discours que j’ai entendu :

Le grand retour de la Gauche majuscule est annoncé. Et c’est un peuple dans toute sa noblesse qui fait aujourd’hui entendre sa voix. Son porte parole : un ancien membre du PS qui a fuit, comme beaucoup d’autres, les scènes et les sirènes sociale-démocrates, les compromissions et les tiédeurs, les déceptions, les reculades, les faux semblants et les trahisons.

Son message empreint de symboles, est un contenant à l’intérieur duquel se trouvent les outils d’une libération à venir, d’un divorce joyeux mais radical avec la paresse, les partis pris et le mépris des nantis. Nous n’avons pas le droit d’adresser à l’Histoire une nouvelle fin de non-recevoir. Cette fois-ci, il faut lui sourire et refuser l’infantilisation dans laquelle on nous tient, admettre que notre responsabilité de citoyens adultes ne dépend que de nous-mêmes et plus jamais d’une pensée prémâchée ou d’un vote qui, se voulant « utile », ne serait qu’une énième automutilation.    

Aujourd’hui, demain, il nous appartiendra de faire grandir cette Gauche là.


Meeting de Jean-Luc Mélenchon par LCP

Autres lectures de ce rendez-vous ...

Agence Reuters
Médiapart

L'Humanité
(à suivre) ...

14/03/2012

Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, …

Cinquante après les accords et le cessez-le-feu qui ont mis un terme, le 19 mars 1962, à la guerre d’Algérie la LDH considère que le temps est venu de poser enfin un regard apaisé sur la fin tragique de la période coloniale de notre histoire.

La LDH condamne vivement les forces politiques qui, dans un but électoraliste, encouragent les nostalgiques de la colonisation. Tel le maire de Nice, Christian Estrosi, qui a tenté, les 10 et 11 février dernier, d’empêcher la tenue d’un colloque organisé par la section locale de la Ligue des droits de l’Homme sur le thème «Algérie 1962, pourquoi une fin de guerre si tragique ?», au motif qu’il ne s’inscrivait pas dans «l’esprit» de la commémoration que sa municipalité organise.
La Ligue des droits de l’Homme dénonce également avec force le fait que, le 10 mars, à Nîmes, des élus de l’UMP et du Nouveau centre, maires, députés, sénateurs et conseillers généraux, se soient joints au agitateurs du Front national et aux anciens de l’OAS pour tenter de s’opposer à la tenue d’un colloque d’historiens consacré par un collectif d’associations dans les locaux du conseil général du Gard à «la Fédération de France du FLN (1954-1962)».

la guerre d"algérie expliquée à tous
ISBN-13: 978-2020812436

Comme elle l’avait affirmé lors des commémorations de la sanglante répression de la manifestation désarmée des Algériens de la région parisienne du 17 octobre 1961, la LDH demande aux plus hautes autorités de la République de reconnaître que la colonisation de l’Algérie, tout comme la guerre qu’ont menée les autorités de l’époque pour tenter de s’opposer à l’indépendance algérienne, se sont accompagnées de pratiques qui n’ont cessé de tourner le dos aux principes des droits de l’Homme.

algérie 1962,évian, la déchirure, B Stora
http://youtu.be/6BiG5MqiSeQ

Le colloque qu’elle organise avec d’autres associations les 17 et 18 mars à Evian, à l’occasion du cinquantenaire des Accords d’Évian, «Sortir de la guerre d’Algérie : regards croisés, regards apaisés», sera pour elle l’occasion de réaffirmer sa demande aux autorités françaises qu’elles abandonnent le discours insidieux tenus depuis l’élection de Nicolas Sarkozy sur le «refus de la repentance» et l’éloge de «l’œuvre civilisatrice» de la colonisation, pour formuler une véritable reconnaissance des injustices fondamentales qui ont marqué cette époque.

Seule une telle reconnaissance permettra, enfin, de tourner cette page tragique de notre histoire et de construire avec les peuples du sud de la Méditerranée un avenir de paix et de progrès.

Communiqué LDH

12/03/2012

L’eau, arme apartheid

Au moment où, les frappes israéliennes sur les populations civiles Palestiniennes redoublent d’intensité (vingt et un Palestiniens ont été tués et 73 blessés dans au moins 36 frappes israéliennes depuis vendredi, selon les services d'urgence.)

Au moment où s’ouvre le Forum mondial de l’eau à Marseille, il est opportun de prendre connaissance d’un rapport d’information sur «La géopolitique de l’eau» (décembre 2011 - Jean Glavany). Cette question épineuse qui faisait partie des accords d’Oslo de 1995 - et qui n’ont pas été renégociés comme prévu en 2000 avec l’éclatement de la seconde Intifada-, cette question épineuse de l’eau est aujourd'hui passée sous silence.

Forum mondial de l'eau, conflit israélo-palestinien

Mieux, si experts et ONG s’accordent pour considérer l’eau comme «un outil militaire», c’est sur la forme et sur l’utilisation du mot «apartheid» justement utilisé par son rapporteur que ce texte est critiqué.

Pourtant, au-delà de l’apartheid évidemment pratiqué par l’actuel gouvernement d’Israël à l’égard du peuple palestinien, la problématique de l’eau relève d’abord d'une question de  géographie. Israël étant située en aval par rapport à la Cisjordanie, tandis que Gaza se situe en aval par rapport à Israël, tout forage doit faire l’objet d’une autorisation du Joint Water Committee, un comité mixte, composé d’Israéliens et de Palestiniens.

Or «dans la pratique, ce sont les Israéliens qui décident et en général, c’est à la faveur des demandes israéliennes, pas palestiniennes», souligne l’Agence française du développement.

Dans le même temps, le rapport de M. Glavany mentionne : «Il faut savoir que les 450 000 colons israéliens en Cisjordanie utilisent plus d’eau que 2,3 millions Palestiniens» !

Le rapport évoque aussi la destruction «systématique» par l’armée israélienne des puits construits «spontanément» par les Palestiniens ainsi que les questions sanitaires auxquelles ils sont confrontés.

Il n'y a pas que les mûrs qui sont édifiants !

06/03/2012

Verve

Grand rendez-vous, grand moment. Au-delà de la performance consistant à tenir en laisse des "chiens de garde" aux mimiques flottantes puisque ravalés à des postures de chiens de salon, l’argumentation de J-L. Mélenchon du 4 mars sur I-Télé restera un modèle de cohérence et de clarté. Un grand moment à voir, entendre, ne pas oublier. Preuve que la verve et la conviction ont ce pouvoir de réveiller l’intelligence, au contraire du populisme dont ces mêmes chiens de garde tentent d'affubler le leader du Front de Gauche.

Pas de cette "gauche" "qui s’accroche au label comme à son dernier oripeau symbolique, (...) de ce parti socialiste au socialisme parti, mais maintenu dans ses titres de créance politique, (...) par un univers médiatique confusément conscient d’avoir aussi à se sauver lui-même (...)"
Frédéric Lordon in Télérama


J.-L. Mélenchon Grand Rendez-Vous ITélé 

05/03/2012

Poètes, vos papiers (préface)

"A l'école de la poésie, on n'apprend pas : on se bat."

Hasard du calendrier, mars 2012 est aussi bien réservé à la 14ème édition du Printemps des poètes (du 5 au 18 mars)   dans le sillage des indignations les plus réelles et abouties façon Léo Ferré, qu’à la défense du/des services publics  étant bien entendu que le Service Public comme la Poésie, est le « patrimoine de ceux qui n’en ont pas ».

Printemps des poètes, défense du service public

Poètes, vos papiers (préface) :

"La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore. Cela arrange bien des esthètes que François Villon ait été un voyou. On ne prend les mots qu'avec des gants: à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires ou du codex. Le snobisme scolaire qui consiste à n'employer en poésie que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, c'est la poésie qui illustre le mot.

L'alexandrin est un moule à pieds. On n'admet pas qu'il soit mal chaussé, traînant dans la rue des semelles ajourées de musique. La poésie contemporaine qui fait de la prose en le sachant, brandit le spectre de l'alexandrin comme une forme pressurée et intouchable. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes: ce sont des dactylographes. Le vers est musique; le vers sans musique est littérature. Le poème en prose c'est de la prose poétique. Le vers libre n'est plus le vers puisque le propre du vers est de n'être point libre. La syntaxe du vers est une syntaxe harmonique - toutes licences comprises. Il n'y a point de fautes d'harmonie en art; il n'y a que des fautes de goût. L'harmonie peut s'apprendre à l'école. Le goût est le sourire de l'âme; il y a des âmes qui ont un vilain rictus, c'est ce qui fait le mauvais goût. Le Concerto de Bela Bartok vaut celui de Beethoven. Qu'importe si l'alexandrin de Bartok a les pieds mal chaussés, puisqu'il nous traîne dans les étoiles! La Lumière d'où qu'elle vienne EST la Lumière...

En France, la poésie est concentrationnaire. Elle n'a d'yeux que pour les fleurs; le contexte d'humus et de fermentation qui fait la vie n'est pas dans le texte. On a rogné les ailes à l'albatros en lui laissant juste ce qu'il faut de moignons pour s'ébattre dans la basse-cour littéraire. Le poète est devenu son propre réducteur d'ailes, il s'habille en confection avec du kapok dans le style et de la fibranne dans l'idée, il habite le palier au-dessus du reportage hebdomadaire. Il n'y a plus rien à attendre du poète muselé, accroupi et content dans notre monde, il n'y a plus rien à espérer de l'homme parqué, fiché et souriant à l'aventure du vedettariat.
Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste, d'un parti ou du Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé. Enfin, pour être poète, je veux dire reconnu, il faut "aller à la ligne". Le poète n'a plus rien à dire, il s'est lui-même sabordé depuis qu'il a soumis le vers français aux diktats de l'hermétisme et de l'écriture dite "automatique". L'écriture automatique ne donne pas le talent. Le poète automatique est devenu un cruciverbiste dont le chemin de croix est un damier avec des chicanes et des clôtures: le five o'clock de l'abstraction collective.

La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche. Il faut que l'œil écoute le chant de l'imprimerie, il faut qu'il en soit de la poésie lue comme de la lecture des sous-titres sur une bande filmée: le vers écrit ne doit être que la version originale d'une photographie, d'un tableau, d'une sculpture.
Dès que le vers est libre, l'œil est égaré, il ne lit plus qu'à plat; le relief est absent comme est absente la musique. "Enfin Malherbe vint..." et Boileau avec lui... et toutes les écoles, et toutes les communautés, et tous les phalanstères de l'imbécillité! L'embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l'abstraction, voire l'arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore de l'amour, mais la faillite de l'Art. Les poètes, exsangues, n'ont plus que du papier chiffon, les musiciens que des portées vides ou dodécaphoniques - ce qui revient au même, les peintres du fusain à bille. L'art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches qui ne reconnaîtront jamais Van Gogh dans la rue... Car enfin, le divin Mozart n'est divin qu'en ce bicentenaire!
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Qu'importe! Aujourd'hui le catalogue Koechel est devenu le Bottin de tout musicologue qui a fait au moins une fois le voyage à Salzbourg! L'art est anonyme et n'aspire qu'à se dépouiller de ses contacts charnels. L'art n'est pas un bureau d'anthropométrie. Les tables des matières ne s'embarrassent jamais de fiches signalétiques... On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique, qu'il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse: cela ne représente rien qui ne soit qu'anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes.

Avec nos avions qui dament le pion au soleil, avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions. Le seul droit qui reste à la poésie est de faire parler les pierres, frémir les drapeaux malades, s'accoupler les pensées secrètes.

Nous vivons une époque épique qui a commencé avec la machine à vapeur et qui se termine par la désintégration de l'atome. L'énergie enfermée dans la formule relativiste nous donnera demain la salle de bains portative et une monnaie à piles qui reléguera l'or dans la mémoire des westerns... La poésie devra-t-elle s'alimenter aux accumulateurs nucléaires et mettre l'âme humaine et son désarroi dans un herbier?
Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique. A New York le dentifrice chlorophylle fait un pâté de néon dans la forêt des gratte-ciel. On vend la musique comme on vend le savon à barbe. Le progrès, c'est la culture en pilules. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt: les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir?
Dans notre siècle il faut être médiocre, c'est la seule chance qu'on ait de ne point gêner autrui. L'artiste est à descendre, sans délai, comme un oiseau perdu le premier jour de la chasse. Il n'y a plus de chasse gardée, tous les jours sont bons. Aucune complaisance, la société se défend. Il faut s'appeler Claudel ou Jean de Létraz, il faut être incompréhensible ou vulgaire, lyrique ou populaire, il n'y a pas de milieu, il n'y a que des variantes. Dès qu'une idée saine voit le jour, elle est aussitôt happée et mise en compote, et son auteur est traité d'anarchiste.

Divine Anarchie, adorable Anarchie, tu n'es pas un système, un parti, une référence, mais un état d'âme. Tu es la seule invention de l'homme, et sa solitude, et ce qui lui reste de liberté. Tu es l'avoine du poète.
A vos plumes poètes, la poésie crie au secours, le mot Anarchie est inscrit sur le front de ses anges noirs; ne leur coupez pas les ailes! La violence est l'apanage du muscle, les oiseaux dans leurs cris de détresse empruntent à la violence musicale. Les plus beaux chants sont des chants de revendication. Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. A l'école de la poésie, on n'apprend pas: on se bat.
Place à la poésie, hommes traqués! Mettez des tapis sous ses pas meurtris, accordez vos cordes cassées à son diapason lunaire, donnez-lui un bol de riz, un verre d'eau, un sourire, ouvrez les portes sur ce no man's land où les chiens n'ont plus de muselière, les chevaux de licol, ni les hommes de salaires.
N'oubliez jamais que le rire n'est pas le propre de l'homme, mais qu'il est le propre de la Société. L'homme seul ne rit pas; il lui arrive quelquefois de pleurer.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres.
Je voudrais que ces quelques vers constituent un manifeste du désespoir, je voudrais que ces quelques vers constituent pour les hommes libres qui demeurent mes frères un manifeste de l'espoir."

Léo Ferré

29/02/2012

Des camps pour les Roms ?

«L’origine du mal, c’est-à-dire de cette circulation d’une population qui n’est acceptée nulle part et qui vit dans des conditions indignes, c’est de ne pas avoir fixé une règle européenne pour (la) garder là où elle doit vivre, en Roumanie» (…) Il faut donc «des règles européennes pour éviter que nous re-connaissions cette circulation encore et encore, et ensuite qu’il y ait des camps qui puissent être ceux de notre propre décision, c’est-à-dire éviter que ces populations ne s’installent n’importe où» dixit François Hollande le 12 février dernier.

Roms-Hollande

Pour mémoire : les Centres de Rétention Administratives ont été officiellement créés le 29 octobre 1981 après que François Mitterrand ait été élu. La police exerce dans les CRA son autorité sans aucun contrôle judiciaire, sur la seule base d’un règlement de police de 1938 autorisant l’internement des étrangers sans-papiers.

Ce n’est pas parce que les porte flingues de l’UMP font semblant de s’offusquer de cette déclaration « hasardeuse » (ou pas) qu’il faut en exonérer le candidat du PS.

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 La LDH lui adresse ce courrier :

« 

Monsieur François Hollande
Parti socialiste
59, avenue de Ségur
75007 Paris

Paris, le 20 février 2012

Monsieur,

La Ligue des droits de l’Homme tient à vous faire part de sa vive préoccupation après les propos que vous avez tenus concernant les Roms sur le plateau de Canal+.
Sans aucunement nourrir la stratégie d’amalgame douteux immédiatement déclenchée par les responsables de l’UMP, nous estimons important de vous faire part de notre opinion sur la situation des populations roms, situation qui ressort essentiellement de la discrimination.

De toute évidence, l’usage d’un certain nombre d’expressions et de vocables à tout le moins approximatifs « organiser une solution », « camps », « origine du mal » relève au mieux d’une grande ignorance du sujet, pourtant sensible et au coeur de l’intervention de nombreuses organisations de la société civile, dont la Ligue des droits de l’Homme.

De la même manière, en appeler à une modification des règles européennes de circulation uniquement pour les Roms revient à plaider pour un traitement discriminatoire, contraire et aux textes européens, et à l’esprit des valeurs dont vous vous réclamez par ailleurs.

Il aurait été souhaitable de rappeler, face aux téléspectateurs, que les Roms sont des citoyens européens auxquels la France refuse de reconnaître une citoyenneté pleine et entière en les privant notamment de l’accès à l’emploi, par le maintien des mesures transitoires au niveau européen, donc de la liberté de circulation et d’installation. Que cette discrimination empêche de fait toute intégration par le travail et l’éducation, pénalisant ainsi les adultes et les enfants. Enfin, qu’il est honteux qu’à la haine raciale dont ils sont victimes dans leur pays, réponde en écho leur stigmatisation publique en France par l’actuel président de la République.

Le contexte du débat politique français, marqué par une concurrence entre droite et extrême droite pour occuper le terrain du rejet racial et identitaire, confère à ces sujets une ampleur et une portée symbolique majeures. Ils requièrent une attention vigilante, une réelle connaissance des dossiers concernés et la conviction profonde que la défense des principes humanistes, des droits fondamentaux, constitue au contraire une boussole fiable et gage de victoire.

Dans l’espoir que vous partagerez cette conviction, je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

»

Pierre Tartakowsky
Président de la LDH

22/02/2012

Le travail, malade du précariat

Le mécanisme européen de stabilité, FMI bis à échelle franco-allemande a donc été adopté par l’A.Nale. Idem pour la TVA « sociale ». (Résultats du vote)
Restera aux sénateurs à terminer le job et aux électeurs à se souvenir des noms de celles et ceux qui, s’étant donné la peine de se présenter dans l’hémicycle, n’ont pas reculé devant ces choix courageux et porteurs d’avenir ! Même A. Montebourg a cru bon pousser le reniement suffisamment loin pour que sa «démondialisation» ne soit plus comparable qu’à un rond-dans-l’eau-et-encore !

mes,tva sociale,précariat

Au même moment, Hubert Védrine officiant sur ARTE (dans une Théma intitulée "Un monde dans tous ses états") à propos des mécaniques néolibérales, donnait l’impression d’avoir enfin admis qu’une overdose d’inégalité et d’injustice était atteinte. Témoin cette remarque judicieuse de J-P. Fitoussi entendue dans la soirée : «(…) plus de proies,… plus de prédateurs (…)».  Doit-on en douter ?
Tout le monde peut-il donc impunément se tromper sur l'existence et l’importance citoyenne voire électorale du «précariat» ?