Dans cette article, le terme « Roms » désigne les personnes venant essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale (Roumanie, Bulgarie, pays d’ex-Yougoslavie), qui ont migré en France et qui se reconnaissent comme Roms ou qui sont désignés comme tels. L’arrivée des Roms en France s’est faite en plusieurs vagues migratoires : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans les années 70 et à partir des années 90.
Ces arrivées correspondent ainsi pour l’essentiel à une migration économique, liée aux très grandes disparités de niveau de vie dans les pays d’Europe de l’Est qui sont accentuées dans le cas des populations roms par un phénomène de ségrégation. Concernant les Roms d’ex-Yougoslavie, l’exil fait suite plus particulièrement aux persécutions subies depuis la guerre.
« Les Roms » ne constituent donc pas un groupe homogène : ils n’ont pas la même nationalité, n’ont pas le même profil migratoire, ni le même statut administratif, peuvent avoir des confessions religieuses ainsi que des attaches socioculturelles différentes.
Selon les estimations, le nombre de Roms en France se situe entre 15 000 et 20 000, dont 85% environ sont des ressortissants européens, venant essentiellement de Roumanie et de Bulgarie. Depuis une dizaine d’années, ce nombre est stable.
Parmi tous les Roms présents en France, seuls les plus pauvres d’entre eux sont les plus visibles car vivant dans des squats et bidonvilles.Depuis 2010, l’État multiplie les discours stigmatisant à l’égard de ces citoyens européens au point d’en faire les boucs émissaires d’une politique sécuritaire. [3]
SÉJOUR
PRÉJUGÉ : « Ils n’ont pas le droit de venir et de séjourner en France »
RÉALITÉ : En tant que citoyens européens, ils bénéficient du droit à la libre circulation.
L’article 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne énonce que « Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ».
Cette migration, comme toute autre, s’effectue pour des raisons économiques auxquelles s’ajoute la volonté d’échapper aux traitements discriminatoires que les Roms subissent dans leur pays d’origine.Au même titre que tout autre citoyen européen, les ressortissants roumains et bulgares ont le droit de venir et se maintenir librement en France pendant trois mois. Au-delà de cette durée, le droit de séjour des citoyens de l’Union est soumis à certaines conditions. [4]
Selon le dernier rapport de la CNCDH [5] : en France, « ces migrants (ressortissants roumains et bulgares vivant en bidonville) sont soumis, en matière de droit au séjour, à un régime particulier, qui les contraint à vivre dans une instabilité et une précarité permanentes, qui ont des conséquences préjudiciables à l’exercice quotidien de leurs droits »
HABITAT
PRÉJUGÉ : « Ils aiment vivre en bidonville »
RÉALITÉ : ce n’est qu’une solution par défaut et non un mode de vie choisi.
A défaut de toute autre solution d’hébergement, ces familles sont contraintes de vivre dans des bidonvilles ou des squats. Leur habitat n’est qu’une manifestation de la politique d’exclusion du marché du travail et une conséquence de la crise du logement en France.PRÉJUGÉ : « Ils sont nomades »
RÉALITÉ : En France, ils sont contraints à la mobilité du fait des évacuations répétées de leurs lieux de vie.
Ces personnes sont sédentaires dans leur pays d’origine et viennent le plus souvent de milieux ruraux, mais aussi de la ville. Les caravanes que l’on peut voir sur certains bidonvilles sont un abri de fortune pour ces familles et ne correspondent pas à leur habitat traditionnel. Le plus souvent, elles sont mises à disposition par des associations ou des collectivités, en guise de solution.PRÉJUGÉ : « Ils ne vivent qu’en communauté »
RÉALITÉ : ils se regroupent afin de pouvoir compter sur la solidarité entre les familles souvent venues du même village.
Ce n’est pas un idéal de vie mais le produit d’une migration familiale et une conséquence de leurs conditions de vie précaires.TRAVAIL
PRÉJUGÉ : « Ils ne veulent pas travailler »
RÉALITÉ : ils travaillent mais sont contraints de le faire dans le secteur informel car la législation actuelle restreint fortement voire empêche leur accès au travail salarié.
En principe, les citoyens européens ont le droit de travailler sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne. Cependant, les ressortissants roumains et bulgares sont soumis à des « mesures transitoires » [6] qui limitent fortement leur accès au travail [7]. Contrairement aux autres citoyens européens en France, ils doivent au préalable obtenir une autorisation de travail et un titre de séjour afin d’accéder à un emploi. Ces formalités sont longues et difficiles à remplir, ce qui décourage les employeurs. Cependant, la plupart d’entre eux travaille pour subvenir aux besoins basiques de leur famille. Ces activités, souvent utiles socialement, pourraient être valorisées.PRÉJUGÉ : « Ils préfèrent faire la manche »
RÉALITÉ : c’est une stratégie de survie pour assurer les besoins quotidiens de la famille. Mendier n’est pas un crime.
C’est sur cet aspect le plus visible que se cristallise une forte stigmatisation de ces populations. Pourtant la mendicité n’est pas un choix délibéré mais un moyen de survie que d’autres personnes, vivant dans des conditions tout aussi précaires, pratiquent lorsqu’elles ne peuvent accéder à un emploi.ÉDUCATION
PRÉJUGÉ : « ils ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école »
RÉALITÉ : très souvent, les pouvoirs publics font obstacle aux démarches d’inscription scolaire, en toute illégalité car en France la scolarisation des enfants est obligatoire [8] quelle que soit la situation administrative des parents.
La migration des familles bulgares et roumaines est souvent motivée par la volonté d’assurer à leurs enfants un meilleur avenir.
Alors même que nombre d’entre elles souhaitent scolariser leurs enfants, elles se heurtent à de multiples obstacles tels que des refus d’inscription de la part des administrations ou des maires, des délais d’affectation extrêmement longs, une exigence abusive de documents administratifs, etc.
Même lorsqu’un enfant est enfin inscrit à l’école, le décrochage scolaire est fréquent en raison des évacuations répétées des lieux de vie qui les obligent à entreprendre de nouvelles démarches d’inscription. Par ailleurs, bien des familles sont dissuadées d’envoyer leurs enfants à l’école, de peur d’être séparées d’eux en cas d’évacuation.
En outre, les conditions de pauvreté dans lesquelles vivent ces familles ont un impact sur l’assiduité des enfants à l’école. En effet, la scolarisation représente un coût important : habillement, fournitures scolaires, cantine, transports, etc, alors même que les dispositifs d’aides existant ne leur sont que très rarement accessibles.SANTÉ & PRESTATIONS SOCIALES
PRÉJUGÉ : « ils apportent en France des maladies »
RÉALITÉ : ce sont les conditions d’extrême précarité dans les squats et les bidonvilles qui fragilisent leur état de santé.
Dans les lieux de vie précaires, les conditions d’hygiène et sanitaires constituent un danger pour leurs habitants, en particulier pour les femmes enceintes et les enfants. En effet, dans la plupart des squats et bidonvilles, les familles n’ont accès ni à l’eau, ni à des sanitaires, ni à l’électricité, ni au chauffage, ni au ramassage des ordures, en raison de refus opposés par les collectivités.
Le seul dispositif d’accès aux soins auquel ils ont droit est l’aide médicale d’Etat (AME), destiné aux étrangers résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Néanmoins, peu d’habitants de bidonvilles et squats y ont effectivement accès en raison d’attitudes illégales des administrations qui retardent voire empêchent leurs démarchesPRÉJUGÉ : « ils profitent des aides publiques »
RÉALITÉ : ils n’ont pas accès à la plupart des prestations sociales.
Les Roumains et Bulgares séjournant en France depuis moins de trois mois ne bénéficient d’aucune protection sociale.
Après trois mois, pour pouvoir bénéficier des droits sociaux, il est nécessaire d’avoir une domiciliation reconnue par l’administration. Pour les habitants de squats et bidonvilles, avoir une adresse de ce type s’avère presque impossible, en raison notamment de l’attitude discriminatoire des administrations.
Même les aides qui ne sont subordonnées à aucune condition de séjour ne sont mobilisées que très marginalement par les habitants de lieux de vie précaires en raison de leur méconnaissance du système et des discriminations au guichet qu’ils subissent.
05/10/2013
Morts en mer
- « Lampedusa : l'Europe assassine »
- « Le drame de Lampedusa n'est pas une fatalité. L’Union européenne doit sortir de sa logique sécuritaire et renouer avec les valeurs qu'elle prétend défendre. » :
Titre et sous-titre Libération.
C'est d'autant moins une fatalité que l'immigration est un véritable BUSINESS ... L'émotion suscitée par la tragédie de Lampedusa servira à masquer cette réalité derrière des "larmes de crocodile".
"(...) Les morts de Lampedusa, comme ceux d’hier et de demain, sont les victimes d’une Europe enfermée jusqu’à l’aveuglement dans une logique sécuritaire (...)".
Certes, mais en poussant plus loin cette logique, le signataire de cette tribune de Libération aurait pu mettre en évidence une autre réalité. A savoir que le budget de Frontex (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne) provient de subventions de l'Union européenne dans le cadre d'un programme spécifique 2007-2013 dépendant du Programme européen pour la protection des infrastructures critiques (PEPIC).
Depuis 5 ans ce budget alloué à Frontex a été multiplié par 15.
Par ailleurs, comment faire semblant d’oublier que cette logique sécuritaire est auto-entretenue par la montée en puissance des extrêmes droites partout en Europe.
Comment méconnaître que, ne serait-ce que le 27 septembre dernier, le Réseau Euro-Méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) a dénoncé le Programme de surveillance maritime SEAHORSE MEDITERRANEO et la dangereuse dérive sécuritaire de l’Europe ?
Que le REMDH exhorte l’Union Européenne à :
- une inflexion de sa politique migratoire, en conditionnant à un respect effectif des droits de l’Homme des migrants et des réfugiés toute forme de coopération avec la Libye, l’Algérie, l’Egypte et la Tunisie, où les droits des migrants et des réfugiés ne sont pas respectés;
- promouvoir l’accès des demandeurs d’asile et des réfugiés à une protection internationale et, dans le contexte actuel de non-respect de ces droits dans les Pays d’Afrique du Nord, garantir leur accès au sol européen;
- soutenir efficacement la mise en place dans ces pays de régimes d’asile nationaux en mesure d’apporter une protection aux réfugiés et de respecter les droits découlants de ce statut.
Comment passer outre la campagne « Frontexit », campagne portée par des associations, des chercheurs et des individus issus de la société civile du Nord et du Sud de la Méditerranée à l'initiative du réseau Migreurop qui déclare justement que
« L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente » et que :
« Pour protéger ses frontières face à une prétendue invasion, l’Union européenne (UE) a créé une agence dotée de moyens militaires et d’un budget en constante augmentation.
Cette campagne dénonce les nombreuses violations des droits des migrant-e-s et exige
la transparence des activités de Frontex, ses responsabilités, et tente de contraindre l’UE et ses États membres, ainsi que l’agence et ses partenaires, à respecter les droits fondamentaux des migrant-e-s.
Comment enfin tenir pour nul et négligeable l’aspect humain de la situation faite ainsi aux immigrés ?….
Déjà nos villages s'éloignent
Quelques fantômes m'accompagnent
Y'aura des déserts, des montagnes
A traverser jusqu'à l'Espagne
Et après... Inch'allah
On a de mauvaises chaussures
L'argent cousu dans nos doublures
Les passeurs doivent nous attendre
Le peu qu'on a ils vont le prendre
Et après...
Est-ce que l'Europe est bien gardée ?
Je n'en sais rien
Est-ce que les douaniers sont armés ?
On verra bien
Si on me dit, c'est chacun chez soi
Moi je veux bien, sauf que chez moi
Sauf que chez moi y'a rien
Pas de salon, pas de cuisine
Les enfants mâchent des racines
Tout juste un carré de poussière
Un matelas jeté par terre
Au dessus... Inch'allah
Vous vous imaginez peut-être
Que j'ai fait tous ces kilomètres
Tout cet espoir, tout ce courage
Pour m'arrêter contre un grillage
Est-ce que l'Europe est bien gardée ?
Je n'en sais rien
Est-ce que les douaniers vont tirer ?
On verra bien
Si on me dit, c'est chacun chez soi
Moi je veux bien, sauf que chez moi
Sauf que chez moi y'a rien
Je n'en sais rien
On verra bien
Moi, je veux bien
Sauf que chez moi...
La moitié d'un échafaudage
J'en demande pas davantage
Un rien, une parole, un geste
Donnez-moi tout ce qu'il vous reste
Et après...
Je n'en sais rien
On verra bien
Moi, je veux bien
Sauf que chez moi...
Déjà nos villages s'éloignent...
Francis Cabrel - African Tour - Des roses et des orties
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04/10/2013
Extradition de M. A. Sandoval
Plusieurs ONGs de défense des droits humains appellent aujourd’hui les autorités françaises à donner une suite favorable à la demande d’extradition de Mario Alfredo Sandoval, poursuivi en Argentine pour crimes contre l’humanité pendant la dictature.
Communiqué inter-associatif
CELS - Centro de Estudios Legales y Sociales
LADH - Liga Argentina por los Derechos del Hombre
ACAT - Acción de los Cristianos para la Abolición de la Tortura
FAL - Association France-Amérique Latine
CAJ - Comité de Acción Jurídica
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03/10/2013
Une lettre d'Albert Einstein
Une note de Danielle Bleitrach à propos d'un courrier d'Albert Einstein qui devrait éclaircir la vision trouble que l'on peut avoir d’un État d’Israël éperdument cynique et donner du courage aux défenseurs de cet État qui en manqueraient :
Traité de non-prolifération nucléaire. Israël n'est pas membre du TNP et n'a pas signé la Convention sur les armes biologiques (bactériologiques). L’État hébreux a signé, mais non ratifié, la Convention sur les armes chimiques. Vecteurs. L'armée israélienne en disposerait potentiellement de trois pour utiliser ses armes nucléaires : ses avions F-16 et F-15 ; les missiles balistiques Jéricho I et II ; des missiles de croisière embarqués sur trois sous-marins de la classe Dolphin. |
«
Les dirigeants israéliens sont des fascistes par Albert Einstein,
lettre adressée au New york Times en 1948A l’éditeur du New-York Times
New York, 2 Dec. 1948Parmi les phénomènes politiques les plus inquiétants de notre époque, il y a dans l’État nouvellement créé d’Israël, l’apparition du "Parti de la Liberté" (Tnuat Haherut), un parti politique étroitement apparenté dans son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et son appel social aux partis Nazi et fascistes.
Il a été formé par les membres et partisans de l’ancien Irgun Zvai Leumi, une organisation terroriste d’Extrême-Droite et nationaliste en Palestine.
La visite actuelle de Menahem Begin, le chef de ce parti, aux États-Unis est évidemment calculée pour donner l’impression d’un soutien américain à son parti lors des prochaines élections israéliennes, et pour cimenter les liens politiques avec les éléments Sionistes conservateurs aux États-Unis.
Plusieurs Américains de réputation nationale ont prêté leurs noms pour accueillir sa visite.
Il est inconcevable que ceux qui s’opposent au fascisme dans le monde entier, si correctement informés quant au passé et aux perspectives politiques de M. Begin, puissent ajouter leurs noms et soutenir le mouvement qu’il représente.
Avant que des dommages irréparables ne soient faits par des contributions financières, des manifestations publiques en soutien à Begin et avant de donner l’impression en Palestine qu’une grande partie de l’Amérique soutient des éléments fascistes en Israël, le public américain doit être informé sur le passé et les objectifs de M. Begin et de son mouvement.
Les déclarations publiques du parti de Begin ne montrent rien quant à leur caractère réel. Aujourd’hui ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que jusqu’à récemment ils ont prêché ouvertement la doctrine de l’État Fasciste.
C’est dans ses actions que le parti terroriste trahit son véritable caractère. De ses actions passées nous pouvons juger ce qu’il pourrait faire à l’avenir.
Attaque d’un village Arabe
Un exemple choquant fût leur comportement dans le village Arabe de Deir Yassine
Ce village, à l’écart des routes principales et entouré par des terres Juives, n’avait pas pris part à la guerre et avait même combattu des bandes arabes qui voulaient utiliser comme base le village.Le 9 Avril, d’après le New-York Times, des bandes de terroristes ont attaqué ce village paisible, qui n’était pas un objectif militaire dans le combat, ont tué la plupart de ses habitants – 240 hommes, femmes et enfants – et ont maintenu quelques uns en vie pour les faire défiler comme captifs dans les rues de Jérusalem.
La majeure partie de la communauté juive a été horrifiée par cet acte,et l’Agence Juive a envoyé un télégramme d’excuses au Roi Abdullah de Trans-Jordanie.
Mais les terroristes, loin d’avoir honte de leurs actes, étaient fiers de ce massacre, l’ont largement annoncé et ont invité tous les correspondants étrangers présents dans le pays à venir voir les tas de cadavres et les dégâts causés à Deir Yassin.
L’incident de Deir Yassin illustre le caractère et les actions du Parti de la Liberté. Au sein de la communauté juive, ils ont prêché un mélange d’ultra-nationalisme, de mysticisme religieux et de supériorité raciale.
Comme d’autres partis fascistes, ils ont été utilisés pour casser les grèves et ont eux-même encouragé la destruction des syndicats libres. Dans leur Convention, ils ont proposé les syndicats de corporation sur le modèle fasciste italien.
Lors des dernières années de violences sporadiques anti-Britanniques, l’IZL et le groupe Stern ont inauguré le règne de la terreur parmi la communauté juive de Palestine.
Des professeurs ont été battus pour s’être exprimés contre eux, des adultes ont été abattus pour ne pas avoir laissé leurs enfants les rejoindre.
Par des méthodes de gangsters, des tabassages, des bris de fenêtres et des vols largement répandus, les terroristes ont intimidé la population et ont exigé un lourd tribut.
Les hommes du Parti de la Liberté n’ont pas pris part aux accomplissements constructifs en Palestine. Ils n’ont repris aucune terre, n’ont construit aucune colonie et ont seulement amoindri l’activité de la Défense Juive.
Leurs efforts dans l’immigration, très divulgués, étaient minutieux et consacrés principalement à faire venir des compatriotes fascistes.
Contradictions
Les contradictions entre les affirmations "en or" faites actuellement par Begin et son Parti et les rapports de leur performance passée en Palestine donnent l’impression d’un parti politique peu ordinaire.
C’est la marque indubitable d’un parti fasciste pour qui le terrorisme (contre les Juifs, les Arabes ainsi que les Britanniques) et les fausses déclarations sont des moyens, et dont un "État Leader" est l’objectif.
À la lumière des observations précédentes, il est impératif que la vérité au sujet de M. Begin et de son mouvement soit connue dans ce pays.
Il est encore plus tragique que la haute direction du Sionisme américain ait refusé de faire campagne contre les efforts de Begin, ou même d’exposer à ses propres éléments les dangers pour Israël que représente le soutien à Begin.
»
Les soussignés prennent donc ces moyens pour présenter publiquement quelques faits frappants au sujet de Begin et de son parti et pour recommander à tous ceux qui sont concernés de ne pas soutenir cette dernière manifestation du fascisme.
ISIDORE ABRAMOWITZ, HANNAH ARENDT, ABRAHAM BRICK, RABBI JESSURUN CARDOZO, ALBERT EINSTEIN, HERMAN EISEN, M.D., HAYIM FINEMAN, M. GALLEN, M.D., H.H. HARRIS, ZELIG S. HARRIS, SIDNEY HOOK, FRED KARUSH, BRURIA KAUFMAN, IRMA L. LINDHEIM, NACHMAN MAJSEL, SEYMOUR MELMAN, MYER D. MENDELSON, M.D., HARRY M. ORLINSKY, SAMUEL PITLICK, FRITZ ROHRLICH, LOUIS P. ROCKER, RUTH SAGER, ITZHAK SANKOWSKY, I.J. SHOENBERG, SAMUEL SHUMAN, M. ZNGER, IRMA WOLPE, STEFAN WOLPE.
Commentaires de Qumsiyeh :
L’Herut est le précurseur du parti israélien du Likud (conformément à l’idéologie de Vladimir Jabotinsky).
Begin (un terroriste recherché) est devenu plus tard le Premier Ministre d’Israel (Likud) et sous son gouvernement, des dizaines de milliers de civils libanais et palestiniens ont été tuées dans les années 80.
Les successeurs de Menachem Begin au Likud (et en tant que premiers ministres israéliens) dont Netanyahu et Sharon sont responsables d’innombrables autres décès de civils.
Tandis que les auteurs mentionnent les excuses de l’Agence Juive "envoyée au Roi Abdullah" qui n’est pas même Palestinien, des recherches postérieures démontrent la participation de la Hagannah et de l’Agence Juive dans le massacre de Deir Yassin ainsi que la participation de l’Agence Juive et du Fonds National Juif dans le nettoyage ethnique
02/03/2008, Qumsiyeh
Traduction : MG pour ISM
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01/10/2013
Pour la dignité des Roms et des gens du voyage !
Appel inter-organisationnel, signé par Pierre Tartakowsky, président de la LDH
Comme chaque année depuis 2010, l’été a marqué le début de violentes attaques racistes contre les Roms étrangers et les gens du voyage, citoyens français, qui s’accélèrent avec l’entrée dans la campagnes des élections municipales.
Cette année, c’est Jean-Marie Le Pen qui a lancé les hostilités en juillet en qualifiant la présence de Roms à Nice d’« odorante » et d’« urticante », avant que Christian Estrosi ne joue la surenchère en lançant un « appel à la révolte », véritable appel à la haine, contre les gens du voyage. Gilles Bourdouleix a poursuivi cette saison de la haine en regrettant que l’extermination des tsiganes par les Nazis n’ait pas été totale, puis Régis Cauchet, maire de Croix, a renchéri dans l’escalade ignominieuse en soutenant par avance les meurtriers de Roms, avant que Nathalie Kosciusko-Morizet n’alimente la stigmatisation nauséabonde et que Bernard Debré ne se vautre dans les déclarations racistes les plus outrancières.
Cette haineuse déliquescence du débat public est la conséquence de la stigmatisation dont les les Roms et les gens du voyage ont continuellement été la cible par Nicolas Sarkozy et du fait que la logique impulsée alors n’ait pas été inversée depuis. Par bien des aspects en effet, la politique menée aujourd’hui à l’encontre des Roms est la poursuite de celle menée par Sarkozy.
Tout d’abord, exemple le plus marquant, la violente et absurde politique d’expulsions : depuis mai 2012, c’est l’équivalent de la totalité des 15 000 à 20 000 Roms étrangers présents sur le territoire national qui ont été expulsés de leurs lieux de vie. Violente, car cette politique entraîne traumatismes psychologiques, précarité sociale et déscolarisation. Absurde car elle a pour présupposé leur fantasmatique mais irréel nomadisme et pour conséquence l’aggravation de la situation sur le terrain, sans offrir aucune perspective de solutions. De nouveau, ces populations miséreuses et discriminées, cibles de nombreux stéréotypes éculés et de représentations stigmatisantes, sont instrumentalisées à des fins politiques. Loin de rétablir l’ordre républicain, cette politique entraîne plus d’injustice et plus de désordre, d’autant plus que l’obligation de toujours proposer des solutions de relogement, promesse électorale de François Hollande et mesure-clef de la circulaire interministérielle du 28 août 2012, n’est pas respectée.
Un terme doit être enfin mis à cette absurde et violente politique d’expulsions !
Ces actions sont en lien avec une non-rupture des discours. En effet, s’il n’y a heureusement pas eu de nouveau Discours de Grenoble, de nombreuses déclarations, venant de différents bords politiques, s’inscrivent dans la même veine. Par exemple, celles qui affirment que « les Roms ne souhaitent pas s’intégrer en France pour des raisons culturelles » et qu’ils ont « vocation à vivre en Roumanie » ont des relents nauséabonds. Elles signifient qu’il serait bien inutile d’intégrer des individus qui ne seraient que de passage dans notre pays, alors que ces Européens sont chez eux en France. Elles favorisent les silences qui accueillent les passages à l’acte violents, comme l’agression quasi-mortelle d’un Rom en juillet à Saint Denis ou la ratonnade anti-Roms à Marseille en septembre 2012, alors justifiée et soutenue par la sénatrice-maire Samia Ghali. Il est urgent qu’un discours républicain fort soit enfin porté par les plus hautes autorités de l’État, afin de rétablir le respect des valeurs de la République.
Ces actions sont également en lien avec une non-rupture des visions : la « Stratégie nationale d’intégration » des Roms, qui guide officiellement l’action du gouvernement, reste celle élaborée par Sarkozy. Par conséquent, ce sont des dizaines de millions d’euros du budget européen destinés à des projets d’insertion qui ne sont pas utilisés. Il est impératif qu’une stratégie digne de ce nom soit enfin définie, en concertation avec la société civile et dans une perspective d’intégration. Régler ces problèmes ne demande pas des moyens supplémentaires, mais simplement une volonté politique nette. La loi Alur sur le logement, qui fait notamment entrer l’habitat nomade des « gens du voyage » dans le droit commun, est à ce titre un exemple : préparée dans la concertation, elle montre comment il est possible de résoudre concrètement les problèmes les plus exposés médiatiquement.
Un certain renoncement politique pourrait aussi entraîner le maintien de la discriminatoire loi de 1969. Héritière de celle de 1912 relative au contrôle des nomades, qui avait notamment instauré des carnets anthropométriques et permis la persécution des tsiganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale, très partiellement censurée l’année dernière par le Conseil Constitutionnel, la loi de 1969 oblige toujours les gens du voyage à posséder des passeports intérieurs (titres de circulation) à faire viser régulièrement par les forces de l’ordre, et impose des quotas de population (3% maximum par commune).
Alors qu’elle a été officiellement présentée, la loi de suppression intégrale de la loi de 1969 pourrait voir son examen et son vote être repoussés à après les cantonales de septembre, autrement dit aux calendes grecques. En effet, la gauche, qui porte cette initiative, ne sera alors probablement plus majoritaire au Sénat, rendant impossible de fait son adoption. Ceux qui instrumentalisent les peurs et les haines contre les gens du voyage auraient alors gain de cause. La campagne des municipales ne doit pas être un alibi pour les reculades démocratiques ! La loi de 1969 doit être intégralement supprimée, c’est une urgence républicaine ! C’est pour porter ensemble toutes ces revendications marquées du sceau de la dignité et de l’égalité que nous vous engageons à nous rejoindre dimanche 6 octobre, place de la Bastille à Paris simultanément avec 15 pays, pour la troisième édition de la « Roma Pride – Jour pour la dignité des gens du voyage » !
Liste des signataires
Paul Max Morin, Directeur Exécutif du Mouvement Antiraciste Européen EGAM, Alain Daumas, Président de l’Union Française des Associations Tsiganes - UFAT, avec
Laurence Abeille (Députée du Val-de-Marne), Brigitte Allain (Députée de Dordogne), Fadela Amara (Ancienne Ministre de la Ville, Ancienne Présidente de Ni Putes Ni Soumises), Pouria Amirshahi (Député des Français de l’étranger – Maghreb/Afrique de l’Ouest), Sélim-Alexandre Arrad (Président des Jeunes Radicaux de Gauche), ASAV 92, Association Nationale des Gens du Voyage Catholique, Josiane Balasko (Réalisatrice , Actrice), Marius Bauer (Président de Latcho Drom), Antoine (Payou) Baptiste (Président de Gitans Languedoc-Roussillon), Patrick Baudouin (Président d’honneur de la FIDH), Antoine Becker (Président l’ANGV Rhône-Alpes), Jean Luc Benhamias (Député européen), Antoine Bernard (Directeur Général FIDH), Claudine Bouygues (Adjointe au Maire de Paris), Isabelle Brachet (Directrice des Opérations de la FIDH), Martial Brillant (Président de l’ANGVC Angers), Yago Briset (Président de Niglo Breizh), Isabelle Bruneau (Députée de l’Indre), Sarah Carmona (Présidente de Regards de Femmes Tsiganes), Roland Castro (Architecte), Laura Chatel (Sécrétaire Fédéral des Jeunes Ecologistes), Elie Chouraqui (réalisateur, producteur et scénariste), Bruce Clarke (Artiste plasticien), Collectif D’ailleurs nous sommes d’ici, Catherine Coquio (Professeur d’université - Paris 8), Sergio Coronado (Député des Français de l’étranger Amérique latine – Caraïbes), Christophe Cortez (Président des Gitans de Cavaillon), Christophe Cusol (Président de Le Niglo en Colère), Christophe Daumas (Président de Marriane Voyage), Jeanne Daumas (Présidente de Romnies), Maria de Franca (Directrice de la rédaction de La Règle du Jeu), Karima Delli (Députée européenne), Jean-Claude Dulieu (co-Président du MRAP), Isabelle Durant (Député européenne & Vice-Présidente du Parlement Européen), Laurent El Ghozi (Président de la FNASAT, Membre de RomEurope), Miran Faipi (Président de l’Union Des Roms De L’Ex- Yougoslavie En Diaspora), Eric Fassin (Sociologue, Université Paris 8), Gianfranco Fattorini (co-Président du MRAP), Jacqueline Fraysse (Députée des Hauts-de-Seine), Mariano Garcia (Président de Casa d’Espagne), Joël Giraud (Député des Hautes-Alpes), Génériques pour la mémoire de l’immigration, André Glucksman , (Philosophe et essayiste), Charles Goerens (Député européen), Sihem Habchi (Chercheuse laboratoire Éthique,Santé et Politique, Paris V. Ex-Présidente Ni Putes Ni Soumises), Jonathan Hayoun (Président de l’UEJF Union des Etudiants Juifs de France), Père Arthur (Prêtre), Pierre Henry (Directeur Général de France Terre d’Asile), Bernadette Hétier (co-Président du MRAP), Marcel Hognon (Président du Mouvement des intellectuels Tziganes), Francine Jacob (Déléguée France du Forum européen des Roms et des Gens du voyage au Conseil de l’Europe et Présidente de Jamais Sans Nous), Nicole Kill-Nielsen ( Député Européenne), Karim Lahidji (Président de la FIDH), Tony Lariviere (Président de Français du Voyage), Yvan Le Bolloc’h (Musicien), Patrick Le Hyaric (Directeur du journal « L’Humanité » et député européen), Renée Le Mignot (co-Président du MRAP), Cindy Léoni (Présidente de SOS Racisme), MC Solaar (Musicien), Antoine Madelin (Directeur des activités auprès des OIG), Raïf Maljoku (Président de Romano Phralipé), Noël Mamère (Maire de Bègles, Député de Gironde), Dr Jacky Mamou (ancien Président de Médecins du monde, Président du Collectif Urgence Darfour), Fernand Maraval (Président de Alerte L’indien), Sandrine Mazetier , Députée de Paris - Vice Présidente de l’Assemblée nationale, Pierre Ménager (Président de Entre Aide Gens du Voyage), Radu Mihaileanu (Cinéaste), José Moréno (Président ADPG), MJCF (Mouvement Jeunes Communistes de France), Lucas Nédelec (Sécrétaire Fédéral des Jeunes Ecologistes), Néziri (Metzo) Nedzmmedin (Président du Centre Culturel Des Pays Centraux Et Orientaux – CCPCO) , Séta Papazian (Présidente du Collectif VAN – Vigilance Arménienne contre le Négationnisme), Thierry Patrac (Président de l’Association Cultures et Traditions des Gitans du Grand Sud et de Génération Musique), Cindy Pétrieux (Présidente de la Confédération Etudiante), Jean-Luc Poueyto (anthropologue, Université de Pau et des Pays de l’Adour), Jose Pubil (Président des Gitans de France), Monique Rabin (Députée de Loire Atlantique), Maximilien Raguet , Président de la FIDL, Vincent Ritz (Président de Regards), Baptiste Riot (Président de Malki Tsigani), Barbara Romagnan (Députée du Doubs), Yohan Salles (Président de Gitans de Tarascon), Marceau Sivieude (Directeur Afrique de la FIDH), Gino Soles (Président de l’Association Culturelle Catalane), Dominique Sopo (Ancien président de SOS Racisme, Membre du Conseil National du Parti Socialiste), Joseph Stimbach (Président Chave Foun WINTA), Pierre Tartakowsky (Président de la Ligue des droits de l’Homme), Yves Ternon (Historien), Ara Toranian (Co-président du Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France (CCAF) et directeur de publication du magazine Nouvelles d’Arménie), Marie-Christine Vergiat (Députée européenne) Giorgi Viccini (Président du Comité pour le Respect Des Droit Des Tsiganes), Sasha Zanko (Président de Tchatchipen).
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30/09/2013
Antonio Gramsci , « Je hais l'indifférence »
Haïr l'indifférence, c'est à la fois haïr l'acceptation des choses comme elles vont et détester la confiance faite aux experts qui n'est autre que la paresse qui contribue au cours des choses quand elle ne se contente pas de la justifier.
Impossible de passer à côté de ce texte, de ne pas en tirer les conséquences.
« Je hais les indifférents. Je crois que « vivre signifie prendre parti ». Il ne peut exister seulement des hommes, étrangers à la cité. Celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen, et prendre parti. L’indifférence c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents.
L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient souvent les enthousiasmes les plus resplendissants, c’est l’étang qui entoure la vieille ville et la défend mieux que les murs les plus solides, mieux que les poitrines de ses guerriers, parce qu’elle engloutit dans ses remous limoneux les assaillants, les décime et les décourage et quelquefois les fait renoncer à l’entreprise héroïque.
L’indifférence œuvre puissamment dans l’histoire. Elle œuvre passivement, mais elle œuvre. Elle est la fatalité; elle est ce sur quoi on ne peut pas compter; elle est ce qui bouleverse les programmes, ce qui renverse les plans les mieux établis; elle est la matière brute, rebelle à l’intelligence qu’elle étouffe. Ce qui se produit, le mal qui s’abat sur tous, le possible bien qu’un acte héroïque (de valeur universelle) peut faire naître, n’est pas tant dû à l’initiative de quelques uns qui œuvrent, qu’à l’indifférence, l’absentéisme de beaucoup. Ce qui se produit, ne se produit pas tant parce que quelques uns veulent que cela se produisent, mais parce que la masse des hommes abdique devant sa volonté, laisse faire, laisse s’accumuler les nœuds que seule l’épée pourra trancher, laisse promulguer des lois que seule la révolte fera abroger, laisse accéder au pouvoir des hommes que seule une mutinerie pourra renverser. La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est pas pas autre chose justement que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme. Des faits mûrissent dans l’ombre, quelques mains, qu’aucun contrôle ne surveille, tissent la toile de la vie collective, et la masse ignore, parce qu’elle ne s’en soucie pas. Les destins d’une époque sont manipulés selon des visions étriquées, des buts immédiats, des ambitions et des passions personnelles de petits groupes actifs, et la masse des hommes ignore, parce qu’elle ne s’en soucie pas. Mais les faits qui ont mûri débouchent sur quelque chose; mais la toile tissée dans l’ombre arrive à son accomplissement: et alors il semble que ce soit la fatalité qui emporte tous et tout sur son passage, il semble que l’histoire ne soit rien d’autre qu’un énorme phénomène naturel, une éruption, un tremblement de terre dont nous tous serions les victimes, celui qui l’a voulu et celui qui ne l’a pas voulu, celui qui savait et celui qui ne le savait pas, qui avait agi et celui qui était indifférent. Et ce dernier se met en colère, il voudrait se soustraire aux conséquences, il voudrait qu’il apparaisse clairement qu’il n’a pas voulu lui, qu’il n’est pas responsable. Certains pleurnichent pitoyablement, d’autres jurent avec obscénité, mais personne ou presque ne se demande: et si j’avais fait moi aussi mon devoir, si j’avais essayé de faire valoir ma volonté, mon conseil, serait-il arrivé ce qui est arrivé? Mais personne ou presque ne se sent coupable de son indifférence, de son scepticisme, de ne pas avoir donné ses bras et son activité à ces groupes de citoyens qui, précisément pour éviter un tel mal, combattaient, et se proposaient de procurer un tel bien.
La plupart d’entre eux, au contraire, devant les faits accomplis, préfèrent parler d’idéaux qui s’effondrent, de programmes qui s’écroulent définitivement et autres plaisanteries du même genre. Ils recommencent ainsi à s’absenter de toute responsabilité. Non bien sûr qu’ils ne voient pas clairement les choses, et qu’ils ne soient pas quelquefois capables de présenter de très belles solutions aux problèmes les plus urgents, y compris ceux qui requièrent une vaste préparation et du temps. Mais pour être très belles, ces solutions demeurent tout aussi infécondes, et cette contribution à la vie collective n’est animée d’aucune lueur morale; il est le produit d’une curiosité intellectuelle, non d’un sens aigu d’une responsabilité historique qui veut l’activité de tous dans la vie, qui n’admet aucune forme d’agnosticisme. et aucune forme d’indifférence.
Je hais les indifférents aussi parce que leurs pleurnicheries d’éternels innocents me fatiguent. Je demande à chacun d’eux de rendre compte de la façon dont il a rempli le devoir que la vie lui a donné et lui donne chaque jour, de ce qu’il a fait et spécialement de ce qu’il n’a pas fait. Et je sens que je peux être inexorable, que je n’ai pas à gaspiller ma pitié, que je n’ai pas à partager mes larmes. Je suis partisan, je vis, je sens dans les consciences viriles de mon bord battre déjà l’activité de la cité future que mon bord est en train de construire. Et en elle la chaîne sociale ne pèse pas sur quelques uns, en elle chaque chose qui se produit n’est pas due au hasard, à la fatalité, mais elle est l’œuvre intelligente des citoyens. Il n’y a en elle personne pour rester à la fenêtre à regarder alors que quelques uns se sacrifient, disparaissent dans le sacrifice; et celui qui reste à la fenêtre, à guetter, veut profiter du peu de bien que procure l’activité de peu de gens et passe sa déception en s’en prenant à celui qui s’est sacrifié, à celui qui a disparu parce qu’il n’a pas réussi ce qu’il s’était donné pour but.
Je vis, je suis partisan. C’est pourquoi je hais qui ne prend pas parti. Je hais les indifférents.»
11 février 1917
Traduit de l’italien par Olivier Favier.
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26/09/2013
Valls-Manuel-police-francaise
Ceux qui ont pu voir "Lacombe Lucien", un film de Louis Malle sorti en 1974, auront pu rapprocher le profil psychanalytique de l'actuel ministre de l'intérieur avec celui du personnage éponyme qui se présente toujours de la même façon : Lacombe-Lucien-police-allemande
Najat Vallaud-Belkacem, a assuré avec angélisme "qu'il - Valls-Manuel-police-francaise - avait le soutien du gouvernement, car il porte la politique gouvernementale en la matière (la "matière" étant les Roms !!!) "avec fermeté et humanité". Quand aux autres "grands serviteurs de l’État", solidarité clanique oblige, personne ne les entendra, pas même Hamon ou Taubira, ou si peu, comme Montebourg qui,le petit doigt en l'air, juge "excessifs" les propos de son collègue et néanmoins ami.
Faut-il être psychorigide et attaché à son plan de carrière pour ne pas se désolidariser de ce petit flic imbu de lui même qui se justifie de l'immonde qu'il véhicule ! Même Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, l'accuse de brandir le spectre des Roms pour des raisons électorales.... Encore pourra-t-il sans doute changer de bouc-émissaire en stigmatisant d'autres communautés pourvu que celles-ci soient minoritaires et dans le viseur d'un lumpenprolétariat en effervescence tourneboulé par l'indifférence et la frustration.
On peut le dire sur tous les tons, ces gens-là, Valls & C°, ne changeront jamais. Quand bien même seraient-ils capables de la défendre avec des arguments réels ou simplement plausibles, leur logique est d'un "autre monde", immonde et absurde. Elle est à la base du pourrissement de l'idéal socialiste. Par pure psychorigidité carriériste et suicidaire.
«
...Manuel Valls nourrit la bête immonde
24 septembre 2013 / Philippe Marlière - Mediapart.fr
Manuel Valls est un personnage politique dont les idées sont insignifiantes à gauche. En effet, ce qu’il dit ou promeut est incompatible avec les valeurs d’égalité, de solidarité, de fraternité et de tolérance que porte la gauche.
(...)
Le ministre de l’Intérieur a beau porter les couleurs du Parti socialiste, tout dans ses propos et son action le marque à droite : une droite dure, celle des Sarkozy et Guéant avec qui il partage la même appétence pour les politiques économiques néolibérales (Valls confesse être un admirateur de Tony Blair) et pour les rodomontades répressives.
Si j’étais un militant de ce parti, je me garderais de confier à Manuel Valls la direction d’une section locale du PS, tant je redouterais que son action ne la déshonore. Peine perdue : Manuel Valls n’est pas à la tête d’une section socialiste, mais il dirige le ministère de l’Intérieur de la république française. C’est à ce poste extrêmement sensible, au sein d’un gouvernement de gauche, qu’il prolonge les politiques sécuritaires de MM. Sarkozy et Guéant.
Ce qui motive ce nouveau billet, ce sont les propos que Manuel Valls a tenus sur les Roms ce matin sur France Inter. À cette occasion, un pas supplémentaire a été franchi dans l’horreur et l’indignité. Renchérissant l’UMP et le FN qui font de la « question Roms » un thème majeur de la campagne municipale, le ministre de l’Intérieur a affirmé que l’intégration de ces populations est « illusoire » et que le « démantèlement des campements » et la « reconduite à la frontière » sont les seules solutions valables à ses yeux.
Manuel Valls avait pourtant mis en place des « villages d’insertion » en août 2012. Un an plus tard, Valls le conformiste choisit de chasser le Rom avec la meute et considère dorénavant qu’il s’agit d’une mesure « marginale », qui ne concerne que « quelques familles ».
Valls préconise la reconduite aux frontières des Roms, insistant sur le fait que ces populations « ont vocation à revenir en Bulgarie ou en Roumanie ». Il faudra rappeler au ministre de l’Intérieur qu’en janvier 2014, la Bulgarie et la Roumanie entreront dans l’espace de Schengen. L’expulsion manu militari de ressortissants d’États membres d’une zone de libre circulation des personnes n’est pas laissée à la discrétion d’un ministre parti à la chasse aux voix.
Mais il y a pire : Valls a affirmé, lors de cet entretien, qu’il existait une corrélation entre délinquance et présence de Roms, indiquant qu’il s’agissait là d’une « évidence ». Selon lui, le lien entre la « proximité des campements et les vols » ne faisait aucun doute. Il s’agit de l’évidence du préjugé raciste, de l’amalgame et de la pensée beauf, assurément, puisqu’aucune statistique nationale n’a jamais établi une telle corrélation. Manuel Valls a d’ailleurs reconnu qu’il n’en savait rien. Et pour cause : la police française ne peut pas relever les origines ethniques des délinquants. Les chiffres incriminant la population Rom n’existent donc pas.
Pratiquant un différentialisme culturel très en vogue dans le Front national depuis les années 80, Valls a conclu que « ces populations » ont « des modes de vie extrêmement différents des nôtres » ; les deux étant « en confrontation ». Manuel Valls a le « courage » de suivre l’extrême droite et la droite sarkozyste à la trace, voire de leur ouvrir le chemin. Quand Valls assène : « Les politiques de sécurité ne sont ni de droite, ni de gauche », il faut entendre : « Les politiques de sécurité en vogue sont de droite ; je suis donc de droite ».
En stigmatisant de la sorte la population Roms, il se déporte sur la droite de Marine Le Pen qui est marginalement plus prudente que lui sur le plan oratoire. Anne Hidalgo a qualifié d’« indignes » des propos similaires sur les Roms de Nathalie Kosciusko-Morizet. Hidalgo a ajouté que « Paris a des valeurs, on ne stigmatise pas une population ». Son camarade Valls n’a pas ce type de scrupules. Comment va-t-elle réagir aux propos de son collègue ? Va-t-elle réagir ?
A la suite de cette énième sortie terrifiante de la part du ministre, trois questions méritent d’être posées et débattues :
1) Faut-il rappeler à Manuel Valls, d'origine étrangère comme des millions de ses concitoyens, que la France est un pays d'immigration et un melting pot culturel et ethnique ? L'intégration n'est pas « illusoire », mais un fait, quand on s'en donne les moyens politiques.
2) Des « indices » permettent de conclure à l’existence d’un discours vallsien qui est ethniquement différentialiste et culturellement intolérant. Ce type de discours est-il compatible avec les valeurs universalistes de la République française ?
3) En Grèce les nazis d’Aube dorée, après avoir tenu dans un premier temps un discours d’exclusion raciste, sont aujourd’hui passés à l’acte. Depuis plusieurs mois, ils ratonnent et tuent des immigrés et des militants antifascistes en toute impunité. Dans le climat de crise généralisée en Europe, est-il responsable de la part d’un ministre de l’Intérieur de jeter en pâture une population fortement stigmatisée et rejetée ? Faudra-t-il attendre les premières ratonnades anti-Roms en France pour apporter une réponse à cette question ?
»
http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/230813/manuel-valls-le-conformiste
22/09/2013
Autour d'Arezki
Le 16 mars 2012, Arezki BENOUALI 14 ans, était agressé place St Sauveur à Manosque au seul prétexte qu’il portait ce jour-là un tee-shirt imprimé aux couleurs de l’Algérie.
Voir Art. Mediapart / P. Guerrini
Plus d’un an s’est écoulé sans que les blessures physiques et morales infligées à cet adolescent n’aient pu se refermer. Il doit aujourd’hui surmonter un handicap physique et, pardessus tout, un profond sentiment d’injustice né de la désinvolture avec laquelle on a considéré les torts qui lui avaient été faits, un profond sentiment d’injustice né aussi de l’indulgence dont a bénéficié jusqu’ici son agresseur.
« Bienvenu Arezki
Les yeux levés vers les merveilles de ton pays
Chaque jour tu révèles
Les trésors du métissage France Algérie »
Aujourd’hui, nous devons aider Arezki à se reconstruire et lui témoigner toute notre solidarité. Nous devons aussi éviter que ce témoignage soit récupéré et serve de caution à toute radicalisation visant à dresser une communauté contre une autre.
Au-delà du cas personnel d’Arezki, il est indispensable de dénoncer l’irresponsabilité, la légèreté coupable, avec laquelle peuvent être traitées ces actes à connotation raciste qui se multiplient. Il est indispensable de refuser fermement leur banalisation et leur instrumentalisation à des fins politiques ou partisanes.
Rien, strictement rien ne pouvant jamais légitimer un acte raciste, rien ne saurait justifier que l’on ignore les causes de l’humiliation ressentie par celles et ceux qui en sont les victimes.
Ligue des Droits de l’Homme de Manosque ;
Assemblée citoyenne de Manosque ;
Collectif de Résistance et d’Initiative Populaire
Lire aussi le beau texte de Xavier Lainé écrit pour la circonstance et lu en public le 22 septembre à l'heure du rassemblement pacifique qui s'est tenu Porte Saunerie à Manosque.
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19/09/2013
"Laissez-nous soigner en Syrie"
Les conférences sur la Syrie ne sont perturbées que par le clapotis des intérêts agités par les ambassades. Intérêts militaires, géostratégiques, confessionnels ou petitement « fondés » sur des réputations sondagières locales n’ayant que faire des souffrances humaines dont ils sont la cause.
« Plus de deux millions de réfugiés, des millions de personnes déplacées, la destruction de nombreuses infrastructures… Les mesures allant dans le sens de l’allégement des souffrances doivent également être défendues par la communauté internationale. »
On ne peut que souscrire à l’appel de 55 médecins du monde entier, originaires de 25 pays, qui ont publié une lettre ouverte «Laissez-nous soigner en Syrie» par laquelle ils demandent au gouvernement syrien et à l’opposition armée de lever les restrictions totales qui pèsent de manière injustifiée sur l’accès humanitaire dans le pays.
Au moment où les grandes puissances discutent d’un projet de résolution à l’ONU, il est plus que nécessaire de prendre en compte les termes de cette lettre et de mettre au centre des préoccupations la formidable crise humanitaire que connaît la Syrie.
Le texte de cette lettre a été publié par The Lancet :
« Le conflit en Syrie a débouché sur l’une des pires crises humanitaires depuis la fin de la Guerre froide. Plus de 100 000 personnes ont été tuées, pour la plupart des civils, beaucoup d’autres ont été blessées, torturées. Des millions ont fui, des familles ont été divisées et des communautés entières déchirées. Ne laissons pas les discussions sur une intervention militaire occulter notre devoir de les aider.
En tant que médecins du monde entier, nous sommes horrifiés par l’ampleur de cette urgence. Le manque d’accès aux soins pour les civils et le ciblage délibéré des hôpitaux et du personnel médical nous consternent. Il ne s’agit pas de conséquences inévitables ou tolérables de la guerre. Ce sont des trahisons inadmissibles du principe de neutralité médicale. Il est de notre devoir professionnel, éthique et moral de dispenser des soins à quiconque en a besoin. C’est pourquoi, quand nous ne pouvons le faire nous-mêmes, nous nous devons d’exprimer notre soutien envers ceux qui risquent leur vie à notre place.
L’accès indispensable des civils aux services de santé est presque impossible : 37 % des hôpitaux ont été détruits, 20 % sont sérieusement endommagés. Les dispensaires de fortune deviennent des centres de traumatologie à part entière, peinant à faire face à l’afflux de blessés. Quelque 469 professionnels de santé sont emprisonnés. Avant la guerre, Alep comptait 5 000 médecins, il n’en resterait que 36.
L’augmentation exponentielle du nombre de malades est une conséquence directe du conflit, mais elle résulte aussi de la détérioration du système de santé public syrien, autrefois sophistiqué, et de l’absence de soins curatifs et préventifs appropriés. D’horribles blessures restent sans soins, des femmes accouchent sans aide médicale, adultes et enfants sont opérés sans anesthésie. Les victimes de violences sexuelles n’ont personne vers qui se tourner. La population syrienne est exposée aux épidémies d’hépatite, de rougeole, de typhoïde et de diarrhée aiguë. Dans certaines zones, les enfants nés depuis le début du conflit n’ont pas été vaccinés. Les patients atteints de maladies chroniques comme le cancer et le diabète ne peuvent recevoir leurs traitements vitaux de longue durée.
Confronté à d’énormes besoins et à des conditions dangereuses, le personnel médical syrien est pourtant celui qui dispense l’essentiel des soins aux civils. Les restrictions gouvernementales, conjuguées à la rigidité du système international d’aide humanitaire, aggravent la situation. En conséquence, de vastes régions de la Syrie sont complètement coupées de toute forme d’assistance médicale.
Les professionnels de santé sont tenus de soigner du mieux qu’ils le peuvent quiconque en a besoin. Toute personne blessée ou malade doit pouvoir accéder à un traitement médical. C’est pourquoi, en tant que médecins, nous demandons d’urgence que nos confrères en Syrie soient autorisés et aidés à sauver des vies et à soulager les souffrances sans crainte d’attaques ou de représailles.
Nous appelons le gouvernement syrien et toutes les parties au conflit à respecter la neutralité médicale et à ne pas attaquer les hôpitaux, les ambulances, les médicaments, le personnel médical et les patients ; le gouvernement syrien doit traduire en justice les auteurs de ces violations conformément aux normes internationales.
Les gouvernements alliés des parties au conflit doivent exiger que celles-ci cessent leurs attaques contre l’aide médicale et qu’elles permettent son acheminement jusqu’aux Syriens, par-delà les lignes de front et à travers les frontières syriennes.
L’ONU doit intensifier son soutien aux réseaux médicaux syriens, tant dans les zones gouvernementales que dans celles contrôlées par l’opposition, où, depuis le début du conflit, le personnel médical risque sa vie pour apporter des soins indispensables. »
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18/09/2013
Roms, Croix, idées reçues
Le CNDH Romeurope condamne avec force les déclarations meurtrières du Maire de Croix dans le Nord, qui sont non seulement irresponsables, mais contraires à la loi. Le Collectif apportera son soutien aux associations anti-racistes qui porteraient plainte contre ces propos.
Le CNDH Romeurope rappelle qu’il a publié récemment une brochure pour lutter contre les idées reçues [1] à l’égard des migrants Roms en situation précaire, à disposition de l’ensemble des citoyens, des candidats aux élections municipales et responsables politiques afin de savoir de qui on parle et lutter ainsi contre les discriminations. Il s’agit d’un outil pédagogique, particulièrement utile dans des périodes où certains représentants politiques visent une population, en raison d’une origine ethnique réelle ou supposée, en exprimant des propos racistes et incitant à un déchainement de violences à leur encontre. Cibler des boucs émissaires se révèle être une stratégie électoraliste à courte vue et contraire aux valeurs de la République. C’est un comportement irresponsable qui menace la cohésion sociale dans notre pays. Nos élus doivent donner l’exemple !
Nous sommes et serons particulièrement vigilants durant cette période aux propos d’élus ou de candidats qui font et feront le choix d’un discours de haine. Nous attendons du Gouvernement depuis longtemps une parole forte, et des responsables des partis politiques qu’ils assument une même ligne républicaine en sanctionnant ces propos publiquement.
Paris, le 17 septembre 2013
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16/09/2013
Chili 1973 - Syrie 2013
Droit d’asile ?
Autre temps, autres mœurs .... Quand, le 11 septembre 1973, le coup d’État militaire de Pinochet abat le gouvernement légitime au Chili, la société civile française s’émeut et se mobilise. Près de 500 000 Chiliens vont devoir s’enfuir. Les formations de la gauche française, y compris le Parti socialiste [1], demandent au président Pompidou de déclarer que la France est prête à offrir l’asile aux exilés chiliens. Dix à quinze mille y trouveront refuge. Avec la Suède, la France devient le principal pays d’accueil en Europe et reconnaît avec largesse le statut de réfugié à celles et à ceux qui le sollicitent.
Quarante ans plus tard, la Syrie est à feu et à sang. Plus de deux millions de Syriens ont fui la guerre civile. Tandis que la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Irak sont débordés par les arrivées de réfugiés, l’Europe, à l’exception de la Suède, leur oppose contingentement de visas et barrières policières. Et la France, dont le ministre des Affaires étrangères déclare que « la tragédie syrienne peut être la pire catastrophe humanitaire de ce début de siècle » et dont le Président est prêt à s’engager dans une intervention militaire pour punir un régime qui s’attaque aux populations civiles de son pays, justifie cette politique par la saturation de son dispositif d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile...
On s’emploie donc, en amont, à éviter les demandes d’asile. C’est dans ce but que le gouvernement a décidé en janvier 2013, en toute discrétion, d’imposer un « visa de transit aéroportuaire » (« VTA ») à celles et à ceux qui, devant transiter par un aéroport français, profiteraient d’une escale pour solliciter une protection. [2]
Quant à la pincée de Syriens qui ont réussi à entrer dans l’Hexagone, si une partie obtient assez aisément le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, beaucoup, empêchés de s’adresser à la France par le Règlement « Dublin 2 », finissent par gagner Calais d’où ils espèrent fuir un pays qui déploie son hostilité à leur encontre. Ils sont pourchassés jusque dans les squats insalubres où on les a condamnés à se cacher.
Autre temps, autres mœurs. Quarante ans après avoir apporté un soutien actif aux Chiliens, la société civile française n’a pas bronché. L’Union européenne non plus, qui ne songe même pas à offrir aux Syriens la « protection temporaire » prévue en cas d’afflux massif du fait d’un conflit. Pas plus qu’elle ne l’avait offerte aux Afghans, aux Irakiens et aux milliers d’Africains qui, en 2011, ont dû fuir la Libye.
À quarante ans de distance, la France et l’Europe sont devenues incapables de la moindre solidarité à l’égard des femmes et des hommes victimes de persécutions. L’« espace de liberté, de sécurité et de justice », censé caractériser l’Europe, et dans lequel l’asile serait un élément central, n’existe que pour la galerie. A la différence des Chiliens d’antan, les Syriens d’aujourd’hui peuvent mourir à ses portes sans qu’elle s’en soucie.
Le 11 septembre 2013
Organisations signataires :
Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR), Centre Primo Levi, Collectif de soutien des exilés (Paris), Dom’Asile, Fédération des associations de solidarité avec les travailleur•e•s immigré•e•s (Fasti), Groupe d’information et de soutien des immigré•e•s (Gisti), Jesuit Refugee Service (JRS) France, la Cimade, la Marmite aux idées (Calais), Ligue des droits de l’Homme, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Réseau Éducation sans frontières (RESF), Terre d’errance Norrent-Fontes (Pas-de-Calais)
[1] Ce dont se félicite l’Institut François Mitterrand. Voir « Le parti socialiste français face à l’expérience de l’Unité Populaire chilienne », la Lettre n° 23, mars 2008
[2] Voir : « Quand la France tente d’empêcher les Syriens de fuir »
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11/09/2013
Obama et son âne
Admettons que la menace de frappes militaires brandie par Obama et son âne européen ait obligé la Russie à sortir de sa position de blocage pour demander à son client, le boucher Assad, de renoncer à "son" arsenal chimique. Et après…
Et après comment, sous le tir d’armes lourdes continuant de cracher la mort ; dans un pays en sang où l’on ne reconnaît sans doute plus ni les uniformes, ni les factions ; comment peut-on sans rire prétendre démanteler des armes chimiques alors qu’elles n’ont pas été localisées, ni quantifiées et que leurs utilisateurs ne prendront sûrement pas la main des «observateurs internationaux» pour leur expliquer où ils les ont entreposées.
Comment peut-on se féliciter d’avoir obtenu un résultat aussi minimaliste puisque le jeu de massacre continue sous les fenêtres de l'ONU ?
Le coup diplomatique de Poutine, dont il pourra cyniquement tirer fierté et reconnaissance auprès de ses partenaire du G20, aura seulement permis à ces derniers de se sortir d’un faux pas sans se désavouer publiquement. Du moins en sont-ils persuadés !
Un coup de bluff qui masque et couvre de fausses indignations sur le dos de populations qui n’auront même pas eu la ressource de trouver asile et refuge auprès de ceux qui prétendent encore les défendre.
Jusqu'à quand ?
Si tous les crimes contre l’humanité devaient être jugés, il faudrait doubler les effectifs et les heures d’ouverture de la Cour pénale internationale !
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11 septembre 1973
Le 11 septembre 1973 : coup d'état au Chili.
Víctor Jara Martínez (San Ignacio, région du Biobío, 28 septembre 1932 - Santiago, 16 septembre 1973) était un chanteur auteur-compositeur-interprète populaire chilien.
Membre du Parti communiste chilien, il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité Populaire et du président Salvador Allende.
Arrêté par les militaires lors du coup d'État du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (aujourd'hui Estadio Víctor Jara) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. Il y écrit le poème Estadio de Chile qui dénonce le fascisme et la dictature. Ce poème est resté inachevé car Víctor Jara est rapidement mis à l'écart des autres prisonniers. Il est assassiné le 15 septembre après avoir eu les doigts coupés par une hache.
Le 9 septembre : DERNIER DISCOURS DE SALVADOR ALLENDE A LA RADIO NATIONALE
"Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées.
Le Peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer, mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. À propos de ceux qui ont soi-disant « autoproclamé » la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d'une façon insensée et douteuse mené le Chili dans le gouffre. Dans l'intérêt suprême du Peuple, au nom de la patrie, je vous exhorte à garder l'espoir. L'Histoire ne s'arrête pas, ni avec la répression, ni avec le crime. C'est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu'ils nous écrasent, mais l'avenir appartiendra au Peuple, aux travailleurs. L'humanité avance vers la conquête d'une vie meilleure.
Compatriotes, il est possible de faire taire les radios, et je prendrai congés de vous. En ce moment des avions sont en train de passer, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous sommes là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu'au bout. Moi, je le ferai, mandaté par le Peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.
C'est certainement la dernière occasion que j'ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu'ils ont prêté. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l'Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd'hui s'est nommé Commandant Général des armées.
Face à ces évènements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au Peuple. Je vous dis que j'ai la certitude que la graine que l'on a confiée au Peuple chilien ne pourra pas être détruite définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir, ils mais n'éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force.
L'Histoire est à nous, c'est le Peuple qui la fait.
Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez accordé à un homme qui fut le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir respecté la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous dire, c'est que la leçon sera retenue.
Le capital étranger, l'impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions : celles que montrent Scheider et qu'aurait réaffirmé le commandant Araya. C'est de chez lui, avec l'aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges.
Je voudrais m'adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous, à l'ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m'adresse aux fonctionnaires, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d'État, contre ceux qui ne défendent que les avantages d'une société capitaliste. Je m'adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m'adresse aux Chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes faisant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs, face au silence de ceux qui avaient l'obligation d'intervenir. L'Histoire les jugera.
Ils vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m'écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d'un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le Peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs : j'ai confiance dans le Chili et dans son destin. D'autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s'imposerait. Allez de l'avant sachant que bientôt s'ouvriront de grandes avenues où passera l'homme libre pour construire une société meilleure.
Vive le Chili, vive le Peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j'ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu'au moins surviendra une punition morale pour la lâcheté et la trahison."
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09/09/2013
La Syrie et la mort
Extrait d’un poème, comme un cri de la poétesse irakienne Nazik Al-Malaika.
Gifle stridente sur le visage des fauteurs de guerre, la réalité que ce cri recouvre devrait crever leurs tympans. Leur argumentation piteuse consiste à faire croire aux vertus humanitaires de leurs arsenal militaire qui ne disparaîtra que «dans le silence cruel de l’éternité où la mort devient remède» sans égard pour les êtres humains qui ne savent où trouver refuge.
L’aube s’est levée
Écoute bien le bruit des pas de ceux qui sont en marche
Dans le silence de l’aube, prête attention aux processions en pleurs
Dix, vingt morts
Ne cherche pas à les dénombrer, écoute ceux qui pleurent.
Entends la voix du pauvre enfant
Des morts, des morts, ils sont morts en nombre
Des morts, des morts, il n’y a plus de demain
Partout un corps que pleure un affligé
Pas un instant d’éternité, pas de silence
Voilà ce qu’a fait la main de la mort
La mort, la mort, la mort
L’humanité se plaint, se plaint de ce qu’a commis la mort
Le choléra
Dans l’horreur de la caverne, parmi les corps
Dans le silence cruel de l’éternité où la mort devient remède
Le mal du choléra s’est réveillé.
Haineux, prêt à bondir, il s’élance,
Il dévale la vallée riante, éclatante
Il crie, déchaîné et furieux,
Sans écouter le bruit de ceux qui pleurent.
Partout ses griffes ont laissé derrière lui des morts ;
Dans la cabane du paysan, à la maison,
Rien d’autre que les cris de la mort
La mort, la mort, la mort
Sous la forme du choléra, la mort se venge.
Le silence est persistant
Rien d’autre que le retour des « Dieu est grand » ...
Même le fossoyeur a baissé les bras, il n’y a plus d’auxiliaire.
La mosquée, son muezzin est mort,
Et le mort, qui en fera-t-il l’oraison funèbre ?
Il ne reste plus que des pleurs et des gémissements
L’enfant, sans père ni mère,
Pleure d’un cœur dévasté :
Demain, nul doute, la maladie mauvaise le dévorera.
O spectre du choléra, tu n’as rien laissé,
Rien, sinon les affres de la mort,
La mort, la mort, la mort.
O Égypte, ce qu’a fait la mort m’a déchiré le cœur.
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08/09/2013
Propagande de guerre, principes élémentaires
Principes élémentaires de propagande de guerre, (utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède...) est un livre de Anne Morelli paru en 2001. A lire sans arrière pensée, avec un œil sur l'actualité.
Les dix « commandements » que propose Anne Morelli dans cet ouvrage sont avant tout une grille d’analyse qui se veut pédagogique et critique. Elle n’a pas pour but de prendre parti, ou de prendre la défense des « dictateurs », mais de constater la régularité de ces principes dans le champ médiatique et social. Au ban des accusés, on retrouve tant les vaincus que les vainqueurs.
« Je ne tenterai pas de sonder la pureté des intentions des uns ou des autres. Je ne cherche pas ici à savoir qui ment et qui dit la vérité, qui est de bonne foi et qui ne l’est pas. Mon seul propos est d’illustrer les principes de propagande, unanimement utilisés, et d’en décrire les mécanismes. »
Il est néanmoins indéniable que depuis les dernières guerres qui ont marqué notre époque (Kosovo, guerre du Golfe, Afghanistan, Irak) ce sont nos démocraties occidentales et le champ médiatique qui leur correspond qui sont mis en question.
Anne Morelli réactualise, grâce à ce petit manuel du citoyen critique, des formes invariables pour des contenus divers. La propagande s’exerce toujours via les mêmes invariants quelle que soit la guerre, d’où la grande pertinence de la grille proposée. Il semble également essentiel dans cette introduction de citer Lord Ponsonby qu’Anne Morelli remercie dès les premières pages de son ouvrage. En effet, Ponsonby a largement contribué à l’élaboration des principes. Lord Ponsonby était un travailliste anglais qui s’était radicalement opposé à la guerre. Déjà durant la Première Guerre mondiale, il s’illustre par divers pamphlets et finit par écrire un livre sur ces mécanismes de propagande. Livre qu’Anne Morelli reprend, réactualise et systématise en dix principes élémentaires.
Nous ne voulons pas la guerre
« Arthur Ponsonby avait déjà remarqué que les hommes d'État de tous les pays, avant de déclarer la guerre ou au moment même de cette déclaration, assuraient toujours solennellement en préliminaire qu'ils ne voulaient pas la guerre . » La guerre n’est jamais désirée, elle n’est que rarement vue comme positive par la population. Avec l’avènement de nos démocraties, le consentement de la population devient essentiel, il ne faut donc pas vouloir la guerre et être un pacifiste dans l’âme. À la différence du Moyen Âge, où l’avis de la population n’avait que peu d’importance et la question sociale n’était pas substantielle. « Ainsi déjà le gouvernement français mobilise tout en proclamant que la mobilisation n’est pas la guerre mais, au contraire, le meilleur moyen d’assurer la paix. » « Si tous les chefs d'État et de gouvernements sont animés de semblables volontés de paix, on peut évidemment se demander innocemment pourquoi, parfois (et même souvent), des guerres éclatent tout de même ? » Mais le second principe répond à cette question.
Le camp adverse est le seul responsable de la guerre
Ce deuxième principe émane du fait que chaque camp assure avoir été contraint de déclarer la guerre pour empêcher l’autre de détruire nos valeurs, mettre en péril nos libertés, ou même nous détruire totalement. C’est donc l’aporie d’une guerre pour mettre fin aux guerres. On en arrive presque à la mythique phrase de George Orwell « War is Peace ». Ainsi, les États-Unis ont été « contraints » de faire la guerre contre l’Irak qui ne leur a pas laissé le choix. Nous ne faisons donc que « réagir », nous défendre des provocations de l’ennemi qui est entièrement responsable de la guerre à venir. « Ainsi déjà, Daladier dans son « appel à la nation » - faisant l’impasse sur les responsabilités françaises dans la situation créée par le traité de Versailles – assure le 3 septembre 1939 : l’Allemagne avait déjà refusé de répondre à tous les hommes de cœur dont la voix s’était élevée ces temps derniers en faveur de la paix du monde. […] Nous faisons la guerre parce qu’on nous l’a imposée. » » Ribbentrop justifie la guerre contre la Pologne en ces termes ; « Le Führer ne veut pas la guerre. Il ne s’y résoudra qu’a contrecœur. Mais ce n’est pas de lui que dépend la décision en faveur de la guerre ou de la paix. Elle dépend de la Pologne. Sur certaines questions d’un intérêt vital pour le Reich, la Pologne doit céder et faire droit à des revendications auxquelles nous ne pouvons renoncer. Si elle s’y refuse, c’est sur elle que retombera la responsabilité d’un conflit, et non sur l’Allemagne. » On a pu également lire lors de la Guerre du golfe dans Le Soir du 9 janvier 1991 : « La paix que tout le monde désire plus que tout, ne peut pas se bâtir sur de simples concessions à un acte de piraterie. (…) La balle étant essentiellement, faut-il le dire dans le camp de l’Irak. » Idem pour la guerre en Irak, ainsi avant que la guerre ne commence, Le Parisien titrait le 12 septembre 2002 : « Comment Saddam se prépare à la guerre ».
Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l'affreux de service »)
« On ne peut haïr un groupe humain dans son ensemble, même présenté comme ennemi. Il est donc plus efficace de concentrer cette haine de l’ennemi sur le leader adverse. L’ennemi aura ainsi un visage et ce visage sera bien évidemment odieux. »
« Le vainqueur se présentera toujours (voir Bush ou Blair récemment) comme un pacifiste épris de conciliation mais acculé par le camp adverse à la guerre.
Ce camp adverse est bien sûr dirigé par un fou, un monstre (Milosevic, Ben Laden, Saddam Hussein, ...) qui nous défie et dont il convient de débarrasser l'humanité. »
La première opération d’une campagne de démonisation consiste donc à réduire un pays à un seul homme. À faire donc comme si personne ne vivait en Irak, que seul Saddam Hussein, sa « redoutable » garde républicaine et ses « terribles » armes de destruction massive vivent là-bas. Personnaliser ainsi le conflit est très typique d’une certaine conception de l’histoire, qui serait faite par des « héros », l’œuvre des grands personnages. Conception de l’histoire qu’Anne Morelli refuse en écrivant inlassablement sur les « laissés pour compte » de l’histoire légitime. Cette vison est particulièrement idéaliste et métaphysique en que l’histoire est le fruit des idées de ses « grand » hommes. À cette conception de l’histoire s’oppose un conception dialectique et matérialiste qui définit l’histoire en termes de rapports et de mouvements sociaux.
Ainsi l’adversaire est qualifié de tous les maux possibles. Il en va de son physique à ses mœurs sexuelles. Ainsi, Le Vif-L'Express du 2 au 8 avril 1999 présente « L’effroyable Milosevic ». « Le Vif-L’Express ne cite aucun discours aucun écrit du « maître de Belgrade » mais par contre relève ses sautes d’humeur anormales, ses explosions de colère, maladives et brutales : Quand il était en colère, son visage se tordait. Puis, instantanément, il recouvrait son sang-froid. » Ce type de démonisation n’est d’ailleurs pas utilisé uniquement pour la propagande de guerre (comme tous les autres principes d’ailleurs.) Ainsi, Pierre Bourdieu rapportait qu’aux États-Unis, nombre d’enseignants universitaires, excédés de la popularité de Michel Foucault dans leurs collèges, écrivaient bon nombre de livres sur la vie intime de l’auteur. Ainsi, Michel Foucault, « l’homosexuel masochiste et fou » avait des pratiques « contre-nature », « scandaleuses » et « inacceptables. ». Par ce biais, il n’y a donc pas besoin de débattre la pensée de l’auteur ou les discours d’un homme politique, mais le réfuter sur des jugements moraux relatifs aux soi-disant pratiques de l’individu.
C'est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers
Les buts économiques et géopolitiques de la guerre doivent être masqués sous un idéal, des valeurs moralement justes et légitimes. Ainsi on pouvait déjà entendre George Bush père déclarer « Il y a des gens qui ne comprennent jamais. Le combat ne concerne pas le pétrole, le combat concerne une agression brutale » ou Le Monde le 22 janvier 1991 : « Les buts de guerre américains et français sont d’abord les buts du Conseil de sécurité. Nous sommes là en raison des décisions prises par Conseil de sécurité et l’objectif essentiel, c’est la libération du Koweït. » En fait, dans nos sociétés modernes, à la différence de Louis XIV, une guerre ne peut se réaliser qu’avec un certain consentement de la population. Gramsci avait déjà montré à quel point l’hégémonie culturelle et le consentement sont indispensables au pouvoir. Ce consentement sera facilement acquis si la population pense que de cette guerre dépendent leur liberté, leur vie, leur honneur. Les buts de la Première Guerre mondiale par exemple se résument en trois points : « -écraser le militarisme - défendre les petites nations - préparer le monde à la démocratie. Ces objectifs, très honorables, sont depuis recopiés quasi textuellement à la veille de chaque conflit, même s'ils ne cadrent que très peu ou absolument pas avec ses objectifs réels. » « Il faut persuader l’opinion publique que nous – au contraire de nos ennemis – faisons la guerre pour des motifs infiniment honorables. » « Pour la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie, on retrouve le même décalage entre buts officiels et inavoués du conflit.
Officiellement l'OTAN intervient pour préserver le caractère multi-ethnique du Kosovo, pour empêcher que les minorités y soient maltraitées, pour y imposer la démocratie et pour en finir avec le dictateur. Il s'agit de défendre la cause sacrée des droits de l'homme. Non seulement à la fin de la guerre, on peut constater qu'aucun de ces objectifs n'a été atteint, qu'on est notamment loin d'une société multi-ethnique et que les violences contre les minorités – serbes et roms cette fois - sont quotidiennes, mais encore on se rend compte que les buts économiques et géopolitiques de la guerre, dont on n'avait jamais parlé, sont -eux- atteints. » Ce principe implique son corollaire, l’ennemi lui est un monstre sanguinaire qui représente la société de la barbarie.
L'ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c'est involontairement
Les récits des atrocités commises par l’ennemi constituent un élément essentiel de la propagande de guerre. Cela ne veut évidemment pas dire que des atrocités n’ont pas lieu pendant les guerres. Tout au contraire, les assassinats, les vols à main armée, les incendies, les pillages et les viols semblent plutôt – malheureusement - récurrents dans l’histoire des guerres. Mais le fait de faire croire que seul l’ennemi commet de telles atrocités, et que notre armée est aimée de la population, c’est une armée « humanitaire ».
Mais la propagande de guerre s’arrête rarement là, non contente des viols et pillages existants, il lui faut le plus souvent créer des atrocités « inhumaines » pour incarner en l’ennemi l’alter-ego d’Hitler (Hitlerosevic, …). Nous pouvons ainsi mettre côte à côte plusieurs passages ayant trait à des guerres différentes sans y trouver de grandes différences.
Durant la Première Guerre mondiale, Ponsonby rapporte cette histoire : « Trente ou trente-cinq soldats allemands étaient entrés dans la maison de David Tordens, charretier à Sempst (aujourd’hui Zempst). Ils ligotèrent l’homme puis cinq ou six d’entre eux se jetèrent sous ses yeux sur la fille âgée de treize ans et lui firent violence, ensuite ils l’embrochèrent sur leurs baïonnettes. Après cette action horrible ils lardèrent de coups de baïonnettes son fils âgé de neuf ans et fusillèrent sa femme. » On n'oubliera pas non plus l’épisode des enfants aux mains coupées, qui s’apparente plus à une rumeur infondée qu’à un fait historique.
Pour la Guerre du Golfe dans Le Monde du 3 mars 1990 : « S’ils ne prouvent rien quant au nombre, les corps mutilés de la morgue de l’hôpital Moubarak plaident pour la certitude de la cruauté des sept mois d’occupation irakienne. Yeux arrachés, gorges tranchées, têtes écrasées, crânes coupés dont la cervelle s’échappe, corps à moitiés carbonisés, brûlures de cigarettes… » Sans oublier également l’épisode des couveuses volées et des bébés tués atrocement… Qui se révéla être une mystification.
Pour l’Afghanistan dans le Herald Tribune du 7 août 1999 : « Certains ont été tués dans les rues. Beaucoup ont été exécutés chez eux, après blocage et perquisition des zones réputées pour être habitées en majorité par certains groupes ethniques. Certains ont été ébouillantés à mort ou asphyxiés dans des conteneurs métalliques scellés, placés en plein soleil. Dans un hôpital au moins, 30 patients ont été tués par balle dans leur lit. Les corps des victimes ont été abandonnés dans les rues ou dans les maisons, pour intimider le reste des habitants. Des témoins affolés ont pu voir des chiens s'acharner sur les cadavres, mais on leur a imposé par mégaphone ou par radio de ne pas y toucher et de ne pas les enterrer. » Les talibans, ici responsables de ses atrocités n’ont pour la plupart pas été arrêtés, et aucune nouvelle de Ben Laden…
Pour la guerre en Irak, les récits furent encore une fois similaires, et les mensonges sur les armes de destruction massive aussi. On peut donc facilement dégager certaines tendances dans ces histoires. Il s’agit avant tout de toucher la corde « sentimentale » du lecteur, il faut avant tout de « bonnes histoires » et si on ne les trouve pas, on les invente. Les détails « croustillants » totalement inutiles au vu des réelles conséquences au point de vue humain dans les guerres sont pourtant monnaie courante dans ces récits, et fait de l’ennemi un monstre plus horrible que jamais, qui tue avant tout par plaisir ou vice.
Pour le Kosovo, « il y a évidemment eu, au printemps 1999, meurtres, pillages, tortures et incendies de maisons albanaises, mais on "oublie" de mettre en évidence avec la même acuité les mêmes atrocités commises à partir de l'été sur des Serbes, Bosniaques, Roms et autres personnes non Albanaises. Leur exode sera passé sous silence alors que les images de réfugiés albanais du Kosovo et leur accueil à l'étranger avaient fait l'objet d'émissions complètes à la télévision. C'est que ce cinquième principe de la propagande de guerre veut que seul l'ennemi commette des atrocités, notre camp ne peut commettre que des "erreurs". La propagande de l'OTAN popularisera à l'occasion de la guerre contre la Yougoslavie le terme de "dégâts collatéraux" et présentera comme tels les bombardements de populations civiles et d'hôpitaux, qui auraient fait, selon les sources, entre 1 200 et 5 000 victimes. "Erreur" donc que le bombardement de l'ambassade chinoise, d'un convoi de réfugiés albanais, ou d'un train passant sur un pont. L'ennemi, lui, ne commet pas d'erreurs, mais commet le mal sciemment. »
Pour conclure sur une citation de Jean-Claude Guillebaud : « Nous étions devenus, nous journalistes, à notre corps défendant, des espèces de marchands d’horreur et l’on attendait de nos articles qu’ils émeuvent, rarement qu’ils expliquent ».
L'ennemi utilise des armes non autorisées
Ce principe est le corollaire du précédent. « Non seulement nous ne commettons pas d’atrocités, mais nous faisons la guerre de manière chevaleresque, en respectant – comme s’il s’agissait d’un jeu, certes dur mais viril ! – les règles. » Ainsi déjà pendant la Première Guerre mondiale, la polémique fit rage à propos de l’usage des gaz asphyxiants. Chaque camp accusait l’autre d’avoir commencé à les utiliser. Bien que les deux camps avaient fait usage du gaz et qu’ils avaient effectué tous des recherches dans le domaine, cette arme était le reflet symbolique de la guerre « inhumaine ». Il convient ainsi de l’imputer à l’ennemi. C’est en quelque sorte l’arme « malhonnête », l’arme du fourbe.
Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l'ennemi sont énormes
« À de rares exceptions près, les êtres humains préfèrent généralement adhérer à des causes victorieuses. En cas de guerre l’adhésion de l’opinion publique dépend donc des résultats apparents du conflit. Si les résultats ne sont pas bons, la propagande devra cacher nos pertes et exagérer celles l’ennemi. »
Déjà durant la Première Guerre mondiale, après un mois du début des opérations, les pertes s’élevaient déjà à 313 000 tués. Mais l’état major français n’a jamais avoué la perte d’un cheval et ne publiait pas la liste nominative des morts.
Dernièrement, la guerre en Irak nous fournit un exemple du genre, où on a interdit la publication des photos des cercueils de soldats américains dans la presse. Les pertes de l’ennemi sont elles, par contre, énormes, leur armée ne résiste pas. « Dans les deux camps ces informations remontent le moral des troupes et persuadent l’opinion publique de l’utilité du conflit. »
Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause
Lors de la Première Guerre mondiale, sauf quelques rares exceptions, les intellectuels soutinrent massivement leur propre camp. Chaque belligérant pouvait largement compter sur l'appui des peintres, des poètes, des musiciens qui soutenaient, par des initiatives dans leur domaine, la cause de leur pays.
Les caricaturistes sont largement mis au travail, pour justifier la guerre et dépeindre le "boucher" et ses atrocités, tandis que d'autres artistes vont travailler, caméra au poing, pour produire des documents édifiants sur les réfugiés, toujours soigneusement pris dans les rangs albanais, et choisis les plus ressemblants possible par rapport au public auquel ils s'adressent, comme ce bel enfant blond au regard nostalgique, censé évoquer les victimes albanaises.
On peut voir ainsi les « manifestes » se développer partout. Le manifeste des cent, pour soutenir la France pendant la Première Guerre mondiale (André Gide, Claude Monet, Claude Debussy, Paul Claudel). Plus récemment le « manifeste des 12 » contre le « nouveau totalitarisme1 » qu’est l’islamisme. Ces « collectifs » d’intellectuels, artistes et hommes notables se mettent donc à légitimer l’action du pouvoir politique en place.
Notre cause a un caractère sacré
Ce critère peut être pris dans deux sens, soit littéral, soit au sens général. Dans le sens littéral, la guerre se présente donc comme une croisade, donc la volonté est divine. On ne peut donc se soustraire de la volonté de Dieu, mais seulement l’accomplir. Ce discours a repris une grande importance depuis l’arrivée de George Bush fils au pouvoir et avec lui toute une série d’ultra-conservateurs intégristes. Ainsi la guerre en Irak s’est manifestée comme une croisade contre « l’Axe du Mal » une lutte du « bien » contre le « mal ». Il était de notre devoir de « donner » la démocratie à l’Irak, la démocratie étant un don issu tout droit de la volonté divine. Ainsi faire la guerre c’est réaliser la volonté divine. Des choix politiques prennent un caractère biblique qui efface toute réalité sociale et économique. Les références à Dieu on toujours été nombreuses (In God We Trust, God Save the Queen, Gott mit Uns, …) et servent à légitimer sans appel les actions du souverain.
Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres
Ce dernier principe est le corollaire de tous les précédents, tout personne mettant en doute un seul des principes énoncés ci-dessus est forcément un collaborateur de l’ennemi. Ainsi, la vision médiatique se limite aux deux camps cités ci-dessus. Le camp du bien, de la volonté divine, et celui du mal, des dictateurs. Ainsi, on est « pour ou contre » le mal. En ce sens, les opposants à la guerre du Kosovo se sont vu traiter dans L’Évènement du 29 avril au 5 mai 1999 de « complices de Milosevic ». L’hebdomadaire va même jusqu'à systématiser plusieurs « familles ». On retrouve ainsi la famille « anti-américaine » avec Pierre Bourdieu, Régis Debray, Serge Halimi, Noam Chomsky ou Harold Pinter. La famille « pacifiste intégriste » avec Gisèle Halimi, Renaud, l’abbé Pierre… et leur organes respectifs, le Monde diplomatique, le PCF.
Il devient donc impossible de faire surgir une opinion dissidente sans subir un lynchage médiatique. Le pluralisme des avis n’existe plus, il est réduit à néant, toute opposition au gouvernement est réduite au silence et au discrédit par des arguments bidon.
Ce même argumentaire a été de nouveau en application lors de la guerre en Irak, bien que l’opinion internationale étant plus partagée, cela se soit moins ressenti. Mais être contre la guerre, c’est être pour Saddam Hussein… Le même schéma fut appliqué dans ce tout autre contexte qu’était le référendum sur la constitution européenne : « être contre la constitution, c’est être contre l’Europe ! »
- ↑ Son usage envers le terrorisme par Jack Straw semble en ce sens impropre. Le "terrorisme" en général ne peut être considéré comme un "totalitarisme" au sens originaire du terme. Il ne remplit pas les critères nécessaires. L'usage du concept requiert une analyse approfondie de la société ou de la structure du groupe étudié, il faut en faire ressortir les catégories essentielles et les processus de dé-différenciation propres au totalitarisme. Il ne semble pourtant pas que Jack Straw ait réalisé une telle analyse pour pouvoir donner une vraie assise théorique à son assertion. L'usage du terme a dans ce cas un but politique ou de propagande de guerre.
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05/09/2013
Roms : la CNCDH ne désarme pas
La CNCDH appelle le gouvernement à la mise en œuvre stricte de la circulaire du 26 août 2012 pour garantir l’accès au droit commun des populations Roms présentes en France. L’institution nationale indépendante de protection des droits de l’homme souhaite également faire part de sa grande inquiétude face à l’alarmant climat de tension qui règne autour de la question, envenimé ces dernières semaines par d’intolérables propos de haine véhiculés par des élus ou des responsables politiques.
La situation réservée aux Roms continue de se dégrader,
malgré les recommandations adressées à l’État par la CNCDH
Le 26 août 2012 était signée par sept ministres la circulaire interministérielle « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites ». Cette circulaire avait été saluée par les associations de défense des droits de l’homme dans la mesure où elle marquait un changement de discours de la part des autorités et témoignait de leur volonté d’apporter une réponse individualisée et territorialisée aux situations de grande précarité vécues par des citoyens européens.
Un an après l’entrée en vigueur de cette circulaire, que constate-t-on sur le terrain ? Dans de nombreuses villes, les évacuations des lieux de vie se sont poursuivies trop souvent sans solutions alternatives et au mépris du caractère inconditionnel du droit à l’hébergement, mettant des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande. Le volet préventif de la circulaire, qui prévoit l’anticipation des opérations d’évacuation des bidonvilles et l’accompagnement des populations, est peu et inégalement mis en œuvre sur le territoire. La situation des Roms en France est extrêmement préoccupante et les entraves dans l’accès au droit commun (scolarisation, santé, protection sociale) perdurent, de même que les difficultés pour accéder à un emploi salarié.
Face à la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent les 20 000 personnes Roms vivant en squats ou en bidonvilles actuellement, des solutions existent et la CNCDH formule ci-joint des recommandations qui lui semblent devoir être mises en œuvre le plus rapidement possible, afin que soient respectés les droits fondamentaux de ces citoyens européens vivant sur le territoire français : droit à l’hébergement, respect de la scolarisation des enfants, droit à la santé et accès au travail. Les recommandations de la Commission s’appuient sur les travaux menés sur le terrain par ses associations membres, sur les interventions du Défenseur des droits en la matière et reprennent pour une grande part des recommandations déjà formulées par la CNCDH dans un avis de mars 2012.
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03/09/2013
La réforme pénale en période de probation
Aucune loi pénale ne pourra empêcher la destruction du lien social par l'importance donnée à l'argent vecteur de délinquance. La moindre justice pénale commande par ailleurs que toutes les délinquances, violences des palais,violences des quartiers, soient traitées avec la même rigueur en regard d'une loi faite pour tous, y compris par ceux qui sont chargés de la faire respectée.
Admettons que la confrontation Valls / Taubira n'ait pas été comprise comme un spectacle et qu'il puisse en ressortir une minuscule avancée. Restera à donner les moyens à ces deux ministères régaliens de réaliser leurs objectifs dans le respect des droits universels.
La réforme pénale en période de probation
Attendue depuis un an, la réforme pénale nécessitait grandeur de vue et pédagogie. Il est regrettable que le débat estival auquel elle a donné lieu ait été marqué par l’esprit polémique et politicien. La justice méritait mieux, particulièrement après les multiples lois sécuritaires sous la période Sarkozy.
Il faut donc se féliciter que les derniers arbitrages présidentiels semblent ouvrir la voie à des avancées notables, dont la création d’une peine de probation, déconnectée de l’emprisonnement, n’est pas la moindre. En effet, si cette sanction est mise en application de manière lisible et avec les moyens nécessaires, elle est susceptible de favoriser une rupture d’avec le tout-carcéral. Il convient de même de se féliciter de l’abrogation des peines planchers et de la révocation automatique des sursis simples, qui participent de cette même volonté.
La mise en place d’un examen automatique au deux tiers de la peine, afin de limiter les sorties sèches, constitue de même un progrès incontestable.
En attendant de prendre connaissance du futur projet de loi, il faut toutefois s’inquiéter du silence autour de grands enjeux tels que la disparition de la rétention de sûreté, ou encore de la réhabilitation du droit pénal des mineurs. Il est tout autant regrettable que la réforme n’envisage pas de transformer certains délits en contraventions, ou, allant plus loin, de dépénaliser certains comportements qui constituent plus de simples manquements à la discipline sociale que des hostilités déclarées à des valeurs sociales fondamentales.
Le débat parlementaire devra nourrir ce projet afin de lui donner la force et l’ambition essentielles à sa réussite. C’est ce à quoi la Ligue des droits de l’Homme invite les parlementaires, tout en pressant le gouvernement de ne pas attendre et d’inscrire au plus vite ce chantier à l’ordre du jour de la représentation nationale.
Communiqué LDH, 3 septembre 2013
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29/08/2013
Chanson dans le sang
Jacques Prévert, recueil de poèmes : Paroles 1946
Chanson dans le sang...........................
"Il y à de grandes flaques de sang sur le monde
ou s'en va t'il tout ce sang répandu
est-ce la terre qui le boit et qui ce saoule
drôle de soulographie alors
si sage.... si monotone...
Non la terre ne tourne pas de travers
elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons
la pluie... la neige...la grêle... le beau temps
jamais elle n'est ivre
c'est à peine si elle se permet de temps en temps un malheureux petit volcan
elle tourne la terre
elle tourne avec ses arbres... ses jardins... ses maisons..
elle tourne avec ses grandes flaques de sang
et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent...
elle elle s'en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses vivante se mettent à hurler
elle s'en fout
elle tourne
elle n’arrête pas de tourner
et le sang n’arrête pas de couler...
ou s'en va t'il tout ce sang répandu
le sang des meurtres... le sang des guerres... le sang de la misère..
et le sang des hommes torturé dans leurs prisons...
et le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman...
et le sang des hommes qui saignent de la tête dans les cabanons..
et le sang du couvreurs qui glisse et tombe du toit
et le sang qui arrive et qui coule à grand flots
avec le nouveau né.. avec l'enfant nouveau...
la mère qui crie.. l'enfant qui pleure..
le sang coule.. la terre tourne
la terre n’arrête pas de tourner
le sang n’arrête pas de couler
ou s'en va t'il tout ce sang répandu
le sang des matraqués..des fusillés..des condamnés..
et le sang de ceux qui meurent comme ça par accident...
Dans la rue passe un vivant avec tout son sang dedans
soudain le voila mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaitre le sang
ils emporte le corps
mais il est têtu le sang
et la ou était le mort
beaucoup plus tard tout noir
un peu de sang s’étale encore..
sang coagulé
rouille de la vie
rouille des corps
sang caillé comme le lait quand il tourne
quand il tourne comme la terre
comme la terre qui tourne avec son lait.. avec ses vaches.. avec ses vivants..avec ses morts
la terre qui tourne avec ses arbres...ses vivants ses maisons...
la tourne qui tourne avec ses mariages..
les enterrements..
les coquillages
les régiments..
la terre qui tourne et qui tourne
avec ses grand ruisseaux de sang.
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28/08/2013
Roms : les idées reçues
Petite contribution via la LDH de Toulon, via Romeurope et à l'usage de toutes celles et tout ceux qui ne supportent pas les préjugés. Lesquels sont entretenus avec suffisance et virilité pour servir aux frustrés de tout poil qui ont vendu leur temps de cerveau disponible aux réflexions les moins disantes.
Les Roms qui vivent en France ont des droits ... souvent méconnus. Les discriminations [1] dont ils sont l’objet s’appuient sur des préjugés toujours vivaces, conséquences d’une information insuffisante et d’une stigmatisation de la part de certains élus.
Il faut saluer la publication par Romeurope d’un petit livret qui fait le point sur la situation des Roms dans les domaines du séjour, de l’habitat, du travail, de l’éducation et de la santé [2]. Pour contribuer à changer le regard porté sur ces ressortissants européens, nous reprenons ci-dessous l’essentiel de ce document.
DE QUI PARLE-T-ON ?
Notes
[1] L’article 225-1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
[2] Le livret est téléchargeable au format PDF : Ceux qu’on appelle « les Roms » : Luttons contre les idées reçues.
[3] Voir le communiqué de Romeurope du 22 juillet 2010.
[4] La directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 pose les conditions suivantes :
soit exercer une activité économique en qualité de travailleur salarié ou non salarié ;
soit disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie ;
soit suivre une formation en tant qu’étudiant et disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie ;
soit être membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui entre dans une des catégories susdites.
[5] Rapport CNCDH, Racisme, antisémitisme et xénophobie en France, 2013.
[6] Les mesures transitoires prendront fin le 31 décembre 2013. A partir de cette date, les ressortissants roumains et bulgares auront la possibilité d’intégrer le marché du travail français comme tout autre citoyen européen.
[7] Suite à l’instruction du 30 janvier 2013 du Ministre du travail, les mesures transitoires ont été assouplies. Depuis, le nombre d’autorisations de travail délivrées aux ressortissants roumains et bulgares a triplé.
[8] L’article L.131-1 du Code de l’éducation énonce : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans ».
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19/08/2013
Valls vu par Rue 89
Titre original d'un article très soft de Camille Polloni pour Rue 89 : "La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre". A conserver pour ses références.
Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».
Popularité record. (!!!) Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites » de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.
Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.
Démarcation sur le droit d’asile ? : Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.
Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.
La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.
1- Les expulsions : Plus dur que Guéant ?Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.
« Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »
A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.
En attendant le bilan 2013
Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :
l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers (effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.
Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé Voir Nombre de reconduites à la frontière depuis 2001
2- Le « délit de solidarité » : vraiment supprimé ?L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a été surnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :
« Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »
En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.
Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome », sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.
Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers
Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :
« Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »
Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.
Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre, devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».
3- Les mineurs en rétention : pas fini, mais exceptionnelC’était une promesse de campagne de François Hollande :
« Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »
Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012. L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.
La CEDH estime :
« Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »
Voir le document (Fichier PDF)Pour traduire cette décision en actes, Manuel Valls a envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :
l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.
Sept familles placées en centres de rétention
A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :
en juillet 2013, une famille tchétchène a été placée en centre de rétention avant son expulsion.
en janvier 2013, deux familles avec enfants ont été enfermées au Centre de rétention administrative (CRA) de Metz ;
en septembre 2012, une famille afghane a été retenue au CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) ;
En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.
Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy, qui lui a répondu :
« Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.
A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »
4- Les aides au retour : drastiquement réduitesEn décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.
Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.
En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.
Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».
Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.
Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.
5- La garde à vue pour séjour irrégulier : remplacée par une « rétention » de seize heuresDepuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.
Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.
Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.
Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.
6- Le statut de réfugié : accordé au compte-gouttesEntre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.
Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.
Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :
réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.
Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.
7- La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers : suppriméeC’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.
Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :
« Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »
Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.
8- Le nombre de régularisations : Constant« Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »
Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.
La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plus régulariser progressivement les étrangers inexpulsables.
9- Les naturalisations : des critères assouplisLe 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :
un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).
Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.
10- Portrait de l’immigrationLes derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :
l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.
Voir L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)
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03/08/2013
Syndicalisme, état critique
2084 – Chris Marker en collaboration avec le groupe confédéral audiovisuel CFDT, énonce clairement la situation syndicale «en parlant moins de ce qui a été fait que de ce qui reste à faire».
Ce très court métrage a été réalisé en 1984. Il peut et devrait faire débat.
Des trois hypothèses, grise, noire, bleue, la dernière, par opposition avec des préoccupations partielles, catégorielles et obsolètes pourrait permettre une transformation du monde englobant la lutte contre la faim, la maladie, la souffrance, l’ignorance, l’intolérance…
Dans tous les cas, les syndicats qui se sont ou se seraient justement donné pour tâche de "jeter un pont entre la colère et l’espoir", pourraient avoir à pâtir du rôle de pare-chocs que les oligarques et autres techno-totalitaires voudraient leur faire jouer…
Même si «rien n’est programmé», le monde syndical - sans doute avec lui le monde associatif - est en danger, le monde d’après aussi.
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31/07/2013
Suzanne Flon lit une page de Jean JAURES
Hommage à Jean Jaurès assassiné le 31 juillet 1914, il y a 99 ans par un obscur adhérent de la « Ligue des jeunes amis de l'Alsace-Lorraine », groupement d'étudiants ultra-nationalistes d'extrême droite.
Le texte est tiré d'un discours de Jean Jaurès à l'assemblée nationale :
« Je n'ai jamais cru que les grandes religions humaines fussent l’œuvre d'un calcul ou du charlatanisme. Elles ont été assurément exploitées dans leur développement par les classes et par les castes ; mais elles sont sorties du fond même de l'humanité, et non seulement elles ont été une phase nécessaire du progrès humain, mais elles restent aujourd'hui un document incomparable de la nature humaine et elles contiennent, à mon sens, dans leurs aspirations confuses des pressentiments prodigieux et des appels à l'avenir qui seront peut-être entendus.
Voilà, ce me semble, dans quel esprit, qui n'est pas l'esprit nouveau, mais l'esprit de la science elle-même depuis un siècle, voilà dans quel esprit doit être abordé par la démocratie le problème du monde et de l'histoire qui domine le problème de l'éducation.
Mais ce qu'il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l'homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c'est cette idée qu'il n'y a pas de vérité sacrée, c'est-à-dire interdite à la pleine investigation de l'homme ; c'est cette idée que ce qu'il y a de plus grand dans le monde, c'est cette liberté souveraine de l'esprit; c'est cette idée qu'aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l'humanité dans l'univers est une grande commission d'enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre, ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens
critique doit rester toujours en éveil et qu'une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l'idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l'homme serait de refuser l'obéissance et de le traiter comme l'égal avec qui l'on discute, comme le maître que l'on subit.
Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe .....»
Source: Journal Officiel, 12 février 1895
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30/07/2013
Valls en appelle à la xénophobie décompléxée
Les prochaines élections municipales n'étant plus très loin, pour offrir une variation lepeno-sarkozienne sur le thème de l'identité nationale et de l'insécurité, très en vogue chez les Dupont-Lajoie de l'été nostalgiques des Hortefeux, Besson et autres Guéant, Valls-Manuel-police-française (*), s'inscrivant dans cette lignée, propose un énième débat truqué pour restreindre encore le droit d'asile. Ce qui finissait par manquer au palmarès de ce non-gouvernement non-socialiste incapable de respecter la loi non plus qu'une quelconque logique et encore moins le moindre principe d'humanité.
(*) Ceux qui ont pu voir "Lacombe Lucien", un film de Louis Malle sorti en 1974, auront pu rapprocher le profil psychanalytique de l'actuel ministre de l'intérieur avec celui du personnage éponyme qui se présente toujours de la même façon : Lacombe-Lucien-police-allemande.
Louis Malle s'en explique :
Les sondages sont donc là, qui ont décidé de faire croire que "parmi les sympathisants du PS, 70% jugent que le ministre de l’intérieur ferait un bon occupant de Matignon (contre 26% d'un avis contraire). Ils sont seulement 45% à partager cette opinion parmi les sympathisants UMP, 38% parmi ceux du Front de gauche, et 34% parmi ceux du FN, contre respectivement 54%, 55% et 61% de désapprobation." Source
A noter aussi que jamais le qualificatif de "sympathisant" n'ayant été aussi dévoyé, le seul mérite du ministre plébiscité par l'Ifop pourrait consister à les faire fuir !
Reste le débat truqué à propos du droit d'asile, lequel est indissociable d’un véritable business lié à l'exploitation de l'immigration sous toutes ses formes, y compris sous celle de la xénophobie entretenue à des fins électorales...
Le ministère de l’intérieur a lancé, le 15 juillet dernier, la concertation sur la réforme du droit d’asile. Deux parlementaires, le député socialiste Jean-Louis Touraine, de Lyon, et la sénatrice centriste du Nord, Valérie Létard, ont été chargés par le ministre de mener cette concertation, et de rendre leurs recommandations fin octobre.
Cette concertation se mènera sous la forme de quatre ateliers thématiques :
- l’évolution des procédures d’asile,
- l’accueil, l’orientation et l’accompagnement des demandeurs d’asile,
- l’hébergement des demandeurs d’asile,
- l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale (accueil, emploi, logement, formation
Ces ateliers réuniront « des experts et des professionnels de terrain » : le ministre a précisé dans son discours liminaire qu’on y trouverait outre les deux parlementaires, des préfets, des chefs de services, des représentants d’organisme tels que la cour nationale du droit d’asile (CNDA), ou le conseil aux réfugiés. Le ministre n’a pas parlé des associations, et le site du ministère de l’Intérieur n’y fait pas non plus allusion.
Une boîte mail pour permettre à chacun de contribuer à la réflexion sur la réforme : danger ?
Cette concertation, que le ministre déclare vouloir « transparente », prévoit une autre procédure : les citoyens ont la possibilité de faire leurs propositions grâce à un formulaire, lié à une adresse électronique, qui les transmettra au groupe de travail.
Une mesure qui, au premier abord, semble parfaitement démocratique. Au premier abord seulement. Parce quand on fréquente un peu les réseaux sociaux, les sites de pétitions, les sites d’associations de défense des droits des demandeurs d’asile qui ne modère pas les commentaires, ou les sites de journaux nationaux chaque fois qu’ils traitent d’un sujet se rapportant au droit d’asile, on est stupéfait de ce qu’on peut lire. Les espaces commentaires de ces sites sont le terrain de jeu des racistes, des fascistes, des xénophobes, des nationalistes étriqués… Et les discours sont une succession de vulgarités, de menaces, d’insultes… des discours d’appel à la haine, à la violence…
Alors, vraiment démocratique de laisser la parole se « libérer » sans modération, au sens propre comme au sens figuré ? Souvenons-nous d’un certain débat, de sinistre débat, sur l’identité nationale, et des dégâts qu’il a causés dans la société française !
On peut télécharger ici le communiqué du ministère de l’intérieur publié à l’occasion de l’ouverture de cette concertation.
Le site du ministère de l’intérieur y consacre plusieurs pages, avec notamment le discours d’ouverture du ministre, et les déclarations des deux parlementaires en charge de la réflexion. Source.
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27/07/2013
Lettre de Léo Ferré
Monsieur le ministre,
La route est longue à qui prétend se défendre de vouloir jamais se mêler des affaires d'autrui, y voir, des fois, une lumière particulière et centrée uniquement sur des problèmes de silence -- fût-il armé -- et d'ignorance aussi, car rien n'est admis par l'homme de son infinie solitude, de sa définition même de bipède pensant, dit-on, et secouru par des mains des fois fraternelles et, le plus souvent, tendues vers l'inexprimé ou vers le paraissent. Vous avez vos artères, vos poumons, vos reins, tout cet arsenal qui paraît inutile aux autres mais, qui vous est bien cher, comme cela est mon cas d'ailleurs et le cas de tous les hommes, où qu'ils vivent, où qu'ils soient, où qu'ils espèrent se cacher un jour et attendre de n'être plus rien et surtout pas la France et la justice. La justice des hommes est positive, celle des condamnés se trouve du côté du moins avec aussi ses prétentions, ses lois - qui sait ? Dans désastre de sociabilité consciente et muselée.
Le Code pénal est inventé par les Autres. Les Autres sont inventés par eux-mêmes et par l'inexprimable défense qu'ils ont de leur salut institutionnel, de leur honnêteté même relative, encore que cette relativité n'ait de sens qu'autant qu'on la puisse cerner et confondre avec le temps d'aimer, le temps de sourire ou bien le temps d'être admis par les lois en cours et par la justice qui est inventée aussi pour permettre aux hommes de se secourir et se défendre. Au-dessus de tout ce verbiage pensant et solennel, il y a le pouvoir, toujours absolu, même le pouvoir de la casquette, de la chaîne d'huissier ou du fusil mitrailleur. Il est constant de prétendre que la mort donnée par loi n'est pas la mort mais une sorte de compromis entre la défaite du secouru et la morgue du secoureur... Monsieur Pompidou malade, très malade et qui devrait se prévaloir en famille de certaines faiblesses psychologiques en dressant son oreille au-dessus du courage et de la déraison, monsieur Pompidou, en décembre 1972, un matin à cinq heures moins cinq, pouvait décrocher son téléphone et dire à qui de droit qu'il fallait impérieusement surseoir à l'exécution du condamné Bontems, qui n'avait jamais tué personne. Monsieur Pompidou, malade, très malade, ne l'a pas fait. Il se prenait pour la France. Le général de Gaulle n'a pas, lui non plus, téléphoné cinq minutes avant l'exécution de son assassin maladroit, pour éviter qu'on ne puisse le juger plus tard, et dire - comme je le fais aujourd'hui en son nom, « Merci, monsieur, de n'avoir pas eu assez de talent pour me tuer ». Le général de Gaulle se prenait pour la France.
Ces gens-là étaient « dits » présidents de la République française Aujourd'hui, dans la terre, et soumis à cette suprême invention de la nature qui fait que rien ne résiste au temps, pas même l'identité - à part le pavé sur la tombe et indiquant la date de naissance à l'autre date aussi efficace et inévitable que la première - à part aussi le souvenir bientôt s'effacant de la mémoire des hommes et pour le bien de tout le monde, dois-je dire, puisque heureusement les hommes vivent avec leur temps, avec leurs poumons, avec leurs mains et leur solitude imparable.
Le procureur de la République UNTEL meurt. Le ministère public, jamais ! Le juré UNTEL de tel jugement d'assises meurt. La cour d'assises, jamais ! C'est la raison pour laquelle j'ai pris la grave fantaisie d'écrire au ministre « dit » de la justice. N'en prenez pas ombrage, je n'ai pas d'arrière-pensée, c'est plus facile.
Vous allez bientôt céder la place, comme on dit, monsieur le ministre, parce que c'est bien l'usage et parce qu'il faut, je pense, un sang nouveau aux artères nouvelles, ou, du moins, qui le paraissent. vous avez vos artères, vos poumons, vos reins, tout cet arsenal qui paraît inutile aux autres mais qui vous est bien cher, comme cela est mon cas d'ailleurs et le cas de tous les hommes, où qu'ils vivent, où qu'ils soient, où qu'ils espèrent se cacher un jour et attendre de n'être plus rien et surtout pas la France et la justice. La justice des hommes est positive, celle des condamnés se trouve du côté du moins avec aussi ses prétentions, ses lois -- qui sait ? Dans l'anti-loi il y a un code, pas toujours simple, et qui est tributaire d'une certaine parole, comme on dit, dans un certain « milieu ».
Ce matin, arrivant à votre bureau, vous avez mal à la tête, très mal. On vient vous parler d'un cas spécifique. Comment ça marche alors dans votre réflexion ? S'il vous arrive d'être « distrait » par votre état psychologique, impertinent pour les autres et combien sensible pour vous-même, est-ce que le cas « spécifique » en question dépasse votre propos actuel ? Est-ce que vous vous dites: « Ce soir, je me coucherai tôt et je prendrai une boîte entière d'aspirine et puis je dormirai... » Ne croyez-vous pas q'un ordinateur sans maux de tête, l'attention toujours électroniquement fidèle et le devoir de robot sans faille, ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être mieux à même d'appliquer les règlements et, je le souhaite, prendre des décisions inattendues parce que instruites au bout d'une réflexion apprise d'abord, et puis inventive ? L'anguille est capable de déceler 1 cm cube d'alcool phényléthylique théoriquement dilué dans une quantité d'eau égale à cinquante fois la contenance du lac de Constance. Une anguille, monsieur le ministre, une anguille ! Qu'est-ce donc une anguille à ce point super-intelligente, super-douée ?
Le cas spécifique dont je veux vous parler avant d'en terminer, et c'est la raison de ma lettre, est celui de Knobelspiess, depuis douze années emprisonné et innocent! Il crie, depuis douze ans. Il a écrit deux livres où il crie aussi, et avec du talent, en plus, ce qui n'est peut-être pas le cas des anguilles « constantes »... MM. Michel Foucault et Claude Mauriac se sont émus. Ils l'ont écrit chacun dans une préface à ces deux livres et beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Si vous voulez le fond de ma pensée qui doit être la vôtre, je le souhaite, un ordinateur surdoué aurait déjà ouvert les portes de sa prison à Knobelspiess. C'est assez dire qu'un cerveau humain pourrait sans doute être à même de remplacer l'ordinateur qu'il a lui-même investi de ses trop nombreuses préoccupations. Il suffirait des 20 ou 30% qui lui manquent pour dépasser les exploits du microprocesseur et de l'anguille polytechnicienne. Allons, monsieur le ministre, ouvrez la porte à Knobelspiess. Que la loi des hommes soit enfin la loi de Tous les hommes.
Avec mes remerciements et ceux de mon ami Roger Knobelspiess.
P.S. - J'ai prié les éditions Stock de vous faire remettre les deux livres de Roger Knobelspiess : Q.H.S. (Quartiers de haute sécurité), préface de Michel Foucault (1980), et L'Acharnement ou la volonté d'erreur judiciaire, préface de Claude Mauriac.
Léo Ferré. Le Monde - 3 avril 1981
23/07/2013
Sur quel terrain poussent les Bourdouleix ?
Juillet 2010 : le président de la République UMP Nicolas Sarkozy explique la délinquance par l'immigration incontrôlée et annonce l'expulsion massive des Roms.
Septembre 2010 : le ministre de l'Intérieur UMP Brice Hortefeux dénonce ces nomades qui roulent dans de grosses voitures de luxe...
Juin 2013 : l'ancien ministre UMP Christian Estrosi promet aux Gens du voyage de les « mater ».
Juillet 2013 : le député-maire de Cholet UDI Gilles Bourdouleix regrette qu’Hitler n'ait pas tué assez de Gens du voyage. Jean-Marie Le Pen lui-même n'avait pas osé... Et sa fille n'a même pas à en rajouter, pour préparer les moissons de 2014 et de 2017.
Ainsi le racisme ordinaire contamine-t-il sans cesse davantage jusqu'aux élus « décomplexés » de la République.
Jusqu'à quand ? Et que sera la prochaine avancée de l'instrumentalisation méthodique de la haine ? Un appel aux citoyens pour qu'ils passent eux-mêmes le célèbre « Kärcher » dans les banlieues ?
La crise sociale s'aggrave. Les discriminations, les contrôles au faciès, la stigmatisation demeurent. La vie dans les quartiers pauvres est pire qu'en 2005. Si l'on ne se décide pas à répondre enfin à cette urgence, les prétendues « dérives », en fait parfaitement assumées, nous rapprocheront toujours plus de l'inhumain.
La LDH condamne fermement ces propos et regrette que les précédentes plaintes qu'elle a déposées à l'encontre de M. Bourdouleix pour des propos de la même teneur n'ont pas connu de suite.
Par ailleurs, elle appelle les pouvoirs publics à ne pas se contenter de poursuivre les élus qui font l'apologie de crime contre l'humanité, mais à s'attaquer aussi, en actes et sans plus tarder, à l'injustice qui nourrit la bêtise et la haine.
Communiqué LDH
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18/07/2013
Henri Alleg, figure de l’anticolonialisme
Communiqué LDH
La Ligue des droits de l’Homme rend hommage à la mémoire d’Henri Alleg, décédé le 17 juillet 2013. Militant communiste, au Parti communiste algérien et au Parti communiste français, figure emblématique de la lutte anticoloniale, journaliste engagé, Henri Alleg restera l’homme de La Question, ouvrage par lequel il établit, après l’avoir subi, l’usage systématique de la torture par l’armée française en Algérie.
Kateb Yacine, Henri Alleg, Boualem Khalifa
Arrêté le 12 juin 1957, au domicile de Maurice Audin, qui mourra quelques jours après sous la torture, il en est victime pendant plusieurs semaines à El Biar, en Algérie. Transféré à la prison de Barberousse, il trouvera la force de témoigner pour que nul ne puisse dire qu’il ne savait pas. Dans son œuvre, publiée en 1958 par les éditions de Minuit et immédiatement censurée, Henri Alleg décrit les sévices subis tels que la gégène, la noyade, les brûlures, auxquels s’ajoutent les menaces contre ses proches. Ce récit de l’horreur quotidienne commise au nom de l’Etat français en Algérie a contribué à une double prise de conscience : sur la nature du colonialisme, et sur celle de la torture. La Ligue des droits de l’Homme adresse ses condoléances à ses enfants et ses proches.
Paris, le 18 juillet 2013
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16/07/2013
Droits bafoués lors d’évacuations de campements
Comme l’été dernier, le gouvernement a lancé la semaine dernière une vaste opération d’évacuation de campements et de squats dans des conditions portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes visées. Ces expulsions interviennent alors que le dernier semestre est marqué par un record d'évacuations forcées depuis 2010.
Pourtant, le 26 août 2012, une circulaire interministérielle relative à l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’expulsions des campements illicites devait mettre un terme aux dérives antérieures et privilégier la concertation et l’intégration des personnes visées.
En mai 2013, le Défenseur des droits dressait un bilan démontrant que cette circulaire n’avait été que très partiellement appliquée. Il recommandait notamment au gouvernement de « préciser les notions d’urgence et de sécurité permettant de démanteler un campement sans mettre en œuvre les mesures de préparation et d’accompagnement préconisées afin qu’elles soient limitées à des cas exceptionnels et des faits d’une extrême gravité ». Le Collectif national Droits de l’homme Romeurope, dont La Cimade est membre, a pour sa part tiré la sonnette d’alarme le 26 juin dernier lors de la sortie de son rapport d’observatoire sur les politiques publiques mises en œuvre aujourd’hui en France.
Les opérations d’évacuation menées ces derniers jours à Lyon, Ris-Orangis, Deuil-la-Barre, Villeneuve d’Ascq et Angers ont conduit à de nouveaux abus. Le tout sur fond de discours politiques stigmatisants.
De nombreuses familles avec des enfants scolarisés ont ainsi été précarisées sans que des solutions plus constructives ne soient suffisamment recherchées.
Parmi elles, de nombreux citoyens européens, de nationalité roumaine, que l’on dit Roms, ont à nouveau fait les frais de cette politique. Quelques-unes de ces familles ont même été enfermées en centre de rétention puis expulsées de force en Roumanie, au mépris de notre législation et des droits garantis aux ressortissants européens.
Ainsi, après l’évacuation de leur lieu de vie, elles ont été enfermées dans des commissariats pendant une durée abusive. Prononcées dans la foulée, leurs mesures d’expulsion n’étaient pas légales. Aucun délai ne leur a été accordé pour leur permettre de quitter la France. Aucune alternative à leur enfermement en rétention n’a été examinée sérieusement avant de les priver de liberté à Rennes ou au Mesnil-Amelot.
Des familles ont même été séparées, à l’instar d’une jeune femme enfermée en rétention à Rennes alors que son mari subissait le même sort en région parisienne au Mesnil-Amelot.
A nouveau, la politique d’évacuation des campements s’est conjuguée à des expulsions en Roumanie. Venant ainsi ajouter quelques unités aux milliers de Roumains expulsés chaque année dans la continuité des politiques précédentes. En plus d’être discriminatoires, ces expulsions sont absurdes. Bénéficiant d’une liberté de circulation partout en Europe, ils pourront revenir en France, mais leurs efforts d’intégration auront été anéantis.
La Cimade demande au gouvernement de mettre en place une véritable politique d’accueil et d’intégration, plutôt que de continuer à expulser sans discernement et jusqu’à l’absurde les populations précaires, quelle que soit leur nationalité.
Communiqué de la Cimade
Pour en savoir plus :
Téléchargez le livret publié par le Collectif National Droits de L’Homme Romeurope pour déconstruire les principaux préjugés ancrés dans l’opinion publique sur les ressortissants européens vivant en condition de grande précarité en France et que l’on appelle « Roms ».
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11/07/2013
La FIDH et la LDH déposent plainte pour atteinte aux données personnelles
La FIDH et la LDH ont saisi ce jour Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une plainte contre X en raison des faits révélés par Monsieur Edward Snowden.
Agissant tant en raison de leur objet social, qui les conduit à faire sanctionner les atteintes aux libertés individuelles en matière de traitement informatisé, qu’à titre personnel, la FIDH et la LDH ont déposé plainte sur le fondement des articles 323-1, 226-18, 226-1 et 226-2 du Code Pénal.
Ces dispositions concernent l’accès frauduleux à un système informatisé, la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, l’atteinte volontaire à la vie privée et l’utilisation et la conservation d’enregistrements et de documents obtenus par l’atteinte à la vie privée.
Les révélations faites dans la presse par Monsieur Edward Snowden ont permis de dévoiler l’existence d’un programme américain dénommé PRISM (Planning Tool for Ressource Intégration Synchronization, and Management) collectant des renseignements sur les serveurs de différentes sociétés exerçant dans le domaine de l’Internet (Microsoft, Yahoo, Google, Paltalk, Facebook, Youtube, Skype, AOL et Apple).
Sous couvert de la lutte contre le terrorisme et de la criminalité organisée, ce système d’interception des données privées, qui concerne tout autant les citoyens américains que les associations et individus étrangers, a permis à la NSA et au FBI de collecter des données matérielles hébergées par les serveurs de ces sociétés incluant notamment les historiques de recherches et de connexions effectuées sur le net, le contenu d’emails, de communications audio et vidéo, des fichiers photos, des transferts de documents ainsi que le contenu de conversations en ligne.
L’essence même de ce système – donnant lieu à la surveillance d’un demi-milliard de communications par mois – est, notamment au travers de mots clés, d’appréhender non seulement l’origine d’un message privé mais aussi son destinataire ainsi que son contenu, quel que soit le moyen technique utilisé pour la transmission de ce message.
Cette intrusion sans contrôle dans la vie de chacun constitue un danger considérable pour les libertés individuelles qui doit être enrayé sous peine de voir disparaître l’Etat de droit.
La FIDH et la LDH saisissent donc aujourd’hui la justice française afin qu’une information judiciaire portant sur ces faits soit ouverte.
Communiqué FIDH/LDH - Paris, le 11 juillet 2013
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Génocide des tsiganes le 2 août 2013 à Auschwitz
Le Samudaripen : entre 1938 et 1945, des centaines de milliers de Tsiganes ont été exterminés par les nazis et leurs alliés. En France, ils ont pu disposer du fichage initié bien avant la guerre par la Troisième République, et de la collaboration active du régime de Vichy.
Pourtant, si la France a admis sa responsabilité dans la Shoah, elle continue de l'éluder en ce qui concerne le Samudaripen, le génocide des Tsiganes.
En l’occurrence, le pire n'est pas le refus de lire l'Histoire et d'en tirer les conséquences, mais la lâcheté qui méprise pour éviter d’avoir à rougir de soi-même et de ses reniements.
Le 24 juin dernier, La voix des Rroms envoyait au président de la République française, M. François Hollande, une invitation solennelle à la commémoration du génocide des tsiganes le 2 août 2013 à Auschwitz. Organisée par le réseau européen de jeunesse ternYpe, dont fait partie La voix des Rroms, cette commémoration a lieu à la date anniversaire de la liquidation par les nazis de 2500 tsiganes dans la nuit du 2 au 3 août 1944 à Auschwitz - Birkenau.
Cette lettre d’invitation devait être publiée par un organe de presse nationale.
- Nous (La voix des Roms) l’avons proposée au Monde, qui l’a refusée en raison du nombre important des tribunes prévues à publier.
- Nous l’avons proposée à Libération, qui ne nous a pas répondu, ce qui après 3 jours équivaut refus, aux termes du message automatique de confirmation de réception de notre courriel.
- Nous l’avons proposée au Figaro, qui n’a pas répondu non plus et ne l’a pas publié.
C’est clair, il y a une autre actualité sur les Rroms, plus payante médiatiquement et électoralement. Elle est rythmé par des propos d’un Jean-Marie Le Pen et d’un Christian Estrosi. Par les réactions d’un Manuel Valls aussi, dont l’action contredit le discours, bien que le discours reste débile et donc non convaincant, tant il est empreint d’ignorance, si ce n’est de mauvaise foi.
Nous n’avons pas droit à la parole publique, sauf si c’est pour réagir à ces propos-là, pour dire quasi sur commande que nous sommes indignés, choqués, et autres adjectifs à la mode. Non, nous ne le sommes pas! Non, nous n’avons pas des nausées, sauf pour quelques femmes enceintes, et c’est dû à leur grossesse, à la vie qu’elle portent en elles et qu’elle donneront bientôt. Elles mettront au monde les enfants qui enterreront l’ignorance crasse et la médiocrité qui couvrent des manœuvres politiciennes mortifères, si nous n’y arrivons pas avant.
Non, nous ne sommes pas indignés, ni choqués! Ces sentiments bon marchés ne sont pas des nôtres. Nous sommes révoltés, comme des millions de nos frères humains au-delà des races, des langues, des couleurs de peau, des religions ou de leur absence, des habitats ou de leur absence, des emplois ou de leurs absence et cette liste-là pourrait s’allonger bien plus.
Nous commémorerons le Samudaripen, le génocide qui fit 500.000 morts parmi nos anciens, en restant debout et la tête haute. Nous le ferons malgré les refus ou le silence méprisant de ceux qui, gérant de l’argent public ou privé, ne nous ont pas accordé un seul centime pour couvrir les frais du voyage pour ce groupe de jeunes qui souhaite se rendre à Auschwitz. Nous le ferons grâce à la solidarité des hommes et des femmes qui ont répondu et qui continuent à répondre présents à notre appel à la solidarité. Car la dignité ne s’achète pas.
Nous avons voulu que les Français prennent connaissance des termes dans lesquels nous avons invité le président Hollande à nous rejoindre dans cette commémoration, termes qui traduisent une fois de plus la dignité qui est la nôtre. Les médias sollicités n’ont pas voulu publier notre lettre. Il est vrai, elle fait tache entre les discours des Le Pen, Estrosi & C°.
Eh bien, nous vous la livrons avec nos moyens, limités, mais les nôtres.
Télécharger la lettre de La voix des Rroms à François Hollande.
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08/07/2013
Le juteux marché des migrants
Xénophobie Business de Claire Rodier, éd. La Découverte.
450 milliards d’euros : c’est le chiffre d’affaires de la sécurité globale dans le monde. Claire Rodier, juriste, membre du Gisti, le groupe d’information et de soutien aux immigrés, et cofondatrice du réseau Migreurop, a consacré un ouvrage à la privatisation de la politique de migration.
INTERVIEW :
Illustration : J. F. Arrigoni-Neri
Vous parlez de 450 milliards d’euros pour la sécurité globale. Comment expliquez-vous une telle somme ?
Dans beaucoup de pays, les budgets de l’armée ont diminué et, du coup, de nombreux militaires ont été mis au chômage, comme aux États-Unis mais aussi dans pas mal de pays industrialisés. Ces gens-là ont été récupérés par le privé dans une espèce de « mercenarisation » de la sécurité. Ça s’est beaucoup vu au moment de la guerre en Irak, où on comptait moins de militaires que de mercenaires privés, qui étaient souvent d’anciens militaires recrutés par des sociétés privées. Ces multinationales au fonctionnement très opaque opèrent dans le monde entier et leur chiffre d’affaires augmente de 10 à 12 % chaque année.
Parmi elles, la G4S, qui emploie 650 000 salariés, est le deuxième plus gros employeur privé au monde. Comme d’autres, elle a depuis une dizaine d’années investi le marché de la surveillance des frontières, de la détention des migrants et des expulsions.
Le contrôle des migrants est un métier d’avenir ?
Absolument. C’est un marché florissant qui remplit les poches des professionnels de la sécurité : les gestionnaires des centres de détention des migrants, les gardes ou escortes de ceux qu’on expulse, la surveillance des frontières politiques mais aussi les remparts anti-immigration qui prolifèrent depuis la chute du mur de Berlin.
Selon vous, il y a 18 000 km de murs dans le monde, où sont-ils ?
Un peu partout. Le dernier est en train de se monter tout le long de la frontière entre Israël et l’Égypte. Il a pour but d’empêcher les Africains d’arriver en Israël. Juste derrière lui, en plein désert, un camp est également en train de se bâtir. Avec ses 11 000 places de rétention, il sera le plus grand du monde.
Y a-t-il d’autres murs en construction ?
Aux murs existants – entre le Mexique et les États-Unis, entre le Bangladesh et l’Inde, entre le Zimbabwe et le Mozambique –, la Grèce veut ajouter le sien. Depuis 2011, elle le construit sans l’appui de l’Europe qui le jugeait inutile. Il se trouve à la frontière turque, au passage du fleuve Evros, s’étend sur une douzaine de kilomètres. Le premier mur européen a été construit à Melilla – enclave espagnole au Maroc – en 1995 et s’est renforcé au fil des années jusqu’en 2007. Le mur grec a d’ailleurs repris le même modèle. Ce sont des rangées successives de grillages très denses, très hautes, dotées de murs basculants pour piéger les migrants. S’il n’est pas totalement infranchissable, ce mur a quand même énormément réduit les passages par le détroit de Gibraltar.
Combien d’immigrants tentent leur chance chaque année ?
En 2010, la Commission européenne estimait à 800 000 le nombre d’entrées irrégulières dans l’Union européenne. Le nombre de migrants a triplé depuis les années soixante et correspond à 3 % de la population mondiale.
Et le nombre de morts ?
De 1993 à 2010, on a dénombré entre 16 000 et 20 000 morts aux frontières de l’Europe. Et encore s’agit il des seules données enregistrées. Il y en a évidemment plus. Au moins les deux tiers se noient en Méditerranée. Sur ses rives, on retrouve régulièrement des cadavres. Mais beaucoup meurent dans les déserts, en Algérie, en Libye. Ceux-là ne sont pas recensés.
Les frontières sont devenues artificielles et mouvantes en quelque sorte.
On constate, en effet, une délocalisation des frontières. Aujourd’hui, la frontière sud de l’Europe, ce n’est plus l’Espagne et l’Italie, mais le sud du Maroc ou du Sénégal. Le contrôle se fait en amont des frontières physiques.
L’Europe commence donc à Bamako.
À Bamako, et dans toutes les capitales qui ont un aéroport international. Des officiers de liaison, c’est-à-dire des policiers européens, agissent aux côtés des policiers locaux. Les contrôles se dématérialisent grâce à la technologie. Elle permet d’en bloquer certains, mais aussi de reconnaître ceux qui ne posent aucun problème, des Occidentaux en général, et de leur faciliter le passage des frontières. À Roissy, des bornes prennent les empreintes digitales. Il suffit de vous faire reconnaître et grâce à cette banque de données de « personnes fiables », on vous laisse passer sans avoir à faire la queue. Le monde est divisé entre gens qui circulent et gens qui ne circulent pas. En gros, ceux qui viennent des pays riches, pour qui le passage est facilité, et ceux qui viennent des pays pauvres, pour qui le passage est bloqué. Ces deux processus sont simultanés.
Donc tout ça est un énorme business.
C’est « aussi » un énorme business. Mon propos n’est pas de dire que la seule raison pour laquelle il y a des contrôles migratoires, c’est de faire des affaires. Mais je pense que depuis dix ou douze ans, ce volet-là est en train de prendre une place de plus en plus importante. Alors qu’on sait qu’il est vain de penser qu’on peut fermer hermétiquement les frontières, sauf à concevoir le monde comme un vaste apartheid. Les responsables politiques qui décident de mettre en place des contrôles migratoires et qui proclament « l’immigration zéro » n’y croient pas eux-mêmes. Il y a d’autres intérêts et les intérêts financiers font partie d’un ensemble.
Et Frontex ?
C’est autre chose que la G4S. Frontex est une agence créée en 2004 par l’Union européenne (UE), financée par des budgets publics votés par le Parlement, et qui a pour mission la coordination des opérations de surveillance des frontières par les États membres. Frontex signifie « frontière extérieure » de l’UE, c’est-à-dire les frontières terrestres, par exemple la Pologne, maritimes, par exemple la Grèce, mais aussi tous les aéroports. L’agence fonctionne avec une flotte et des équipements humains fournis par les États membres de l’UE. En 2010, elle disposait de 26 hélicoptères, 22 avions légers, 113 navires. Elle aura des drones bientôt. Officiellement, son rôle est de coordonner les contrôles frontaliers et de les rendre plus efficaces. Mais petit à petit, elle a pris de nombreuses de prérogatives et organise elle-même des opérations. Sorte de petite armée pour cette guerre que mène l’Europe contre les migrants, Frontex fait l’objet de nombreuses critiques formulées par les ONG, et aussi par le Parlement européen qui a souligné l’opacité de son fonctionnement. On ne sait pas exactement jusqu’où va sa mission, ce qu’elle a le droit de faire, et qui est responsable en cas d’incident – et il s’en est produit. Jusqu’à présent, il n’ y a eu aucune condamnation, même aucune possibilité de déposer des plaintes, parce qu’on ne sait pas devant quel tribunal ça serait possible.
Quel est son budget ?
Son budget officiel s’élevait à 6,3 millions d’euros en 2005, il a été multiplié par quinze en sept ans. Au vu de ses activités, ce n’est d’ailleurs pas si énorme. Mais des sources annexes de financement s’y ajoutent. Combien ? Difficile à savoir, et on dirait que c’est fait pour. Une grande partie des activités du directeur de Frontex, qui est le même depuis la création de l’agence, consiste à faire l’interface entre les décideurs politiques et des entreprises privées, notamment des avionneurs et des boîtes spécialisées dans la technologie de pointe – radars, caméras sous-marines capables de repérer à distance les embarcations de migrants même très légères, même de nuit, même à 25 km… Parce que la sécurité est un « bien commun qui doit être partagé entre public et privé », aux dires d’un commissaire européen. En 2004, a été créé un groupe de travail qui réunissait des responsables politiques européens, des entreprises privées (comme EADS, Sagem, Siemens, etc.) et des agences comme Frontex, pour décider des orientations à donner aux politiques migratoires en fonction d’une analyse des risques liés notamment au développement du terrorisme international post-11 Septembre. Ce groupe, dit Groupe de personnalités, a défini un programme de recherche financé par l’UE pour la sécurisation des frontières. Une fois le programme de recherche défini et adopté par le Parlement européen, les mêmes entreprises ont demandé à être financées pour développer des matériels adaptés à ces nouveaux besoins – qu’elles avaient contribué à définir. Ensuite, elles ont vendu les matériels mis au point grâce aux fonds européens alloués à cette recherche. Frontex joue un rôle important de go-between dans ce scénario.
Comment sont effectuées ces analyses de risques ?
Des agents se rendent dans les endroits dits « sensibles » et définissent l’évolution des routes migratoires. Ils disent par exemple « avant, les Afghans prenaient telle route, maintenant, ils se déplacent à tel lieu, c’est ici qu’il faut faire une opération de sécurisation de la frontière ».
C’est de l’espionnage, en fait ?
C’est de l’espionnage civil, une mission d’intelligence, qui sert ensuite à orienter les politiques, à envoyer des avions, des hélicoptères, bientôt des drones au-dessus des îles grecques, le nouveau point de passage important de migrants, à commander du matériel, justement à EADS, Thalès, Dassault, etc. Les sociétés européennes sont assez bien placées sur le marché mais il y a une concurrence étrangère, notamment américaine et israélienne, très performante en matière de surveillance des frontières.
On a l’impression que ça ne pourra jamais s’arrêter.
Comme je suis à peu près sûre qu’il n’y a pas de réelle volonté d’empêcher les gens de passer les frontières, effectivement, il n’y a pas de raison que ce système s’arrête. Et puis à ce jeu où le chat tire d’énormes profits, il n’a pas intérêt à éliminer la souris.
La question de l’utilisation de la frontière comme mode de domination est clairement explicitée dans votre travail.
Depuis le début des années 2000, l’UE pratique, dans sa politique de voisinage, la sujétion de pays qui sont à sa frontière extérieure pour qu’ils collaborent à la surveillance de ses frontières. D’un côté, les pays européens perpétuent un rapport de domination avec les voisins de l’Europe. De l’autre, pour ces pays voisins, l‘immigration devient un levier de négociation, voire une source de revenus. Ce nouveau lien de subordination se décline aussi de façon bilatérale, Espagne-Sénégal, Italie-Libye… l’UE en use par exemple avec les pays des Balkans. En ce moment, on est en train de renvoyer des Kosovars en Serbie, des gens qui étaient venus en Europe dans les années 1990 au moment de la guerre, qui avaient obtenu l’asile en Allemagne et dans les pays du Nord notamment. En échange de la perspective de l’adhésion à l’Union, la Serbie accepte de récupérer ces gens qu’elle traite mal et qui se retrouvent ghettoïsés dans des camps – on appelle ça la « réadmission ». Ce négoce fonctionne avec à peu près tous les pays de la frontière. Jusqu’ici le Maroc, qui est devenu un pays d’immigration alors qu’avant, c’était juste un pays par lequel transitaient les Africains vers l’Espagne et le reste de l’Europe, a résisté à ce chantage à la réadmission, il a su faire monter les enchères. Comme l’UE a besoin de sa collaboration, il a ainsi pu accéder à un statut qu’on appelle « statut avancé » qui lui permet d’émarger à des budgets européens, notamment en matière commerciale. En échange, le Maroc a accepté de mettre ses flics à disposition de l’Europe pour empêcher les migrants de franchir ses frontières…
Quand vous déclarez qu’il n’y a pas de vraie volonté d’empêcher les gens de franchir les frontières, que voulez-vous dire exactement ?
Je dis que les migrants irréguliers sont très utiles dans toutes les sociétés industrialisées et que celles-ci ne veulent pas se priver de ce volant de main-d’œuvre dont elles ont besoin. Emmanuel Terray appelle cela la « délocalisation sur place » : on utilise de la main-d’œuvre sans papiers, peu exigeante, qui ne se syndique pas, qu’on peut payer 3 € de l’heure et qui est sur place.
Parce que l’immigration légale, non seulement elle ne coûte pas d’argent mais en plus elle en rapporte, alors quel est l’intérêt à part le fric ? Faire plaisir à Madame Le Pen ?
Oui, l’aspect idéologique est très important. La peur de l’immigration, de l’étranger, c’est en tout cas un outil très facile à manier à des fins politiques, mais de très courte vue. Par exemple les Roms : ça ne sert à rien de les expulser – ils ont le droit, en tant qu’Européens, de revenir en France – mais c’est toujours assez bien de faire un petit coup d’expulsion pour donner l’impression qu’on est un ministre de l’Intérieur fort. De la même façon, le mur Mexique/États-Unis a coûté une fortune et les bilans de la Cour des comptes américaine disent qu’il n’est pas efficace. Qu’importe, on continue…
Et ça a continué sous Obama ?
Ça s’est renforcé. Sous son premier mandat, il n’y a jamais eu autant d’expulsions et il a mis plus d’argent que Bush dans le mur. Mais ça bouge : maintenant que les conservateurs semblent changer de position sur l’immigration, Obama annonce une opération de régularisation de sans-papiers de très grande ampleur.
On n’entend pas beaucoup de gens proposer des solutions.
Dans nos milieux, au Gisti, on se fait traiter d’idéalistes et de droits-de-l’hommistes. Ça ne me dérange pas de l’être, sauf que le raisonnement ne s’arrête pas là. Notre propos n’est pas seulement de dire : ce n’est pas bien de maltraiter les migrants. Même si c’est vrai, le problème n’est pas là. Et, personnellement, je n’ai pas d’empathie particulière, pas plus que d’antipathie d’ailleurs, pour les migrants. Le problème est dans notre rapport au monde qui est caricaturé par cette question de la frontière. Il est dans le fait qu’un petit nombre de gouvernants décide qui a l’autorisation de bouger et qui doit rester chez soi, et que cela paraît complètement normal. Et dans le fait qu’on considère cette ségrégation à l’échelle de la planète comme relevant de l’ordre des choses. On nous dit qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde : au nom de quoi nos sociétés auraient-elles légitimité à protéger leur position de nantis en renvoyant le reste du monde à sa misère ?
Y a-t-il des changements depuis Sarkozy ?
On note un petit assouplissement pour les étudiants, pour l’acquisition de la nationalité, mais aucune perspective de régularisation de sans-papiers comme on aurait pu l’attendre. Les dossiers individuels ne sont pas plus débloqués qu’avant. On enferme toujours des enfants dans des centres de rétention alors que Hollande avait promis qu’il ne le ferait plus. On atteint les 37 000 expulsions par an, c’est le « meilleur » chiffre qui a été réalisé depuis des années. Au début de l’année, Manuel Valls a même promis que ce chiffre ne diminuerait pas. Il voulait qu’on entende ce message : on fait aussi bien que la droite. On l’a compris.
Propos recueillis par la rédaction de Siné Hebdo
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Le ridicule jusqu'au bout
Les députés et l'ensemble du personnel du Parlement européen, à Strasbourg et à Bruxelles, ont découvert récemment que l'ensemble du système de téléphonie de l'institution avait été remplacé par du matériel ultramoderne... de fabrication américaine. Une nouveauté qui serait sans doute passée inaperçue si les révélations du consultant Edward Snowden n'avaient confirmé que les institutions européennes étaient particulièrement ciblées par l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA), au travers de géants de l'Internet.
L'appel d'offres du Parlement – Telsis lot 2 – publié le 9 avril 2011 a été remporté par la filiale belge de British Telecom (BT) et "il a été démontré que la solution la plus avantageuse" pour l'équipement était celle de l'entreprise californienne Cisco, l'un des leaders mondiaux sur le marché de la téléphonie sur réseaux IP –, incluant l'Internet Protocol.
"LE SYSTÈME CISCO ÉTAIT LE PLUS ADAPTÉ"
Telle est du moins la réponse de l'institution. Son secrétaire général, "en réunion", ne peut apparemment donner plus de précisions. Le marché portait sur un montant total de 2,3 millions d'euros. Certains députés s'étonneront d'abord qu'une institution européenne se soit dotée de matériel "made in USA". "Conformément aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, le Parlement ne pouvait utiliser comme critère de choix le pays d'origine du matériel dans l'appel d'offres", réplique l'administration.
Elle insiste : "Le contrat avec BT est un contrat-cadre de service, ce qui signifie que nous avons défini les besoins et qu'il est apparu que le système Cisco était le plus adapté." Le Parlement a-t-il veillé à la sécurité de son nouvel appareillage ? "Nous définissons nos propres mesures concernant les infrastructures de communication. Elles ne sont pas partagées avec le fournisseur", affirme encore l'administration.
SURVEILLANCE NIÉE PAR CISCO
Dans ses appels vers l'extérieur, le Parlement utilise les réseaux publics et se fie aux mesures de sécurité mises en place par les fournisseurs d'accès. Les services de l'institution n'indiquent pas si des mesures complémentaires ont été envisagées.
Contactée à Bruxelles et Paris, la société Cisco n'a pas répondu aux sollicitations du Monde. Au moment des révélations sur Prism et sur l'implication dans ce système de divers fournisseurs d'accès, la compagnie américaine avait publié, le 19 juin, un communiqué niant toute participation de sa part à des opérations de surveillance.
Le 7 juin, le quotidien britannique The Guardian avait cité Cisco comme l'un des fournisseurs de routeurs du trafic de données immédiatement exploitables par les services de renseignement.
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