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18/05/2015

Mineurs isolés étrangers : les apparences pour preuve

À un adolescent malien seul en France, porteur d’un acte de naissance et d’une carte d’identité établissant sa minorité, la cour d’appel de Paris rétorque que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » (décision CA Paris du 26 mars 2015). Une affirmation lourde de conséquence puisque la cour laisse ce jeune à la rue en refusant sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû, aussi, tordre le droit. C’est l’article 47 du Code civil qui a fait les frais de l’opération.

prendre un enfant par la main.jpg

L’article prévoit que tout acte d’état civil étranger fait foi sauf si d’autres éléments établissent qu’il est irrégulier ou falsifié. En l’espèce, aucune preuve ni aucun indice d’irrégularité ou de falsification des actes d’état civil du mineur n’étaient joints au dossier : au contraire, le service chargé de traquer la fraude documentaire les avait jugés authentiques ! Peu importe : le récit qu’il a fait de sa vie leur ayant semblé peu cohérent, les magistrats ont imaginé de soumettre cet enfant à une expertise osseuse.

Non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée, ils ont prévu qu’il devrait être assisté de son avocat ou « d’un professionnel » d’une association d’aide aux mineurs. Peu importe, encore, que l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés qui est en fait un collectif d’associations) ait toujours refusé de cautionner ces examens osseux dont la fiabilité est déniée par les plus hautes autorités médicales. L’enfant s’étant rendu chez le médecin muni d’un courrier de l’ADJIE disant ne pouvoir être présente, les examens n’ont pas été réalisés. Les juges en ont pris prétexte pour le rendre responsable du « défaut d’exécution » de l’expertise.

Le raisonnement est doublement fallacieux. D’abord parce qu’il impose à un jeune en détresse, qui ne parle ni ne lit le français, de coopérer à la démonstration d’une minorité que les juges devait tenir pour acquise. Ensuite parce qu’il le rend comptable du refus légitime d’un collectif associations de s’associer à cet acharnement dans la suspicion. Et ce, pour conclure sans trembler que, quoi qu’en disent ses actes d’état civil, ce jeune aura l’âge qu’il a l’air d’avoir.

« La chronique quotidienne de l’enfance malheureuse rappelle aux pouvoirs publics l’urgente nécessité de renforcer la protection civile des mineurs » affirme le préambule de l’ordonnance de 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. Aujourd’hui, parce qu’ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité en utilisant les expédients de pseudo-expertises ou en tenant les apparences pour preuve.

Alors que la communauté scientifique s’accorde pour dénier toute force probante aux tests osseux et dentaires, que les documents d’identité font foi, l’administration et la justice persistent à recourir à cette technique inepte. Il est plus que temps d’y renoncer.


Communiqué commun LDH –Gisti – Syndicat de la magistrature
Paris, le 15 mai 2015

17/05/2015

« Trop, c’est trop ! » – Combattre l’antisémitisme et sanctionner la politique israélienne

DÉNONCER L’ANTISÉMITISME C’EST DÉNONCER LE RACISME,
et inversement.

« Trop, c’est trop ! » – Combattre l’antisémitisme et sanctionner la politique israélienne
Communiqué de la LDH

Ayant accueilli des Juifs victimes de l’antisémitisme et des survivants du génocide perpétré par les nazis, l’État d’Israël a le droit de vivre en paix et de voir ses frontières reconnues. A cet égard, nous restons fidèles à la double exigence affirmée par Pierre Vidal-Naquet au lendemain de la guerre de 1967 : défendre l’existence de cet État mais exiger aussi de lui l’évacuation des territoires conquis alors afin que puisse s’y établir un État palestinien.

Israël, Palestine
Alma Sheppard-Matsuo, War crimes, end israeli apartheid
(Crimes de guerre, finissez-en avec l'apartheid israélien, 2014, États-Unis.

Hélas, les élections législatives  de mars 2015 et la formation du gouvernement qui en résulte nous éloignent encore davantage de cette issue. En effet, elles ont donné la victoire à Benjamin Netanyahou, lequel a déclaré ouvertement son refus d’un tel État. Forts de leur supériorité militaire, les gouvernants actuels de l’État d’Israël risquent donc de rendre impossible toute création d’un État pour le peuple palestinien. Comme on peut le constater, la poursuite de la colonisation de l’ensemble de Jérusalem et de la Cisjordanie ainsi que le blocus aérien, maritime et terrestre de Gaza, condamnent sa population civile, au mieux à survivre, au pire à mourir parmi les ruines.

Il faut donc des sanctions et des pressions internationales à l’encontre de cette politique. Nous sommes préoccupés, en France, par la montée de l’antisémitisme et des autres formes de racisme et nous les combattons. Mais nous nous élevons aussi, avec force, contre tous ceux qui se servent de l’argument de l’antisémitisme pour refuser de critiquer la politique désastreuse menée par Benjamin Netanyahou.

Les Israéliens désireux de mettre en œuvre une autre politique ont besoin de soutien et pensent que seules des sanctions prises à l’encontre de ce gouvernement peuvent être efficaces afin que soient reconnues les légitimes aspirations des Palestiniens à vivre en paix au sein de frontières sûres.

Seule une forte campagne d’opinion en France et en Europe peut permettre de contrer cette politique. Et c’est pourquoi, nous demandons que la France et tous les États européens reconnaissent l’État de la Palestine, comme vient de le faire la Suède, qu’ils votent pour son entrée comme membre à part entière des Nations unies et enfin qu’ils s’engagent à faire cesser toute vente d’armes, coopération militaire ou transfert de technologie susceptible d’un usage militaire vers Israël et à suspendre l’accord de coopération de l’Union européenne avec Israël. Nous demandons aussi que cesse toute poursuite contre les militants qui appelleraient au boycott des produits israéliens, même si certains d’entre nous ne sont pas favorables à un tel boycott.

« Trop, c’est trop ! », c’était le cri que plusieurs d’entre nous avions lancé en décembre 2001, avec Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet et Stéphane Hessel, lorsque des coups dramatiques étaient portés contre Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne à Ramallah. Dans la continuité de leur action, nous appelons à une campagne au double mot d’ordre : « Combattons l’antisémitisme ! Soutenons ceux qui s’opposent en Israël à la politique de ce gouvernement, sur lequel des pressions sont indispensables pour qu’on sorte de cette impasse ! »

Les 64 premiers signataires : Tewfik Allal, Etienne Balibar, Françoise Basch, Fethi Benslama, Sophie Bessis, Alexandre Bilous, Françoise Blum, Anne Brunswic, Monique Chemillier-Gendreau, Patrick Chemla, Alice Cherki, Suzanne Citron, Catherine Clément, Sonia Dayan-Herzbrun, Marianne  Debouzy, Sylviane De Wangen, Michel Dreyfus, Ivar Ekeland, Jeanne Favret-Saada, Chérif Ferjani, Jean Ganeval, François Gèze, Frédéric Goldbronn, Lise Halbwachs, Mohammed Harbi, Françoise Héritier, Jacques Jedwab, Francine Kahn, Marcel-Francis Kahn, Philippe Kalfayan, Abdellatif Laabi, Pascal Lederer, Catherine Lévy, Daniel Lindenberg, Gilles Manceron, Denis Marx, Gustave Massiah, Jérôme Maucourant, Sophie Mazas, Marie-José Mondzain, Edgar Morin, Véronique Nahoum-Grappe, Jean-Luc Nancy, Emmanuel Naquet, Gilles Perrault, Michelle Perrot, Jacques Rancière, Bernard Ravenel, Vincent Rebérioux, Michel Rotfus, Elisabeth Roudinesco, Nourredine Saadi, Claudette Scemama, Abraham Ségal, Leila Shahid, Didier Sicard, Pierre Tartakowsky, Jacques Testart, Marie-Noëlle Thibault, Michel Tubiana, Georges Vigarello, Georges Wajs, Michèle Zemor, Idith Zertal.

Contact et signatures : trop-cest-trop@laposte.net

« Trop, c’est trop ! » est un collectif d’individus constitué à la fin de l’année 2001 à l’initiative de Madeleine Rebérioux et Pierre Vidal-Naquet pour protester contre l’enfermement de Yasser Arafat à Ramallah et les coups portés par l’armée israélienne à l’Autorité palestinienne. Il s’est exprimé de nouveau quand de nouvelles menaces ont compromis encore davantage la paix dans la région qui passe par l’existence d’un Etat palestinien.

Pour aider à ses initiatives : chèques à l’ordre de « LDH Trop, c’est trop ! » à l’adresse suivante : Ligue des droits de l’Homme, 138, rue Marcadet, 75018 Paris.

11/05/2015

Les faux débats font spectacle

Pourfendeurs d’impostures d’un coté, apologistes du blasphème de l’autre, E.Todd est cerné !

Todd, blasphème, charlie...
Extrait de Charlie blasphème, un hors-série Charlie Hebdo.

Et au milieu, cette loi « Renseignement », toujours en cours d’imposition par laquelle E. Todd pourrait donc être poursuivi au motif d’avoir porté atteinte aux intérêts supérieurs de l’État par un trop plein de «pessimisme» ou par une tendance injustifiable à la «dépression». On est insensiblement passé du faux débat au faux procès.
E. Todd, un nouveau chevalier de la Barre ? Sans aller jusque là, dans tous les cas, son dernier essai, traite surtout de l’inégalitarisme avec lequel une classe privilégiée (moyenne) marginalise et humilie toujours un peu plus les classes populaires, les immigrés et les jeunes... sur le mode de l'injonction à se désolidariser ou...
d'accusation pour apologie au terrorisme !


«C’est dur d’être condamné par des cons qui ne vous lisent pas» et dans ces conditions comment un chef de gouvernement qui devrait en principe avoir autre chose à faire, peut-il songer à convaincre un intellectuel de rester «dans le rang» alors que, justement sa fonction lui pose interdiction de tout prendre «argent comptant», lui impose de «sortir des sentiers battus» et lui fait obligation d’interroger le réel pour engager une réflexion sur les intérêts supérieurs de … l’État ?
Voir l'analyse d’Hérodote.net

Le premier imposteur de France a-t-il vocation à en parler aussi librement, imprudemment ?

06/05/2015

Un pont sur la Méditerranée

En attendant que l'interjection qui suit soit entendue  et pour être très pragmatique, la section LDH de Manosque lance un appel à constituer un Comité de Soutien autour de John BELLO, jeune nigérian débarqué dans les conditions que l'on imagine à Lampedusa. Il est aujourd'hui à Manosque et il serait pour le moins inconvenant qu'il ait à exécuter un Ordre de Quitter le Territoire Français (OQTF).

juohn bello, migrants,mediterranée

Appel au président de la République et à tous les élus
Contre les naufrages en Méditerranée : des ponts, pas des murs !

Après les naufrages qui, en Méditerranée, ont provoqué la mort et la disparition d’au moins 2 000 personnes depuis le début de l’année, les chefs d’État réunis lors du Sommet extraordinaire de l’Union européenne le 23 avril ont fait le choix non de sauver des vies mais de renforcer un arsenal sécuritaire en grande partie responsable de ces drames.

En vingt ans, plus de 20 000 personnes migrantes sont mortes aux frontières de l’Europe : nos organisations sont consternées par cette politique de non-assistance à personnes en danger.

Face à ces renonciations répétées aux valeurs fondatrices de l’Union européenne, nous appelons le président de la République française et ses homologues européens à mettre en œuvre une autre politique, qui soit conforme au respect de la vie et de la dignité humaine.

A cette fin, nos organisations exhortent les États membres, dont la France :

  • à mettre en œuvre sans délai une véritable opération de sauvetage en mer, dotée de moyens à la hauteur des besoins et portée par l’ensemble des États membres, à même de prévenir les naufrages et de secourir efficacement toute personne en détresse ;
  • à mettre en place un mécanisme d’accueil des personnes migrantes et réfugiées sur la base de la solidarité entre États membres, en activant en particulier le dispositif prévu par la directive européenne du 20 juillet 2001 relative à la protection temporaire en cas d’afflux de personnes déplacées ;
  • à ouvrir des voies d’accès au territoire européen pour les personnes migrantes et réfugiées, dans le respect du droit international et européen ;
  • à bannir en matière de migrations toute coopération avec des États tiers, d’origine et de transit, qui ne respectent pas les libertés et droits fondamentaux.

La situation exige que l’ensemble des élus locaux, nationaux et européens, prennent leurs responsabilités en participant concrètement à la mise en œuvre de ces solutions.

Nous demandons à rencontrer le Président de la République pour que s’ouvre enfin un dialogue sur les politiques migratoires avec nos organisations représentant la société civile.
6 mai 2015

Organisations signataires :

4D, ACAT France, Acceptess-T, ACORT(Association citoyenne des originaires de Turquie), Action Tunisienne, ADA-Accueil Demandeurs d’Asiles, ADDE (Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers), ADTF (association Démocratique Tunisienne de France), AFA (Association Française des anthropologues), AEDH, AFEA (Association française d’ethnologie et d’anthropologie), Ailes – Femmes du Maroc, AMF, Amnesty International France, les Amoureux au ban public (national), les Amoureux au ban public Bretagne, Anafé, Ardhis, ATF, ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France), ASEFRR (Association de Solidarité en Essonne avec les Familles Roumaines), ASSFAM, ATTAC, Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers, CASAS (Collectif pour l’Accueil des Solliciteurs d’Asile à Strasbourg), CCFD Terre-Solidaire, CEDETIM (Centre d’Etudes et d’Initiatives pour la solidarité internationale), Centre LGBT Paris Île-de-France,Centre Primo Levi, la Cimade, CISP75, CISP93, CISPM (Coalition internationale des Sans-papier Migrants), Collectif « Le Cercle de Résistance », Collectif les Engraineurs, Collectif pour une autre politique migratoire de Strasbourg, Collectif de soutien aux migrants sud Aveyron, Collectif UCIJ, le COMEDE, CRID, DIEL (Droits Ici et Là-bas), Dom’Asile, Droits Devant !, ELENA-France, Emmaüs Europe, Emmaüs France, Emmaüs International, Enda Europe, FASTI, FIDH, FNARS (Fédération des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale), Fondation France Libertés, FORIM, Français Langue d’Accueil, France Amérique Latine, FTCR, GISTI, Hors la Rue, IPAM (Initiatives pour un Autre Monde), JRS France, La maison ouverte de Montreuil, Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde, Mouvement Utopia, MRAP, PEROU (Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines), Plateforme « Tenons et mortaises, un monde à faire venir », OCU (Organisation pour une Citoyenneté Universelle), R.C.I. (Réseau chrétien-Immigrés), REMDH (Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme), RESF, Réseau Féministe « Rupture », Réseau Foi et Justice Afrique Europe, Réseau Immigration Développement Démocratie -  IDD, Réseau Migreurop, la Revue d’Histoire « Cahiers d’Histoire », Revue « Multitudes », RITIMO, Romeurop, Roussillon-Maghreb, SAMU Social de Paris, Santé Sud, Secours Catholique – Caritas France, Scribest, Si les femmes comptaient, Société Européenne des Auteurs, SOS Migrants (Belgique), le Syndicat de la Magistrature, Terre d’Errance, Union Syndicale de la Psychiatrie, Union Syndicale Solidaire, Watch the Med – Alarm Phone

05/05/2015

Extrait des LES LOIS SCÉLÉRATES DE 1893-1894

Inutile de dire que le socialisme de Léon Blum, Emile Pouget et Francis de Pressensé n'a strictement rien à voir avec celui que le trio Valls, Urvoas, Caseneuve torpille chaque jour avec un cynisme appliqué.
Les lois scélérates n'auront été abrogées que le 23 décembre 1992 !
Si la loi "Renseignement" était votée, faudrait-il attendre aussi longtemps pour s'en délivrer ?

renseignement,lois scélérates,pressensé

1er juillet 1898. Dans la Revue blanche, Léon Blum, sous la signature de « un juriste », publie un texte intitulé Comment ont été faites les Lois Scélérates. Il précède celui d'Émile Pouget, L'application des Lois d'exception de 1893-1894, qui paraîtra dans le n° du 15 juillet 1898 et celui de Francis de Pressensé, Notre Loi des Suspects, qui paraîtra dans  le numéro du 15 janvier 1899.

Ils sont en train de se retourner dans leur tombe !

Lois scélérates donc, décrites et combattues par Francis de Pressensé, premier président avec Ludovic Trarieux de la Ligue des droits de l'Homme fondée en 1898.


EXTRAITS :

«La France a connu à plusieurs reprises, au cours de ce siècle, ces paniques, provoquées par certains attentats, savamment exploitées par la réaction et qui ont toujours fait payer à la liberté les frais d'une sécurité menteuse. »
(…)
Quand un régime promulgue sa loi des suspects, (…) quand il s'abaisse à chercher d'une main fébrile (…) les armes à deux tranchants de la peine forte et dure, c'est qu'il est atteint dans ses œuvres vives, c'est qu'il se débat contre un mal qui ne pardonne pas, c'est qu'il a perdu non seulement la confiance des peuples, mais toute confiance en soi-même.
(…)
Il s'agit de savoir à cette heure, si la République Française en est là. (...) la République (…), telle que nous la connaissons sous les espèces d'un Président-parvenu qui joue au souverain, d'un premier ministre sournoisement brutal qui essaye d'adapter à sa lourde main la poignée du glaive de la raison d'État, d'un Parlement où tout est représenté, (…)»

Source

La plupart des aspects liberticides de la loi "Renseignement" ont été égrenés sur Mediapart en 6 heures d'émission. C'est ici et c'est à réécouter.
RIEN N'EST ENCORE JOUE

L'intervention de Pierre Tartakowsky, actuel président de la LDH, aux 6 heures contre la surveillance organisées par Mediapart.


6 heures contre la surveillance  par Mediapart

 

 

 

02/05/2015

Le monde très secret du renseignement

La loi « Renseignement » est loin d’être un « foutage de gueule ». Outre le fait qu’elle restreint les libertés au nom de la sécurité sur l’air du Patriot Act et de « 1984 », sans contrôle juridique et sans apporter la preuve de son efficacité pour soi-disant « lutter contre le terrorisme », elle permet à des entreprises spécialisées, du type G4S ou Thalès qui gravitent autour du « secret défense » d’augmenter encore leur chiffre d’affaire.

G4S, thalès

C’est aussi pour cette raison que l’actuel gouvernement très socialiste et très au fait des intérêts de chacun tient tant à satisfaire ces entreprises de surveillance massive.

Comme pour le contrôle des migrants, l’industrie du renseignement qui s’intéresse à la vie privée aussi bien qu’à « l’intelligence économique », la source de profit, au détriment des libertés individuelles, risque, dans un avenir très rapproché, de ne pas être un conte de fée !

25/04/2015

Surveillance généralisée

De l'utilisation très extensible des boites noires dont il est question dans la loi "Renseignement" et des initiatives dont on peut s'inspirer  pour s'y opposer...

loi renseignement

 

Pourquoi la loi renseignement est de la surveillance généralisée ?

 

Proposé par la section LDH de Manosque, un modèle de lettre à adresser en urgence -c'est très à la mode-, au parlementaire de votre choix (vous pouvez aussi l'appeler) :

Objet : LOI RENSEIGNEMENT
Madame ou Monsieur la(e) Sénatrice(teur),
ou
Madame ou Monsieur la(e) Député(e),

Nous avons le devoir de vous informer d’une inquiétude très largement partagée concernant la loi «Renseignement» qui viendra en discussion au Sénat, après le vote par l’Assemblée Nationale le 5 mai prochain.
En effet, il ne vous aura pas échappé que :

  • l’actuel projet de loi contient des articles qui, s’ils étaient adoptés en l’état, permettraient une surveillance massive de l'ensemble de la population, incompatible avec notre démocratie laquelle, au travers de la loi fondamentale qu’est la Constitution, consacre les libertés d'expression, de réunion, de pensée et d'action.
  • de plus, la commission de contrôle chargée de «surveiller les surveillants» n'a qu'un avis consultatif, le recours effectif des citoyens devant les tribunaux étant inexistant et aucune sanction n'est prévue à l’encontre des agents de l’État qui abuseraient de leur pouvoir.

    Au contraire, des contre-pouvoirs forts devraient être mis en place pour protéger nos libertés !

Du juge antiterroriste  Marc TREVIDIC, au vice-président socialiste de la Commission de la défense à l'Assemblée Nationale Nicolas BAYS qui annonçait : «Après avoir suivi les débats, lu les argumentaires des uns et des autres, le 5 mai, en conscience, je voterai contre le projet de loi renseignement», en passant par Pierre LELLOUCHE, député UMP spécialiste des questions de défense et de sécurité, tous s’accordent à reconnaître qu’en l’état,  cette loi est attentatoire à nos libertés.

L’annonce faite par François HOLLANDE d’une saisine du Conseil Constitutionnel ou tout autre stratagème permettant de justifier une absence de débat, ne saurait évidemment vous dissuader de vous exprimer librement au sujet de cette loi et de vous y opposer comme nous vous le demandons.

Attentif à votre prise de position, nous vous prions de croire, Madame (Monsieur) la sénatrice (le Sénateur), en l’expression de mes respectueuses salutations.


Votre nom
& signature

20/04/2015

Le chant des migrants

En pensant à ces migrants qui n'ont pas eu le temps de se réfugier. Ils voulaient survoler les mers pour fuir la misère et n'ont trouvé que naufrageurs sans atteindre ce qu'ils croyaient être leur eldorado.
Leur chant rejoint celui des oiseaux.
En 15 ans, 23 000 migrants sont morts en voulant rejoindre l'Europe. A cette heure, un énième bateau est en train de couler sans que cela ne change quoique ce soit à inhumanité de l'Europe et à nos palabres indécents.

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Le chant des oiseaux

« Quand j'étais en exil, après la guerre civile, j'ai souvent fini mes concerts et festivals avec une vieille chanson populaire catalane qui est réellement une chanson de Noël. Elle s'appelle El Cant dels ocells, «Le Chant des Oiseaux ». Depuis lors, la mélodie est devenue la chanson des réfugiés espagnols, pleins de nostalgie »
Pablo Casals



En voyant se lever
La plus grande lumière
Dans la plus douce des nuits
Les oiseaux chantent
Ils vont le fêter
avec leur voix délicate.

L'aigle impérial
S'envole haut dans le ciel
Chante mélodieusement
En disant « Jésus est né
Pour nous libérer du péché
et nous donner la joie ».

Le moineau lui répond:
« Aujourd'hui, nuit de Noël,
est une nuit de grand bonheur ».
Le verdier et le tarin
disent en chantant aussi :
« Quelle joie je sens ».

La linotte chante :
«O h, qu'est-ce qu'il est joli
l'enfant de Marie ! »
Et la grive lui répond :
« La mort est vaincue,
Maintenant commence ma vie ».

Le rossignol poursuit :
« Il est plus joli que le soleil
plus brillant qu'une étoile ! »
Le rouge-queue et le tarier
fêtent l'enfant
et sa Mère vierge.

Le roitelet chante
Pour la gloire du Seigneur,
Gonflant avec fantaisie.
Le canari continue :
« Leur musique semble
Une grande mélodie céleste ».

Maintenant entre l'alouette
En disant : « oiseaux, venez
fêter l'aurore ! »
Et le merle, en sifflant
allait fêter
la plus grande dame

La mésange dit :
«Ce n'est ni l'hiver, ni l'été
mais c'est le printemps :
puisqu'une fleur est née
qui embaume partout
et emplit la terre entière».

Le francolin noir chantait:
« Oiseaux, qui veut venir
aujourd'hui au lever du jour
pour voir le grand Seigneur
et sa grande splendeur
dans une étable?»

La huppe vient en chantant :
« Cette nuit est venu
le Roi le plus grand
La tourterelle et la colombe
éblouissent tout le monde
en chantant sans tristesse. »

Les pics verts et les bouvreuils
volent dans les vergers
en chantant leur joie
la caille et le coucou
sont venus de très loin
pour contempler le Messie.

La perdrix chantait :
« Je m'en vais faire le nid
dans cette étable
pour voir l'Enfant
comme il tremble
dans les bras de Marie.»

La pie, la grive et le geai
disent : Maintenant arrive Mai !
Le chardonneret répond :
« Tous les arbres reverdissent
toutes les branches fleurissent
comme si nous étions au printemps ».

Le pinson sifflote :
« Gloire aujourd'hui et demain
Je sens une grande joie
de voir le diamant
si joli et brillant
dans les bras de Marie ».

Le hibou et la chouette
en voyant se lever le soleil
confus se retirent
la hulotte et le grand-duc
disent « je ne peux pas regarder;
de telles splendeurs m'éblouissent ».

"Loi sur le renseignement : un attentat aux libertés"

Pour celles et ceux qui ne sont pas abonnés à Médiapart, le billet d’Edwy Plenel du 18 avril intitulé "Loi sur le renseignement : un attentat aux libertés".

Le projet de loi relatif au renseignement, dont le vote final est prévu le 5 mai, instaure une surveillance généralisée de la population, sans contrôles efficaces ni contre-pouvoirs forts. Comme l’ensemble des défenseurs des libertés, des associations et professions concernées, des autorités administratives impliquées, des acteurs de la révolution numérique, Médiapart dit non à cette loi scélérate. Et vous donne rendez-vous en ligne lundi 4 mai pour une journée de mobilisation.

loi Renseignement

Un attentat à nos libertés fondamentales est en cours. Ses auteurs sont ceux qui nous gouvernent, tous embarqués aux côtés de l’auteur principal, le premier ministre, jusqu’à celle qui devrait protéger nos droits et nos libertés, la garde des Sceaux, dont le profond silence vaut approbation. Leurs complices sont ceux qui nous représentent, droite et gauche confondues, empressés, à quelques rares et courageuses exceptions, d’approuver ce crime officiel, au point de l’aggraver par leur zèle législatif.

Des amendements cosmétiques n’y changeront rien : cette loi instaure une société de surveillance généralisée. Profitant des potentialités techniques de la révolution numérique et des opportunités politiques de l’émotion sécuritaire, elle autorise l’État profond, cette part d’ombre du pouvoir exécutif qui, à l’abri du secret-défense, n’a pas de visage et ne rend jamais de compte, à espionner tout un chacun, n’importe qui, n’importe quand, n’importe où.

L’avènement de cette loi signifiera qu’en France, désormais, de façon légale, l’État de police l’emportera sur l’État de droit. Que le pouvoir en place pourra faire surveiller des citoyens et leurs entourages sans restrictions solides, sans contrôles indépendants, sans autorisations judiciaires. Que le soupçon remplacera la preuve. Que des opinions deviendront des délits. Que des fréquentations s’avéreront coupables. Que des curiosités se révéleront dangereuses. Que des différences ou des dissidences à l’égard des pensées dominantes ou des politiques officielles seront potentiellement criminelles.

Il suffit de lire l’avis circonstancié que vient de rendre à l’unanimité la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) pour en être convaincu (il est ici sur Médiapart). De ne pas se laisser rebuter par sa longueur ni par son juridisme pour entendre l’alarme inquiète qui l’habite derrière son langage précautionneux. Ce texte fait litière radicale de la vulgate gouvernementale selon lequel ce projet de loi, d’une part, donnerait enfin un cadre légal respectable aux activités occultes des services de renseignement et, d’autre part, instaurerait un contrôle efficace de ces mêmes activités.

D’emblée, la CNCDH souligne au contraire que la façon dont ce projet de loi a surgi en dément totalement les intentions vertueuses proclamées. Elle souligne que ce texte est passé en conseil des ministres « à peine deux mois » après les crimes terroristes de janvier et « quelques jours seulement avant la tenue d’élections cantonales dont la campagne a été marquée par une forte présence du populisme et de l’extrémisme ». Qu’il a, de plus, été élaboré quelques mois après l’entrée en vigueur d’une énième loi antiterroriste, « consécutive à l’affaire Nemmouche », elle-même faisant suite à deux autres lois antiterroristes récentes, « consécutives, elles, à l’affaire Merah ».

Tandis que chômage, précarité, insécurités sociales et injustices économiques, mal-vivre et mal-être sont relégués en fond de décor de notre vie publique, sans urgences ni priorités de nos gouvernants, plus de vingt-cinq lois relatives à la sécurité intérieure ont été adoptées ces quinze dernières années, entre 1999 et 2014. Déplorant « cette prolifération de textes législatifs relevant davantage de l’opportunité politique que du travail législatif réfléchi », la CNCDH « rappelle l’importance d’une politique pénale et de sécurité pensée, cohérente, stable et lisible, dont la qualité ne se mesure pas à son degré de réactivité aux faits divers et aux circonstances du moment ».

Traduite par la procédure accélérée imposée par le gouvernement, la « plus grande précipitation » a été voulue pour ce projet de loi, selon les mots de la CNCDH qui rappelle sa « ferme opposition » à cette procédure. Aucune urgence effective ne la justifie. C’est en fait une arme de pouvoir, un moyen de faire taire les oppositions, de prendre de court les protestations, d’entraver le fonctionnement normal du Parlement, de restreindre « considérablement le temps de réflexion et de maturation nécessaire au débat démocratique ».

Cette procédure arbitraire dévoile l’intention de ses promoteurs : jouer sur l’émotion pour imposer la régression. Le pouvoir exécutif réclame un chèque en blanc pour l’État profond, de surveillance et de police, sans expertise ni bilan, sans critique ni autocritique. Aucun débat préalable, aucune enquête parlementaire, aucune audition contradictoire pour évaluer les récents fiascos sécuritaires des services chargés de la lutte antiterroriste, alors même que les itinéraires de Merah, de Koulibali et des frères Kouachi le justifieraient amplement, révélant des failles de surveillance et des manques de vigilance.

Pis, la CNCDH relève « la pauvreté » de l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, son caractère succinct, ses formulations vagues, sa façon de procéder « par simple affirmation en s’exonérant de toute référence documentaire ». Car cette loi n’est pas seulement un mauvais coup, elle est aussi de mauvaise qualité, mal rédigée, imprécise ou incomplète. Voulu, ce flou cache évidemment mille loups : c’est un moyen d’échapper à l’exigence d’extrême précision pour toute disposition permettant de porter atteinte au droit au secret privé et familial, une ruse pour ne pas se plier à l’encadrement rigoureux d’un pouvoir de surveillance qui, toujours, s’accompagne du risque de l’arbitraire.

Appelant en conclusion à des « amendements du Gouvernement et du Parlement [qui] permettent de renforcer la garantie des libertés publiques et des droits fondamentaux », la CNCDH ne va pas jusqu’au terme logique de son réquisitoire : le retrait ou la suspension de cette loi attentatoire à nos droits fondamentaux, au respect de nos vies privées et familiales, à nos libertés d’opinion, d’expression et d’information, à notre droit de savoir et de communiquer.

Car c’est bien « une surveillance de masse », écrit-elle, qu’autorise ce projet, par la collecte généralisée et la conservation durable de données collectées sur nos ordinateurs, nos téléphones, nos tablettes, tous les instruments électroniques qui, désormais, sont le quotidien de nos vies. À plusieurs reprises, son avis affirme que le dispositif de la loi contient « une violation flagrante de l’article 8 » de la Convention européenne des droits de l’homme énonçant le « droit au respect de la vie privée et familiale ».

« Le risque d’un “État panoptique” est à prendre au sérieux », ajoute-t-elle, autrement dit d’un État ayant à sa libre disposition des instruments technologiques qui lui donnent accès à une transparence totalitaire sur la vie privée des individus, leurs pensées secrètes, leurs personnalités intimes. Pis, en étendant le recours aux techniques de renseignement jusqu’aux intérêts de la politique étrangère comme aux intérêts économiques et industriels, sans compter la surveillance préventive des violences collectives, le projet de loi offre un champ « potentiellement illimité » aux curiosités intrusives des services de renseignement.

Quant à la « Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement » que la loi entend instaurer, son indépendance, son impartialité, sa technicité et sa compétence sont radicalement mises en doute par la CNCDH pour qui elles « ne sont pas garanties ». Son contrôle, conclut-elle, « risque fortement de ne pas être effectif ». Ultime reproche, et non des moindres, de cette commission qui réunit l’ensemble des acteurs français de la promotion et de la défense des droits humains : en faisant basculer dans le champ de la police administrative des mesures répressives qui devraient bénéficier de garanties judiciaires, ce projet de loi « porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ».
Faire payer à la liberté les frais d’une sécurité menteuse

Autrement dit, ce projet de loi est anticonstitutionnel, violant notre loi fondamentale, celle dont le président de la République est normalement le gardien. « Toute Société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution », énonce l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Comment François Hollande ou Christiane Taubira, qui ni l’un ni l’autre ne sont juristes, peuvent-ils rester inertes face à ce réquisitoire aussi rigoureux qu’implacable de la CNCDH, commission éminemment représentative de la société dans sa diversité dont l’efficace présidente, Christine Lazerges, est de ces professeurs de droit qui se font fort de « raisonner la raison d’État » ?

Si, d’une manière ou d’une autre, ils ne se mettent pas en travers de ce coup d’État à froid contre nos droits fondamentaux, leurs noms resteront définitivement associés à la pire régression de nos libertés individuelles et collectives depuis l’État d’exception de l’aveuglement colonial, ces pouvoirs spéciaux imposés à leur majorité par, déjà, des gouvernants de gauche. L’auraient-ils oublié ? Une République en est morte, gangrénée par des factieux et des tortionnaires, des hommes qui se voulaient gardiens sans contrôle d’une sécurité devenue un absolu au mépris de la liberté, promue fin en soi quels qu’en soient les moyens.

Voulu par le premier ministre Manuel Valls, qui s’en est fait symboliquement le rapporteur devant l’Assemblée, porté par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, qui se comporte en représentant des services bien plus qu’en élu de la Nation, ce projet de loi est bien un Patriot Act français tant ses intentions et la méthode pour les imposer sont similaires à celles des néoconservateurs américains en 2001, après le 11-Septembre. Il s’agit bien d’autoriser une surveillance étatique de la société sans limites sérieuses ou solides en jouant sur l’affolement provoqué par les attaques terroristes.

Avec ses mots feutrés, la CNCDH souligne ce chantage dont la représentation nationale et l’opinion publique sont actuellement l’objet : « Tout se passe comme si la simple invocation d’une plus grande efficacité pouvait justifier l’adoption, sans aucune discussion, des mesures les plus attentatoires aux libertés. » C’est pourquoi elle prend la peine de « réaffirmer avec force que les États ne sauraient prendre, au nom d’intérêts considérées à juste titre comme primordiaux, n’importe quelle mesure ». « La plus grande victoire des ennemis des droits de l’homme (terroristes ou autres), ajoute-t-elle, serait de mettre en péril l’État de droit par l’émergence et la consolidation d’un État prétendu de sécurité qui se légitimerait par l’adoption de mesures de plus en plus sévères et de plus en plus attentatoires aux droits et libertés fondamentaux. »

Nous y sommes, et c’est pourquoi, d’ici le 5 mai, toutes les bonnes volontés doivent converger pour faire échouer ce projet de loi. Et, s’il est néanmoins adopté, continuer sans relâche à se mobiliser pour qu’il échoue sur d’autres obstacles, le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’homme ou, tout simplement, la société elle-même, soulevée par ce « droit de résistance à l’oppression » que lui reconnaît, depuis 1789, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme.

Car, outre l’abandon par la gauche de gouvernement du terrain des libertés, de leur élargissement et de leur conquête, le plus stupéfiant dans cette régression démocratique est le spectacle d’un pouvoir qui prétend défendre la société contre elle-même. Il n’y a en effet aucune voix discordante parmi tous les acteurs sociaux : des avocats aux magistrats, des journalistes aux blogueurs, des Autorités administratives indépendantes au Défenseur des droits, des associations de défense des droits de l’homme aux organisations syndicales, des acteurs du numérique aux réseaux sociaux, etc., tous ont fait part unanimement de leur refus d’une loi liberticide (lire ici).

Mais, pour les sachants qui prétendent nous gouverner, leurs cabinets et leurs communicants, cette expertise citoyenne ne compte pas, y compris quand elle s’exprime jusqu’à l’Assemblée nationale, au sein d’une commission sur le droit et les libertés à l’âge du numérique composée de parlementaires et de représentants de la société civile (lire là son avis). Pour eux, la société qui proteste a forcément tort. Elle est mal informée, mal éduquée, mal intentionnée. Il y a là une pédagogie antidémocratique au possible, où les représentants ignorent superbement ceux qu’ils sont supposés représenter, où le pouvoir exécutif s’affirme comme le tuteur autoritaire d’une société ignorante ou menaçante, dans tous les cas mise à distance et sous contrôle.

« La France a connu à plusieurs reprises, au cours de ce siècle, ces paniques provoquées par certains attentats, savamment exploitées par la réaction et qui ont toujours fait payer à la liberté les frais d’une sécurité menteuse. » Ainsi commence, en 1899, l’article du fondateur de la Ligue des droits de l’homme, Francis de Pressensé, contre les lois d’exception votées en 1893 et 1894 sous le choc des attentats anarchistes qui ensanglantaient alors la Troisième République.

Il s’intitulait « Notre loi des suspects », et s’en prenait à ceux qui, en l’ayant adoptée, abaissaient la République, son idéal et ses principes : « Un Président-parvenu qui joue au souverain, un premier ministre sournoisement brutal qui essaye d’adapter à sa lourde main la poignée du glaive de la raison d’État, un Parlement où tout est représenté, sauf la conscience et l’âme de la France. » Forgés par la haute bataille du dreyfusisme qui les occupait alors, Francis de Pressensé et ses pareils, dont Jean Jaurès, en concluaient qu’il revenait à la société, aux citoyens qui la composent, bref au peuple souverain, de relever cette conscience et cette âme, abandonnées et meurtries par la politique professionnelle.

Nous avons tous rendez-vous aujourd’hui avec la même exigence : le devoir de nous dresser contre ce crime légal, officiel, gouvernemental et, peut-être, parlementaire, puis présidentiel si la loi est adoptée puis promulguée. Un devoir qu’au temps des combats fondateurs de la République, à la fin du XIXe siècle, avait rejoint un jeune conseiller d’État qui, à la suite de Francis de Pressensé, dressait un réquisitoire contre les lois de 1893-1894 aussi informé que celui de la CNCDH contre le projet de loi qui nous occupe. Par obligation de réserve, il signait anonymement « Un Juriste ». Mais l’on sait, depuis, qu’il s’agissait de Léon Blum, le futur leader du socialisme français, l’homme du Front populaire, dont c’était le premier acte politique.

« Telle est l’histoire des lois scélérates, concluait-il avec des mots que nous n’hésitons pas à reprendre aujourd’hui : il faut bien leur donner ce nom, c’est celui qu’elles garderont dans l’histoire. Elles sont vraiment les lois scélérates de la République. J’ai voulu montrer non seulement qu’elles étaient atroces, ce que tout le monde sait, mais ce que l’on sait moins, avec quelle précipitation inouïe, ou quelle incohérence absurde, ou quelle passivité honteuse, elles avaient été votées. »

Mesdames et Messieurs les députés, d’ici le 5 mai, vous avez le choix entre la honte ou l’honneur. La honte d’être complices d’un attentat aux libertés. L’honneur d’être fidèles à la République véritable.



18/04/2015

Retrait du délit de racisme de la loi de la presse

Le Plan d'action contre le racisme ne règle en rien le traitement de "discours politiques ambigus", qui alimentent le racisme sous toutes ses formes dont celle de l’antisémitisme, notamment sur les Roms ou par exemple la question du port du voile.

On rappellera aussi que « Sortir les injures et diffamations du droit de la presse – loi du 29 juillet 1881 – pour les introduire dans le code pénal lorsqu’elles sont aggravées par une circonstance liée au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie » était un projet porté par Christiane TAUBIRA.
Le 9 avril 2015, plusieurs organisations dont le SNJ, le Syndicat de la Magistrature et  la LDH avaient attiré l’attention du pouvoir en place sur les dangers que ce projet faisait courir à Liberté de la Presse. Lire ce courrier

Le Plan d’action contre le racisme du gouvernement est ambitieux mais déséquilibré.
Et surtout, la LDH condamne le retrait du délit de racisme de la loi de la presse.

Liberté de la presse

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme prend acte de ce que le gouvernement adopte un Plan d’action contre le racisme affichant de grandes ambitions. C’est en soi une bonne nouvelle, notamment au vu de la situation inquiétante que connaît notre pays en ce domaine.

La LDH déplore que ce Plan ne comporte aucune mesure pour lutter contre le développement des inégalités, lequel porte une grande responsabilité dans l’exacerbation des frustrations, des colères et des dérives haineuses. Elle souligne que le budget annoncé de cent millions d’euros sur trois ans apparaît en deçà des ambitions annoncées, qui portent sur les champs pénal, éducatif, sportif et des réseaux sociaux. Elle salue les propositions concernant la mémoire et la création, pour éduquer contre le racisme et l’antisémitisme. Elle regrette que sur les cent millions annoncés, vingt-cinq soient annuellement dévolus à des actions locales dans le cadre des contrats de ville et des contrats locaux de sécurité, puisque ceux-ci ne concernent que les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Elle regrette également que ce Plan n’aborde pas les questions des rapports entre la police et la jeunesse, et ignore la dimension particulière de certaines politiques et déclarations publiques à l’encontre de populations stigmatisées.

Elle condamne vigoureusement l’un des points phares du plan, à savoir le fait de faire basculer le délit de racisme dans le Code pénal. Comme la plupart des associations antiracistes, comme la totalité des syndicats de journalistes, la LDH estime que cette mesure, loin de régler quelque problème que ce soit, ne fera que brouiller les termes du débat public.

Enfin, l’appel – aux accents de mobilisation décrétée – des acteurs de l’Éducation, du monde sportif et du monde associatif constitue un hommage, hélas tardif, à leur rôle et à la qualité de leur engagement. Mais la tonalité est largement répressive, au détriment du volet pédagogique, lequel en est dénaturé. C’est également le cas concernant Internet, dans le droit fil de la loi sur le renseignement. La répression est certes nécessaire, ainsi d’ailleurs que la pédagogie ; encore faut-il que l’une épaule l’autre, que la dernière ne soit pas strictement descendante et que les deux soient placées au service d’un projet de société clairement solidaire, traitant chacun sur un pied d’égalité. C’était l’esprit qui prévalait lors de la grande manifestation du 11 janvier ; on en est loin.

La LDH se saisira en tout état de cause de tout ce qui, dans ce plan national, est susceptible d’appuyer les efforts développés par ses sections, ses militantes et militants, en lien avec tous les acteurs locaux de l’Éducation nationale, les associations de quartier et les mouvements d’éducation populaire.

Paris, le 17 avril 2015

16/04/2015

Nos vies ne sont pas des confettis

Qui que soit Joséphine Witt laquelle, sous forme de confettis, a jeté, à la figure de Mario Dragui, sous-fifre affable installé à la BCE par la banque Goldman Sachs, le message suit, nous sommes propriétaires de nos vies et nous ne sommes évidemment pas des confettis.

bce,dragui et cie,joséphine de witt

Il fallait oser. Merci Joséphine. 
Reste à mettre la BCE en liquidation judiciaire et
Mario Dragui, ses employeurs & C° en examen.

« Nous sommes propriétaires de nos propres vies
et la puissance écrasante
de la police monétaire de la BCE
a parfois du mal à s’en rappeler.

Nous sommes propriétaires de nos propres vies,
pas des jetons dans le jeu de la BCE
avec lesquels on joue, qu’on vend ou qu’on dévaste.

Nous sommes propriétaires de nos propres vies !
Voilà le cri de ceux qui font face à la répression
quand nous commençons à ne plus considérer notre pauvreté comme une défaite personnelle
ou un destin immuable.

BCE, maître de l’univers,
je viens te rappeler qu’il n’y a pas de dieu,
mais qu’il y a des gens derrière ces vies,
et si tu gouvernes au lieu de servir,
tu entendras nos cris plus fort, plus lumineux, à l’intérieur et à l’extérieur de tes salles,
partout, et tu n’auras plus aucun repos.

Et tant que la BCE persistera dans son hégémonie autocratique,
dépendant de plans de surveillance et de contrôles policiers,
bref, toute cette violence quotidienne qui est enracinée ici,
alors nous trouverons nos réponses radicales
et nous agirons sans violence contre ces désastres humains.

Parce que nous n’accepterons pas le récit fou que la BCE veut imposer à toutes les personnes dans lequel même la liberté de parole et la dignité peuvent être vendues à la banque pour survivre. Persistant dans son arrogance contre le peuple, la BCE augmente dangereusement sa propre dette envers eux. Une conférence de presse n’est pas suffisante pour qu’on l’appelle "démocratie".
Je n’attends pas que cette institution illégitime entende ma voix, ni même qu’elle comprenne mon message, ce serait trop demander,
mais je sais que beaucoup de gens en comprendront très bien la raison.
Aujourd’hui, je suis juste un papillon venu vous adresser un message, mais soyez sûrs que beaucoup d’autres viendront.
Nous allons reprendre le pouvoir sur nos propres vies.
La dette de la BCE n’est pas encore payée. »

Dédié à celles et ceux qui aimeraient pouvoir enfin s'en sortir.

Le cimetière marin ne cesse de s'agrandir

« 400 morts supplémentaires en Méditerranée »

Communiqué de Marie-Christine Vergiat, membre de la Ligue des Droits de l'Homme et députée européenne (FdG)

Méditérranée Migrations.jpg

Selon les témoignages des survivants, près de 400 migrants auraient encore disparu dans le naufrage de leur embarcation dimanche en Méditerranée. Alors même que les gardes côtes auraient porté secours à près de 42 embarcations et 8 000 personnes depuis vendredi.

Si ce naufrage est confirmé, ce serait le pire que la Méditerranée ait jamais connu.

Morbide décompte que celui que nous faisons depuis le début de l'année : au moins 900 personnes seraient mortes ou disparues cette année en tentant de traverser la Méditerranée.

Morts qui viennent s'ajouter aux 30 000 au moins déjà recensés des vingt dernières années.

Le cimetière marin ne cesse de s'agrandir.

Cela n'est plus supportable, la route migratoire vers l'Europe est devenue la plus dangereuse du monde.

Il ne suffit pas de s'émouvoir à chaque naufrage, il faut agir pour stopper l'hécatombe.

Combien notamment de Syriens, d’Érythréens, de Soudanais, de Somaliens, tous des demandeurs d'asile potentiels, devront encore perdre la vie avant que les gouvernements des États membres de l'UE respectent enfin leurs obligations internationales,  au moins en matière de sauvetage en mer et d'accueil des réfugiés et se décident à changer de politiques migratoires.

Nous faisons aujourd'hui face à l'une des pires crises humanitaires qu'ait connue la planète depuis la Seconde Guerre mondiale, en raison notamment de la situation au Moyen-Orient, et nos dirigeants se lavent les mains de tous ces morts. Les décisions prises ces dernières semaines par le Conseil de l'UE et la Commission européenne vont toujours dans le même sens : plus de fermeture, plus d'externalisation et donc plus de risques pour les migrants, plus de violences sur leurs parcours. Et toujours plus de morts.

Le HCR, l'Organisation Internationale pour les Migrations, les ONG et bon nombre de parlementaires européens avaient pourtant prévenu que la fin de l'opération Mare Nostrum et son pseudo-remplacement par l'opération Triton sous l'égide de Frontex étaient dangereuses. Cela fait des mois maintenant que nous sonnons l'alarme :

SANS POSSIBILITÉ DE VOIES LÉGALES D’ACCÈS
AU TERRITOIRE EUROPÉEN,
L’HÉCATOMBE CONTINUERA.

Les États membres de l'UE sont tous signataires de la Convention de Genève de 1951. Ils se sont donc engagés à accueillir tous ceux qui fuient la violence et les persécutions. Il est temps de mettre en place des politiques migratoires répondant aux défis du XXIe siècle. Cela passe par l'abrogation de la directive retour, la réforme du Règlement de Dublin, des politiques en matière de visas ambitieuses, l'ouverture de voies d'immigration en partenariat avec les pays concernés et l'abandon des "processus de Rabat" et surtout de "Khartoum". Assez de cette Europe forteresse qui tue un peu plus chaque jour à ses frontières.

C'est d'humanité, de dignité, de respect du droit international et des droits fondamentaux dont ces femmes, ces hommes et ces enfants ont besoin.

09/04/2015

Destination Israël

Des avocats en « formation continue », d’autres pas !

Au recto :
Salah Hamouri, franco-palestinien, a cruellement effectué 7 ans de prison dans les geôles israéliennes sans que le moindre acte concret répréhensible puisse lui être reproché. Il avait 20 ans quand il a été arrêté.
Ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, pouvait écrire à son sujet, le 31 mars 2011, « Je déplore que les autorités israéliennes n’aient pas pris de décision de remise de peine, d’autant que les aveux faits à l’audience n’ont été corroborés par aucun élément de preuve. »
Salah est sorti de prison le 18 décembre 2011. Il a alors entrepris de suivre à Ramallah des cours de Droit pour devenir avocat. Il doit passer son examen final en juillet prochain au terme de ses études.
Il habite Jérusalem et se trouve privé de nationalité – palestinienne ou israélienne –, en raison de l’annexion de la partie Est de la ville par Israël, ceci contre le droit international.

Salah Hamouri, voyage,avocat,israel-palestine

Le 27 mars 2015, il a été convoqué par les forces armées israéliennes qui, par ordre militaire, lui ont interdit de circuler pendant 6 mois dans les Territoires palestiniens occupés, au motif invraisemblable de «raisons de sécurité pour l’État et les citoyens d’Israël». Ceci sans le moindre fait à lui reprocher. Rien. Un simple ordre militaire unilatéral et cynique : « Tu es une menace pour Israël et donc tu dois rester en Israël » !
C’est une attaque insupportable et une violation flagrante de la liberté de circulation et d’étudier telles qu’en dispose la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Extrait de la pétition lancée par Jean-Claude LEFORT et qu’il faut impérativement signer.

Au verso :
Euro Palestine signale un intéressant « voyage d’étude » à destination d’Israël pour avocats confirmés et inscrits au barreau de Paris. Au menu de ce séjour très « pédagogique » :

"Visite du Musée de Yad Vashem", visites de souks, "recueillement au Mur des Lamentations", "office de Shabbat, "dîner de shabbat", "déjeuner dans la vieille ville" (annexée comme on sait) , "spectacles son et lumière à la tour de David", "montée sur l’esplanade des mosquées très tôt le matin" ...

Extrait de l’annonce parue  sur le site de l'agence "Bon Voyage" , qui du coup (?) est en train d'actualiser ses « forfaits » Vol + Hôtel !!!


Au verso encore :
Le Barreau de Virginie, qui regroupe les 29.000 avocats exerçant dans cet État proche de la capitale Washington, vient d’annuler un voyage d’études qui devait avoir lieu à Jérusalem, en raison des discriminations israéliennes à l’encontre des citoyens américains ayant des origines palestiniennes et/ou musulmanes.
Raison invoquée : la mise en avant du « (…)«fait que la police des frontières israélienne a des pratiques discriminatoires inacceptables à l’encontre de certains voyageurs» ! ! ! source

ENCORE UN CAS « D'UN POIDS - DEUX MESURES » !

Moralité :
S'IL Y A LIEU DE SOUTENIR LES CAMPAGNES BDS  - DANS LA MESURE OU ELLES NE SONT ENTACHÉES D’AUCUNE CONNOTATION ANTISÉMITE OU ISLAMOPHOBE -, DANS CE CAS, POURQUOI NE PAS BOYCOTTER LES AGENCES DE VOYAGE INCITANT LES AVOCATS A DES SÉJOURS AUSSI  «FORMATEURS»  QUE CELUI PROPOSE AU BARREAU DE PARIS ?

02/04/2015

Patriot-Act à la française

Oh surprise, au communiqué commun qui suit faisant le point sur une énième loi portant atteinte aux libertés, un éditorial à charge du « New York Times » vient au secours des citoyens et n’hésite pas à s'adresser aux élus !
Ce que la Quadrature du Net et la Ligue des Droits de l'Homme pour ne citer que ces deux associations avaient entrepris quelques heures plus tôt sous une autre forme.

Qui aurait pu prédire un tel soutien et, pour le gouvernement Valls un tel désaveu ??!!!

« Il est compréhensible que les Français soient nerveux après les attaques de Paris et de Tunis et qu'ils s'alarment de la radicalisation de certains qui, en France, sont devenus la proie du recrutement djihadiste sur internet », écrit la direction du quotidien américain. »

Elle poursuit :

« Les législateurs français ne devraient pas approuver la loi à moins qu'il ne soit donné aux juges un rôle approprié, que les définitions vagues de ce qui constitue une menace terroriste soient retirées du projet de loi et que la liberté de la presse soit protégée. »

Plus loin encore :

« Par cette loi, des pouvoirs extraordinaires  sont placés dans les mains du premier ministre plutôt que dans celles de la justice, le contrôle du processus d'approbation des demandes de surveillance des agences de renseignement ».

Le  « New York Times » sait bien entendu de quoi il parle, puisque les États Unis n'en finissent pas d'expérimenter l’inefficacité et la nocivité du Patriot-Act mis en place par l'administration Busch après les attentats du 11 septembre à New York.
Ici, l'important reste d'être entendu et mobilisé avant qu'il ne soit trop tard...
[Sur le sujet, on peut suivre
ici les échanges qui ont eut lieu le 26 mars au siège de la Quadrature du Net.]

loi Renseignement

Inquiétude des organisations des droits de l’Homme donc face à un projet de loi visant à donner aux agences de renseignement de nouveaux pouvoirs en une surenchère liberticide et inutile.
 

Communiqué commun cosigné à ce jour par :
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Reporters sans frontières, Amnesty International, Privacy International

Privacy International, Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l’Homme et Reporters sans frontières font part de leur vive inquiétude face aux pouvoirs de surveillance accrus dont devraient bénéficier les agences de renseignement, comme le prévoit un projet de loi qui sera présenté au Parlement français ce jeudi. La nouvelle loi prévoit en effet que les agences de renseignement françaises seront autorisées à pirater les ordinateurs et autres appareils, et pourront espionner les communications de toute personne ayant été en contact, même par hasard, avec une personne suspecte. Le projet de loi prévoit en outre que les agences de renseignement pourront réaliser ces opérations sans devoir obtenir d’autorisation judiciaire.

Nos organisations expriment leur plus vives inquiétudes par rapport à cette proposition de loi qui propose d’installer des technologies de surveillance directement chez les fournisseurs d’accès à Internet et dans les entreprises de télécommunication afin d’analyser toutes les activités sur Internet grâce à des algorithmes développés par le gouvernement. Nos organisations considèrent qu’il s’agirait là de la mise en place de systèmes de surveillance de masse qui iraient à l’encontre du respect de la vie privée des internautes, et que ces systèmes pourraient potentiellement mettre à mal la liberté d’expression et entraîner de graves dérives.

Ce projet de loi donne des pouvoirs sans précédent au Premier ministre dans la mesure où c’est le Premier ministre lui-même qui aura l’autorité d’autoriser toute forme d’activité de surveillance, sans autorisation d’un quelconque tribunal. Certes, le projet de loi prévoit la création d’une Commission nationale étendue pour le contrôle des technique de renseignement, mais les recommandations de cette commission ne seraient pas contraignantes ni pour le Premier ministre, ni pour ses délégués. En supprimant le contrôle en amont des juges sur les activités de renseignement, le projet de loi constitue une grave atteinte à la vie privée des citoyens ordinaires et augmente le risque d’abus. Ce projet de loi peut également accroître les risques que la surveillance de masse fait déjà planer sur les personnes travaillant sur des sujets sensibles et qui dépendent de sources confidentielles, notamment les journalistes et les organisations de défense des droits humains.

Les pouvoirs de surveillance à l’étranger prévu dans le projet de loi sont très étendus et s’apparentent à ceux contre lesquels des plaintes ont été déposées au Royaume-Uni. Ils permettent au Premier ministre d’ordonner que soient interceptées toutes les communications émises ou reçues à l’extérieur du territoire français. Toujours d’après le projet de loi, les mesures techniques qui pourraient être déployées par les agences de renseignement seront décidées par le Conseil d’Etat, dans le cadre d’un décret d’application non publié.

Outre les mesures de filtrage proposées, le projet de loi donne de nouveaux pouvoirs de surveillance aux agences du gouvernement, ce qui ne va pas sans susciter de sérieuses inquiétudes :

  • le projet de loi prévoit de manière explicite que les agents de renseignement pourront, en dernier ressort, pirater les ordinateurs et autres appareils de communication. Le piratage constitue une forme extrêmement intrusive de surveillance et son utilisation par des autorités gouvernementales quelles qu’elles soient, et notamment par des agences de renseignement, doit être fortement réglementée afin d’assurer une protection contre les abus de pouvoir ; le projet de loi ne prévoit cependant aucune intervention des autorités judiciaires dans le but de contrôler ce pouvoir de piratage ;
  • le projet de loi donne le pouvoir aux agences de renseignement d’utiliser des « capteurs de proximité » dans le cadre d’opérations de terrain, afin de confirmer la localisation et l’identité de certaines personnes. Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil – autorité française chargée de la protection des données personnelles) cette disposition cherche en réalité à doter les services de renseignement français de la capacité à intercepter et à écouter les conversations téléphoniques grâce à des capteurs IMSI ; la Cnil a obtenu du gouvernement qu’il inclue différentes protections supplémentaires à son projet de loi avant que celui-ci ne soit examiné par le Parlement. Les systèmes d’interception et d’écoute IMSI sont des systèmes d’interception mobiles dont l’exportation est contrôlée tant aux Etats-Unis qu’en Europe ; ils ont récemment fait l’objet d’une grande attention de la part des tribunaux et des assemblées législatives américaines. Le projet de loi stipule que les capteurs IMSI pourront être utilisés pour la collecte d’informations de géolocalisation de personnes en temps réel, en utilisant leurs appareils de communication. Dans la mesure où les capteurs IMSI ne sont pas ciblés mais permettent simplement de géolocaliser une personne dans une zone donnée (par exemple un centre commercial ou un aéroport), leur utilisation va inévitablement faciliter la surveillance de nombreuses personnes qui ne sont suspectes d’aucune activité criminelle ;
  • les communications électroniques de toute personne ayant été, par hasard, en lien avec une personne suspectée – et y compris les connexions ou les rencontres en ligne ou hors ligne – seraient susceptibles d’être interceptées et étudiées par les agences de renseignement, grâce aux nouveaux pouvoirs que leur conférerait le projet de loi.

Nos organisations lancent un appel au Parlement français et lui demandent d’étudier ce projet de loi de manière approfondie dans les semaines à venir, afin de vérifier que la loi française soit conforme aux règles internationales sur les droits de l’Homme et aux standards applicables en matière de surveillance.

Carly Nyst, directeur juridique de Privacy International, a déclaré :
« L’introduction de cette loi, un mois à peine après la tragédie de Charlie Hebdo, est une tentative visant à étendre les pouvoirs de surveillance, aux prétextes de prévenir le terrorisme. Une sécurité accrue de doit pas être au prix d’un moindre respect de la vie privée et la lutte contre le terrorisme ne doit pas être utilisé comme argument pour justifier le contrôle de masse des activités de chaque citoyen français sur Internet. Si toutes les mesures proposées devaient être adoptées par le parlement, sans étude approfondie, la France serait bel et bien en passe de devenir un Etat espion. »

Joshua Franco, chercheur en technologies et droits de l’Homme chez Amnesty International a ajouté :
« La France ne peut accepter que sa quête de sécurité se fasse au détriment du respect du droit qu’a tout être humain de s’exprimer et de voir respecter sa vie privée. Ces pouvoirs de surveillance invasifs et très étendus ne seraient aucunement contrôlés et pourraient inciter les gens à s’autocensurer sur Internet. »

Karim Lahidji, président de la FIDH a déclaré :
« L’absence de contrôle judiciaire nous inquiète beaucoup et ces dispositions donnent au gouvernement le pouvoir d’autoriser une surveillance élargie de toute personne quelle qu’elle soit, sans que celle-ci puisse le contester devant un tribunal. Nous sommes également inquiets de constater cette tendance croissante à abuser de la rhétorique de la lutte contre le terrorisme pour mettre à mal les libertés. »

Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières a précisé :
« Nous exigeons que cette loi protège le droit des journalistes à travailler sans être espionné, faute de quoi elle constituerait une grave violation de la liberté de la presse et des médias. Le gouvernement doit rétablir la protection de la confidentialité des sources des journalistes en réintroduisant dans les procédures la référence à un magistrat. Il est crucial que le système de surveillance envisagé dans ce projet de loi prévoit une exception pour les journalistes. »

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme a déclaré :
« Les droits fondamentaux des citoyens ne seront respectés que si l’on rétablit le principe d’un contrôle efficace et proportionné, impliquant des garanties judiciaires et une place au contradictoire préalablement à l’autorisation de mesures qui, par ailleurs, ne doivent être mises en place que dans un but strictement défini. »

31/03/2015

« On a besoin d'un fantôme »

Ne jamais oublier : « Un dictateur ridiculisé est foutu. »

On a besoin d'un fantôme


En 1943, Hanus Hachenburg, âgé de 13 ans, se retrouve comme des milliers d'autres jeunes internés dans le camp de concentration de Terezín. Il crée une œuvre théâtrale, tombée depuis dans l'oubli. Une étudiante l'a retrouvée.

La trouvaille historique laisse rêveur. Soixante et un ans après la mort Hanuš Hachenburg, une étudiante strasbourgeoise en théâtre a fait la découverte de sa vie. Le témoignage est d'autant plus glaçant, qu'il est sorti tout droit de l'imagination d'un enfant de 13 ans interné dans un camp nazi. « On a besoin d'un fantôme » raconte l'histoire d'un roi, Analphabète Ier, qui veut absolument que tout le monde pense comme lui. Pour épouvanter ses sujets, il décide de créer un fantôme d'État. Les Saucissons Brutaux, qui constituent sa garde rapprochée, arrêtent toutes les personnes de plus de soixante ans afin de récupérer leurs ossements. Les centres de ramassage se remplissent des vieillards du royaume dont les os permettront de fabriquer le fantôme. Honza livre son grand-père famélique pour le bien de la nation, le Juif implore le tyran, et la Mort ne fait plus peur...

Cette pièce de théâtre a été écrite pendant la Seconde Guerre mondiale par un jeune auteur. Il se nomme Hanuš Hachenburg. Il est juif comme les 15.000 autres enfants internés dans le camps. Malgré son jeune âge, le garçon qui n'a que 13 ans, manie avec talent ironie et humour noir. Cette pièce pour marionnettes parue sous forme manuscrite en 1943 dans le journal Vedem, une revue clandestine tenue par les enfants de la baraque n°1 de Terezín. Un espace précieux d'analyse et de création unique dans l'histoire des camps nazis.
Les horreurs de la guerre à travers les yeux d'un enfant.




Éditée pour la toute première fois, cette œuvre étonnante et lucide est accompagnée de poèmes du jeune auteur, de dessins du ghetto et du fac-similé tchèque de la pièce. Cette édition augmentée permet de mieux mesurer la résistance artistique des enfants de Terezín et l'incroyable talent d'un garçon assassiné à Birkenau en juillet 1944. Puis le texte disparaît et le temps passe.

En 2009, Claire Audhuy travaille sur une thèse sur le théâtre dans les camps de concentration nazis pour l'université de Strasbourg. Elle envoie des centaines de tracts aux associations de déportés, amicales d'anciens combattants et de résistants, en russe, polonais, allemand: «Avez-vous été témoin d'une pièce de théâtre pendant que vous étiez déporté?» explique-t-elle sur le site rue 89.

L'étudiante ne reçoit aucune réponse. Jusqu'au jour où son téléphone sonne. Une victime de la Shoah résidant à Prague ose l'appeler: «C'était une toute petite voix, frêle, qui semblait appeler du bout du monde. Il s'agissait d'une femme âgée qui avait vu mon annonce et qui se souvenait avoir assisté à une représentation alors qu'elle était au camp de Terezin en Tchéquie en 1943.»

Dès lors, l'étudiante, aujourd'hui docteur en études théâtrales à l'Université de Strasbourg, part à la recherche de ce document inestimable. Elle le trouve par hasard lors des recherches qu'elle a effectuées sur le théâtre de l'extrême dans les archives du mémorial de Terezín.
Un texte conservé par un rescapé du camp

«J'étais venue pour chercher dans les archives sans vraiment savoir ce que j'allais trouver. J'ai feuilleté par hasard le magazine Vedem, qui est un magazine clandestin créé par des jeunes enfants de Terezín. Je pense que je n'étais pas sur le bon chemin. J'étais en train de chercher une pièce de théâtre et je regardais un manuscrit du journal clandestin, donc, normalement, il n'y avait pas vraiment de lien. Et par hasard, dans les huit cents pages de ce magazine Vedem, il y avait la pièce de théâtre « On a besoin d'un fantôme ». C'était vraiment une grande surprise et un accident. Je n'aurais jamais dû la trouver normalement.»

Conservée grâce à un rescapé de Terezín, Zdeněk Taussig, la pièce dont l'auteur est mort quelques mois plus tard à Auschwitz-Birkenau, a été montée pour la première fois en 2001 par un Australien, Garry Friendmann. L'œuvre n'avait encore jamais fait l'objet d'une publication. Claire Audhuy explique pourquoi non seulement la pièce, mais aussi l'histoire de son jeune auteur Hanuš Hachenburg lui tiennent particulièrement à cœur:

«Il a été déporté à Terezín, puis il est mort à Auschwitz. À Terezín, il a écrit une pièce de théâtre clandestine. Il ne nous reste plus rien d'Hanuš puisqu'il avait treize ans. Donc, je pense qu'il a été plutôt oublié. La seule chose visible qui reste d'Hanuš à Prague, c'est une petite plaque mémorielle qui a été posée au sol devant son orphelinat.»
La pièce de théâtre est rejouée par des enfants

Depuis l'année dernière, Claire Audhuy a mis sur pied un projet spécial afin de présenter cette œuvre et son contexte historique aux élèves des écoles de Genève, en Suisse. Divisés en dix groupes, quelque 140 élèves âgés de 13 et 14 ans ont eu la possibilité de monter cette pièce à l'aide de professionnels du théâtre. «Le texte de la pièce est assez compliqué. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'humour noir et surtout beaucoup de références historiques. Si la pièce pouvait être assez claire pour Hanuš et ses camarades en 1943, elle n'était pas tout-à-fait abordable pour des élèves d'aujourd'hui», explique-t-elle.

«Nous avons dû expliquer certaines parties et surtout le contexte dans lequel elle a été écrite. Au début, les élèves étaient tout à fait perturbés par le texte et ils ne comprenaient pas un certain nombre des choses. Ils avaient surtout une grande appréhension du texte. Ils n'imaginaient pas une seconde que le texte puisse être drôle. Alors que pour moi, il est très drôle.»

Aujourd'hui, l'œuvre est publiée aux éditions Rodéo d'âme. Elle est préfacée par George Brady, rescapé de Terezín et camarade de déportation d'Hanuš Hachenburg. La publication, qui a bénéficié du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, contient également le fac-similé tchèque, des dessins du ghetto ainsi que divers poèmes du même auteur.

On peut aussi commander cette œuvre à la Fondation pour la Shoah.

25/03/2015

BDS à Montpellier, buzz pour tous

La Ligue des Droits de l’Homme ne saurait cautionner l’antisémitisme, serait-il recouvert du voile de la campagne « Boycott - Désinvestissement – Sanction » en soutien à la juste cause palestinienne.

Il est assez pénible d’avoir encore à réclamer la suppression des circulaires dites Alliot-Marie du 12 février 2010 et Mercier du 15 mai 2012 enjoignant au Parquet d’engager systématiquement des poursuites contre celles et ceux qui ont librement et justement choisi l’arme BDS pour marquer leur solidarité avec le peuple palestinien, pour que la mauvaise foi et l’incompréhension viennent encore polluer une situation particulièrement douloureuse et servir de marchepied à l'antisémitisme tout en dé-servant la cause palestinienne.
Pour mémoire, au mois de mai 2014, la LDH a pris position en faveur de personnes incriminées pour cause de campagne « BDS » et s’est félicitée de leur relaxe par la cour d’appel de Montpellier.

BDS Montpellier
Maj du 08/04/14 : Bénédicte Bauret, membre du Comité Central de la LDH, est partie prenante de la campagne BDS.
Elle apporte la preuve que la LDH n'est pas opposée à cette campagne pourvu qu'elle se tienne à l'écart de tout antisémitisme.


En tout état de cause, la plainte déposée contre des militants BDS de Montpellier et qui fait grand bruit puisqu’elle a été déposée par la LDH, ne devrait pas être considérée comme «sidérante» puisqu’elle porte la marque d’une incompréhension évidente, voire d’une volonté de nuire à notre association qui s'est notamment construite, il y a plus de cent ans autour de l'affaire Dreyfus.
Ci-après le communiqué de la section LDH de Montpellier, qui n’a malheureusement pas été relayé par les soutiens du comité BDS France 34 et qui est très explicite quant aux raisons de la plainte portée par la Ligue des Droits de l’Homme.
Autant le lire avant de dire n’importe quoi et de faire semblant d'oublier que L’ANTISIONISME EST UNE POSITION POLITIQUE, L’ANTISÉMITISME UN DÉLIT.


Extraits du communiqué de la section LDH de Montpellier

La LDH Montpellier entend réagir à l’appel à soutenir une des animatrices de BDS France 34 qui sera entendue au commissariat ce jeudi 19 mars 2015.
(...) les propos litigieux (euphémisme), que tout un chacun pouvait lire sur Facebook, sont les suivants :

  • « Les nazis et les sionistes sont deux revers de la même médaille, ce que fait le sionisme l’a déjà fait le Nazisme au millimètre près ; c’est la même école »
  • « Ce que faisait Hitler aux juifs était fait exprès pour que le monde sympathise avec eux et leur donne tous les droits, jusqu’aujourd’hui ils nous sortent cette histoire d’Hitler (Shoa) ils ont tout eu à cause d’Hitler »
  • « Ce que faisait Hitler aux juifs était voulu et prémédité pour un but bien précis, une tactique propre aux juifs comme le grand mensonge du 11 septembre et bien d’autres… Ils ont sacrifiés quelques juifs pour avoir tout ce qu’ils ont aujourd’hui, Hitler a participé à la colonisation de la Palestine, il faisait partie du plan »
  • « La relation d’Hitler avec la famille Rothschild cette famille juive et satanique qui possède toutes les terres de la Palestine et qui est l’une des plus puissante famille au monde ».

 

BDS Montpellier
L'illustration qui accompagnait le tract du Comité BDS 34 !!!
Mise à jour du 07/04/15 : cette illustration est un « fake » imputé à tort au comité BDS 34 qui, par son absence de prise de position contre tout antisémitisme, contribue largement à entretenir la confusion autour de cette campagne BDS et la décrédibilise.

 

(...)
La LDH qui, avant de porter plainte, a demandé que l’intéressée publie sur son compte Facebook une condamnation ferme de l’antisémitisme, c’est-à-dire un texte distinguant l’antisionisme de l’antisémitisme, ne peut que déplorer que ces faits aient dû conduire à une plainte pénale et que la raison n’ait pas prévalue.
La reconnaissance d'avoir commis une erreur, la condamnation sans équivoque de l’antisémitisme pour ce qu’il est, une haine de l’autre, une négation de l’humanité de chaque personne, ont été attendus par la LDH durant plusieurs semaines.
(...)
Comme le rappelait M. Hael AL FAHOUM, ambassadeur, chef de la mission de Palestine en France, lors de sa venue à Montpellier à l’automne 2014, l’antisémitisme dessert la cause palestinienne. Mais au-delà il méconnaît notre humanité.
L’antisémitisme dessert la cause palestinienne.

Le communiqué du siège de la LDH paru le 30 mars 2015

Autre son de cloche

Les commentaires reçus à propos de cette note ne se désolidarisant toujours pas de l'approche antisémite mise en évidence dans la campagne du groupe BDS 34, nous oblige à prendre l'initiative de les fermer.

 

09/03/2015

Banlieues : les leçons étrangères de la politique de la ville

Le discours sur « la fin des banlieues » a des ressorts qui peuvent rappeler d’autres rhétoriques abolitionnistes, sur la drogue ou la prostitution par exemple. On dessine une utopie apparemment émancipatrice, mais on se dispense d’une réflexion sérieuse sur la fonction sociale des phénomènes que l’on prétend éradiquer.
Le politique se range du côté de la morale majoritaire – chacun peut ainsi se retrouver dans l’idée que la ségrégation est un fléau – mais le pas est vite franchi pour faire porter aux victimes la responsabilité de leur problème.

Quelques bases de réflexion sur les inégalités territoriales pour faire suite à une initiative et à une note parue le 8 octobre 2014, visible ici.

banlieues,inégalités territoriales

La politique de la ville est un échec en France depuis 30 ans. Gauche et droite adoptent les mêmes recettes, qui ne débouchent que sur peu de résultats concrets. Mais comment font les pays étrangers ? N'y a-t-il pas des solutions à aller y chercher ? Entretien avec Thomas Kirszbaum, sociologue qui a dirigé l'ouvrage En finir avec les banlieues.


Thomas Kirszbaum : « En finir avec les... par Mediapart

Qui croit encore aux vertus de la politique de la ville ? Cela fait 30 ans que gauche et droite échouent à redynamiser les banlieues. Les recettes sont souvent les mêmes, les résultats par conséquent identiques. L'ambitieux programme de rénovation urbaine initié par Jean-Louis Borloo a changé l'apparence de certains quartiers. Moins souvent la vie de leurs habitants. Le diagnostic, en partie dressé par la Cour des comptes, est précisément établi dans le livre En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville (éditions de l'Aube), un ouvrage collectif dirigé par Thomas Kirszbaum, sociologue, chercheur à l'École normale supérieure de Cachan.

La dernière partie de l'ouvrage est consacrée aux réponses apportées à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Pays-Bas. Comment les habitants sont autorisés à se saisir directement des problématiques qui les concernent ? Comment est envisagée la mixité sociale ? À quel point sont prises en compte les particularités ethniques ? Pas de solution magique, mais des pistes, des idées, dont la France pourrait s'inspirer.

04/03/2015

Un silence très inquiétant

Le 12 février dernier, des milliers de personnes se sont mobilisées dans toute la France à l’occasion d’une nuit solidaire pour exiger des pouvoirs publics une politique sociale qui soit enfin à la hauteur de l’intensification de la pauvreté dans notre pays. A Paris, plusieurs centaines de personnes ont prolongé la soirée et dormi dehors, par solidarité envers les 142 000 personnes sans domicile fixe, qui chaque jour doivent affronter la violence d’une société de plus en plus inégalitaire.

sdf, logement
Un SDF retrouvé mort dans son véhicule à Château-Arnoux (04)

Le gouvernement n’a formulé aucune réponse à cette mobilisation citoyenne. Pourtant, le bilan du Plan quinquennal contre la pauvreté révèle l’échec de la politique du logement et de l’hébergement :

  • L’engagement de mettre fin à la gestion au thermomètre de l’hébergement en favorisant l’accès direct au logement et la création d’hébergements pérennes n’a pas été tenu. Outre la situation dramatique du 115 qui ne répond qu’à une demande sur deux, des milliers de personnes sans abri sont menacées d’être remises à la rue sans solution lors de la fermeture des places hivernales à partir du 31 mars.
  • Le constat est alarmant sur le front du logement. Alors que la trêve des expulsions locatives prend fin au 31 mars, plus de 120 000 décisions de justice prononçant l’expulsion pour impayé de loyer ont été délivrées en 2013, chiffre jamais atteint auparavant. Les coûts du logement sont plus que jamais déconnectés de la précarisation des ménages. Or seuls 110 000 logements sociaux ont été financés en 2014, loin de l’objectif de 150 000 fixé par le gouvernement. Le budget consacré à la construction de logements sociaux a encore diminué dans le Projet de Loi de Finances 2015. D’autre part, la garantie universelle des loyers prévue dans le Plan a été réduite à la portion congrue, excluant de façon inacceptable les locataires sans emploi.

À la veille de la présentation par le Premier Ministre des nouvelles orientations du Plan quinquennal devant le Conseil National de Lutte contre les Exclusions, nous exigeons de la part du gouvernement la mise en place de dispositions ambitieuses permettant de respecter trois engagements fermes et immédiats :

  • Personne ne doit être contraint de vivre à la rue,
  • Personne ne doit être remis à la rue sans solution de logement ou d’hébergement pérenne à la fin de l’hiver,
  • Personne ne doit être expulsé de son logement ou d’un terrain sans solution alternative.

Ces engagements ne sont possibles qu’à condition de développer l’offre de logements à bas loyers et d’hébergements pérennes pour répondre aux besoins des personnes modestes et des plus fragiles. D’où la nécessité d’une loi de programmation ambitieuse de logements, qui prévoit la construction de logements sociaux et très sociaux, la mobilisation massive du parc privé à vocation sociale et la création d’un nombre important de pensions de famille. Si les préfets, les collectivités locales, les bailleurs et les associations doivent être mobilisés dans ce cadre, le Collectif attend une réaction forte de la part du gouvernement.

Paris, le 2 mars 2015

 cauLes 34 associations du Collectif

27/02/2015

Rapport contradictoire sur les DESC

Un sommaire en forme de bilan malheureusement appelé à s'alourdir avec les Lois antisociales concoctées via le Traité Transatlantique – TAFTA – en partie validé à la sauce sociale - démocrate ou encore avec la Loi Macron, riche héritière de l’Accord National Interprofessionnel.
Où sont passés les jours heureux ?

 

DESC, TAFTA, MACRON

 

Après plusieurs mois de travail et de coopération entre plus d’une trentaine d’organisations, la plateforme pour les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (DESC), dont fait partie la LDH, publie son rapport contradictoire lequel sera présenté le 4 mars 2015, à 18h, au Palais Bourbon.

OBLIGATIONS NATIONALES DE LA FRANCE

  • DROIT AU TRAVAIL ET A DES CONDITIONS DE TRAVAIL JUSTES ET FAVORABLES : Des droits en perdition
  • DROIT SYNDICAUX : Des droits limités aux atteintes importantes
  • DROIT À LA SANTÉ : Un droit en mal d’effectivité
  • DROIT À L’ALIMENTATION : Un droit ignoré
  • DROIT AU LOGEMENT : Un recul dans la mise en œuvre
  • DROIT À UN NIVEAU DE VIE SUFFISANT : Des obstacles à la lutte contre la pauvreté
  • DROIT À L’ÉDUCATION : Une scolarisation marquée par les inégalités
  • DROITS CULTURELS : Un approfondissement de la fracture culturelle

OBLIGATIONS EXTRATERRITORIALES DE LA FRANCE

  • ASSISTANCE ET COOPÉRATION INTERNATIONALES : Un cadre juridique mais désengagements budgétaires encore contraires aux obligations de la France
  • RÉGLEMENTATION DES ACTEURS ÉCONOMIQUES : Un vide juridique préoccupant, contraire aux obligations de la France
  • ACCORDS COMMERCIAUX ET D’INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX : Des politiques commerciales et d’investissements contraires aux droits de l'Homme
  • DROIT À LA NON – DISCRIMINATION SITUATION DES PLUS PAUVRES : Une nouvelle infraction
  • SITUATION DES FEMMES : Des progrès mais un manque de moyens pour éradiquer les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes
  • SITUATION DES MIGRANTS ET DEMANDEURS D’ASILE : Une précarisation du droit au séjour et une limitation des droits
  • SITUATION DES ROMS : Une discrimination persistante engendrant l’exclusion sociale
  • SITUATION DES GENS DU VOYAGE : Des lois et des droits non – respectées
  • SITUATION DES POPULATIONS AUTOCHTONES EN OUTRE – MER : Non - respect des engagements internationaux
  • SITUATION EN NOUVELLE – CALÉDONIE : Une terre qui reste à décoloniser
  • SITUATION DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ : Des situations contraires aux droits et à la dignité des détenus

CONCLUSION : DROITS ENVIRONNEMENTAUX

 

 

 

 

25/02/2015

Roses rouges à Gaza

Le collectif PALESTINE 04 "URGENCE DE LA PAIX ET DU DROIT"
se réunira le lundi 2 mars à 19h
à la maison des associations de Manosque (Bd du temps perdu)

Gaza

 

Différentes façons de mourir pour les Palestiniens

Six mois après la fin des combats à Gaza, la population palestinienne reste soumise à un double blocus, celui d’Israël et celui des autorités égyptiennes. Aucune des promesses faites de reconstruction n’a été tenue et la « communauté internationale » laisse faire. Les Palestiniens ont simplement le choix entre différentes façons de mourir, plus ou moins lentes.

C’est le 14 février et le jour de la Saint-Valentin se déroule de manière inhabituelle à Gaza. Les rues de la ville sont animées, la couleur rouge domine, comme si la fête de l’amour lui avait donné le baiser de la vie, ne serait-ce que pour un jour. Les fleuristes ont préparé les roses et les cadeaux, timidement et sans ostentation, de peur de la ronde des salafistes qui font chaque année la tournée des boutiques pour interdire de fêter la Saint-Valentin. Pour l’occasion, Abou Mahmoud, 32 ans, a fait provision de 140 ours en peluche et de 1 200 roses rouges qu’il les a laissés à l’intérieur de son magasin pour éviter que les salafistes ne viennent lui donner un cours de religion. À la fin de la journée, il avait épuisé son stock, comme si Gaza était assoiffée d’amour. Les salafistes n’ont pas fait leur ronde, les agents de police ne sont pas intervenus comme d’habitude pour interdire la couleur rouge, comme s’ils avaient mesuré l’abattement que ressentent les habitants de Gaza depuis la fin de la guerre de cet été 2014 et décidé finalement de fermer les yeux. C’est Gaza, avec ses contradictions. Mais au matin du 15 février, la vie reprend ses traits sinistres et les visages se referment. Comme si l’apparente gaité de la veille n’était qu’une pièce de théâtre jouée sur une immense scène par la ville tout entière, parée pour la circonstance et dont le maquillage aurait disparu à l’aube.

Désespérance au quotidien

Les multiples problèmes des habitants reprennent le dessus. L’électricité est coupée pendant 12 heures par jour et il faut composer avec la fermeture du terminal de Rafah. Depuis la chute du président égyptien Mohamed Morsi en juillet 2013 en effet, la fermeture est quasi permanente et les jours où le terminal a été ouvert se comptent sur les doigts d’une main. Le paiement des salaires des 40 000 fonctionnaires de l’ancien gouvernement du Hamas est suspendu depuis juillet 2014. De même, les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne à Gaza ne reçoivent que 60 % de leurs salaires, après le prélèvement par Israël de taxes sur les sommes allouées à l’Autorité palestinienne. Et, pour couronner le tout, les projets de reconstruction ont été interrompus, du fait de la non-réactivation de la réconciliation intra-palestinienne. Gaza traverse une période de désespoir collectif. Selon Ahmad Youssef, dirigeant du Hamas, «  le pays passe par une période difficile marquée par la crise. Gaza continue de rêver de réconciliation, de voir un gouvernement de consensus national remplir son rôle de manière adéquate, et attend un agenda pour le rétablissement des salaires et la reconstruction. Malheureusement, nous faisons du surplace.  » Il ajoute que, du fait de la division intra-palestinienne et de l’interruption des travaux de reconstruction, la situation se dégrade et la vie quotidienne devient de plus en plus difficile. Les habitants de Gaza pensaient que la fin de la guerre féroce de l’été 2014 serait également celle du calvaire. En tout cas, telle était la conviction du Hamas, pour lequel cette guerre devait déboucher sur la recherche d’une solution à la crise régionale, notamment après la chute des Frères musulmans en Égypte. Or, c’est le contraire qui s’est passé. La souffrance des habitants est encore plus grande : celle des familles meurtries par le décès des leurs, campant au milieu de plus de 20 000 maisons inhabitables. Un désastre qui nécessiterait des dizaines d’années de reconstruction, sans compter les centaines de familles qui continuent d’habiter dans les écoles de l’UNRWA1 ou qui sont hébergées par des proches2. Watan Sukkar, 31 ans, vivait avec sa femme et quatre enfants dans une classe de l’une de ces écoles de la United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East (UNRWA) dans le camp Al-Shate. Il raconte : «  Nous n’avons pas d’argent pour louer un logement, nous avons vécu ici pendant six mois, jusqu’à ce que je puisse déménager chez mon père, il y a de cela deux semaines.  » Sukkar a perdu sa maison dans les derniers bombardements sur le quartier de Chajaya. Dans la classe de l’école qu’il habitait avec sa famille, ils n’avaient que quelques matelas, sans compter que le point d’eau le plus proche était à 200 mètres. Dans une autre école, on rapporte l’histoire de cette famille dont le nourrisson a péri et les autres membres blessés dans un incendie déclenché par un court-circuit. Les habitants de Gaza ont expérimenté diverses formes de mort au cours de huit années de siège. Ils savent qu’on peut mourir du fait de bombardements aériens ou terrestres, ou dans les incendies causés par des bougies en raison des coupures d’électricité, ou à cause du temps d’attente trop long aux terminaux avant d’arriver à l’hôpital. On peut aussi mourir de froid, comme ces quatre enfants morts en janvier dernier, ou noyé dans l’une des barques qui acheminent des migrants illégaux, comme ceux qui ont disparu le 6 septembre 2014 dans une tentative désespérée de se forger un autre destin3. Certains de ces candidats à l’exil sont morts par étouffement dans les tunnels incendiés entre Gaza et le Sinaï.

Pauvreté et insécurité encore en hausse

Selon Khalil Chahine, du Palestinian Center for Human Rights (PCHR), Gaza a atteint un taux de pauvreté sans précédent, accentué par la décision de l’UNRWA de suspendre ses aides aux victimes de la guerre, faute de fonds suffisants4. La dégradation de la situation va de pair avec une série d’explosions qui ont visé des militants du Fatah, des associations et des centres culturels comme le Centre culturel français (CCF). Les autorités de police, toujours contrôlées par le Hamas, avaient annoncé l’ouverture d’enquêtes, mais aucune conclusion n’a été rendue jusqu’à ce jour, si ce n’est que ces opérations ont été menées par des inconnus. Ahmad Youssef considère que la dégradation de la sécurité est en lien avec le délitement du gouvernement d’union nationale, qui ne s’acquitte pas de ses obligations auprès du ministère de l’intérieur à Gaza. Ce dernier ne disposant d’aucun budget, il ne peut agir de façon efficace face à l’insécurité. De son côté, le militant Khalil Chahine estime que le laisser-aller en matière de sécurité est amené à augmenter encore en l’absence de volonté politique d’en venir à bout, et qu’il s’agit là d’un nouvel argument utilisé par le Hamas pour faire pression sur toutes les forces en présence. Gaza est traversée par des tensions contradictoires. Un événement récent l’illustre : alors qu’un sit-in avec des bougies avait été organisé devant le CCF à Gaza en soutien à Charlie Hebdo, un autre a été immédiatement organisé par les groupes salafistes en protestation contre les caricatures du Prophète, brandissant des drapeaux de l’organisation de l’État islamique après avoir brûlé celui de la France devant le CCF.

Asmaa Al-Ghoul

pour Orient XXI -  24 février 2015 

 

1NDLR. Environ 15 000 personnes selon l’UNRWA.
2NDLR. L’ONU avance le chiffre de plus de 100 000 personnes

 

13/02/2015

La prévention spécialisée est en danger

Époque paradoxale que celle où, alors que nous observons et nous déplorons la montée des peurs, de l’intolérance et du repli, la montée des extrêmes, l’affaiblissement de l’État républicain, de ses institutions et des associations du vivre ensemble, (...) les difficultés s'accumulent pour ces hommes et ces femmes profondément soucieux de construire des liens de confiance et de restaurer la dignité et la solidarité - donc la cohésion sociale - de faire aimer la République...

éducation

Le CNLAPS, Comité National des Acteurs de la Prévention Spécialisée, constate depuis 2012 une amplification des alertes en provenance d’associations adhérentes. Diminution des budgets (jusqu’à 50% parfois), retraits du financement de Conseils généraux au motif qu’une commune du département n’apporte plus sa contribution financière, voire disparition programmée de cette mission de service public qu’est la prévention spécialisée. L’argument officiel est surtout financier et la méthode souvent brutale, avec des annonces sans concertation préalable et applicables dans des délais très courts (parfois seulement un mois), alors même que sont en jeu des contrats de travail et un public en difficulté.

Nous avons pris la décision de faire connaître largement ce contexte très préoccupant : mise en danger des associations – pourtant piliers reconnus de la démocratie – mise en danger de la jeunesse qu’accompagne la prévention spécialisée et mise en danger de l’emploi des salariés. Nous exerçons une mission de protection de l’enfance déléguée par les Conseils généraux, qui la réduisent sur un nombre important de territoires, la plupart du temps sans proposition alternative, ce qui manque pour le moins de cohérence au vu des difficultés rencontrées par la jeunesse des quartiers dits « populaires ».

Heureusement, d’autres Conseils généraux continuent de porter fortement la mission de prévention spécialisée, en lui désignant de réels interlocuteurs, en signant des conventions qu’ils respectent, et en octroyant des budgets constants voire – plus rarement – en augmentation. Ceci illustre bien que la baisse de financements, voire la suppression d’équipes éducatives, n’est pas une fatalité en ces temps de crise, contrairement à ce que veulent faire croire certaines collectivités territoriales, auxquelles on pourrait d’ailleurs objecter que la prévention spécialisée est d’autant plus nécessaire que la crise est forte. Présente sur les territoires, où ses équipes sont toujours acceptées et souvent bienvenues, elle s’attache à prévenir ou à limiter les dégâts sociaux tant collectifs qu’individuels, à l’échelle du quartier, des jeunes, et des familles.

Nous traversons un moment paradoxal puisque ces baisses de financement sur une dizaine de départements coexistent avec la volonté chaque jour davantage affirmée d’impulser des actions de développement social, d’impliquer le travail social dans des actions collectives et communautaires qui renforcent le pouvoir d’agir des populations marginalisées, et de mettre en œuvre des réponses innovantes en matière de prévention. Récemment, la stratégie nationale de prévention de la délinquance, la nouvelle politique de la ville, la politique de lutte contre le décrochage scolaire, pour ne citer qu’elles, ont mis largement en avant la prévention spécialisée, au titre de sa capacité à faciliter la continuité et la cohérence des parcours éducatifs, la rencontre avec les publics marginalisés et le développement de leur pouvoir d’agir, ce qui permet de lutter contre l’assistanat. Nous constatons ainsi un intérêt croissant de la part des ministères et de certaines missions parlementaires pour l’approche globale et créative de la prévention spécialisée, et sa connaissance et sa compréhension fine des difficultés et des aspirations de la jeunesse et des territoires en grande difficulté.

La prévention spécialisée est, dans le cadre de la Protection de l’Enfance, la seule forme d’action éducative en milieu ouvert sans mandat nominatif : à ce titre, elle peut se déployer dans des espaces et des moments où les autres intervenants sont moins présents. Elle remplit ainsi un rôle spécifique dans la structuration de l’action sociale. Les éducateurs mettent non seulement en œuvre un travail d'appui à la construction de "sujets", mais aussi un tissage au quotidien de liens sociaux grâce à l’immersion dans le milieu, au travail aux côtés des jeunes et de leur famille, à l’aide au développement du pouvoir d’agir.

Elle est à même, en lien avec les autres acteurs des Politiques Jeunesse (école, éducation populaire, emploi, santé,…), d’entrer en contact à la fois avec une jeunesse parfois donnée pour « perdue » et les habitants de ses territoires d’intervention. Avec ceux-ci et ceux-là, elle travaille à rendre l’espace des quartiers et de la cité plus solidaire, donc moins inquiétant pour chacun. Elle contribue à apaiser les tensions et à éveiller les consciences, le respect de la singularité de chaque personne, en refusant toutes les formes d’amalgame et de confusion qui dresseraient les uns contre les autres. Lorsqu’elle est associée à la co-construction des parcours des jeunes avec ses partenaires (MECS, Insertion par l’activité économique, travailleurs sociaux en milieu pénitentiaire,…), elle contribue à des sorties positives de ces dispositifs.

En revanche, la réduire, voire la faire disparaître, reviendrait à renforcer les risques d’aggravation et de non-couverture de besoins sociaux et de clivages voire de fractures dans le lien social au sein des quartiers fragiles. En effet, l’intervention de ces équipes en amont, auprès des jeunes et de leurs familles, prévient nombre de ruptures familiales et de placements, de problèmes de santé (conduites à risques, conduites addictives,...), ou encore de situations de chômage et de délinquance lorsque les jeunes manquent de repères et d’encadrement dans leur environnement.

Époque paradoxale en effet que celle où, alors que nous observons et nous déplorons la montée des peurs, de l’intolérance et du repli, la montée des extrêmes, l’affaiblissement de l’État républicain, de ses institutions et des associations du vivre ensemble, nous assistons à la disparition d’équipes de Prévention Spécialisée, ces hommes et ces femmes profondément soucieux de construire des liens de confiance et de restaurer la dignité et la solidarité - donc la cohésion sociale - de faire aimer la République.

Paradoxe, où, dans un même mouvement, nous entendons une forte légitimation de notre intervention et où nous voyons un affaiblissement croissant de nos moyens sur un nombre de départements désormais conséquent.

Nous avons déjà montré que notre action est évaluable (dans le cadre de la loi 2002, entre autres). Nous nous attacherons à communiquer mieux encore sur les résultats de nos actions, à la fois dans le temps long des accompagnements éducatifs, mais aussi dans le temps court que nécessite la résolution de problèmes et de tensions au quotidien dans les quartiers où les éducateurs travaillent en immersion. Nous multiplierons nos propositions d’actions novatrices et nous renforcerons notre action éducative. Une société qui perd confiance dans sa jeunesse et qui semble de plus en plus dépassée face aux problématiques des jeunes et des territoires en difficulté, ne tourne-t-elle pas le dos à l’avenir ?

Nous ferons cela et mieux encore, mais nous le ferons sans beaucoup d’effet, si nous n’avons pas face à nous des décideurs qui soient rigoureux et bienveillants, respectueux de nos missions et prêts à en connaître les enjeux, les modalités et les résultats. C’est grâce à ce dialogue de qualité avec les responsables publics que l’action de la Prévention Spécialisée gagnera en efficience et en efficacité. C’est seulement ainsi que nous pourrons assurer à nos publics et à nos financeurs une intervention de qualité, sur la base d’un dialogue responsable avec les gestionnaires des fonds publics, comme cela se fait avec les nombreux Conseils généraux qui continuent de nous soutenir.

Aussi en appelons-nous aujourd’hui au sens des responsabilités de chacun, et attirons-nous l’attention des financeurs de la prévention spécialisée sur la signification politique et les conséquences de leurs décisions sur les territoires et pour nos concitoyens, sur la vie des cités et de leurs habitants. La Prévention spécialisée est une forme d'action publique d'une très grande pertinence par rapport aux défis d'aujourd'hui, et ses fondements, ses méthodes d’action répondent à la nécessité de la rénovation du travail social engagée par les États Généraux du Travail Social.

La Prévention spécialisée, en tous les cas, est non seulement prête à un dialogue, constructif et respectueux, mais l’appelle solennellement de tous ses vœux, pour apporter son concours au pacte républicain français, fondé sur la solidarité.
Les attentats terroristes des 7, 8, et 9 janvier ont mis en lumière de manière criante la feuille de route à suivre : éducation et accompagnement des jeunes les plus en difficulté, soutien à la parentalité, lien social entre les composantes de notre société, promotion de la citoyenneté, de l’envie et du pouvoir d’agir, et enfin co-construction des politiques publiques sur la base d’un diagnostic partagé débouchant sur une action locale concertée. Le défi est immense, mais la Prévention spécialisée, en lien avec son réseau partenarial diversifié (lui aussi malheureusement mis en difficulté), est centrale et sait contribuer à tout cela. Elle ne demande qu’à continuer à pouvoir le faire, pour que notre société reste debout et soit davantage unie. Mais elle ne pourra accomplir ce défi que si elle en a les moyens et si elle est soutenue politiquement à un niveau national et local.

Le CNLAPS

10/02/2015

Dans la série "chroniques du chaos"

Les plus naïfs d'entre-nous peuvent penser que la chasse aux Rroms est passée de mode, que les fonctionnaires de police sont bien trop occupés à neutraliser les terroristes en mal d'émotions fortes, à prévenir les agressions islamophobes ou antisémites, à contrôler les manifestations anti-loi-macron ou à porter secours aux skieurs hors-piste, comme aux ministres en déplacement inutiles et qui s'exposent tout aussi inutilement aux sifflets de la République ...
Il n'en est rien... La Brigade Anti Criminalité de Lille s'ennuie !

BAC, rrom, lille

Dans l'ensemble, la LDH, saisit beaucoup les procureurs ces derniers temps !

 

 

Camp de roms attaqué de nuit par des hommes armés: les policiers de la BAC tirent sur les victimes

Par Tieri Briet

Quelque chose de grave

 

Quelque chose de grave vient d'avoir lieu en France. Une étape supplémentaire dans la banalisation d'un racisme d'État. Un ami vient m'a écrit dans la nuit pour m'en alerter, et, bien sûr, je veux relayer son alerte. Qu'ici et ailleurs les écrivains, poètes ou romanciers, journalistes ou blogueurs donnent à leur tour un écho à ce que vit le peuple Rrom aujourd'hui, en France et en Europe. Nous devons raconter. Nous devons témoigner. Je reprends les mots de Philippe Lagatie, ami de longue date avec des familles rroms établies sur le campement qui a subi l'agression policière :

Dimanche 8 février 2015, quatre agents de la BAC (Brigade Anti-Criminelle) sont intervenus sur le camp rrom de Quatre-Cantons, près de Lille. Il faisait nuit, il était près de 22 heures et tout était calme sur le campement. Pas d'uniformes ni de brassards, voiture banalisée, les agents ont immédiatement gazé les habitants du camp qui s'approchaient, inquiets d'une telle intervention.

Un témoin raconte : "Ils avaient l'air ivres ou drogués, ils sont tombé deux fois dans les remblais tout seuls”. 
Sans raison ni explication, ils ont agressés plusieurs personnes. Essentiellement des enfants. Des adultes les ont chassés du camps, les repoussant de manière pacifique, autant que possible, de manière à protéger les enfants. Les policiers ont dégainé et tiré des coups de feu en l’air. Une grenade lacrymogène à été lancée dont les émanations ont brûlé les yeux des enfants.

Des renforts ont été appelés. À peine arrivés sur place, des agents de police en uniforme ont engueulé leur collègues pour leur comportement injustifié.

Un enfant a été étranglé, une personne blessée aux yeux : deux plaies causées par une grenade lacrymogène. Des familles sont sous le choc,  les yeux brulés par le gaz. 

Aucune interpellation, aucune arrestation n'a eu lieu.

Le lendemain matin, on ignore toujours la raison de l’intervention.
Anna Maria, l'une des médiatrices du campement qui est aussi une jeune maman, à tenté de parlementer avec les fonctionnaires de police. Elle a été insultée et molestée par les agents.

Source d'information : Secret Lazar , médiateur Rom,  07.55.27.63.73. 

Philippe Lagatie

 

Ce matin, lundi 9 février à 9H30, témoignage de Philippe Lagatie :
"Je reviens du camp ce matin, ou j’ai été soutenir mes amis, leur apporter mon réconfort, m’assurer que les enfants allaient bien, en compagnie de Pat Bardet.

La petite Maria, six ans a eu son manteau déchiré par un policier sur 15 centimètre du bas vers le haut, le manteau ferme quand même, mais l’intérieur, le rembourrage s’en va par la déchirure. Elle était venue dimanche après midi chez moi, son manteau était alors en parfait état.
Les enfants, qui m’ont invité à partager avec eux quelques graines de tournesol passées à la poêle, en guise de petit déjeuner, m'ont dit "que les policiers ont jeté une bombe qui a fait du feu et puis boum", probablement une grenade de gaz ?

Les adultes sont choqués de cette violence et n'ont pas dormi de la nuit. 

Les responsables de la communauté ont été contactés par l'AFP, une enquête est en cours, une action envisagée.

Les adultes qui ont souvent des rapports courtois avec la police à qui, il arrive c'est vrai, d'aller au camp, ont été surpris de cette manière inhabituelle et ultra violente d'agir, surtout sans se présenter ni demander quoi que ce soit. Ils ont gazé de suite.

Les francophones ont aussi été très choqués des tombereaux d'insultes racistes proférées par les fonctionnaires de police.

Aucune personne convoquée au commissariat, aucune personne arrêtée, on ne sait toujours pas pourquoi ils sont venus, et l'AFP pour l'instant n'a pas encore d'informations supplémentaires.

La Ligue des droit de l'homme à été informée, tant à Paris qu'à Lille. Le service juridique de la LDH va saisir le procureur.

Des photos ont été prises par l'équipe de l’inter-collectif rom 59-62 arrivés juste après les faits. Elles seront diffusée ultérieurement.

Un enfant a bien été étranglé par un policier, mais il va bien, malgré les traces de strangulation

L’adulte blessé, M. D, a deux petites plaies à l’œil droit une sur l’arcade sourcilière et une en haut de la pommette, causée par « la bombe lacrymogène ».

Source

09/02/2015

Liberté d'expression : tout va bien !!!

Charlie Hebdo : Après le choc et la mobilisation, l’action

liberté d'expression
Tout va bien ! De Mana Neyestani
:
"(...)
À parcourir ces images, fruits d’un travail de plusieurs années à travers le monde, on serait tentés de croire que le titre est ironique, et il l´est mais pas seulement. Car tant qu’il y a des plumes, des langues, des yeux pour voir et critiquer le monde, alors oui, on peut dire non pas que tout va bien mais que tout n’est pas tout à fait perdu."

 

L’analyse du bureau exécutif de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme).

La FIDH rend hommage aux millions de citoyens qui se sont mobilisés le 11 janvier 2015 à l’occasion de la marche républicaine en France et dans le monde, en réponse aux attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et la tuerie dans un supermarché Casher. A l’aune des contre-manifestations réactionnaires organisées dans différents pays depuis la publication du dernier numéro de Charlie Hebdo, il importe d’autant plus d’en mesurer la portée et d’en tirer des conséquences.

Des marches pour la liberté d’expression, contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme et, contre les tueries : ce sont les principes démocratiques que les manifestants ont porté au plus haut le 11 janvier.

Éviter que ces mobilisations ne retombent est l’affaire de tous. La traduire en actes est la responsabilité en premier lieu des gouvernants.

En France, la Ligue des droits de l’Homme a évoqué l’ampleur des chantiers nécessaires pour combler la fracture républicaine (cf communiqué commun LDH, Licra, SOS Racisme et Mrap, "Pour une République effective", 9 janvier 2015). Nous le soulignons avec elle et les ONG du monde entier qui se sont manifestées depuis les attentats : la portée internationale de l’enjeu ne saurait être sous-estimée.

La défense de la liberté d’expression n’a pas reçu le soutien international nécessaire.

On ne le rappellera jamais assez, cette liberté « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique » (cf Cour européenne des droits de l’Homme, Affaire Handyside, 1976}]).

Le droit international fixe précisément des limites à la liberté d’expression. Cette liberté ne comprend pas l’incitation à la perpétration ni l’apologie de génocide et de crimes contre l’humanité, ou encore l’incitation à la haine ou à la discrimination raciale, ethnique ou religieuse.

Il fixe encore des restrictions à la liberté, en particulier pour protéger les droits et la réputation d’autrui contre l’injure ou la diffamation contre personnes dénommées - et contre personnes dénommées seulement, une religion ou une conviction relevant de la sphère privée, subjective.

Toujours selon le droit international, ces restrictions ne sont admissibles qu’en vertu de lois nationales qui lui soient conformes dans une société démocratique, et dans des conditions très strictes (nécessité, proportionnalité) dont l’appréciation doit relever au cas par cas, de la compétence du juge.

Ainsi la liberté d’expression ne s’oppose pas à la liberté de religion ou de conviction, elle en constitue au contraire l’indispensable complément, garantissant au pluralisme des opinions, croyances et convictions, la liberté de leur expression.

Ces principes ont été réaffirmés et précisés à la suite de la controverse internationale née de la publication de caricatures du prophète Mahomet dans des journaux danois. Les Nations unies ont organisé une série de consultations entre experts de toutes les régions, pour identifier et préciser l’étendue des restrictions acceptées par le droit international relatif à la liberté d’expression. Une déclaration et un plan d’action ont été adoptés au terme de ces consultations, à Rabat en février 2013, qui reconnaît notamment que « les lois sur les blasphèmes sont contre-productives, en ce qu’elles peuvent amener à une censure de facto de tout dialogue, débat ou critique inter-religieux ou intra-religieux, la plupart d’entre eux étant constructifs, sains et nécessaires. De plus, nombre de ces lois sur le blasphème apportent un niveau de protection différent entre les religions et se sont révélées discriminatoires en pratique. »

Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies l’avait également reconnu : « les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte (international sur les droits civils et politiques), sauf dans les circonstances spécifiques envisagées au paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte. » (Commentaire général 34 sur l’article 19 relatif aux libertés d’opinion et d’expression du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en juillet 2011}]).

En dépit de ces principes, les lois nationales sont dévoyées pour devenir, plutôt qu’une protection des libertés, l’instrument de leur violation. C’est le cas en particulier des lois pénalisant le blasphème, présentes encore dans plus de cinquante pays de par le monde (cf http://www.humanrightsfirst.org/sites/default/files/Compendium-Blasphemy-Laws.pdf).

Beaucoup d’États ou de forces politiques ou religieuses opposés à la liberté d’expression, notamment par la caricature ou la dérision, justifient plus largement les violations de cette liberté pour asseoir leur pouvoir ou leur influence.

Les premières victimes en sont les voix indépendantes de par le monde, à l’instar, en Arabie Saoudite, de Raif Badawi blogueur qui défend une vision plus libérale de l’islam et des réformes nécessaire dans son pays. Il a été condamné pour cela à mille coups de fouets pour "insulte à l’islam", 10 années de prison, 10 années supplémentaires d’interdiction de quitter son pays et 20 000 euros d’amende.

Les défenseurs des droits humains qui prennent la défense de ces personnes accusées arbitrairement risquent leur vie. Membre de la Commission pakistanaise pour les droits de l’Homme, Rashid Rehman a été assassiné le 8 mai 2014 au Pakistan. Il était l’avocat d’une personne accusée de blasphème. Il avait reçu des menaces de mort alors qu’il plaidait devant un juge, les autorités pakistanaises ont refusé de lui accorder une quelconque protection. 

On pense encore à Aminatou Mint El Moctar, responsable de l’association des femmes chefs de famille en Mauritanie visée en 2014 par une fatwa pour sa défense de personnes poursuivies pour apostasie ou harcelées par des groupes islamistes radicaux.

Au Vietnam, Bui Thi Minh Hang, Nguyen Van Minh et Nguyen Thi Thuy Quynh, ont été condamnés pour trouble à l’ordre public à plusieurs années d’emprisonnement au Vietnam en décembre 2014, pour avoir défendu la liberté de religion et de conviction.

Dans quatre-vingts pays environ, le seul fait d’informer sur les violations des droits humains universels, a fortiori d’agir pour qu’il y soit mis fin, est synonyme de risque majeur (cf les derniers rapports annuels de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains https://wearenotafraid.org/fr/). Risque de procédure fallacieuse et de détention arbitraire, de condamnation inique, de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant, risque pour les ONG et les médias indépendants d’assassinat, de suspension, de dissolution, risque de désignation à la vindicte populaire comme traitre, apostat, terroriste, séparatiste, extrémiste.

Il est désormais urgent et nécessaire d’interpeller les États pour les rappeler à leurs obligations au regard du droit international des droits humains. A cet égard, nous déplorons le fait qu’en tête de la marche parisienne, une vingtaine de représentants de gouvernements oppresseurs de la liberté de conscience se sont précipités à Paris pour proclamer leur condamnation du terrorisme, sans se voir rappeler que la garantie des libertés en constitue la condition. Ils sont alors rentrés de Paris encouragés dans leurs pratiques liberticides.

Depuis, plusieurs manifestations ont pris part de par le monde, pour protester contre le soutien apporté au journal satyrique français. Si le droit de manifester pacifiquement son opinion religieuse est inaliénable, nous devons dénoncer les attaques intervenues à cette occasion contre les chrétiens au Niger, ou ailleurs, contre des représentants des minorités. Celles-ci sont inadmissibles. D’autres, à l’instar de celle du 19 janvier organisée à Grozny par Ramazan Kadyrov, ne laissent personne dupe sur leur organisation de toute pièce par le pouvoir en place, qui ne cesse d’instrumentaliser le religieux à des fins politiques.

Au delà des manifestations et des déclarations, nous attendons des dirigeants une mobilisation internationale sans précédent, une défense opiniâtre des citoyens réprimés au prétexte de leur défense de la liberté d’expression, et de la liberté de religion ou de conviction.

Il faudrait aussi mesurer combien l’échec des politiques soi-disant antiterroristes développées depuis le 11 septembre 2001 a pesé dans l’essor spectaculaire de mouvements idéologiques fondés sur la terreur.

Les images de Guantanamo et d’Abu Graïb n’ont pas seulement servi de catalyseur aux énergies terroristes, elles les ont galvanisées dans leur macabre entreprise jusque dans la terrible mise en scène des exécutions d’otages de Daech.

Quant à la légitimation publique de l’usage de la torture par les dirigeants de « démocraties », les pratiques de détention arbitraire et de torture dans des centres secrets, de remise extraordinaire dans des vols fantômes, d’exécution sommaire par drône interposé, d’interception massive de données personnelles, d’impunité absolue pour les décideurs de ces pratiques, comment imaginer qu’elles ne nourrissent pas l’argumentaire des recruteurs terroristes, l’attractivité de leur entreprise mortifère et la banalisation des violations des droits humains ?

Le bilan lucide doit aussi être entrepris de l’échec patent de l’invasion puis de l’occupation de l’Irak à partir de 2003, comme de l’échec dramatique à empêcher depuis bientôt quatre ans la tragédie syrienne, et à favoriser une solution juste et durable au conflit israëlo-palestinien. La perception mondialisée d’une injustice récurrente sur fond de colonisation permanente des Territoires palestiniens n’a pas seulement alimenté la critique justifiée du "deux poids - deux mesures". Elle a permis son instrumentalisation jusque dans le recrutement des filières jihadistes. Il est aussi de la responsabilité des gouvernants de le reconnaître et, surtout, de trouver les moyens d’y remédier.

La démocratie requiert une exigence permanente dont les gouvernants sont débiteurs à l’égard de leurs concitoyens pour garantir la réalisation des droits et l’effectivité des libertés, y compris du droit à la sécurité, surtout dans les moments les plus difficiles (voir à cet égard le rapport de la FIDH « l’anti-terrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité », Octobre 2005). Savoir résister à la tentation du "Patriot Act-isme", renforcer la sécurité au service des libertés plutôt qu’à leur détriment, relève peut être de la gageure. Nous y voyons pour notre part la condition nécessaire pour permettre la réalisation des chantiers essentiels : l’éducation des jeunes à la citoyenneté, l’égalité entre les sexes, la lutte contre les inégalités sociales, la promotion des droits universels dans une société accueillante à l’égard de toutes et tous, quelles que puissent être leurs convictions religieuses ou philosophiques.

Le Bureau exécutif de la FIDH

02/02/2015

Délit de solidarité

Le délit de solidarité était attaché à la répression qui a accompagné la fermeture du centre de Sangatte et à l’ère Sarkoz(i)Y – Besson. Le changement de président de 2012 avait été suivi d’un changement de la loi, qui était sensé « abolir » le délit de solidarité. Ce changement législatif restait en-deçà de la législation européenne, qui est fondée sur le caractère intéressé de l’acte : la solidarité avec des personnes en situation irrégulière est punissable si elle fait l’objet d’une rétribution, elle ne l’est pas si elle est gratuite, désintéressée.

solidarité, charb

La loi du 31 décembre 2012 est beaucoup plus timide. Elle élargit les exceptions prévues par la législation antérieure, pour ce qui concerne la solidarité liée aux liens familiaux, et ce qui concerne l’action humanitaire.

Après une période d’accalmie, on en revient avec l’évolution xénophobe de la politique du gouvernement à une répression de la solidarité avec les populations persécutées par l’État.

Par exemple ...

VIA



27/01/2015

Pour une laïcité effective

Communiqué LDH

Paris, le 27 janvier 2015

Le président de la République appelle à une mobilisation pour la laïcité. La LDH s’associe à cet appel mais la laïcité, qui est une des valeurs fondatrices de la République, ne répondra à ses objectifs que si nous la mettons à l’œuvre en pleine conscience des changements que connaît le monde.

laicité

Avec la loi de 1905, la République assure la liberté de conscience, et donc la possibilité d’exprimer toutes les convictions, religieuses ou non, y compris l’athéisme, en privé ou en public, la seule réserve étant qu’elles ne mettent pas en cause l’ordre public et n’incitent pas au mépris ou à la haine. La loi garantit également le libre exercice des cultes en privé et en public. Ainsi, « La séparation des Églises et de l’État », selon l’intitulé de la loi, est assurée ; « l’Église chez elle » hors de l’État, mais entièrement libre, comme les autres acteurs et avec les mêmes contraintes au sein de la société civile.

L’assimilation de la pratique de l’islam à ce qu’il est convenu d’appeler « l’islamisme politique » laisse croire à un lien indissoluble entre la religion musulmane et une norme politique qui nierait la séparation entre les Églises et l’État.

Dans notre société, les individus refusent d’être seulement reconnus comme des citoyens assignés à résidence communautaire ou religieuse. Leurs identités multiples les relient à différentes communautés. Cette réalité du pluralisme culturel et religieux n’est en rien incompatible avec la laïcité ; celle-ci est même ce qui rend possible le pluralisme de valeurs, puisque la laïcité crée les conditions de la neutralité de l’État, sans pour autant neutraliser la société. 

Nous défendons le pluralisme convictionnel de la démocratie républicaine, à égalité et sans discrimination, la libre expression et le débat comme seuls modes de fonctionnement démocratique acceptables.

La laïcité était centrale dans les rassemblements multiples du 11 janvier, où s’exprimait une aspiration à la liberté et à la fraternité. Dans un tel contexte de pluralisme culturel, mais aussi de tensions multiples, nous avons besoin de plus que d’un rappel de la laïcité comme valeur. Jaurès disait que « la République, c’est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir part à la souveraineté ». La laïcité doit être autre chose qu’un mot, elle doit être effective. Pour cela il faut que la République tienne ses promesses de liberté de conscience, d’égalité de droits, de fraternité universelle et de lutte contre toutes les discriminations.

26/01/2015

A propos des élections grecques

Un mois de janvier tonitruant, mais de belles analyses comme celle qui suit même si tout reste à faire...

grèce,syrisa,gauche

A PROPOS DES ÉLECTIONS GRECQUES par Danielle Bleitrach le 26 janvier 2015

Il est évident que l’on a toutes les raisons de se réjouir du vote du peuple grec en mesurant bien le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir pour que se dessine une issue pour les pays d’Europe et pour la France. Nous avons entendu des choses terribles sur le peuple grec de la part des conservateurs, les fanatiques du néo-libéralisme. Mais ce peuple a une histoire, celle de sa propre libération des nazis, celle de la lutte contre le fascisme des colonels et celle aujourd’hui du refus d’une autre dictature celle des financiers, du marché, du FMI et j’ajouterai des marchands d’armes, ça aussi c’est une vieille tradition grecque.

Nous devons féliciter le peuple grec et nous réjouir avec lui. D’abord se réjouir du fait que le peuple grec face à la situation terrible qui est la sienne ait repoussé le fascisme, la solution du capital pour dévoyer sa colère. Le score d’Aube doré demeure néanmoins non négligeable et le fascisme reste implanté dans l’appareil d’État, comme il trouve toujours une assise dans les couches en voie de marginalisation rapide et appui dans le grand patronat..

Le peuple grec a dit non à l’austérité, non à la troïka, à la logique de l’UE. C’est le sens du vote en faveur de Syriza mais aussi en faveur du KKE qui sont les seules forces à progresser (voir répartition des votes dans l’ancien parlement et celui d’aujourd’hui)..

Le fait que dans un tel contexte le KKE ne régresse pas mais au contraire progresse est un autre signe de maturité politique et une chance pour l’avenir parce que ce parti représente la volonté de conserver l’organisation dans la jeunesse et dans les couches populaires. Il donne un contenu de classe à une aspiration encore confuse mais forte.

Parce que Syriza, outre la figure de son leader charismatique, qui s’est présenté comme le renouvellement total d’une classe grecque enfermée dans une alternative sans espoir entre le Pasok (PS) et la droite, demeure une coalition non dénuée de contradictions et c’est là-dessus que tablent les vieilles forces et le capital pour  détourner le choix du peuple grec.

Nous avons connu en 1981, avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir une telle espérance ; rapidement  celle-ci a été trahie, pire encore cela a été l’installation du néo-libéralisme, le règne des cadeaux au patronat et la grande rupture entre les couches moyennes et le prolétariat privé de ses organisations.

Le parti socialiste en France a très vite d’ailleurs prétendu s’approprier la victoire en soulignant que le programme de Syriza est plus proche de la social démocratie que de tout aspect révolutionnaire. Quand on sait la manière dont le PS, en particulier son représentant en Europe Moscovici a tout fait pour torpiller le choix du peuple grec on ne peut qu’être stupéfait d’un tel culot. Mais considérons le positif une fois encore : il est temps de ne pas suivre la ligne de Macron. Désormais François Hollande quand il négocie à Bruxelles a deux alliés anti-austérité, l’Italie et la Grèce et le mouvement dans l’Europe du sud va dans le même sens sous des formes parfois différentes, alors on attend des résultats à la hauteur de la joie du PS. De même sur la question de la paix, en particulier de nouvelles relations avec la Russie, là encore le mouvement pousse avec l’élection grecque dans un sens favorable puisque Syriza et le KKE ont manifesté leur refus d’une confrontation au cœur de l’Europe, de la fascisation ukrainienne..

Maintenant est-ce que l’on peut considérer qu’un changement réel est intervenu par rapport à la crise que vit l’UE? Il s’agit d’une crise structurelle: un appareil coupé des peuples et soumis aux intérêts financiers avec comme seul facteur de régulation un monétarisme et une soumission de plus en plus marquée aux Etats-Unis, à son bellicisme, à sa destruction systématique de toute forme de coopération mutuellement avantageuse. Marquer le refus de l’austérité et se prononcer pour la paix est un grand pas dont on doit se réjouir, mais le mal est trop profond, il faudra d’autres mobilisations, d’autres interventions populaires.

Un pas a été fait, il ne faut pas le sous-estimer, il permet en tous les cas de porter le débat sur des solutions, il rompt avec la fatalité dans laquelle l’alternance PS et droite prétend depuis des années enfermer les nations européennes et qui conduisait immanquablement au fascisme par désespoir et abstention des couches populaires. Mais le risque est là, Syriza est une coalition comme Podemos en Espagne, marqué d’abord par le désaveu de l’alternance mais aussi à la recherche d’une solution qui ne change pas réellement le système, une sorte de volonté d’accommodement dans le changement espéré. Depuis des années, y compris dans les printemps arabes et dans d’autres mouvements encore plus détournés et manipulés comme l’euromaïdan, le capital sait renverser les aspirations d’une jeunesse qui proteste contre l’absence d’avenir. Une jeunesse que l’on a habituée à la suspicion de toute force organisée, élevée aussi dans l’anticommunisme, des couches moyennes diplômées qui voient se dégrader leur situation, mais qui croient encore à un certain spontanéisme et qui s’écroulent quand le capital envoie ses troupes fascistes reprendre en main leur mai 68 d’un jour. Une tentative est faite avec cette élection de donner corps à ces aspirations, c’est une bonne chose.
Voilà dit rapidement où je crois que nous en sommes, tout dépend alors de la capacité non pas à critiquer mais à chercher les moyens de favoriser l’intervention populaire pour imposer ce pourquoi elle a voté. En Grèce mais aussi en France et il faut bien constater que nous sommes démunis et qu’une des grandes questions qui se pose à nous est celle de la reconquête de couches populaires tentées par l’abstention et d’autres dérives.

Danielle Bleitrach

23/01/2015

L'Académie des Banlieues

De quoi les banlieues ont-elles besoin ?....

banlieues, liberté, discriminations

https://www.facebook.com/academie.des.banlieues?fref=nf

Alors que notre pays a su se mobiliser face à la haine et à la menace terroriste, les quartiers populaires forment une nouvelle fois une cible toute trouvée pour ceux qui ne résistent pas à la tentation de surenchères démagogiques.
Surenchères qu’un député de la majorité et le premier ministre lui même n’ont pas hésité à alimenter en tenant des propos irresponsables qui ne peuvent que renforcer le sentiment d’injustice et de stigmatisation que ressentent les habitants des quartiers ainsi visés.
Comment peut-on prétendre mettre sous tutelle des quartiers où vivent des centaines de milliers d’habitants ? Ces femmes et ces hommes seraient ils jugés irresponsables ainsi que les élus qu’ils se sont choisis démocratiquement, pour être ainsi dessaisis de leurs droits les plus élémentaires ? La démocratie ne serait-elle valable que dans les quartiers les plus aisés ? On pourrait aussi rétablir le suffrage censitaire !
Quant à l’affirmation du premier ministre parlant d’« apartheid », c’est soit une formule destinée à faire le buzz médiatique et c’est alors indigne de sa fonction, soit une banalisation inacceptable de ce que fut l’apartheid, c’est-à-dire un régime établissant au sein d’un même pays une séparation juridique en fonction des origines.
Monsieur le Premier Ministre, monsieur le Député, nous vivons dans une République une et indivisible, qui proclame la liberté, l’égalité et la fraternité. Une République qui est fondée sur la démocratie, c'est-à-dire sur la liberté d’expression et l’élection des dirigeants par le peuple.
C’est cette République, ce sont ces valeurs qu’il faut faire vivre dans chaque immeuble, dans chaque rue, dans chaque quartier. C’est cela la responsabilité de l’Etat et non de traiter les gens comme des mineurs incapables de s’administrer démocratiquement.
Comment peut-on parler d’apartheid quand on réduit de façon drastique les dotations aux collectivités locales, en les contraignant à réduire les services publics de proximité qui sont souvent les derniers remparts de la population quand les services publics de l’Etat ont déserté, ainsi que les aides aux associations, fragiles piliers du tissu social?
Comment peut-on parler d’apartheid quand on dirige un gouvernement qui exclut des réseaux d’éducation prioritaire des collèges et des écoles qui accueillent pourtant une très large majorité d’enfants habitant dans des quartiers en grande difficulté ? Comment peut-on faire cela au moment même où tout le monde souligne l’importance de l’éducation et de l’école dans la lutte contre tous les fanatismes ?
Depuis sa création en 2010, l’académie des banlieues n’a eu de cesse de dénoncer les discriminations dont sont victimes les habitants de territoires entiers en matière d’éducation, de sécurité, d’emploi, de transports, de logement, de santé, de culture.
Nous ne demandons rien d’extraordinaire. Simplement l’égalité et le respect ! Un respect qui passe aussi par un traitement médiatique digne et non caricatural, comme c’est hélas trop souvent le cas.

Combattre le terrorisme, ce n’est pas restreindre les libertés

Le peuple de France est descendu dans la rue pour dire non au terrorisme et défendre les libertés. L’un et l’autre. Dans ce qui est devenu une sorte de réflexe pavlovien, la classe politique française souhaite ajouter encore à l’arsenal législatif de nouvelles mesures contre le terrorisme. Alors même que quinze lois ont été adoptées depuis 1986 et que les décrets d’application de la dernière ne sont pas publiés, notre sécurité serait, en effet, mieux assurée par de nouveaux pouvoirs confiés aux forces de l’ordre. Il n’en est rien. C’est un mensonge de prétendre que les dramatiques événements que nous venons de vivre seraient la conséquence d’une insuffisance législative. Il est exact en revanche que la déficience de moyens, les erreurs d’analyse, même si le travail des forces de sécurité française reste remarquable, méritent débat ; mais rien ne justifie les nouvelles dispositions envisagées.

La LDH regrette qu’après l’élan du 11 janvier, ces réponses sécuritaires restent la seule voie empruntée par les pouvoirs publics.

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C’est d’une autre ambition dont nous avons besoin : de réponses de fond qui permettent de comprendre comment notre société a pu faire que de tels actes soient commis ; pas pour excuser, encore moins pour absoudre, mais pour éviter réellement qu’ils ne se reproduisent. Nous avons besoin surtout de réponses préventives. Toutes doivent renforcer l’esprit et la lettre de notre démocratie.

La LDH appelle les citoyens à ne pas se laisser enfermer dans le cercle de la peur. Elle les invite à rappeler aux pouvoirs publics, à la représentation politique française qu’à chaque fois que nous avons concédé de nos libertés, il s’en est suivi moins de démocratie, sans pour autant nous assurer plus de sécurité.

La fraternité qui s’est exprimée le 11 janvier exige un autre horizon que celui que l’on nous propose.

Communiqué LDH

Paris, le 13 janvier 2015.

Second communiqué

Mesures contre le terrorisme : approbation partielle, rappel aux principes et vigilance totale

La Ligue des droits de l’Homme apprécie à sa juste valeur politique que le gouvernement n’ait pas cédé à la surenchère législative et réglementaire que réclamaient les partis de droite, le FN, et autres partisans d’une « guerre de civilisation ». La restriction des libertés n’a jamais favorisé une meilleure sécurité, comme l’atteste le bilan du Patriot Act américain.

La Ligue des droits de l’Homme considère que le plan de renforcement des mesures de protection par un recrutement substantiel de personnels dans la police, le renseignement et la justice, en particulier dans la protection judiciaire de la jeunesse pour agir immédiatement sur le terrain, ainsi que l’affectation de moyens nouveaux en matériel étaient nécessaires. La LDH s’en félicite et souhaite que toute la formation nécessaire à l’exercice de leur métier soit organisée tant en ce qui concerne les opérations de contrôle, qu’en ce qui tient à l’exercice de tous les droits.

En revanche, la LDH sera très vigilante sur la prochaine loi sur le renseignement. Elle est susceptible de comporter des mesures dangereuses pour les libertés sans contrôle et contre-pouvoir suffisants.

De la même manière, la LDH s’interroge sur l’efficacité du projet de regroupement carcéral des détenus qualifiés de « radicaux islamistes ». Une telle mesure peut engendrer des situations insupportables au regard des droits élémentaires de ces personnes mais aussi les amener à se radicaliser encore plus. Dans le contexte de surpeuplement des prisons françaises, ce regroupement ne peut être abordé qu’avec prudence et en préservant les droits fondamentaux des prévenus.

Après avoir transféré le délit d’apologie du terrorisme dans le Code pénal de manière à abolir les garanties qu’offre la loi de 1881 sur la presse, le gouvernement envisage de faire de même en ce qui concerne la loi de 1972 contre le racisme. Les invraisemblables décisions rendues en comparution immédiate, et qui ont entraîné parfois des peines lourdes pour une divagation alcoolique, auraient dû amener le gouvernement à être plus prudent. La LDH considère que ce projet constitue un véritable danger pour la liberté de la presse et à la liberté d’expression. On ne lutte pas contre le racisme en portant atteinte à une autre liberté. Imagine-t-on Charlie jugé en correctionnel au milieu de trafics en tout genre pour la publication d’une caricature ? La LDH appelle le gouvernement à retirer ce projet et à retirer le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal.

Enfin, la création d’un nouveau fichier dit antiterroriste conduit à s’interroger une nouvelle fois sur le nombre de fichiers qui existent, leur gestion et leur traitement, en fait, si ce n’est en droit, en dehors de tout contrôle.

La LDH rappelle une nouvelle fois que l’on ne peut efficacement lutter contre le terrorisme qu’en préservant la lettre et le principe de l’État de droit.

Paris, le 21 janvier 2015

 

11/01/2015

L’intelligence de la raison et le courage de la conviction

Par Pierre Tartakowsky, président de la LDH

Les attentats, bien sûr ! Comment ne pas revenir, encore et encore, sur cette plaie ouverte, sur cette explosion de haine meurtrière ? Et comment faire l’économie d’un retour sur ses enjeux ? La violence de l’épreuve, sa traînée de haine interdisent évidemment que quiconque pense pouvoir tourner la page et revenir à un statu quo ante. Tout nous engage, au contraire, à penser présent et avenir en tirant leçon de l’événement.

 

attentats, charlie

 

D’abord, en ne laissant pas instrumentaliser les grandes mobilisations de solidarité qui ont envahi l’espace public : elles étaient tout entières tournées vers la liberté et la fraternité. Elles appellent des actes, des politiques publiques qui affrontent le racisme, l’antisémitisme, les discriminations, qui travaillent l’Europe et notre pays ; ensuite en mettant en garde – mieux encore, en nous mobilisant – contre les réflexes sécuritaires, surtout lorsqu’ils aboutissent à des résultats absurdes. Oui, l’école a un rôle à jouer face à l’intolérance ; non, ce rôle ne peut se ramener à celui d’auxiliaire de police. Conduire des gamins et des pré-ados au poste, pour une déclaration à l’emporte-pièce, c’est substituer la procédure répressive au nécessaire débat éducatif ; poursuivre un parent pour avoir « pénétré » dans l’école pour exprimer sa colère, c’est enterrer de fait la notion même de communauté éducative.

Ces pratiques sont des impasses dangereuses ; non seulement elles tuent le débat là où il s’agit de le faire vivre mais elles accentuent chez ceux qui sont stigmatisés l’idée, déjà bien présente, que, décidément, la promesse républicaine n’est pas pour eux…

L’époque a moins besoin de bâton que de raison ; cela passe par l’acceptation de la confrontation, par le conflit raisonné, par la formulation de nouveaux compromis à vivre, justement possibles sur la base des valeurs de la République et d’une laïcité garante de la liberté de conscience.

Il est d’autant plus important de le rappeler que d’autres périls frappent à la porte. Les attaques ignobles dont Christiane Taubira, garde des Sceaux, est à nouveau la cible, le résultat de l’élection partielle du Doubs l’illustrent avec force. Avec ses 60 % d’abstention, un FN triomphant et une droite dont une partie s’avère plus que jamais disponible à des alliances non républicaines – elle fournit un résumé saisissant la multiplicité des défis lancés à la face de la République : pauvreté de l’offre politique, démocratie anémiée, légitimation des thèmes racistes, tentations autoritaires…

Face à nous se dresse ainsi une mécanique folle de régression et de peurs dont les pôles, d’apparence antagonique, se renforcent l’un l’autre en une haine commune pour l’égalité et la liberté. Face à quoi nos peurs seront insuffisantes ; sachons mobiliser l’intelligence de la raison et le courage de la conviction.

Trois mots pour les morts et pour les vivants

Pendant que l’on lustre le tapis rouge des chaussées ensanglantées par des monstres fabriqués de toutes pièces et qui sera foulé aux pieds par ceux-là même qui ont une part de responsabilités indéniable dans « guerre civile mondiale » qui se joue partout sur la planète, guerre civile qui bouleverse notre logique, notre sens critique et notre raison, Etienne Balibar tente une sortie de cet enfermement. Ça devrait pouvoir nous aider .

pas à mon nomCompassion, solidarité, fraternité mais aussi inquiétude

 

TRIBUNE par Etienne BALIBAR, philosophe, auteur de Violence et Civilité
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Trois mots pour les morts et pour les vivants

Un vieil ami japonais, Haruhisa Kato, ancien professeur à l’université Todai, m’écrit ceci : «J’ai vu les images de la France tout entière en deuil. J’en suis profondément bouleversé. Dans le temps, j’ai beaucoup aimé les albums de Wolinski. Je suis abonné depuis toujours au Canard enchaîné. J’apprécie chaque semaine les dessins du Beauf de Cabu. J’ai toujours à côté de mon bureau son album Cabu et Paris, dont plusieurs dessins qu’il a peints de jeunes filles japonaises, touristes épanouies aux Champs-Élysées, sont admirables.» Mais, plus loin, cette réserve : «L’édito du 1er janvier du Monde commençait par ces mots : "Un monde meilleur ? Cela suppose, d’abord, l’intensification de la lutte contre l’État islamique et sa barbarie aveugle."J’ai été très frappé par l’affirmation, passablement contradictoire me semble-t-il, qu’il faut passer par la guerre pour avoir la paix !»

D’autres m’écrivent aussi de partout : Turquie, Argentine, États-Unis… Tous expriment de la compassion et de la solidarité, mais aussi de l’inquiétude : pour notre sécurité et pour notre démocratie, notre civilisation, j’allais dire notre âme. C’est à eux que je veux répondre, en même temps qu’à l’invitation de Libération. Il est juste que les intellectuels s’expriment, sans privilège, surtout pas celui d’une lucidité particulière, mais sans réticence et sans calcul. C’est un devoir de fonction, pour que la parole circule dans la cité à l’heure du péril. Aujourd’hui, dans l’urgence, je ne veux prononcer que trois ou quatre mots.

Communauté. Oui, nous avons besoin de communauté : pour le deuil, pour la solidarité, pour la protection, pour la réflexion. Cette communauté n’est pas exclusive, en particulier elle ne l’est pas de ceux, parmi les citoyens français ou immigrés, qu’une propagande de plus en plus virulente, réminiscente des épisodes les plus sinistres de notre histoire, assimile à l’invasion et au terrorisme pour en faire les boucs émissaires de nos peurs, de notre appauvrissement, ou de nos fantasmes. Mais elle ne l’est pas non plus de ceux qui croient aux thèses du Front national ou que séduit la prose de Houellebecq. Elle doit donc s’expliquer avec elle-même. Et elle ne s’arrête pas aux frontières, tant il est clair que le partage des sentiments, des responsabilités et des initiatives qu’appelle la «guerre civile mondiale» en cours doit se faire en commun, à l’échelle internationale, et si possible (Edgar Morin a parfaitement raison sur ce point) dans un cadre cosmopolitique.

C’est pourquoi la communauté ne se confond pas avec l’«union nationale». Ce concept n’a pratiquement jamais servi qu’à des buts inavouables : imposer le silence aux questions dérangeantes et faire croire à l’inévitabilité des mesures d’exception. La Résistance elle-même (et pour cause) n’a pas invoqué ce terme. Et l’on vient déjà de voir comment, appelant au deuil national, ce qui est sa prérogative, le président de la République en profitait pour glisser une justification de nos interventions militaires, dont il n’est pas certain qu’elles n’aient pas contribué à faire glisser le monde sur sa pente actuelle. Après quoi viennent tous les débats piégés sur les partis qui sont «nationaux» et ceux qui ne le sont pas, dussent-ils en porter le nom. Veut-on donc faire concurrence à Mme Le Pen ?

Imprudence. Les dessinateurs de Charlie Hebdo ont-ils été imprudents ? Oui, mais le mot a deux sens, plus ou moins aisément démêlables (et, bien sûr, il entre ici une part de subjectivité). Mépris du danger, goût du risque, héroïsme si l’on veut. Mais aussi indifférence envers les conséquences éventuellement désastreuses d’une saine provocation : en l’occurrence le sentiment d’humiliation de millions d’hommes déjà stigmatisés, qui les livre aux manipulations de fanatiques organisés. Je crois que Charb et ses camarades ont été imprudents dans les deux sens du terme. Aujourd’hui que cette imprudence leur a coûté la vie, révélant du même coup le danger mortel que court la liberté d’expression, je ne veux penser qu’au premier aspect. Mais pour demain et après-demain (car cette affaire ne sera pas d’un jour), je voudrais bien qu’on réfléchisse à la manière la plus intelligente de gérer le second et sa contradiction avec le premier. Ce ne sera pas nécessairement de la lâcheté.

Jihad. C’est à dessein que pour finir je prononce le mot qui fait peur, car il est temps d’en examiner toutes les implications. Je n’ai que le début d’une idée à ce sujet, mais j’y tiens : notre sort est entre les mains des musulmans, si imprécise que soit cette dénomination. Pourquoi ? Parce qu’il est juste, bien sûr, de mettre en garde contre les amalgames, et de contrer l’islamophobie qui prétend lire l’appel au meurtre dans le Coran ou la tradition orale. Mais cela ne suffira pas. A l’exploitation de l’islam par les réseaux jihadistes - dont, ne l’oublions pas, des musulmans partout dans le monde et en Europe même sont les principales victimes - ne peut répondre qu’une critique théologique, et finalement une réforme du «sens commun» de la religion, qui fasse du jihadisme une contrevérité aux yeux des croyants. Sinon, nous serons tous pris dans le mortel étau du terrorisme, susceptible d’attirer à lui tous les humiliés et offensés de notre société en crise, et des politiques sécuritaires, liberticides, mises en œuvre par des États de plus en plus militarisés. Il y a donc une responsabilité des musulmans, ou plutôt une tâche qui leur incombe. Mais c’est aussi la nôtre, non seulement parce que le «nous» dont je parle, ici et maintenant, inclut par définition beaucoup de musulmans, mais aussi parce que les chances d’une telle critique et d’une telle réforme, déjà ténues, deviendraient carrément nulles si nous nous accommodions encore longtemps des discours d’isolement dont, avec leur religion et leurs cultures, ils sont généralement la cible.
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Etienne BALIBAR Philosophe, auteur de Violence et Civilité