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17/06/2013

BDS, missions impossibles

Sans pour autant être taxé d'antisémitisme, on peut être pour ou contre le boycott ("BDS") visant à faire admettre au gouvernement d'Israël que les palestiniens ont droit à un Etat, qu'en attendant leur territoire n'est pas une grange destinée à être pillée et se poser la question sur le côté incommensurable de cette mission, la question n'est pas là.
Depuis le temps, il est des juges zélés qui font la preuve de leur incapacité à regarder le Monde tel qu'il est. Si la Justice est aveugle, ce qui, en soi, pourait être une garantie d'équité, on peut se demander pourquoi elle ne se donnerait pas le droit d'être un peu moins rétro, un peu plus "éclairée". Pour voir.
Communiqué LDH :

Trois militants s’inscrivant dans la campagne dite « Boycott-Désinvestissement-Sanctions » font l’objet de poursuites pour incitation à la haine raciale et seront jugés à ce titre devant le tribunal correctionnel de Perpignan, le jeudi 20 juin 2013. Il leur est reproché d’avoir appelé au boycott des produits exportés par Israël dans le cadre d’une dénonciation de la colonisation, le 15 mai 2010, dans un magasin Carrefour.

BDS

Comme pour d’autres affaires similaires, la Ligue des droits de l’Homme réaffirme que ces poursuites sont non seulement injustifiées mais extrêmement choquantes, l’acte de ces militants ne pouvant une seule seconde être considéré sérieusement comme une incitation à la haine antisémite. Plus généralement, la LDH refuse que toute critique de la politique des gouvernants israéliens et tout acte d’opposition aux graves violations des droits de l’Homme dont ces gouvernants se rendent coupables depuis des années soient taxés d’antisémitisme : cet amalgame est non seulement insultant pour les citoyens qui émettent ces critiques mais extrêmement dangereux, y compris pour la lutte contre la haine antisémite que la LDH mène depuis son origine même.

Appliquer le droit international c’est bien sûr respecter les droits du peuple palestinien, aujourd’hui victime d’un déni d’existence par les autorités israéliennes et la communauté internationale. C’est, d’ores et déjà, appliquer à la lettre la loi de l’Union européenne et permettre à chacun de distinguer entre les produits fabriqués en Israël et ceux fabriqués dans les colonies qui peuvent légitimement faire l’objet d’un boycott.

La LDH demande que cessent les poursuites engagées et demande la relaxe des personnes poursuivies. Par ailleurs, madame la Garde des Sceaux doit retirer la circulaire du 12 février 2010 enjoignant au Parquet d’engager systématiquement des poursuites.

Paris, le 17 juin 2013

09/06/2013

Hommage à Clément Méric

En hommage à Clément MERIC, étudiant à Sciences Po, tué à Paris le 5 juin 2013 par des militants fascistes, un rassemblement populaire et silencieux s'est tenu ce samedi 8 juin à 19 h Place St Sauveur à Manosque.

St Sauveur où, le 16 mars 2012 et ça n'est malheureusement qu'un exemple, l'expression haineuse et aigrie d'une humanité déclassée s'était déjà déversée là où les passant mettent leurs pieds sans se donner l'inconfort d'imaginer ce que peut être l'insulte faite à la jeunesse et à la vie. Trop souvent, d'indisponibilités en indispositions, ils la fuient sans éviter l'immonde. 

clément méric

Aujourd'hui, une centaine de personnes, anonymes et sans autre drapeaux que celui de leur conscience et de leur tristesse en berne, ont donné un sens à cet hommage. S'insurgeant contre les caricatures et les supercheries dont on veut les affubler.

Ils ont dit :

Face à l’extrême droite, "l'extrême gauche" serait bien seule, s'il n'y avait qu'elle pour dénoncer les causes et les effets du fascisme rampant ou arrogant.

Ils ont dit aussi :

S’il faut s’indigner, c’est contre celles et ceux qui flattent, entretiennent, confortent, banalisent, "comprennent", admettent, incitent et suscitent, instrumentalisent et font la promotion d'une extrême droite dont les frontières sont de moins en moins apparentes et de plus en plus poreuses. Cette irresponsabilité, cette inconscience est sans limite. Une de ses conséquences est la mort de Clément MERIC.

Sa vie avait un sens.

05/06/2013

Nostalgérie

Du Touvet (Isère) à Aix-en-Provence, on se prépare avec de l'argent public à de nouveaux éloges de l’OAS. Et c'est insupportable.

Au moment où s’ouvraient les négociations d’Evian pour mettre fin à la guerre d’Algérie, deux activistes, Albert Dovecar et Claude Piegts, membres des sinistres commandos delta de l’OAS, participaient à l’assassinat de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961. Condamnés à mort, Dovecar et Piegts ont été exécutés le 7 juin 1962. (La peine de mort est une aberration.)

Nostalgérie

C’est précisément le 7 juin 2013 que le Collectif aixois des rapatriés – le CAR –, a choisi pour inaugurer à Aix-en-Provence un monument, de même nature que ceux de Nice, Toulon, Perpignan et Marignane, érigés à la gloire de tels assassins. La stèle sera installée dans la cour de la Maison du maréchal Alphonse Juin, propriété de la ville d’Aix, devenue véritable casemate de la « nostalgérie ». L’actuelle équipe municipale en a confié la gestion au CAR qu’elle subventionne abondamment. Coutumier des éloges de la colonisation et de l’OAS, le président du collectif, René Andrès, lance un appel pour l’inauguration d’un espace « appelé à devenir le haut lieu de la mémoire, et de la conservation, de la vérité du peuple Pied-Noir et Harkis ».

L’Association de défense des anciens détenus de l’Algérie française (ADIMAD) soutient cet appel. Ces irréductibles de l’Algérie française ont prévu de se retrouver, comme chaque année, début juin autour de la tombe de Claude Piegts au Touvet, dans l’Isère. L’hommage initialement prévu le 2 juin 2013, a soulevé de telles protestations qu’il vient d’être interdit par la préfecture de l’Isère. Ses initiateurs l’ont reporté au 9 juin, deux jours après la cérémonie d’Aix.

La Ligue des droits de l’Homme dénonce avec force ces tentatives de réhabilitation des anciens tueurs de l’OAS, autant que les dérives idéologiques sur les aspects positifs de la colonisation et les nouvelles instrumentalisations du drame des Harkis et de leurs enfants. Il est indispensable que soient officiellement reconnus, simplement reconnus, les crimes et méfaits qui ont accompagné la colonisation et la guerre d’indépendance de l’Algérie. Indispensable pour bannir en France toutes les formes de racisme que ces dérives alimentent ; indispensable pour permettre le renforcement des liens d’estime et d’amitié entre les peuples algérien et français, l’établissement d’une coopération active et sincère entre la France et l’Algérie !

Communiqué LDH Paris, le 4 juin 2013

26/05/2013

Nucléaire, démantèlement impossible

L'obsolescence programmée des centrales nucléaires, leur démantèlement, remplacement ou simple sécurisation... C'est pour quand ? A quel prix ? Comment ? Avec quels professionnels ? Formés où et par qui ?...

démantelement nucléaire,artePour l'instant, ces questions sont très largement éludées au nom d'arguments aussi fallacieux que la "crise" des marchés financiers, le chantage à l'emploi ou que le degré d’hystérie collective qui pourrait résulter d'un "accident".
Aucune transition énergétique en cours ou entrevue. La mécanique des lobbies, obnubilée par l'immédiateté d'un résultat comptable ou l'impossibilité de rétrocéder quoi que ce soit d'alternatif à la réalité, est à l’œuvre dans cette prise de risque à l'aveugle. Ils font l’impasse sur des certitudes scientifiques forcément tragiques si elles ne sont pas régulièrement remises en cause, tout autant que sur le nucléaire militaire, haut lieu de toutes les désinformations.

Peut-on vraiment démanteler une centrale nucléaire ?

23/05/2013

Migration's business

Les conclusions du rapport d'Amnesty (infra) ne sont pas "tout à fait" précises. En fait, tortures et autres absurdités criminelles et "inutiles" mises à part, les migrants sont au contraire accueillis d'autant plus volontiers qu'ils peuvent, la plupart du temps, combler un manque de main-d'œuvre ouvrière, servir de bouc émissaires silencieux et gonfler le chiffre d'affaire de sociétés "tout à fait" rentables aux activités pourtant très peu transparentes. On avait déjà parlé ici de cette criminalité .

Rapport amnesty 2013
Source

Rapport d'Amnesty International 2013 : focus sur la situation des migrants dans le monde. (via RFI)

« Le rapport le moins attendu par les despotes de la planète », voilà comment Amnesty International présente son rapport 2013, qui sera rendu public jeudi 23 mai 2013 à 01h01 (heure de Paris). Cette année, l'organisation met l'accent sur le sort des migrants et des réfugiés. Notre planète serait de moins en moins accueillante pour les populations migrantes. 

Le monde est en train de devenir de plus en plus dangereux pour les réfugiés et les migrants, affirme Amnesty International. Dans son rapport 2013, l'organisation basée à Londres dresse un tableau inquiétant du sort réservé à toutes ces populations déplacées de part le monde.

Pays par pays, l'organisation de défense des droits humains trace un portrait tragique de l'humanité, celui des violations des droits de l'homme, des 112 pays qui, en 2012, ont pratiqué la torture sur leurs citoyens, des 57 pays qui détiennent des prisonniers d'opinion, des quinze millions de réfugiés et des douze millions d'apatrides aux droits souvent négligés.

Les droits des personnes qui fuient les conflits ne sont pas protégés, affirme Amnesty dans son rapport. Elle estime que le passage des frontières est souvent bien plus compliqué pour les réfugiés que pour les armes qui alimentent les conflits. Les migrants font de plus en plus les frais des politiques nationalistes et des discours xénophobes. L’ONG cite l'exemple de l'Union européenne, dont la politique de contrôle aux frontières met en danger la vie des migrants en ne garantissant pas la sécurité de ceux qui fuient les persécutions.

Selon l'organisation, les migrants et les demandeurs d'asile sont enfermés un peu partout sur la planète, dans un monde où le centre de rétention devient la norme. Elle épingle aussi les entreprises qui les embauchent et se soucient davantage des profits que du droit des travailleurs.

Bref, le rapport 2013 d'Amnesty International tire le signal d'alarme, et dénonce la vie de misère et de clandestinité à laquelle sont réduits la plupart des migrants et des réfugiés.

21/05/2013

De l'art.2.1 de la DUDH

L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 16 mai 2013, une proposition de loi du Front de gauche supprimant le mot "race" de la législation française. La majorité PS s’est ralliée à cette proposition, soulignant qu’il s’agissait d’"une première étape". François Hollande s’était en effet engagé, le 10 mars 2012 dans un discours consacré à l’Outre-mer, à supprimer ce terme de la Constitution..

Danièle Lochak, professeur émérite de droit public à l’université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, ancienne présidente du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), et auteur de La race, une catégorie juridique ( Presses de la FNSP, revue Mots, 1992) porte un jugement nuancé sur cette initiative qui ne devrait pas, selon elle, aboutir ensuite à modifier la Constitution de 1958, et encore moins le préambule de 1946.

... Et plus encore d'éradiquer le racisme. Elle s'en explique dans la colonnes du journal Le Monde (voir infra) comme elle s'en était expliquée à Mediapart en mars 2012. D'une présidence à l'autre, les textes de loi n'auront pas changé grand chose. S'ils ne sont pas suivis d'effets, constituent-ils une avancée ? Le débat reste ouvert.

race

L’article 2.1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme est ainsi rédigé :
« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

Etait-il nécessaire de faire disparaître le mot "race" de la législation ?

Je suis partagée. D'un côté, les mots ne sont pas neutres. Utiliser un terme – a fortiori dans un contexte juridique – peut lui donner une certaine légitimité : on peut donc comprendre le souhait d'éliminer le mot "race" des textes de loi.

D'un autre côté, dans tous les contextes où ce mot apparaît, c'est sur le mode de la dénégation, pour disqualifier les actes et les propos racistes, il est donc difficile d'en tirer la conséquence que les "races" existeraient.

Le terme, au demeurant, n'est pas tabou dans beaucoup d'autres pays qui, comme la France, ont mis hors la loi la discrimination raciale. Et surtout, on le trouve dans toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'homme qui interdisent les discriminations fondées – notamment - sur l'origine, ou l'appartenance à une ethnie ou une race. Ratifiées par la France, elles font à ce titre partie de son droit positif. C'est le cas également de l'article 10 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de la Charte européenne des droits fondamentaux et de la directive de 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes "sans distinction de race ou d'origine ethnique".

L'adoption de ce texte va-t-il entraîner des changements concrets ?

Ce texte a une portée essentiellement symbolique, tout le monde en convient. Car ce n'est pas la présence du mot "race" dans la législation qui alimente le racisme ni même la croyance en l'existence des races. Ce qui est important, c'est de se donner les moyens de lutter contre le racisme – qui suppose entre autres une politique plus respectueuse des droits des étrangers et des droits des Roms.

Si le texte amendé au cours de la discussion parlementaire aboutit à remplacer systématiquement les mots "en raison de [...] sa race" par l'expression "pour des raisons racistes", de façon à ne pas risquer d'affaiblir la répression du racisme, on notera qu'il laisse subsister dans l'ensemble de la législation les termes d'"ethnie" ou d'"appartenance à une ethnie". Or l'ethnie est en réalité un substitut euphémisé de la "race" mais qui, sentant moins le soufre, peut aboutir à conférer une crédibilité à des distinctions qui sont tout aussi contestables et dangereuses que celles reposant sur la "race".

Que pensez-vous du processus retenu ? Un premier vote portant sur la suppression du mot dans la législation et une suppression ultérieure dans la Constitution, comme s'y est engagé François Hollande...

Sur ce point, je suis assez tenté de reprendre à mon compte la proposition du groupe communiste et républicain en 2003, qui était de ne modifier ni la Constitution de 1958, ni le préambule de 1946 énonçant des droits et des libertés fondamentaux, en raison de leur valeur historique.

Modifier la Constitution de 1958, qui a déjà subi des dizaines de réformes, cela peut à la rigueur se concevoir. Mais on imagine mal de changer le préambule de 1946. Outre que c'est juridiquement impossible, rappelons-nous que, adopté à l'issue de la seconde guerre mondiale, il représente un moment important de la "mémoire discursive d'une histoire tragique", pour reprendre l'expression de la chercheuse Simone Bonnafous.

François Béguin pour Le Monde du 17/05/2013

10/05/2013

Ken Loach, « L’esprit de 45 »

La LDH soutient ce film documentaire et de parti pris, puisqu'il ne prétend pas expliquer des tenants et des aboutissants -c'est aux spectateurs de le faire-, se moque de savoir si l’histoire se répète ou non, puisqu'il montre juste, mais magistralement, ce que des gens ont vécu, puis revécu à l’envers, leur vérité et la foi qu’ils gardent dans la possibilité du changement.
Tout rapprochement avec l'actualité, ici ou ailleurs, est recommandé.

L'Esprit de 45,Ken Loach

Le sujet est on ne peut plus austère. Mais la patte magistrale de Ken Loach en fait un film passionnant, et même producteur d’espoir aujourd’hui. Il s’agit pourtant de la sombre histoire d’un détricotage sauvage. Premier temps : l’Angleterre de 1945, sortant des ruines de la guerre autour de son héros Churchill, se trouve désireuse de chasser les conservateurs pour gagner une seconde bataille : une victoire sur la misère immense de l’avant-guerre. Elle élit alors un gouvernement travailliste autour de Clement Attlee, qui met en œuvre un formidable programme de réformes et de nationalisations. Deuxième temps : la victoire des conservateurs et de Margaret Thatcher en 1979 et la destruction systématique et programmée de l’œuvre des travaillistes.

Le récit, illustré de nombreuses actualités d’époque, est mené par de nombreux témoins et analystes. Pas comme il est de mode de le faire aujourd’hui, en remettant la parole à de grands intellectuels : mais en mettant sur le même plan, avec la même légitimité, d’anciens mineurs, dockers, syndicalistes, des infirmières, et des historiens ou politologues, qui ont tous à dire sur cette double histoire, avec brièveté et intelligence. Le résultat est une trame de paroles et d’images remarquablement unifiée et dont l’intérêt ne faiblit jamais. Avec une place discrète mais réelle faite à l’émotion devant des images montrant par exemple la misère des enfants mal vêtus, mal nourris et infestés de vermine, vivant dans les pires taudis d’Europe, ou l’explosion de joie des belles filles au retour des soldats de la victoire.

L’œuvre du gouvernement travailliste de 1945, élu triomphalement malgré l’attachement national au leader de la guerre contre le fascisme, Winston Churchill, est colossale. Le peuple anglais a découvert sa force quand il était uni dans la guerre ; il veut s’unir de nouveau pour éradiquer l’immense misère dans laquelle il vivait auparavant. Pour cela le manifeste du parti travailliste préconise la propriété collective contre la concurrence, les nationalisations massives pour programmer une renaissance industrielle, dans un pays économiquement dévasté ; le développement du logement social, des services publics de l’éducation, de la culture et surtout de la santé, avec la création de la Sécurité sociale. Les soins médicaux sont désormais accessibles ; les ouvriers ont droit à des logements décents, des maisons avec des salles de bains dans des villes nouvelles réalisées à partir d’un plan d’urbanisme. Et toute l’activité économique est rationalisée et planifiée par la nationalisation des transports, des mines, des docks, de l’électricité, du gaz et de l’eau ; on quitte enfin un monde dans lequel la liberté économique de quelques uns avait pour corollaire la misère de tous les autres. Le chômage diminue, le bien-être et la dignité reviennent.

Las, en 1979, les conservateurs sont élus, avec Margaret Thatcher qui détricote systématiquement toutes les réformes et les acquis sociaux de l’après-guerre. Retour de l’individualisme, de la course au profit, du capitalisme sans contrôle ; privatisations, dérégulations, mort de l’Etat-providence avec leurs conséquences : crise industrielle, licenciements, chômage, mise au pas des mouvements sociaux et des syndicats avec violences policières. Les mines ferment, les dockers sont de nouveau temporaires et les accidents de trains se multiplient ; on ne construit plus de logements sociaux et un million de jeunes se retrouvent sans emploi.

Reste un parti travailliste coupé des classes populaires qui ont oublié leur pouvoir ; reste le souvenir, chez les anciens, de ces années 1945 qu’il est de leur devoir de raconter aux jeunes pour leur dire que le partage, le progrès et l’espoir existent et qu’ils ont connu une période formidable.

L’Esprit de 45, film documentaire
Royaume-Unis, 2013
Durée : 94’
Réalisation : Ken Loach
Distribution : Why not Productions

 

07/05/2013

République panique

Il est étonnant de pouvoir lire aujourd'hui un tel interview dans Le Monde, qui s'est par ailleurs montré si "critique" lors des dernières protestations enregistrées à gauche de la gauche au pouvoir. Le Monde serait-il en train de changer ?
Transcrire cet interview ici, correspond au besoin d'archiver un échange ouvert sur la pensée, sur une façon d'appréhender notre société, sur un espoir plus que un simple souhait.

Rancière & Rosanvallon

" Malaise démocratique, débandade politique et vent de panique dans la République. Un an après l'élection de François Hollande, le bilan n'est pas brillant. D'où l'envie de réunir le philosophe Jacques Rancière et le philosophe Pierre Rosanvallon, l'un des théoriciens les plus écoutés de la "deuxième gauche", deux penseurs incontournables de la question démocratique afin de comprendre notre crise morale et politique.

Comment avez-vous fait de la démocratie et de l'égalité les axes centraux de vos recherches, questionnements et préoccupations politiques ?

Pierre Rosanvallon Je suis devenu permanent à la CFDT en sortant d'HEC, juste après 1968. J'ai alors commencé à lire énormément sur l'histoire du mouvement ouvrier. Je m'étais lié à un éditeur, Léon Centner, qui avait publié une impressionnante collection de centaines de pamphlets sur la construction du mouvement ouvrier, Les Révolutions du XIXe siècle, en 48 volumes. J'avais fait acheter l'intégralité à la CFDT et je m'étais plongé dedans. Je voyais bien dès ce moment-là qu'on ne pouvait comprendre les tâches du présent - le projet autogestionnaire était alors central - qu'en ayant une vision longue des problèmes. Je voulais par ailleurs comprendre les phénomènes d'entropie démocratique. Savoir pourquoi les structures de fonctionnement collectives ne marchaient pas aussi bien qu'on l'attendait. Toutes ces questions sur l'organisation de la vie démocratique ont constitué mon premier répertoire d'études.

Le second portait davantage sur le type de conflits sociaux du début des années 1970, conflits qui redessinaient un nouveau paysage revendicatif et invitaient à reformuler les termes de l'émancipation individuelle et sociale. Dans mon premier ouvrage, Hiérarchie des salaires et luttes des classes, publié sous un pseudonyme, je me suis par exemple intéressé aux différences admissibles dans le travail. Quel était l'écart maximal toléré entre un ouvrier et son PDG ? Comment devait être défini le salaire minimal ? Et à ces questions se sont ajoutées celles des institutions de la solidarité, de la compréhension des conditions dans lesquelles elles commençaient à se délégitimer, au milieu des années 1970. Ces trois piliers de mon travail se sont construits à partir de questions nées de mon expérience syndicale comme de mes lectures sur l'histoire du mouvement ouvrier. Et aussi des voyages que j'avais pu faire pour étudier les kibboutz et les entreprises autogérées en Yougoslavie.

Jacques Rancière En 1968, on a vu se redéployer des questions que l'on pensait déjà résolues : que veut dire mouvement ouvrier, lutte des classes, etc. Pour en prendre la mesure, je me suis lancé dans un travail de recherche archéologique remontant jusqu'aux années 1830-1840. J'ai pris conscience du rôle fondamental de l'affirmation démocratique dans l'histoire ouvrière, loin de la critique marxiste selon laquelle la démocratie n'était qu'un masque de l'exploitation. C'était l'époque où on célébrait les révoltes sauvages. Or ce qui m'a frappé, c'est le protocole ouvrier, la manière dont la grève naissait historiquement comme une construction rationnelle de gens qui n'exigeaient pas seulement de meilleurs salaires et conditions de vie, mais qui voulaient aussi être considérés comme des personnes capables de penser, parler et de décider. Cela a été un élément essentiel de ma conception de la démocratie, cette affirmation ouvrière d'une capacité de penser et pas simplement de combattre. Les ouvriers s'affirmaient comme des copartageants d'un monde commun ; ils s'affranchissaient d'une identité ouvrière imposée pour gagner une communauté, un collectif ouvrier nouveau. Cela a marqué ma conception de la démocratie et de l'émancipation : ceux qui sont de l'autre côté ne revendiquent pas simplement leur part, mais leur capacité entière d'êtres humains, avec tout ce que cela implique. J'étais philosophe, mais ce qui est devenu La Nuit des prolétaires n'était ni une thèse de philosophie, ni une d'histoire, ni même de sciences politiques. C'était une rencontre singulière qui m'obligeait à rompre avec le modèle académique de l'information qu'on amasse et qu'on traite. Les textes ouvriers n'étaient plus un vecteur d'information sur la condition ouvrière mais une pensée en acte qu'il me fallait prolonger et faire partager.

Il n'y a donc pas d'un côté les intellectuels qui pensent et, de l'autre, les ouvriers ou les cadres qui travaillent. Cette représentation et séparation des rôles et des fonctions a-t-elle encore la vie dure ?

P.R. Au courant des années 1968, il y avait à la CFDT un type de militants ouvriers qui ressemblaient aux ouvriers des années 1830 étudiés par Jacques Rancière, des personnes qui lisaient notamment énormément. J'ai alors découvert qu'il y avait une vraie vie intellectuelle en dehors de la vie académique. La création de La République des idées ou de La Vie des idées s'est inscrite pour moi dans la continuation de ce constat, avec le souci de produire et de faire circuler un savoir socialement appropriable, lié à l'expérience.

J.R.  Il faut un certain degré de stupidité pour jouer le rôle de l'intellectuel  , c'est-à-dire pour supposer qu'il y a une catégorie de gens qui pensent pendant que les autres ne pensent pas. Ça va de pair avec l'idée selon laquelle les gens sont opprimés parce qu'ils ignorent pourquoi ils le sont. Les gens n'ont pas besoin qu'on leur dise pourquoi et comment ils sont opprimés, ils le savent parfaitement. En travaillant sur l'histoire de l'émancipation ouvrière, j'ai vraiment pris conscience que le problème de ces ouvriers n'était pas de comprendre le système mais de savoir si un autre monde était possible,  s'ils étaient capables de le  construire .

Nombre d'intellectuels nous disent que le capitalisme que vous avez décrit serait dépassé par la société postindustrielle, où triomphe la consommation sur la contestation. Partagez-vous ce diagnostic ?  

J.R. On a vécu pendant plusieurs années dans l'illusion d'avoir dépassé le capitalisme industriel, d'être dans une société postfordiste où le travail matériel aurait disparu et le monde serait devenu un univers de petits bourgeois consommateurs. Mais la réalité du capitalisme n'est pas celle de sociétés où les rapports de dominations se seraient évaporés. Bien au contraire, on retrouve des formes d'exploitation qu'on pensait appartenir au passé. Le travail à domicile, celui des enfants, des esclaves : c'est une partie de l'économie capitaliste. Le dépassement du capitalisme fordiste, c'est  l'éclatement organisé des  processus de travail, la fabrication d'un monde où tout est fait pour séparer les gens, les cloisonner pour éviter toute rencontre et donc toute lutte collective. C'est aussi une société où les inégalités ne cessent de se creuser contrairement à  tout ce qu'on a raconté sur l'égalitarisme triomphant.

P.R. Une ère du capitalisme industriel a pris fin dans les années 1970, celle caractérisée par un mode d'accumulation de capital et d'organisation de la production produisant lui-même la classe ouvrière. C'était un capitalisme où procédures et formes d'organisation standardisées définissaient le travailleur. Un nouveau mode de production s'est développé, qui ne se contente pas d'exploiter la force anonyme de travail. Là où le capitalisme d'innovation mobilise la particularité de chaque individu, le capitalisme industriel convoquait sa généralité. Aujourd'hui, ce qui produit la richesse ce n'est pas seulement l'exploitation mécanique. C'est aussi la valorisation de toutes les formes de singularité : la créativité, l'implication, la responsabilité. Engagement, créativité, autonomie, voilà ce qui conditionne la production moderne. Avec les formes inédites de domination des personnes qui en découlent. Avec la mondialisation, s'exprime aussi toute l'hétérogénéité des formes capitalistes : coexistent ainsi dans nos sociétés des restes du capitalisme fordiste, et même des formes plus archaïques, avec un capitalisme d'innovation très développé. La mondialisation ce n'est pas seulement la multiplication des échanges

Sommes-nous entrés dans une Europe post-démocratique, comme le soutient le philosophe allemand Jürgen Habermas ?

J.R. Aujourd'hui, on impose l'idée selon laquelle les problèmes du monde seraient devenus tellement importants qu'il ne serait plus possible de les confier à une décision populaire. Prenez le second vote sur la Constitution européenne : le président Sarkozy avait affirmé qu'il s'agissait d'une chose trop sérieuse pour la faire voter par les Français. Ce n'est pas simplement une question de règle constitutionnelle, c'est un rapport entre des intelligences opposées qui se joue ici. C'est une cassure irréversible entre deux mondes.

P.R. Quand Jürgen Habermas parle de la tendance à la dissémination de l'idée démocratique dans de simples formes de gestion et de régulation, il cerne l'une des dimensions essentielles de la crise de la démocratie moderne. Aujourd'hui s'est développé ce qu'on appelle la gouvernance, une forme de "dissémination" du politique. On peut parler en ce sens d'une dépolitisation "technique" de la démocratie. Cela peut se justifier dans certains domaines. Dans la mesure où cela correspond parfois à une demande de régulation "objective" pour limiter une politisation-confiscation partisane. Mais le problème est qu'il n'y a pas eu de mouvement inverse de repolitisation authentique autour des problèmes essentiels du vivre ensemble. On assiste aussi simultanément à une lente érosion du modèle démocratique, de plus en plus réduit au seul moment électoral. Le problème, c'est qu'à force d'être sacralisée, l'élection finit par aspirer et réduire l'essence même du politique. Or, la vie démocratique présuppose un espace de délibération sur la construction du commun en matière de redistribution, d'égalité, de justice, de gestion des différences. Et subsiste la question fondamentale de l'organisation du pouvoir citoyen qui ne se limite pas à l'organisation d'une délégation mais implique, sur un mode actif et permanent, des formes de contrôle, de vigilance, d'évaluation.

Quelle est la nature de la crise de la démocratie et de la dépolitisation qui est à l'oeuvre aujourd'hui ?

J.R. Selon moi, il n'y a pas une dissémination du politique mais une confiscation, une appropriation centrale par l'Etat. La question est : que considère-t-on comme premier dans l'idée même de démocratie ? La démocratie me semble être avant tout une pratique qui fait exister un sujet populaire comme tel, indépendamment du peuple qui est représenté au niveau de l'Assemblée et de l'Etat. Démocratie et représentation ne sont pas des concepts normalement liés, à l'origine, ils sont même parfaitement opposés. Il faut garder en tête que "démocratie représentative" est une contradiction dans les termes, il ne faut donc pas attendre la régénération de la démocratie du processus électoral et plus particulièrement de l'élection du président de la République. L'institution présidentielle est une institution clairement pensée comme antidémocratique, créée en France en 1848 pour préparer un retour à la royauté et recréée par De Gaulle pour contrebalancer la "pagaille" populaire. C'est une institution monarchique, greffée sur la République.

P.R. Il ne peut pas y avoir de démocratie s'il n'y a pas de partage des formes de savoir, d'information et s'il n'y a pas de délibération vivante sur tout ce qui constitue un monde commun. Revivifier la démocratie doit se faire aujourd'hui au premier chef sur le mode de ce que j'ai appelé une contre-démocratie. Tous les citoyens ne peuvent pas exercer le pouvoir, mais tous peuvent être vigilants et participer au débat public.

La contre-démocratie n'est pas le contraire de la démocratie, mais ce qui vient la conforter. Il faut mettre un terme à l'illusion qu'on peut créer un mécanisme simple qui serait pleinement représentatif, où les volontés du peuple seraient parfaitement transmises à des intermédiaires transparents et qui produiraient de bonnes décisions. C'est une vision idéaliste ! Il faut qu'il y ait des contre-pouvoirs, des instances de contrôle, des forces de rappel, de rattrapage. Ce n'est pas un hasard si, en Grèce ancienne, on élisait autant de contrôleurs que de gouvernants. Il y a de l'entropie partout dans la démocratie. Et pour qu'elle puisse progresser, il faut la compliquer et rompre avec la vieille conception mécanique, qui ne sert au fond que les intérêts de la classe politique. En même temps qu'elle est une machine à produire de la défiance en creusant l'écart entre les discours et la réalité.

Ensuite, représenter ce n'est pas seulement déléguer mais faire vivre des réalités, faire connaître des existences. Des vies non racontées sont sans dignité. Il y a toute une action sociale qui peut être menée pour produire une autre représentation, toute une vie sociale autonome que l'on peut organiser pour réanimer la délibération, la discussion politique et démocratique.

Les socialistes, qui cumulent presque tous les pouvoirs, sont-ils à la hauteur de cette crise de la représentation ?

J.R. Il n'y a pas de crise de la représentation chez nous. Pendant que les manifestants madrilènes disaient aux candidats "Vous ne nous représentez pas", il y avait une grande ferveur pour les primaires socialistes en France, renouvelant l'illusion que l'élection présidentielle est le coeur battant de la démocratie, alors qu'elle n'est que la dernière figure de la monarchie, de l'homme qui incarne la collectivité dans sa personne. Ces fameuses "primaires" ne sont pas du tout un "renouveau démocratique". Il n'y a pas de démocratie si on l'identifie exclusivement aux formes de partage de pouvoir organisées autour du système parlementaire et présidentiel.

La démocratie, ce n'est pas le choix entre des offres, c'est un pouvoir d'agir. C'est le pouvoir de n'importe qui, de ceux qui n'ont pas de titre - richesse, naissance, science ou autre qui les qualifie pour exercer le pouvoir. Le pouvoir d'Etat ne cesse de réduire ce pouvoir. Il est donc de plus en plus nécessaire qu'il y ait des forces démocratiques autonomes qui aient leurs propres agendas, leurs modes d'expertise, d'évaluation, de contrôle pour armer les gens contre les formes actuelles de la domination. Karl Marx disait il y a cent-cinquante ans que nos Etats n'étaient que les agents d'affaires du capitalisme international. C'était exagéré à l'époque, mais aujourd'hui, c'est parfaitement vrai ! On a des formes d'Etat qui sont complètement asservies aux logiques capitalistes. Il n'y a pas à attendre des partis qui jouent le jeu parlementaire qu'ils se soustraient à cette logique, c'est elle qui les fait exister, ils sont incapables d'imaginer autre chose. Le problème de la démocratie est aussi celui de l'imagination. Il y a eu des partis ouvriers, communistes ou sociaux-démocrates qui ont su créer des contre-pouvoirs au pouvoir de la société capitaliste, des formes d'exercice intellectuel, politique, économique de l'intelligence collective. Cela a totalement disparu. On accuse nos socialistes d'être des sociaux-démocrates. Ils sont bien en dessous de cela.

P.R. Le problème, c'est que le socialisme français n'a rien de social-démocrate au sens authentique du terme. Il ne l'a pas été quand il aurait dû l'être et maintenant, il est trop tard. La social-démocratie, ce n'est pas seulement une autre dénomination du réformisme, c'est le nom donné au projet historique d'une gestion commune de l'Etat-providence entre les forces du travail et du capital ainsi qu'à l'organisation du compromis de classes. Concrètement, elle vise à brider le capitalisme et à rééquilibrer le rapport entre ses formes financière et industrielle. Ce compromis de classe est complètement à réinventer à l'âge de la mondialisation et du capitalisme d'innovation. Dans l'ordre proprement politique, je ne vois aujourd'hui aucun programme qui fasse véritablement avancer les choses dans cette direction. Ils contiennent parfois d'excellentes réformes, mais elles sont limitées, comme le cumul des mandats. Il faut voir plus loin que le perfectionnement de la machine électorale représentative.

Un parti progressiste doit redonner du sens à la démocratie, permettre l'éclosion de toutes ces formes de contre-démocratie, de surveillance, de contrôle et de notation citoyenne dont nous parlions. Il doit faire vivre l'expression de la société et surtout mettre en oeuvre une politique de l'égalité, ce qui manque aujourd'hui cruellement en Europe. C'est un nouveau type de socialisme qu'il faut inventer, un socialisme d'abord promoteur de l'idée démocratique et de celle d'égalité.

Comment régénérer la démocratie, alors ? Faut-il notamment mettre fin au cumul des mandats et à la professionnalisation de la vie politique ?

J.R. Pour instaurer de la démocratie dans le fonctionnement de l'Etat, il faut repenser la représentativité et en finir avec ces réunions de notables locaux, ces députés qui ne représentent que des intérêts particuliers, alors qu'ils sont censés défendre ceux de la nation. La fin du cumul des mandats est une bonne chose, mais c'est tout le processus d'attribution de ces mandats qu'il faut repenser. Finis les mandats à vie, ils ne devraient même pas être renouvelables ! La démocratie demande une rotation bien plus importante pour qu'il y ait le moins de politiciens professionnels possibles. Le problème, c'est que les réformes proposées ne veulent pas fondamentalement repenser le système représentatif. Alors oui, tout ce qui réduit cette confiscation du pouvoir est bon, mais les efforts faits pour la réduire sont tellement minimes qu'on ne peut pas en attendre grand-chose.

P.R. La professionnalisation de la politique est une fâcheuse tendance globale de nos démocraties. A gauche, bien des élus n'ont été que des assistants parlementaires, des permanents du parti ou des salariés de l'UNEF après la fin de leurs études. Mais comment lutter contre ? On peut en effet souhaiter que les élus restent moins longtemps en poste, mais je pense qu'il est plus efficace de développer de nouvelles formes politiques post-représentatives que de viser à une utopique perfection représentative. Le problème n'est pas uniquement de répondre aux défauts des institutions. On ne peut pas tout miser sur les réformes dans ce domaine. Une vie politique et démocratique indépendante des institutions électorales représentatives est essentielle.

Faut-il remettre au goût du jour le tirage au sort ?

J.R. Il faut effectivement mettre du tirage au sort partout où on le peut. Le tirage au sort est une technique pertinente pour choisir des gens qui incarnent non pas une capacité spécifique mais la capacité commune. Et il faut renouer avec l'idée - longtemps considérée juste et normale - de mettre au pouvoir des gens qui n'ont pas de désir du pouvoir et d'intérêt personnel à son exercice. Aujourd'hui, on considère comme normal de porter au pouvoir ceux qui le désirent le plus. L'ère Sarkozy fut une apothéose en la matière ! On doit remettre un peu de précarité en politique. Les partis qui, en principe, regroupent des militants également dévoués à l'idée du commun qu'ils incarnent pourraient parfaitement tirer au sort leurs candidats. Sinon, c'est qu'ils pensent qu'ils n'ont qu'un petit noyau d'hommes compétents et que les autres sont des crétins, mais dans ce cas, il faut le dire clairement ! Il ne s'agit pas de doubler les institutions électorales représentatives par des institutions participatives. Cela ne fait que créer une autre catégorie de professionnels. Il faut donner davantage de place au mécanisme de production du quelconque.

P.R. Le tirage au sort est une technique pertinente pour choisir une personne quelconque, parfaite si l'on considère que n'importe qui est capable de réaliser la tâche (dans un jury criminel par exemple). L'élection est, elle, un mécanisme de sélection qui propose explicitement d'appliquer des critères de choix (l'expertise, la capacité à gouverner, le positionnement politique etc.). Il ne s'agit donc pas seulement de doubler les institutions électorales représentatives par des institutions participatives parallèles. Le but doit être de repolitiser ce qui relève de l'élection et en même temps de donner davantage de place au mécanisme de production du quelconque (en matière de délibération, de contrôle, de jugement). Il y a aussi en la matière un problème de "rendement démocratique". On se rend ainsi compte, aujourd'hui, de l'énorme énergie qu'il faut dépenser à l'intérieur d'un parti politique pour arriver à un résultat, à cause des rivalités de personnes et de courants. Personnellement, je préfère dépenser autrement mon énergie. Je pense contribuer davantage au progrès de la démocratie en dehors d'un parti qu'à l'intérieur. S'il y a eu une professionnalisation de la politique, c'est aussi parce que, pour beaucoup de personnes, l'investissement demandé dans un parti est devenu trop important avec des rendements effectivement décroissants.

Pensez-vous que la gauche au pouvoir à tendance à délaisser une politique d'égalité et à privilégier le sociétal au détriment du social ?

P.R. Opposer le sociétal et le social n'a pas de sens. La réalité, c'est qu'il y a plusieurs scènes de l'égalité qui englobent les deux dimensions : celles de la singularité, de la réciprocité et de la communalité. Il ne s'agit pas de dire qu'il y en a une qui doit absorber toutes les autres. Chacune représente une forme d'égalité, définie comme une façon de produire à la fois de l'autonomie et du commun. Parce que l'égalité c'est la capacité de vivre en égaux, et pas simplement une définition arithmétique, mécanique ou économique du lien social. Si l'idée d'égalité régresse et que la justification de l'inégalité a progressé, ça signifie que la bataille des idées reste à mener dans ce champ. Toute une partie de la crise de l'égalité vient en effet du fait que l'inégalité est rentrée dans les têtes. Notamment à travers les théories de la justice, focalisées sur la question des différences admissibles entre individus. Dans ce cadre sont justes toutes les inégalités supposées tenir à l'engagement, au travail ou à la vertu des personnes, tandis que sont injustes les inégalités héritées. Le problème est d'abord que la réalité de la reproduction des inégalités est  essentielle. Mais c'est plus encore le fait qu'il s'agit d'organiser un monde commun, et pas seulement la juxtaposition d'individus.

J.R. L'égalité doit être présupposée, ce n'est  pas un objectif à atteindre. Donc ce qui doit être premier, c'est la reconnaissance de la capacité des gens, dits « quelconques », à construire une vie individuelle et une vie commune. C'est la première chose qui traverse ce qu'on appelle social et sociétal, cette question de confiance dans une capacité partagée. Il faut d'abord reconstituer un monde commun intellectuel. Ça ne suffit pas, mais tout passe par là, est-ce qu'on a confiance en la capacité des gens à faire du commun par eux-mêmes ? Il y a une forme de décision première par rapport à un monde où l'inégalité est pensée comme la structure normale des choses et  l'égalité comme une espèce d'idéal utopique et fou. C'est aussi ce qui est en jeu à travers la question du mariage homosexuel. Toute idée égalitaire aujourd'hui apparaît comme contre-nature. C'est ça qui traverse toutes les questions, on vit dans un monde où l'organisation d'ensemble et le climat idéologique créé par trente ou quarante ans de contre-révolutions intellectuelles, fait que l'égalité aujourd'hui est considérée comme une espèce d'utopie absolument folle de gens qui voudraient en quelque sorte faire qu'un homme puisse être une femme, et une femme un homme. C'est ce qui est en jeu au-delà de la question du mariage pour tous.

L'affaire Cahuzac a parfois été qualifiée de "crise démocratique" ? En quoi cette affaire est-elle révélatrice du mal qui ronge notre confiance en la politique ?

P.R. La confiance est liée au fait de pouvoir faire une hypothèse sur le comportement futur d'une personne ou d'un groupe. Elle est donc entamée par tout ce qui rompt des engagements comme les promesses non tenues : c'est le problème du langage politique en général qui est là en cause. Elle est encore plus diminuée par toute révélation d'une duplicité ou d'un mensonge structurant. Le problème est que la confiance se construit lentement, par accumulation des preuves, et qu'elle se détruit brutalement. C'est comme la réputation. Pour réduire la défiance, il faut aussi retrouver la notion de responsabilité politique, c'est-à-dire reconnaître le fait de la faute générique de ceux qui ont en charge la régulation d'un système, même s'ils n'ont rien de "coupables". Dans l'affaire Cahuzac, il est ainsi clair pour moi que Pierre Moscovici aurait dû démissionner. Car c'est l'un de ses ministres délégués qui a fauté.

J.R. Il est comique de voir une "crise de la démocratie" dans le fait qu'un oligarque profite de ses fonctions pour son enrichissement personnel : la confusion entre richesse et pouvoir est le principe même de l'oligarchie. En tout état de cause, l'affaire Cahuzac n'est qu'un dommage collatéral du système de symbiose entre pouvoir économique et pouvoir étatique qui nous gouverne. De ce point de vue, ceux qui font le plus de mal sont les politiciens honnêtes qui exécutent, les mains propres, la politique dictée par les grandes institutions financières.

Les mesures de transparence et de lutte contre les conflits d'intérêts vous semblent-elles à la hauteur de l'enjeu ?

P.R. On se trompe si l'on fait de la transparence un objectif et une valeur en soi. Si la transparence des institutions est indispensable et doit se développer de façon illimitée, la transparence des personnes doit, elle, être bien mesurée. Une conception libérale du monde repose en effet sur la séparation du privé et du public. Exposer la vie privée (et donc le patrimoine) n'a de sens que si c'est un moyen nécessaire pour garantir en politique des finalités comme l'impartialité (absence de conflits d'intérêts), la moralité (comportement des personnes), la dignité des fonctions publiques. Mais ce ne sont pas seulement les faits, c'est la perception qu'en ont les citoyens qui compte. Il faut donc souvent redoubler les mécanismes préventifs pour endiguer le soupçon, ce poison de la confiance et de la démocratie, dont se nourrissent les populismes.

J.R. La question est de savoir quel est cet enjeu. S'il est de redorer l'image des gouvernants, elles peuvent avoir une certaine efficacité. S'il s'agit de détruire l'emprise des puissances financières, il est clair qu'elles n'ont aucune chance de le faire puisque, de toute façon, nos gouvernants n'en ont aucunement l'intention."

Recueilli par Nicolas Truong

Valls en référé

Enfin presque ?! Le ministre de l’intérieur était ce lundi 6 mai, l’invité de Patrick Cohen, sur France Inter (à écouter ici, à partir de 101’17’’ ). Il a naturellement été interrogé par un auditeur, militant du collectif Romeurope, sur le sort réservé aux Rroms.

évacuations forcées, roms, vallsFidèle à la haute image qu'il a de lui-même, Manuel Valls, le regard froid, persiste et signe : "les Rroms ont vocation à rester en Roumanie, ou à y retourner, et de toute façon ils ne veulent pas s’intégrer." Ils ne seraient donc pas européens ?!! Alors évidemment, le ministre prend des précautions oratoires : « je n’ai pas dit tous, j’ai dit une partie » ! De la même façon que, quelques minutes plus tard, en réponse à une question d’une auditrice sur la violence en Corse, il déclare que « la violence est enracinée dans la culture corse »!…

Mais motus sur la décision qui suit :

"Roms : Valls condamné pour violation des droits fondamentaux"

La défense des plus démunis de nos concitoyens vient de coller un magnifique râteau au Sinistre de l’Intérieur (Valls Manuel, Parti socialiste moral), pour ses destructions de camps de Roms. La préfecture du Rhône est condamnée pour une violation grave des libertés fondamentales… (Tribunal Administratif de Lyon, référé, 4 avril 2013, n° 1302164).

L’histoire est remarquable par la brutalité du ministère de l’Intérieur et par la qualité de la réaction.

Ça démarre ce jeudi 28 mars, avec l’arrivée des cars de CRS et des bulls pour démanteler un camp de Roms installé à Villeurbanne (Parti socialiste bobo). Les maisons de 12 familles sont rasées par les bulldozers et cinquante personnes, dont vingt-cinq enfants, se trouvent à la rue, c'est-à-dire jetées dans le froid.

Mais peu importe… La préfecture applique la haute pensée de Valls (Accro aux white et aux blancos) : on met à exécution les décisions de justice. Donc, ce n’est pas moi, c’est l’autre, ie le juge judiciaire, qui a constaté l’occupation illicite d’un terrain. Tout le problème est qu’il y a un monde entre dire « il va falloir quitter ce terrain » et « comment gérer l’hébergement et la dignité des personnes ». C’est là un devoir de l’Etat, puissant dans les racines sociales de notre pays, mais du côté de la place Beauvau, la famille Sarko-Guéant-Valls s'égare dans le séparatisme juridique, en faisant joujou avec des conceptions bizarres…

Toutes les ONG impliquées l’ont dit et redit au gouvernement (Parti socialiste exemplaire) : détruire les maisons pour jeter les enfants à la rue, c’est violer la loi. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, fait notable, a condamné la France pour ces pratiques. Oui, mais les héros de la gochmole veulent faire les coqs devant l’UMP, et l’Etat sait pouvoir compter sur le soutien les élus locaux qui, pour ce secteur, baignent dans un assaisonnement saumâtre fait de socialisme frelaté et de franc-maçonnerie rance.

Donc, on vire les Roms la veille du week-end de Pâques,… et ça va passer comme une lettre à la poste.

Et ben non, pas de chance, tout s’est enrayé.

Les familles ont cherché où aller, mais toutes les portes étaient fermées et aucun service ne voulait prendre leurs appels. Le soir, elles ont trouvé refuge auprès du père Matthieu Thouvenot dans une salle paroissiale de Notre-Dame-des-Anges, dans le quartier de Gerland, à Lyon, avec ces mots de bienvenue si simples : « Je ne comprends pas comment on peut expulser des gens quand il n'y a aucune urgence. Ils étaient sur un terrain depuis plusieurs mois, je ne vois pas l'urgence qu'il y a à les faire partir sous la pluie et dans le froid ».

Le père avait déjà accueilli des familles en 2011, et l’affaire avait été bien gérée : « Les familles ont un logement, du boulot et les enfants vont à l'école ». Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, est venu rendre visite : « Je suis venu ici pour leur dire qu'on les aime. Ils sont mieux ici que dans la rue. Vous avez vu comme il fait froid ces jours-ci ? » Dis donc, Valls, petit polisson, tu écoutes quand on te parle ?

Ensuite, ça a enchaîné avec la remarquable réactivité du MRAP et des réseaux. Deux avocates ont passé le week-end à recevoir les familles, préparer les dossiers, rédiger les actes… Mardi tout était prêt : douze requêtes en référé ont été enregistrées devant le tribunal administratif de Lyon. Chapeau à ses grandes amies que sont Céline Amar et Myriame Matari. Là, la défense, ça veut dire quelque  chose…

La procédure utilisée, c’est le référé-liberté de l’article L. 521- 2 du Code de Justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

Les avocates demandaient au juge de constater les violations graves des droits fondamentaux – le logement et la dignité –  et d’ordonner au préfet du Rhône de trouver à ces familles un hébergement, sous astreinte financière. Et ces deux étoiles de la défense d’ajouter – évidente vérité – qu’il existait des fonds européens affectés qui n’étaient pas utilisés, car l’Etat refuse cette politique d’intégration. Tu piges, Valls (Parti socialiste désintégré) ?  

Le préfet a répondu par une conférence de presse mercredi matin. Je vous laisse apprécier : « Il ne s'agit pas de personnes en détresse puisqu'elles sont hébergées par la paroisse. J'ai garanti que je ne les expulserai pas de la paroisse ». Ça n’a pas faire rire tout le monde...

La salle paroissiale a été libérée, car elle est affectée au service d’une école, et les familles, le prêtre et leurs amis ont campé la nuit sous les fenêtres du tribunal. « On a apporté à manger et j'ai amené mon duvet. Je ne pouvais plus matériellement les héberger et je ne voulais pas les abandonner », a expliqué le Père Matthieu Thouvenot.

Hier après-midi, le tribunal administratif a fait droit à la demande des Roms. Il a condamné l’Etat à reloger 10 des 12 familles, soit une cinquantaine de personnes, sous astreinte de 75 euros par jour de retard.

Le juge rappelle le principe issu de l’article 345-2 du Code de l’action sociale et des familles : « Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri, qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ».

Le dossier laissait apparaître que l’Etat n’avait pas apporté la moindre réponse aux demandes d’hébergement d’urgence. Il n’a même pas été répondu au téléphone…

Le juge estime que « si le préfet fait valoir qu’en dépit des efforts accomplis par les services de l’Etat pour accroître les places disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence (…), les capacités d’accueil en urgence sont saturées, cette circonstance ne saurait justifier qu’aucune solution ne puisse être offerte à une famille sans abri, composée d’enfants en bas âge, compte tenu des conséquences graves pour ces enfants ».

Il poursuit : « La carence de l’Etat dans son obligation d’assurer un hébergement d’urgence à des personnes sans abri est caractérisée et constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale des requérants ».

Ce n’est qu’une ordonnance de référé, mais les motifs sont d’une telle solidité que la jurisprudence a été faite. Bravo ! Valls ne peut démanteler que s’il offre une solution de remplacement, et l’Etat va devoir se résoudre à mettre en œuvre les politiques d’intégration prévues par l’Europe, et financées. Le discours débile sur « les Roms qui ne veulent pas s’intégrer » s’est scratché sur la loi.

C’est une nouvelle contribution des plus démunis à la construction de notre Etat de droit. Franchement, ça vaut bien une bonne fête !

Source

03/05/2013

Liberté de la presse

Le 20 décembre 1993, l'Assemblée générale de l'ONU proclame le 3 mai Journée mondiale de la liberté de la presse (décision 48/432). Depuis, le jour de l'anniversaire de la Déclaration de Windhoek est célébré dans le monde entier comme étant la Journée mondiale de la liberté de la presse.

 Son 20e anniversaire est l'occasion :

  • de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse;
  • d'évaluer la liberté de la presse;
  • de défendre les médias des attaques contre leur indépendance; et de se souvenir des journalistes tués parce qu'ils faisaient leur devoir.
  • de prendre conscience d'une évidence relevée par Hannah Arendt et qui s'énonce : "c'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal" Hannah Arendt.

Par la voix d'Edwy Plenel elle dit aussi...

liberté de la presse,hannah arendt,aminata traoré

La presse est donc elle aussi prise en otage par la pensée unique. Et nous ne l'oublions pas !

C'est si vrai qu'entre autres ironies du sort ou cynisme orchestré à l'encontre de la liberté d'expression, on aura pris acte de l'interdiction faite à Aminata Traoré d'obtenir un visa pour honnorer une invitation qui lui a été faite par des responsables de Die Linke, le parti de gauche allemand, et des militants de mouvements associatifs français de Paris et de Lille . Ce n'est malheureusement qu'un exemple parmi d'autres, que l'on aurait tort de banaliser et qui ne sera que très peu relayé.

Symbole des rapports de force Nord-Sud et porte-flambleau du « Non à l’intervention militaire étrangère au Mali », Aminata Traoré livre à cameroonvoice son sentiment après cette "déconvenue" :

Cameroonvoice : Nous avons appris avec stupéfaction que les autorités françaises ont refusé de vous accorder un visa d’entrée en France pour participer à une réunion publique le 22 avril dernier. Pouvez vous nous confirmer cette information ?

Aminata Traoré : En fait, j’ai été invitée par Die Linke, un parti de gauche allemand, et des militants français. Je devais faire un tour à Berlin et par la suite donner une conférence à Paris et Lille. J’avais un visa de circulation de 4 ans de l’espace Schengen qui a expiré au mois de Février.

Quand je me suis rendue à l’ambassade d’Allemagne pour solliciter un droit d’entrée dans l’espace Schengen, ils m’ont accordé un visa de trois jours uniquement pour leur pays en me notifiant que la France a donné des instructions pour qu’aucun pays de l’espace Schengen ne m’accorde de visa.

Il y avait donc une interdiction de circulation dans l’espace Schengen vous concernant, dont vous ignoriez totalement l’existence ?

Non non, on ne me l’avait pas notifié avant, c’est à la faveur de ce voyage que je l’ai su. J’ai été autorisée à aller en Allemagne et à revenir au Mali directement sans fouler le sol de l’espace Schengen mis à part l’ Allemagne. Je ne sais pas si c’était une exception allemande, ou si les autres pays de l’espace Schengen pourront m’accorder la même « faveur ».

Ma liberté de circuler est maintenant restreinte. Les consulats européens échangent entre-eux, des listes de personæ-non-grata, et les dispositions changent selon la gravité du délit entre guillemets. En ce qui me concerne, je ne sais pas ce que l’on me reproche. Dans mon cas, j’ai eu la chance d’avoir cette ouverture de la part de l’Allemagne, mon compatriote Oumar Mariko( Secrétaire général du SADI, Ndlr), lui il n’a pas pu voyager du tout.

Vos prises de position contre l’intervention militaire des forces étrangères au Mali et notamment celle de la France ne seraient pas la cause de cette interdiction ?

Certainement, sinon je ne comprends pas pourquoi, la France et surtout les membres de ce gouvernement de gauche, qui m’ont reçu et qui me connaissent parfaitement le feraient. En principe, nous partageons les même idées.

Sauf que, la France considère son intervention au Mali comme une réussite politique et militaire, c’est le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui l’a dit et ce success story de leur point de vue exige certainement un verrouillage, qu’il n’ y ait pas de critiques, puisque l’unanimité leur réussit si bien ! Vous vous souvenez bien que toutes les résolutions concernant cette guerre ont été adoptées à l’unanimité au Conseil de sécurité des Nations Unies, et avant-hier ( mardi 23 avril Ndlr) ils viennent aussi de voter à l’ unanimité à l’ Assemblée nationale et au Sénat français pour la prolongation de l’Opération Serval au Mali.

Le pouvoir politique a changé de main en France voilà bientôt un an et on peut constater pour le déplorer avec cette opération que la politique africaine de la France, demeure toujours la même.

Elle demeure inchangée et il ne nous le cache pas. Le Général De Gaulle l’a dit : « la France n’a pas d’amis mais des intérêts ». Peut-être c’est nous qui nous faisons des illusions, François Hollande l’a d’ailleurs répété récemment en parlant dossier Centrafricain quand François Bozizé l’appelait à l’aide. Il lui a fait savoir que la France défendait ses intérêts et ses ressortissants.

Nous l’apprenons peut-être à nos dépens, parce qu’on se disait aussi que les temps ont changé et puisqu’ils sont confrontés aux mêmes difficultés que nous, liées au même environnement économique international, avec les questions d’aide, de chômage de pauvreté etc. Mais à la lumière de ce qui se passe, il y a une grille de lecture qui s’applique à l’Afrique, on est considéré comme des pays en faillite, pas de d’états, pas d’ armées, ils peuvent faire la pluie et le beau temps et ne tolèrent pas de voix discordantes.

Ils ne tolèrent pas de voix discordantes, pourtant ils se clament chantre de la liberté de la d’expression. Peut-on interpréter cette interdiction de territoire comme une entrave à la liberté d’expression, puisque vous avez un point de vue discordant ?

Oui ! Pourtant moi je n’ ai pas changé, tout ceux qui me suivent depuis savent que j’ai pas changé de discours ceux sont les mêmes idées que je véhicule. Je ne m’attaque à personne, je condamne tout simplement un système économique mondial cynique et la guerre fait parti de ce système.

Aujourd’hui la militarisation pour le contrôle des ressources de l’Afrique fait parti de l’agenda. C’est ce que j’ai dit et c’est ce qu’ eux mêmes ils reconnaissent !!! Alors moi malienne, pourquoi je n’ai pas le droit de poser ce regard sur les réalités de mon pays en guerre !!!

Comment envisagez-vous l’avenir du Mali et de la sous-région suite à cette intervention militaire française appuyée par des troupes africaines ?

Je pense que les troupes africaines sont mises à contribution, et comme je l’ai déjà dit dans mon manifeste ce n’est pas notre guerre, nous sommes entrés dans une phase de la globalisation qui implique la diplomatie économico-offensive et la militarisarisation.

Mais seulement, Al Qaida est une réalité et en même temps une aubaine, elle permet aux dirigeants Africains qui ont mal géré de dire maintenant que la priorité c’est la lutte contre le terrorisme et aux puissance étrangères de dire faisons cause commune luttons d’abord contre le terrorisme.

Et moi je dis que le véritable terrorisme c’est la misère, c’est les injustices, parce que je sais qu ’une bonne partie des combattants des djihadistes sont avant tout, des jeunes désespérés sans boulot, ils n’ont pas de visas et se font recruter à la fois par les narcotrafiquants et les djihadistes. C’est cette réalité qu’il nous faut regarder maintenant de près.

Quelles leçons devrons nous tirer de la situation au Mali et de ce qui vous arrive à vous ?

Je souhaite que les Maliens et les Africains s’ouvrent grandement les yeux et les oreilles et se disent qu’en réalité, il n’y a pas un cas malien. Ce qui se passe aujourd’hui au Mali est l’illustration d’une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l’Occident.

Au lieu de jouer cartes sur table et changer les règles du jeu on préfère, nous écrire un autre histoire, nous humilier, nous culpabiliser. Avec tout ce qui se passe je considère que le Mali est humilié, il y a donc aucune raison d’en ajouter en gardant le silence et c’est ce que tout le monde fait, et les occidentaux le savent pertinemment.

Raison pour laquelle, je me réjouis aujourd’hui de ce soutien international parce qu’il y a énormément de gens qui ne comprennent pas, quelque soit la différence de lecture qu’un tel traitement me soit réservé. C’est donc une nouvelle phase de la décolonisation de l ’Afrique. Il nous appartient maintenant à nous mêmes de voir ou sont les véritables défis.

Propos recueillis par rédaction de cameroonvoice

01/05/2013

Mur des cons : tout un vélo

France - télévision qui emploie le "journaliste" à l'origine d'une ânerie qui se voulait malveillante entamerait une procédure à son encontre. Christiane Taubira, à peine sortie grandie du vote pour le mariage pour tous, aurait dû éviter d'embrayer sur cette non-information révélatrice de l'ennui profond dans lequel nous risquons de sombrer à la grande satisfaction des fabricants de vélos.

mur de consLa LDH se fend malgré tout du communiqué suivant :

L’existence d’un panneau d’affichage situé au siège du Syndicat de la magistrature (SM), et dédié « aux cons » peut provoquer haussement d’épaules ou sourires selon qu’on soit ou non resté attaché à l’esprit potache. Mais elle ne saurait justifier ni la tempête médiatique, ni le flot de protestations pseudo effarouchées dont on nous abreuve ces derniers jours. Rappelons, pour mémoire, qu’il n’y a pas si longtemps, on a vu se cristalliser de grands mouvements de soutien à la publication de caricatures dont le goût et l’intention étaient fort discutables.

On ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un coup monté et calculé à propos d’un fait divers qui n’aurait jamais dû aller au-delà des salles de rédaction. D’évidence, les droites, y compris extrêmes, ont décidé de charger une organisation dont elles exècrent l’existence.

Le torrent de commentaires outragés stigmatisant l’existence du panneau d’affichage controversé semble postuler que les juges n’auraient droit, même dans leurs locaux syndicaux, ni aux traits d’humour ni au mauvais esprit. Ce double interdit serait-il garant de la sérénité judiciaire ? On peut en douter. Ce qui ne saurait en revanche être mis en doute c’est le caractère attentatoire aux libertés syndicales de ces attaques.

Il est, dès lors, parfaitement regrettable que la garde des Sceaux ait cru devoir y donner suite en saisissant le Conseil supérieur de la magistrature.

La Ligue des droits de l’Homme exprime le vœu que cette affaire retourne là d’où elle n’aurait jamais dû sortir : un lieu privé où s’exerce la liberté individuelle, un local syndical où s’exerce la liberté d’expression. La LDH rappelle qu’il existe quelques autres enjeux sur le champ judiciaire tels que les peines planchers, la peine de sûreté, la justice des mineurs, la situation des prisons. Leur importance mérite qu’on ne s’en laisse pas distraire.

Paris, le 30 avril 2013

24/04/2013

Tant et plus de "mais"

Après une première victoire enregistrée contre l'homophobie le 23 avril 2013, le temps des cerises serait-il revenu ?

Accord national interprofessionnel, report ANILe vote définitif au Sénat du texte «Accord national interprofessionnel (ANI) pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés» est reporté au...

14 mai.

Il est encore temps de le remettre en cause. Comme par exemple ce rappel des "mais" émis par la LDH :

A l’attention de mesdames et messieurs
les député(e)s et sénateurs(trices)

"(...) sur plusieurs points, ce texte soulève des difficultés sérieuses. S’il n’appartient pas à la LDH de porter une appréciation détaillée sur les différentes dispositions de ce projet de loi, il est de sa responsabilité d’attirer votre attention sur plusieurs réformes envisagées. Les principaux points qui méritent d’être soulignés sont les suivants :

le droit au juge et à un procès équitable  : le projet de loi multiplie les délais de prescription réduits (art. 16 - Titre VII « Prescription des actions en justice »), notamment en matière de licenciement économique (art. 13 - Sous-section 1 « Délais de contestation et voies de recours » - art. L. 1235-7-1 versus Convention de l’organisation internationale du travail (OIT) n° 158, art. 8), rendant encore plus difficile la saisine du juge par les salariés et prévoit une indemnisation forfaitaire (art. 16), ne tenant pas compte des préjudices réels et du principe de réparation intégrale, etc.
Le projet limite le pouvoir du juge judiciaire, en supprimant son contrôle sur le motif du licenciement (art. 12 - « Accords de maintien de l’emploi », art. L. 5125-2), ou écarte le juge judiciaire, au profit du seul juge administratif, pour le contentieux des licenciements économiques (art. 13 - Sous-section 1 « Délais de contestation et voies de recours » - art. L. 1235-7-1), ou des partenaires sociaux en cas de violation de l’accord (art. 12 - « Accords de maintien de l’emploi »). Ces dispositions reprennent celles de l’ANI alors que les partenaires sociaux ne peuvent circonscrire les pouvoirs du juge.
De telles dispositions apparaissent constitutives d’une atteinte au droit au juge (Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF), art. 6, et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ; art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE)). À travers le contournement du juge, c’est l’accès au droit qui est visé ;

le principe d’égalité : selon le projet de loi (art. 16 - Titre VII « Prescription des actions en justice »), toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par « deux ans » (à de rares exceptions près). Depuis la réforme de la procédure civile (loi du 17 juin 2008), la durée de prescription de droit commun est de cinq ans. Les salariés connaitraient, pour saisir le juge, des délais plus réduits que les autres justiciables. Cette atteinte au principe d’égalité devant la loi n’a aucune justification ; alors que, dans la majorité des cas, les salariés, liés à leur employeur par un lien de subordination, ne saisissent le juge qu’après leur licenciement, pour éviter des mesures de rétorsions tant qu’ils sont dans l’entreprise ;

la discrimination  : selon le projet de loi (art. 8 - Sous-section 8), un accord collectif peut prévoir la possibilité, par avenant, d’augmenter temporairement la durée du travail contractuelle. L’accord « peut » prévoir la majoration des heures effectuées. Par conséquent, l’accord peut ne pas prévoir de majoration, comme le font déjà des entreprises (la Cour de cassation sanctionne cette pratique illégale). Imagine-t-on de faire signer à des salariés à temps complet des avenants prévoyant l’augmentation temporaire de leur temps de travail sans majoration pour heures supplémentaires ? Cette disposition, si elle entrait en vigueur, constituerait une discrimination indirecte à l’égard des femmes, la majorité des salariés à temps partiel étant des femmes et une telle disposition n’ayant pas de justification (la volonté des entreprises, notamment dans le secteur de la propreté, d’augmenter leurs marges bénéficiaires ne constituant pas une justification). Une remarque de même nature peut concerner la disposition sur le contrat de travail intermittent (art. 18).

Sur d’autres thèmes, le législateur devrait sécuriser la jouissance des droits fondamentaux, en précisant des garanties d’exercice de ces droits, avant de confier aux partenaires sociaux la négociation de leurs modalités d’application concrètes dans les entreprises :

le droit de mener une vie familiale normale. Projet de loi (art. 10 - Sous-section 2 « Mobilité interne » et art. 13 - § 4 « Mobilité interne ») versus droit international et européen (Convention OIT n° 156, CESDHLF, art. 8) ;

le « droit à l’emploi ». Projet de loi (art. 12 – « Accords de maintien de l’emploi », prévoyant « un licenciement individuel pour motif économique » en cas de refus, sans mesures de Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) quel que soit le nombre de salariés concernés ; idem concernant l’art. 10 - Sous-section 2 « Mobilité interne ») versus droit international et européen (Convention OIT n° 158, spéc. art. 4, 8, 9 et 13).

Le Parlement est libre d’élaborer la loi notamment en matière de principes fondamentaux du droit du travail et il lui appartient d’exercer ses compétences. Il peut modifier la loi s’il souhaite donner toute sa portée juridique aux accords signés par les partenaires sociaux. Cependant, le législateur doit respecter les engagements internationaux et européens de la France, et il lui appartient, au-delà, d’élaborer des textes législatifs qui rendent effectifs les droits fondamentaux prévus dans ces engagements.

Le projet de loi n’est pas en harmonie avec ces exigences. Par conséquent, il semble nécessaire que la LDH saisisse les députés et les sénateurs sur ces différents points pour que le débat parlementaire permette le retrait des dispositions contraires au droit international et européen. Il n’est pas souhaitable de renouveler l’expérience du contrat nouvelle embauche (CNE), tant en ce qui concerne les conséquences sur les personnes, que celles sur la crédibilité de la législation et sur l’engagement de la responsabilité de l’Etat devant les juridictions.

Veuillez agréer, etc, etc..."

Pierre Tartakowsky
Président de la Ligue des droits de l’Homme

Paris, le 5 avril 2013

 

22/04/2013

L'im-populiste ANI

L’accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi n'est pas un sujet "POPULISTE" -en lieu et place du mot "populaire"- (nous disons "populiste" à dessein). D'ailleurs Gérard Filoche l'explique très bien, fort de ses 30 ans d'inspecteur du travail : le code du travail est le plus méconnu de tous les codes, et c'est la hantise des chefs d'entreprise.

C'est bien pour cela qu'on s'arrange pour ne pas trop en parler.

Sur l'audiovisuel public, le sujet est déprogrammé, ainsi que les interventions de Filoche. Arrêt sur Images l'a évoquéil y a peu, et avait déjà constitué un solide dossier sur le sujet, en détaillant les dangers de cet accord trop inspiré des désirs du Medef (A lire ici).

L'article cite la vidéo ci-dessus en ces termes : "Invité à Argelès-sur-Mer le 14 mars dernier, Filoche tient conférence pendant une heure et quart. Sans notes. Juste un micro. Autant le site est confus, autant sa parole est limpide. Excellent tribun, l’homme nous tient jusqu’au bout de sa démonstration. Son fil rouge est de nous prouver que le diable se cache dans les détails", et se conclu en ces termes : "Je vous invite à regarder entièrement cette vidéo. Sans elle vous aurez du mal à comprendre l'ensemble des enjeux de l’ANI."

Mais comme 35 députés socialistes ont préféré s'abstenir sur le projet de loi la semaine dernière, le gouvernement a utilisé samedi la procédure du vote bloqué pour accélérer l’adoption du projet de loi sur l'emploi au Sénat, où Marie-Noëlle Lienemann est une des socialistes les plus opposée au texte.
"Un déni de démocratie", attaque le PCF vent debout contre cette procédure. Eliane Assassi, chef du groupe communiste déclare au JDD : "Je leur avais dit que le temps prévu ne suffirait pas. Ce coup de force lourd de conséquences ne restera pas sans lendemain", menace-t-elle. Avant de conclure lapidaire que ce projet n’est pas "un texte de gauche".

Bien moins médiatique que l'affaire Cahuzac ou le Mariage pour tous, cette loi sur l'emploi est pourtant l'acte de trahison du gouvernement à son idéologie fondée sur la lutte sociale.

Cahuzac, justement, lançait il y a quelques temps à Jean-Luc Mélenchon, pendant leur débat télévisé : "vous croyez toujours à la lutte des classes vous ?  je n'y ai jamais cru."

Cahuzac le traître si commode, comme Goldstein dans 1984 d'Orwell, n'est plus là, mais la vraie trahison est toujours présente, pour rompre avec des siècles de progrès continu des conditions de travail.

Source

20/04/2013

Rapport sur la banalité du mal

La sortie du film de Margarethe von Trotta "Hannah Arendt" devrait être l'occasion de redécouvrir la nécessité du penser par soi-même et singulièrement de comprendre un peu mieux les origines du totalitarisme.

Si la fimographie de Margarethe von Trotta est impressionante, sa dernière réalisation est très attendue. Avant goût :

Pour un réalisateur de cinéma, le projet de montrer à l'écran le travail de la pensée est une gageure. Pourtant, c'est le dessein que s'est fixé Margarethe von Trotta dans son film intitulé Hannah Arendt. Et manifestement, la réalisatrice a atteint son objectif. Présenté en novembre 2012 au Festival international du Film d'Histoire de Pessac, le film a séduit le jury qui lui a décerné tous les prix de la catégorie fiction.

Le 10 février dernier, une séance organisée à Paris, au cinéma Le Balzac, dans le cadre de la manifestation "Avenue du Cinéma", opération de promotion du septième art sur les Champs-Élysées, a permis à quelques chanceux de voir le film en avant-première.
Après la projection, au cours d'un débat organisé par la revue L'histoire et animé par Antoine de Baecque, les spectateurs ont manifesté leur enthousiasme pour cette œuvre audacieuse qui s'adresse à tous les publics mais qui suscite beaucoup d'intérêt de la part des philosophes et des historiens.
 
Au cours d'un dialogue avec la salle, l'historienne spécialiste de la Shoah, Annette Wieviorka et Caroline Champetier, qui a participé au tournage en tant que directrice de la photographie, ont toutes les deux souligné l'honnêteté du scénario, le sérieux de la reconstitution historique, et l'originalité du film.
Depuis la parution de la biographie d'Élisabeth Young-Bruehl, nombre d'ouvrages se sont efforcés d'éclairer le parcours philosophique de l'étudiante préférée de Martin Heidegger, qui avait fui l'Allemagne en 1933 dans un contexte de persécution des Juifs, et dont la pensée a fini par s'opposer à celle de son maître.
Mais le film s'avère presqu'aussi précieux que le livre pour reconstituer l'atmosphère d'ébullition d'une période intensément intellectuelle.
 
Dix ans après son installation aux U.S.A., la parution en 1951 de son ouvrage intitulé Les origines du totalitarisme, avait permis à Arendt d'être considérée comme un des grands penseurs du XXe siècle. Grâce à ce livre magistral, elle a acquis rapidement le succès et la reconnaissance de ses pairs. Comment expliquer qu'une décennie ans plus tard, elle se soit trouvée au cœur d'une violente controverse ?
 
L'ambition de Margarethe von Trotta était double : évoquer l'existence concrète d'une intellectuelle en exil et traduire dans le langage cinématographique une querelle philosophique. Les qualités de l'œuvre tiennent d'abord au scénario auquel Margarethe von Trotta a travaillé en collaboration avec Pamela Katz durant quatre ans. Les auteures ont restreint leur rélexion à cinq années de la vie de la philosophe. Entre 1960, année de la capture en Argentine par le Mossad du criminel nazi Eichmann et 1964, année suivant la publication dans le New Yorker du reportage d'Arendt consacré au procès, des bouleversements se sont produits dans son existence.
Margarethe von Trotta a insisté pour que Barbara Sukowa, connue pour ses collaborations avec le réalisateur Rainer W. Fassbinder, endosse le rôle-titre. Et ce choix est déterminant. Cette intelligente actrice, sait imposer l'intensité de sa présence à l'écran. Qu'elle soit filmée chez elle, dans son appartement de New York scrupuleusement reconstitué, ou dans les rues de Jérusalem aux ruelles ensoleillées, elle incarne avec bonheur une indomptable femme de génie.
 
Hannah Arendt est à la fois une femme d'action et de discours qui bataille pour imposer sa pensée métaphysique et sa conception de la politique. Il fallait que l'actrice soit dotée de l'énergie intérieure suffisante pour se glisser dans la peau d'une femme d'exception, au tempérament passionné. Barbara Sukowa fait la preuve de sa maîtrise du jeu de l'acteur dans une scène d'anthologie, un discours de six minutes adressé en anglais à un auditoire constitué d'étudiants qu'elle doit convaincre.
Son courage, Arendt le puise dans la contemplation des deux photographies disposées sur son bureau : celle de Martin Heidegger, coiffé de son éternel calot noir, son amour de jeunesse, et celle de Heinrich Blücher (Axel Milberg), son second mari, tendrement chéri.
L'œuvre est un film d'atmosphère. Les soirées amicales qu'Arendt organise dans son appartement de New York sont de magnifiques scènes, sensibles et fines. Mary MacCarthy (Janet McTeer), son amie romancière y est omniprésente de même que la charmante Lotte Köhler (Julia Jentsch) qui lui sert d'assistante. Les deux femmes ne s'apprécient guère pourtant. Une rivalité sourde les oppose.

Aucune jalousie cependant de la part de Heinrich Blücher à l'égard de Martin Heidegger. Quelques retours en arrière montrent la jeune Hannah en compagnie du philosophe qui, en dépit de prises de position nazies, a inspiré la plupart des grandes pensées du XXe siècle. Cette relation amoureuse demeure une énigme.Quant à Hans Jonas, camarade d'Arendt depuis 1924, philosophe et historien de la religion, il dialogue âprement avec son amie. Leurs désaccords sont nombreux. Les deux penseurs se brouilleront d'ailleurs passagèrement après la publication du reportage d'Arendt sur le procès Eichmann.Dans ces conversations new yorkaises à bâtons rompus, l'anglais se mêle à l'allemand. Le passage d'un idiome à l'autre est symbolique d'une fracture dans la personnalité d'Arendt : coexistent en elle la nostalgie de l'Europe et son amour pour les U.S.A., le pays de l'exil. La belle musique d'André Mergenthaler souligne l'intensité dramatique de ces scènes de difficile amitié.

C'est Hannah Arendt elle-même qui, malgré son inexpérience du journalisme, a suggéré à William Shawn, directeur du New Yorker, de la dépêcher à Jérusalem pour couvrir le procès. Adolf Eichmann, accusé d'avoir participé à la solution finale, doit répondre de ses actes face aux témoins survivants de la Shoah. Malgré son allure et ses discours de bureaucrate docile, il est l'un des représentants du mal extrême. Il a tenu un rôle de tout premier plan dans une terrifiante entreprise génocidaire.
Dans le film, on voit Arendt, assise dans la salle de presse, les yeux rivés sur des écrans de télévision. Elle observe l'accusé, aussi méthodique dans sa défense qu'il l'était pour organiser le transport des Juifs vers les camps d'extermination.
C'est un des rares moments du film qui soit historiquement contestable. En effet, Hannah Arendt, dont l'emploi du temps était très chargé, n'a pas assisté à la totalité du procès. En vérité, elle a écrit les cinq articles parus dans le New Yorker, après avoir étudié à son domicile new yorkais des milliers de pages de minutes du procès. Mais ce bref recours à la fiction a permis à la réalisatrice d'intégrer au film des images d'archives tournées par le documentariste américain Leo Hurwitz, et que les plus jeunes spectateurs ne connaissent pas tous.
 
Le reportage d'Arendt sur le procès Eichmann a été conçu avec l'exigence intellectuelle et la rigueur qui la caractérisent. Malheureusement, un malentendu durable l'a brouillée avec nombre de ses lecteurs et avec les autorités d'Israël, choqués par ce qu'ils ont supposé de désinvolture dans son ton.
Kurt Blumenfeld (Michael Degan), personnalité sioniste, ami d'Arendt depuis qu'elle est jeune, son père de substitution, meurt sans lui avoir pardonné son présumé manque d'empathie à l'égard des déportés survivants et ses accusations contre les conseils juifs. Dans une scène pathétique, il renie celle qui est venue jusqu'à Jérusalem pour veiller à son chevet.Très atteinte par la polémique, Arendt a considéré qu'elle résultait de deux méprises : d'une déformation malveillante de ses propos, orchestrée par une campagne de presse hargneuse et d'un contresens dommageable sur le sous-titre de son livre Eichmann à Jérusalem, paru en 1963 : Essai sur la banalité du mal.

Arendt avait pour projet de souligner la radicalité du crime contre l'humanité, perpétré par le régime totalitaire nazi, et dont personne ne se reconnaissait coupable. Mais elle a été lue trop vite ou pas lue du tout.
Peut-être a-t-elle manqué non de lucidité philosophique mais de sens politique durant cette longue période d'épreuve. On pense seul mais on agit collectivement, avait-elle coutume de répéter. Dans ce cas particulier, aucun de ses intimes n'est parvenu à la convaincre des risques de montée de l'antisémitisme, conséquences du procès, et que sa prise de position contestée aggravait.La fin du film, qui sera projeté sur les écrans français à partir du 24 avril 2013, reste ouverte. Maintenant qu'ils sont sensibilisé à cette période, Margarethe von Trotta invite les spectateurs à lire ou relire les ouvrages d'Arendt pour penser par eux-mêmes.

19/04/2013

Les liquidateurs de la République sociale

Le communiqué qui suit ne doit pas faire oublier que la focalisation faite autour du mariage pour tous, prétexte à homophobie, tombe à pic pour évacuer d'autres sujets d’actualité tels que «l’accord national interprofessionnel», le traitement des minorités Roms et autres complaisances ou silences manifestes à l’égard des liquidateurs de la République sociale.
Au sujet stricto sensu de l’homophobie justement dénoncée par la LDH, il est regrettable que le ministère de l’intérieur se montre si «compréhensif» vis à vis de personnes qui sont en infraction par rapport au Code Pénal. Lequel prévoit (article 225-1) :  « constitue une discrimination toute distinction opérée entre personnes (…) à raison de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle ». Les sanctions encourues peuvent atteindre 3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende. »
Même si le ministre dit le contraire, ce n’est pas la première fois qu'il se fout du code pénal et des lois.

Homophobie, ernest pignon ernest, pasolini

Parcours Jean Genet, Brest, 2006
Ernest Pignon Ernest

Communiqué LDH «Mariage pour tous, homophobie :
des violences qui mettent la République en ligne de mire»

Bars gays saccagés, «chasse à l’homo», organisation systématique d’affrontements avec les forces de l’ordre, prise à partie personnelle des parlementaires, débats publics sabotés… La protestation contre le mariage pour tous, veut faire prévaloir la force sur le débat parlementaire, et sur le respect des engagements pris devant les électeurs. Elle recourt aux pires méthodes, et révèle son mépris du processus démocratique et l’homophobie qu’elle prétendait dissimuler, sous couvert de la « défense des familles ».

La Ligue des droits de l’Homme, qui a toujours soutenu le droit au mariage pour tous et l’adoption, sans considération de l’orientation sexuelle, comme des avancées fortes de l’égalité des droits, condamne avec force cette explosion calculée de violences. S’il est normal que les enjeux de société fassent débat, que les craintes et les refus s’expriment, et que la protestation s’inscrive dans l’espace public, en l’espèce, il s’agit de tout autre chose. Les organisateurs de ces manifestations construisent le cadre idéologique qui légitime les violences perpétrées contre les biens et les personnes. Ils fournissent un espace d’accueil et de rencontre à divers courants politiques et religieux de droite, historiquement marqués par leur haine de l’égalité, de la liberté et de la République. Cette stratégie de montée de la violence s’exprime également au sein de l’Assemblée nationale ; l’opposition marque ainsi son dépit, mais aussi sa disponibilité à des alliances sulfureuses, enjeux électoraux obligent.

La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de la conjonction de cette radicalisation avec la fragilisation politique induite par les suites de l’affaire Cahuzac. Elle demande au gouvernement de prendre conscience de l’exaspération de la population, toujours en attente des mesures de justice sociale et de rénovation éternellement remises à plus tard. Elle invite le président de la République et le gouvernement à en prendre la juste mesure, et demande aux citoyennes et citoyens de continuer à se mobiliser pour la légalisation du mariage pour tous. Au-delà, la Ligue des droits de l’Homme appelle à la plus grande vigilance face à toutes les provocations visant à affaiblir la République et délégitimer la représentation nationale.

Paris, le 19 avril 2013

18/04/2013

Nuit de cristal au Venezuela par romain Migus

Pendant ce temps-là au Venezuela, un parfum de CIA (*)

L'ingérence étasunienne est à l'oeuvre au Vénézuela. Les média européens se risqueront-ils à dénoncer ce que l'on peut d'ores et déjà qualifier de coup d'état, renonceront-ils à mettre en avant une "raison" économique tronquée pour mieux gommer la raison démocratique, la seule qui puisse prévaloir ?

Romain Mingus, un ami français de Danielle Bleitrach qui vit au Venezuela depuis plusieurs années expédie ces photos et cet article. S'il parle d’une nuit de cristal, il sait par ses origines de quoi il s’agit, et vous demande à tous de transmettre ces photos et ce récit pour vaincre le silence complice des médias. 

Fachisme en marche, vénézuela

Caracas, le 17/04/13

Il avait pourtant clairement annoncé la couleur. Le 9 avril, cinq jours avant l´élection présidentielle, Henrique Capriles déclarait : « je ne suis pas le même que le 7 octobre, je défendrai les votes »[1]. Dès le lendemain, le président de l´Assemblée Nationale, Diosdado Cabello, présentait sur la chaine publique des preuves confirmant les intentions de la droite de contester les résultats électoraux afin de tenter un coup d´Etat coloré au Venezuela[2].

Au soir des élections, malgré une différence de 272.865 votes[3] en faveur du candidat socialiste Nicolas Maduro, le candidat de la droite refuse d´admettre sa défaite. Pourtant, tous les observateurs internationaux insisteront sur la transparence des élections vénézuéliennes. Vicente Diaz, un des recteurs du Centre National Electoral (CNE), ouvertement lié aux partis d´opposition affirmera n´avoir « aucun doute sur le résultat de l´élection »[4] donnant comme vainqueur le successeur d´Hugo Chávez.

Venezuela

Voilà bien la seule promesse que le candidat de la droite aura tenu. Oubliée la rhétorique d´union, de paix et de sécurité qu´il vociférait encore une semaine auparavant. Il appelle ses partisans à se mobiliser afin d´obtenir un audit total des résultats. Curieuse manière démocratique de l´obtenir que d´envoyer les ultras de la droite prendre les rues du pays. La loi électorale vénézuélienne est pourtant très claire. Elle oblige les candidats à remettre au CNE des preuves de fraude, et dans le cas où celui-ci les rejette, un appel est possible par le Tribunal Suprême de Justice. Aucune démarche administrative n´a été engagée. Il est vrai que ces accusations ne résistent pas au fait que les membres de l´opposition désignés pour superviser les bureaux de vote ont tous donné leur aval aux résultats dans leur centre électoral respectif [5].

Qu´importe, le but recherché n´est pas de renforcer la démocratie électorale mais bien de lancer un coup d´Etat soft dans le meilleur style des précédents en Serbie, Géorgie, Ukraine, Iran, etc. Les jeunes néofascistes qui, aujourd´hui, mettent le pays à feu et à sang ont pour la plupart été formés en Serbie par le groupe Otpor, et se revendiquent des techniques de l´Albert Einstein Institution, matrice idéologique des Révolutions colorées [6].

Dès l´annonce de Capriles, des groupuscules néofascistes déferlent dans les rues du pays. Des symboles du chavisme sont détruits, des militants attaqués et assassinés, des petits commerces sont saccagés et brulés. On dénombrera 7 morts et 61 blessés, par balles pour la plupart. Cinq sièges régionaux du Parti Socialiste Uni du Venezuela (Psuv) sont dévastés par les flammes, tout comme douze cliniques populaires où officient des médecins cubains.

Dans l´Etat du Lara, où le gouverneur Henri Falcon est aussi le chef de campagne de Capriles, la police régionale à ses ordres ne fait rien pour empêcher la déferlante de haine. Dans la nuit, une grand-mère m´appelle de Barquisimeto, la capitale régionale : « je suis barricadée dans la buanderie avec ma sœur, des personnes sont en train d´essayer de défoncer la porte ». Par la petite lucarne qui la relie au monde extérieur, elle verra ses propres voisins, torches en main, aller brûler la clinique publique du quartier située en face de la maison. D´autres camarades nous témoigneront de scènes semblables qu´ils ont vécu, eux et leurs familles. Ils ne feront pas la une des journaux, et pourtant ils sont très nombreux à avoir été agressés de la sorte par les hordes fascistes.Le président de la République Bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, appellera ses partisans outragés au calme, à ne pas faire le jeu de la violence et à laisser la police et la garde nationale rétablir l´ordre. A Capriles, il lui lance: «si tu ne me reconnais pas comme président, je ne te reconnais pas comme gouverneur de Miranda ». Ultimatum logique puisque les règles de l´élection de Capriles, en décembre dernier, furent exactement les mêmes que celles qui ont permis á Maduro d´être élu président. Le bras de fer est engagé, et ne semble pas tourné en faveur de l´ancien candidat de la droite.

La plupart des dirigeants mondiaux ont reconnu Maduro comme le nouveau président du Venezuela : les pays latino-américains dont les gouvernements de droite de Colombie, du Chili et du Mexique ; les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), plusieurs pays d´Afrique, ainsi que certains pays européens comme l´Espagne. Les Etats-Unis refusent toujours de reconnaitre la légitimité du processus démocratique vénézuélien.L´armée vénézuélienne a reconnu Nicolas Maduro comme son nouveau « chef des armées », tâche qui incombe au président de la République, et a réitéré son engagement à préserver la paix et la sécurité. Par la voix de Wilmer Barrientos, chef du Commandement Stratégique Opérationnel, elle a invité les vénézuéliens à respecter les lois et les règles de la démocratie[7].
Même si la droite compte maintenir sa stratégie de tension en envoyant les mêmes groupes vêtus du rouge chaviste pour faire porter la responsabilité des violences au gouvernement, le spectre d´un coup d´Etat soft parait être écarté. Nicolas Maduro sortira renforcé de cette épreuve de force. En revanche, les messages de paix et d´union de Capriles ont volé en éclat. Des personnes ont été assassinées, blessées ou maltraitées pour avoir commis l´outrage de ne pas se reconnaitre dans le discours du responsable des violences actuelles au Venezuela. Les masques tombent et le fascisme a désormais un visage.

[1]Capriles: Yo no soy el mismo del 7 de octubre, voy a defender los votos de toda Venezuela, Dailymotion, 09/04/13. http://www.dailymotion.com/video/xyvf8j_capriles-yo-no-soy-el-mismo-del-7-de-octubre-voy-a-defender-los-votos-de-toda-venezuela_news#.UW6a4EpArVU (source consultée le 17/04/13).

[2] Capriles Radonski prepara otro golpe, no va a reconocer los resultados de la victoria del Pueblo y Nicolás Maduro. Así lo denuncia Diosdado Cabello, Presidente de la Asamblea Nacional, Youtube, 10/04/13. http://www.youtube.com/watch?v=-6Lrameqo-I, (source consultée le 17/04/13).

[3] Voir les résultats officiels sur le site web du CNE, http://www.cne.gob.ve/resultado_presidencial_2013/r/1/reg_000000.html (source consultée le 17/04/13).

[4] “Rector Vicente Díaz: No tengo dudas del resultado arrojado por el sistema electoral”, Agencia Venezolana de Noticias, 15/04/13. http://www.avn.info.ve/contenido/rector-vicente-d%C3%ADaz-no-tengo-dudas-del-resultado-arrojado-sistema-electoral , (source consultée le 17/04/13). Le 12 février 2009, le recteur Diaz faisait un déjeuner politique avec le secrétaire général d´Acción Democratica. Voir : Pillao Ramos Allup con Vicente Diaz, Youtube, 12/09/09. http://www.youtube.com/watch?v=92ZVbTR0dHo(source consultée le 17/04/13).

[5] “Publicarán este miércoles actas de votación con las firmas de la oposición”, Sistema Bolivariano de comunicación e información, 16/04/13.http://www.sibci.gob.ve/2013/04/publicaran-este-miercoles-actas-de-votacion-con-las-firmas-de-la-oposicion/ (source consultée le 17/04/13)

[6] Voir sur le blog de l´organisation d´extrême droite Juventud Unidad de Venezuela : http://javunida.blogspot.com/2009/11/enlace-libro-de-la-dictadura-la.htmlet Eva Golinger, « Huelguistas en Venezuela “Made in USA” », Correo del Orinoco, 20/02/13, http://www.correodelorinoco.gob.ve/nacionales/huelguistas-venezuela-made-in-usa/

[7] “Wilmer Barrientos: FANB continuará en las calles garantizando la paz del pueblo”, Agencia Venezolana de Noticias, 16/04/13. http://www.avn.info.ve/contenido/barrientos-deplora-violencia-derecha-e-insta-aceptar-juego-democr%C3%A1tico (source consultée le 17/04/13).

10/04/2013

Evacuations

Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France au 1er trimestre 2013.

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Bruxelles, le 9 avril 2013

Dans un rapport « Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France », Philippe Goossens, membre du bureau de l’AEDH en charge du dossier discrimination et droit des minorités (incluant les droits des Roms), a compilé les chiffres des expulsions de Roms en France pour le premier trimestre 2013. A travers toutes les régions, plus de 4 000 personnes ont ainsi été expulsées de leurs lieux de vie sans solution de relogement. L’AEDH et la LDH dénoncent cette situation et appellent le gouvernement français à changer sa politique envers les Roms.

Cette étude donne un aperçu chiffré des évacuations forcées de Roms étrangers et des destructions de leurs lieux de vie en France. Pendant le premier trimestre 2013, 4 152 personnes ont été obligées de quitter leurs lieux de vie. Cela correspond à un cinquième des quelque 20 000 Roms, principalement originaires de Roumanie ou Bulgarie, qui vivent en France.

Comparé à celui du premier trimestre 2012, le nombre de personnes évacuées durant le premier trimestre 2013 est en forte augmentation tant pour celui des personnes évacuées de force par les autorités (2 873 contre 2 153) que pour celui des personnes rapatriées (272 contre 70) ou forcées d’abandonner leurs lieux de vie suite à un incendie ou une agression (1007 contre 777).
De même le nombre rapporté d’OQTF1 est de 642 comparé à 347.

La mise en application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 reste très rare et hétérogène. L’affirmation du ministre de l’intérieur selon laquelle «  les Roms ont vocation à rester en Roumanie, ou à y retourner2 » est fausse, car la plupart des Roms présents en France souhaitent y vivre et s’y « insérer ».

En plus d’une présence policière accrue et de la multiplication des OQTF, le rapport dénonce l’absence de solution de relogement : les propositions d’hébergement d’urgence ne sont que de deux à trois jours. Elles sont généralement éparpillées et éloignées des lieux de scolarisation des enfants, et elles ne sont adressées qu’à une partie de la population du lieu de vie concerné.

« Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution3. Un an après les promesses de François Hollande, le rapport montre que la situation concernant les évacuations s’est fortement dégradée avec la nouvelle majorité. Les autorités françaises continuent à pratiquer une politique de rejet qui provoque des préjudices graves et profonds à une population vivant déjà dans une très grande précarité. Elles continuent à violer les droits fondamentaux de ces personnes.

Ce discours attise des réactions d’intolérance de plus en plus fréquentes et qui se traduisent par la montée de la violence de la part des riverains et la radicalisation du rejet.

L’AEDH et la LDH considèrent que cette situation ne peut perdurer :

- le gouvernement français doit respecter les engagements pris lors de la campagne présidentielle : cesser d’expulser les Roms de leurs lieux de vie sans solution, il doit promouvoir les droits fondamentaux de toutes les populations.

_ - la Commission européenne doit rappeler à la France les engagements pris lors de l’adoption des traités européens et notamment la directive européenne de libre circulation.

_ - si les stratégies nationales d’insertion sont louables, elles doivent être fondées sur le respect de tous les droits de ces populations, pour s’opposer efficacement aux discriminations et aux violences subies en France par les populations Roms.

Le rapport de ce premier trimestre 2013 est disponible ici sur le site de l’AEDH.

(1) Obligation de quitter le territoire français.

(2) Valls : « Les démantèlements de camps Roms se poursuivront », Le Parisien, 14 mars 2013.

(3)Lettre de François Hollande à Romeurope, 27 mars 2012.

(4) Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France – 1er trimestre 2013

L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH).
Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu

 

09/04/2013

Julius et Ethel Rosenberg…

2013 : soixante ans après l’exécution de Julius et d’Ethel Rosenberg…

1950 : le sénateur Joseph McCarthy lance une « chasse aux sorcières » qui dure de 1950 à 1953, le maccarthysme, visant les sympathisants, militants ou agents communistes poursuivis par le HUAC (House Un-American Activities Committee).

Le 5 avril 1951, deux citoyens américains, Julius et Ethel Rosenberg, sont condamnés à la peine capitale au terme d’un procès à charge et inéquitable. Malgré une très large protestation mondiale, ils seront exécutés par électrocution le 19 juin 1953.

rosenberg,peine de mort

Aux Etats-Unis, la peine de mort reste toujours pratiquée ou au moins légale. Dans les couloirs de la mort, des hommes, au terme de procès uniquement à charge, sont condamnés à cette inacceptable négation des droits, tels Mumia Abu Jamal, Hank Skinner… Pourtant, l’espoir existe puisque tout récemment, un dix-septième Etat américain, le Maryland, a décidé d’un processus législatif qui aboutira à l’abolition sur son territoire.

La Ligue des droits de l’Homme rappelle son attachement à ce que toute justice soit rendue dans des circonstances où les droits des personnes, leur présomption d’innocence, la présentation publique de preuves et leur étude contradictoire soient respectées, et son refus de tout secret dû à un supposé « intérêt supérieur ». Or, dans le cas de l’ « affaire » Rosenberg − euphémisme qui atténue les responsabilités politiques du gouvernement américain de l’époque −, Ethel et Julius Rosenberg ont subi les méfaits d’une justice aux ordres et d’une conception archaïque de la punition.

La Ligue des droits de l’Homme rappelle son opposition totale à tout traitement inhumain, et singulièrement à la peine de mort. C’est l’un de ses engagements majeurs, car aucune cause, aucune politique, aucune situation internationale ne justifient le recours à l’exécution capitale.

Conformément aux décisions prises avec l’ex-Association pour le réexamen de l’affaire Rosenberg, la LDH a pris l’initiative d’une rencontre de débat et de mémoire le 15 juin 2013 pour que l’on se souvienne du soixantième anniversaire de l’exécution des Rosenberg, pour une justice équitable, pour l’abolition universelle de la peine de mort.

08/04/2013

Racisme de classe

Trois jours avant le 21 avril 2002, Michel Broué a voulu publié, en collaboration avec le metteur en scène Bernard Murat, un article dans Le Monde intitulé "À nos amis de gauche qui deviennent fous" attirant l'attention sur le danger imminent du vote Le Pen.

Quelques mois d'avril plus tard...

Avant de transcrire une autre note de Michel Broué cadrant, celle-ci, avec l’immédiate actualité dévoilée par Médiapart, l’indépendance de la presse ne pouvant véritablement fonctionner et aboutir durablement qu’à condition qu’un pouvoir judiciaire soit, lui aussi, libre et non faussé, j'ajoute, souligne et insiste sur le fait que «ce dont nous ne voulons plus» (titre de cette note), c'est de ce système qui autorise tout ce que nous dénonçons sans arrêt.
Des dénonciations répétitives qui ne peuvent pour l'instant, malheureusement, et le plus souvent déboucher que sur des écarts de langage, violences verbales et autres emballements entretenus et largement provoqués par goût du spectacle ou jeu aussi malsain que malveillant, en toute compétitive irresponsabilité.

Sur quelle planète, dans quelle province ou village la cohorte des «penseurs» uniques payés pour leur potentiel de cynique agressivité qui ont nom R. Enthoven, J-M. Apathie, C. Barbier & C° pourraient-ils bien se réfugier si ce système basé sur la compétition, la croissance à tout prix, la corruption érigée en modèle économique, l’éducation populaire rabaissée aux contraintes des saisons touristiques, "le marché", si ce système donc pouvait disparaître une fois pour toutes ?

Rien ne se fera hélas du jour au lendemain.
Mais l’actuelle nervosité de ces nervis de la soustraitance de l'oligarchie au pouvoir est tout de même un assez bon signe en ce qu’il signifie qu’une nouvelle conscience collective est peut être en train d'émerger malgré le qualificatif de « populiste » dont ils essayent de l’affubler.

Un qualificatif discriminant, insultant mais qu’il faut relativiser et dénoncer encore et toujours et lui aussi comme étant l’expression d’un racisme de classe, une prétention à s’arroger le droit d’un « racisme de l’intelligence », forcément réversible, qui serait selon Bourdieu,

«une forme de sociodicée (explication et justification de l’organisation de la société telle qu’elle est ) caractéristique d’une classe dominante [qu’elle revendique en se baptisant « élite »] dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse » Source

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"Ce, et ceux, dont nous ne voulons plus"
07 avril 2013 Par Michel Broué

« La déviance, sous toutes ses formes. Déviance par rapport aux règles de base de la morale politique et à celles de la morale individuelle. Les connivences discrètes et tenaces, à Marrakech, à New York, à Marseille, et ailleurs. Les groupes de pression organisés, depuis des années, depuis peut-être des décennies, groupes de pression encadrés et soutenus par les moyens professionnels de la « communication ». La communication politique, qui n'est somme toute que de la triche, triche construite et pensée pour égarer le journaliste et le citoyen. L'appât du gain comme moteur de l'engagement politique, et tant pis si on saccage ce qui reste de l'un des plus beaux idéaux de l'histoire humaine. Le fric via le pouvoir, le fric/le fric/le fric, qui salit le socialisme presque autant que le stalinisme a souillé le communisme. Le cynisme de tous ces gens, qui savent ce qu'ils font.

Ce qu'ils font, et faisaient ? Chercher à imposer au pouvoir, si possible au pouvoir suprême, un homme qui leur assurerait protection et liberté de gain.

Et nous, nous les citoyens, nous qui sommes loin de ces bandes-là, qu'en savons-nous ? Je vais écrire ici ce que je sais, ce que je pressens, ce dont nous ne voulons plus. Puissent ces quelques lignes engager ceux qui en ont les moyens à poursuivre et approfondir les enquêtes, pousser des langues à se délier. Pour qu'enfin ceux dont nous ne voulons plus disparaissent du champ politique de notre République. Avant qu'ils ne nous emmènent tous à la catastrophe.

Pourquoi a-t-on partout entendu dire que Strauss-Kahn et Cahuzac ont « proposé leur démission », alors qu'ils y ont été contraints, l'un par Jospin, l'autre par Hollande ? Qui a donné cette « information » ? Je voudrais qu'on retrouve les traces des communiqués.

Pourquoi est-ce la même personne (Anne Hommel), qui a collaboré de si près et si longtemps avec Jean-Christophe Cambadélis dans bien des structures, puis a conseillé pendant des années Dominique Strauss-Kahn, qui depuis quelques jours est chargée de la communication de Jérôme Cahuzac ? Quels sont ses liens avec Stéphane Fouks et son entreprise ? Il faut maintenant que nous sachions.

Une autre personne (Marion Bougeard), liée à la même entreprise de communication, fut conseil de Liliane Bettencourt avant d'être celui de Cahuzac. Il y a quelques semaines, elle menait une entreprise de déstabilisation personnelle de Fabrice Arfi particulièrement répugnante. Nous ne voulons plus de ces gens-là et de leurs méthodes.

Pourquoi a-t-on entendu la même antienne répétée à satiété, celle de « l'homme superbement intelligent », du « meilleur ministre », du « grand économiste » tant à propos de Strauss-Kahn que de Cahuzac ? Car derrière l'énergie, le culot sans borne et les talents de bateleurs de ces deux hommes, on cherche en vain les contributions, les idées nouvelles, les apports de l'un ou de l'autre aux terribles problèmes de l'économie. Oui, pourquoi ? Eh bien parce qu'il s'agissait, avec les méthodes communicantes, d'imposer un homme qui pouvait s'avérer utile au groupe, si on le mettait en situation de pouvoir.

Je voudrais qu'on examine les diplômes universitaires d'un certain nombre de personnes de ce groupe. Les hommes-clef ne sont pas si nombreux, ce devrait être possible. Et on se souvient du cynisme avec lequel Alain Bauer a cherché à imposer son propre domaine de recherche (sic) au monde universitaire, afin d'obtenir sa propre chaire. Tiens ! Avec l'aide de Sarkozy.

Je voudrais que l'on cherche vraiment à comprendre le comportement de Cahuzac depuis décembre dernier. Pourquoi ces mensonges si entêtés, pourquoi ces aveux soudains, pourquoi ce montant (600 000 €) auquel personne de sérieux ne donne crédit ? Tout laisse à penser que cet argent, ce montage, ne sont pas qu'une entreprise personnelle. Qu'il a menti, puis avoué, pour protéger autre chose. Quoi ? Qui ? Il dit vouloir revenir à l'Assemblée. Cela doit-il être entendu comme une menace voilée ?

Je voudrais que l'on enquête plus sur les liens, personnels, politiques, financiers, directs ou indirects, qui unissent par exemple Fouks, Strauss-Kahn, Cahuzac, beaucoup des « strauss-kahniens », certains des ex-« rocardiens », certains des ex-responsables de l'UNEF des années 80-90, leurs « petites-mains », et bien d'autres... — et il semble nécessaire que Manuel Valls, ministre de l'intérieur, s'explique sur ses liens avec l'entreprise et les personnes qui ont assuré et assurent la « communication » de Strauss-Kahn et de Cahuzac.

Si on connait maintenant le comportement dégueulasse de Strauss-Kahn vis-à-vis des femmes, qu'en est-il de ses liens avec la droite – devenue la droite extrême – et l'argent ? Si on découvre les amitiés de Cahuzac avec les anciens du GUD, qu'en est-il des liens anciens et récents d'autres membres du groupe cité ci-dessus avec la droite extrême, et le fric ?

Je voudrais qu'on enquête sur les trains de vie de ces gens-là depuis les années 80, la taille de leurs appartements – que, pour certains, leurs revenus officiels ne sauraient expliquer. De la MNEF à Gbagbo, de Genève à Singapour, peut-être en passant par Taïwan, et bien d'autres lieux ou combines. Nous devons savoir.

François Hollande pourrait signer ce que je viens d'écrire. Il le sait, que ce groupe maîtrise l'art consommé de se mettre derrière le puissant du moment, tout en se préparant un abri sous le possible président à venir : « mitterrandiens » sous Mitterrand, puis « rocardiens » avant de soutenir Jospin, ils sont devenus les promoteurs zélés de Strauss-Kahn. Et ont rallié Hollande dès qu'il est devenu clair que Strauss-Kahn n'avait plus d'avenir politique. Leur intérêt et leurs intérêts leur servent de boussole, de principes et de convictions politiques.

Oui, François Hollande le sait. Pourquoi donc a-t-il laissé en place ces réseaux (dont il ne fait pas partie), comme d'ailleurs les réseaux du régime précédent ? Parce qu'il pensait ne pas avoir les moyens d'agir autrement ? Parce que la gangrène va plus loin que nous le pensons ? Quoiqu'il en soit, il n'a plus le choix. Il faut qu'il en débarrasse son entourage, son gouvernement, et la République. Il est temps, plus que temps, de faire barrage, de détourner le fleuve de la corruption. Nous n'en voulons plus, la démocratie n'en peut plus.»

25/03/2013

L'immigration, trop ou pas assez ?...

C'est sous le titre «L'immigration: trop ou pas assez  ?...» que l'on pouvait sous-titrer « L'immigration a-t-elle une fonction  ?» que l'Université populaire Graines de Savoirs de Forcalquier a dénoncé un certain nombre d'idées reçues à l’origine d’un nombre croissant de comportements xénophobes. Les interventions de J-L. Odekerken, économiste membre d'Attac et de Ch. Charles-Fouilloux (*), de Ligue des Droits de l'Homme à Manosque, s'inscrivaient dans le cadre d'une semaine contre le racisme. Elles ont permis de nombreuses prises de parole confirmant les dangers d'une xénophobie entretenue par les gouvernants de façon à masquer aux yeux de l'opinion publique l'échec de leurs choix économiques.

Xénophobie Business, Claire Rodier
Lu avec intérêt le travail de Claire Rodier « Xénophobie business »
(Ed. La découverte)

Un constat confirmé par les chiffres qui révèlent, preuves à l’appui, que la population immigrée ne coûte rien à l'Etat, mais au contraire lui rapporte. Un constat qui rejoint et corrobore celui de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme qui s'alarme, sondage à l'appui, que 69% des personnes interrogées puisse croire qu'il y a “trop d’immigrés aujourd’hui en France”  !

D'où la nécessité de dénoncer aussi souvent que possible la diabolisation des étrangers et de réclamer le respect de celles et ceux qui, français ou non, sont avant tout des êtres humains. Ils n'ont pas «  vocation  » à servir de boucs émissaires ou de pare-feu aux indécences et erreurs politiciennes en cours.

En conclusion, cette citation empruntée à Gilles Deleuze :
« Au lieu d’être une politique et une économie de guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une “paix” non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma. »

Février 1977, Deux régimes de fous – Textes et entretiens 1975 – 1995, Les éditions de Minuit, 2003.


(*) Canevas de cette intervention

19/03/2013

Le miroir aux alouettes

Trop souvent la surface des mots nous effleure et nous glissons sur eux comme pour prendre la fuite. La poudre aux yeux ne serait alors qu'un fard d'inconsistance, fausses certitudes organisées au bénéfice du monde marchand. Faux-fuyants.
Résultats :
«On ne va pas à l’école pour grandir en humanité (et humanités), ni pour y trouver le pouvoir de devenir créateur de sa vie, cette vie unique propre à chaque citoyen respecté et respectable. Non, on va à l’école pour accéder aux gradins supérieurs, avec pour ligne de mire les sommets bancaires où se prélassent les nouveaux aristocrates.»
Mais Xavier Lainé qui dénonce cet Etat de défaites programmées ouvre d'autres perspectives...

miroir aux alouettes, xavier lainé

 Extrait de Poïésis 24 – "Le miroir aux alouettes" :

"La République n'est qu'un mot, si elle n'aboutit pas à une plus grande somme de bien-être positif et de dignité pour l'immense foule des petits"
Jean Jaurès
 
« Toujours on nous demande : tu es qui ? Tu fais quoi ? A quel parti appartiens-tu ?
Toujours. Et toujours il nous faut répéter la longue litanie, dire d’où on vient, qui étaient nos parents, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents, jamais tu ne peux être qui tu es, détaché d’un statut ou d’une identité.
On te demande statut social, diplômes ad hoc, en grand triomphe de statut bourgeois.
Tu le vois bien, ce triomphe, cette apothéose qui mène tant de jeunesse à des brevets qui ferment plus de portes qu’elles n’en ouvrent.
L’école et l’université réduites à leur fonction utilitaire, dans un monde qui oublie l’essentiel, ne peuvent que grossir les rangs des insatisfaits.
Mais on pousse, on sème l’illusion avant d’être confronté au doute.
Ce qui compte n’est pas une ouverture au savoir, mais l’accumulation de celui-ci à la seule fin de son utilité républicaine.
Il est demandé à l’élève, à l’étudiant, au chercheur de se conformer aux impératifs imposés par le système économique, non à la puissance de leur curiosité.
Le curieux est un empêcheur de fonctionner en rond et doit être exclu avant qu’il ne gangrène les étages de ce monde parfait.
Tu dois te balader en fringues bobos, qui sont ta distinction d’avec le monde des exclus, ou en costume trois pièces cravates marquant ton accession au monde des dirigeants, âpres au gain et capable de louvoyer dans les eaux troubles de la finance nationale et internationale.
On te gratifie ici de quelque poste honorifique, tu peux même parader comme élu du « peuple de gauche », ou de quelques stock options qui t’ouvriront les portes de la jet set.
C’est poudre aux yeux, mais on te fait croire que tu en es, alors que tu n’es, dans un cas comme dans l’autre, que jouet entre les mains de pilotes bien mieux lotis que toi qui émargent dans les hautes sphères de la nouvelle aristocratie.
 
Car c’est une constatation quotidienne que même les plus belles intentions démocratiques, les plus belles envolées en faveur de l’art pour tous sont immanquablement dévoyées en recherche de gains, toujours plus de gains.
Et le plus sûr moyen d’obtenir l’art qu’on veut est encore d’acheter l’artiste.
C’est un procédé aussi vieux que le monde : il n’y a de choix qu’entre une pensée inféodée aux puissants par un mécénat prétendument éclairé, ou cigüe d’une vie perdue à tenter de réunir pensées libres, poussées aux ravins broussailleux, aux sentes délaissées.
N’est aucune reconnaissance à attendre pour celui qui veut créer sans contrainte.
Celui-là commence par rêver tandis que le maître s’acharne à lui prouver que « deux plus deux font quatre » ; puis ne tarde pas à suivre les chemins buissonniers d’un savoir incapable de se contraindre à la page bien propre des pleins et des déliés ; délié, il finit par opter par la marge, par écrire sur les murs, sous le regard suspicieux des universitaires patentés, érigés en gardiens du temple de la culture bourgeoise élue comme seule et définitive représentante de toute culture. Celle-là seule trouve les bonnes grâces des institutionnels de tous bords.
Il te faut être docteur en poésie pour que tes poèmes entrent au panthéon littéraire des bibliothèques, et ce n’est que muni de ton Diplôme Universitaire d’ateliers d’écritures que tu peux répandre ta parole, à l’intime condition qu’elle respecte les canons de la bourgeoisie triomphante.
 
L’heure n’est plus à la curiosité mais à son apparence qui rapporte. La bourgeoisie nous a tellement appris, tellement façonnés que nous ne savons plus distinguer ce qui est de notre réel besoin d’exister et de savoir, ou des nécessités qu’un mode de fonctionnement industriel et marchand nous a peu à peu imposé.
On ne va pas à l’école pour grandir en humanité (et humanités), ni pour y trouver le pouvoir de devenir créateur de sa vie, cette vie unique propre à chaque citoyen respecté et respectable. Non, on va à l’école pour accéder aux gradins supérieurs, avec pour ligne de mire les sommets bancaires où se prélassent les nouveaux aristocrates.
Chacun rêve, en franchissant les grilles, de parvenir un jour en ces sommets de bien être, en cet art de vivre où chaussures de cuir très modes, petits sacs en croco, et bijoux voisinent avec l’art de parler des livres parcourus sans avoir jamais été lus.
Car le triomphe de la bourgeoisie sied aux petits egos démultipliés. La culture est son viatique, il faut pouvoir se dire écrivain, dès lors que trois mots sont alignés et que par copains, copines, et retours d’ascenseurs ils se trouvent projetés au pinacle de l’audimat. On joue les bohêmes, on se fait arranger la chevelure en coup de vent savamment organisé. On a alors réponse à tout. L’écrivain en posture d’oracle, la montre brillante au poignet, est adulé, la bouche en cul de poule, dans les cérémonies officielles de ce nouveau culte que sont les festivals, les fêtes du livre, les printemps de poètes dûment patentés par quelque certificat universitaire.
Ceux-là auraient quelque chose à nous dicter qui ne sont que les faire-valoir des boursicoteurs richement propriétaires de tout ce qui s’édite et se crée en la paroisse de France.
Et ils se répandent de journaux de province en pages nationales, sur toutes les radios, dans tous les petits écrans. Ils détiendraient, par la grâce de l’université au service des marchands, le savoir parfait tandis que le peuple, laminé et miséreux, dépourvu de toute identité culturelle mais stigmatisé comme jamais par sa présupposée inculture, devrait boire comme petit lait les pensées et poncifs assénés en paroles absconses.
 
Qu’on m’entende : je n’ai rien contre les universitaires, ni contre les « artistes » ou écrivains arrivés au sommet (même si parfois les moyens d’y parvenir peuvent laisser à désirer). Non, ce que je montre ici, ce que j’entends dénoncer, c’est l’usage de la culture comme outil au service d’un système qui se définit comme immuable, indépassable, persuadé de la juste raison alors même qu’il nous embarque peut-être vers la pire tourmente qu’ait jamais connue l’humanité, compte tenu du niveau technologique atteint.
La culture devient ce cache sexe qui permet de ne plus parler de cette face pourtant visible de la perte du sens contemporain. A grands frais on déplace les foules pour les jeux du cirque, tandis qu’en deçà des lieux idylliques où s’épanouit la parole poétique, on crève, on zone, on galère, on cherche en vain issue à une vie qui n’en est plus une, et, de plus en plus souvent, on y met un terme, volontaire ou non.
 
Il est de bon ton, pour un écrivain, pour un artiste, de montrer sa zen attitude, de se montrer au dessus de la mêlée (lire et relire Romain Rolland, http://fr.wikisource.org/wiki/Au-dessus_de_la_mêlée/Au-dessus_de_la_mêlée : prendre de la hauteur, n’est pas forcément se poser en donneur de leçons). De sa tour d’ivoire, l’artiste autoproclamé contemporain daigne faire état avec compassion de son goût pour l’élévation.
Il se plaint parfois de la mévente de ses œuvres, mais ne glissera pas un mot sur l’extension chronique du domaine de la misère !
Parfois même il cautionne par son silence complice, par sa prose creuse, un système dont il est de bon ton de parler en noir, mais sans chercher le moindre pinceau, le moindre pigment qui en changerait l’aspect.
 
J’ai en mémoire le dit d’un professeur des écoles, un instituteurs d’il n’y a pas si longtemps, au bord du gouffre de sa retraite, épuisé, pleurant pour ses élèves perdus sur le territoire du sens : « Au début, j’avais dans ma classe des enfants d’ouvrier qui avaient une culture d’ouvrier, des fils et filles de paysans qui avaient une culture paysannes, des italiens avec leurs chansons, des espagnols avec leur verbe haut… Désormais, je vois passer toutes les couleurs du monde, mais aucune n’a plus la moindre racine culturelle. Le dénominateur commun  s’appelle la Star Ac. »
 
Et je pleure avec lui.»
 
Xavier Lainé

2 février 2013

17/03/2013

Valls abjection

Sur quelles flammes souffle le ministre de l’Intérieur ?

Provocation verbale assumée, retour du refoulé, dérapage soigneusement contrôlé ? Quelle que soit l’explication qu’on choisisse d’adopter, les propos du ministre de l’Intérieur reprenant une série de clichés détestables à l’encontre des Roms sont proprement intolérables, comme ils le seraient vis-à-vis de toute autre population.

Valls - abjection, roms, assignation à résidence

Alors que les Roms, citoyens européens, devraient bénéficier de la législation en vigueur, ils se voient assignés à résidence à travers une expression dépréciative, inimaginable pour tout autre membre de l’Union européenne. La déclaration du ministre exprime par ailleurs, et sur un mode catégorique, une sorte de vérité révélée selon laquelle les Roms « ne souhaiteraient pas s’intégrer ». C’est ahurissant : jusqu’à plus ample informé, ce sont bien les enfants roms qui tentent de faire valoir leur droit à la scolarisation et certains maires qui les en empêchent, pas le contraire. Il y a, de la même manière, une certaine indécence à leur reprocher les actes d’incendies volontaires dont ils ont été les victimes…

La Ligue des droits de l’Homme tient à exprimer sa condamnation de propos tout à la fois inconséquents et lourds de conséquences, très éloignés de la circulaire interministérielle du 26 août 2012. Les populations roms, les défenseurs des droits et de la solidarité qui sont à leurs côtés, ont besoin de tout autre chose que de propos incendiaires. La LDH invite le gouvernement à inscrire son action dans le respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes.


Communiqué de la LDH

15/03/2013

Robert Castel (1933-2013)

Robert Castel (1933-2013), un éclaireur du social

Robert Castel

Robert Castel aurait eu 80 ans le 27 mars prochain. Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), ses premiers travaux portaient sur la psychiatrie. Mais son grand œuvre est d’avoir été l’un des plus perspicaces analystes de la condition salariale. Observateur ? Non point seulement, car son empathie faisait que les « gens de peu » n’étaient pas simplement des objets d’étude, mais des sujets politiques, dont il suscitait et justifiait l’irruption sur le devant de la scène.
Dans l’un de ses ouvrages majeurs, Les Métamorphoses de la question sociale, une chronique du salariat, paru en 1995, partant d’une analyse de la constitution de la société salariale, il a montré que son effritement, à partir du milieu des années 1970, menait à une « désaffiliation » faite de vulnérabilité et de fragilisation des personnes. D’un modèle salarial dominant fait de subordination mais aussi de protection sociale, il a montré l’arrivée d’un nouveau régime fondé sur l’insécurité sociale et la précarité. Il en concluait à l’absolue nécessité de se battre pour le maintien et l’approfondissement d’une société de solidarité.

Cette analyse a débouché sur les publications suivantes : L’Insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ?, en 2003, La Discrimination négative, en 2007, La Montée des incertitudes : travail, protections, statut de l’individu, en 2009.

La LDH se retrouvait dans cette analyse pratique et concrète de la nécessité de tous les droits pour tous, et partout. Robert Castel aimait les gens, il écrivait pour justifier leurs droits et militait ainsi pour ces derniers. La LDH salue l’homme, sa vie, son œuvre et son engagement.

La LDH s’honore par ailleurs d’avoir eu Robert Castel comme contributeur à la livraison 2011 de L’Etat des droits de l’Homme en France avec un article, justement intitulé : « La fragmentation sociale ». En ces temps rudes pour toutes celles et tous ceux que leur vulnérabilité sociale expose à tous les vents mauvais, il est judicieux de lire et relire ces textes qui refondent l’universalité et l’indivisibilité de tous les droits.

Communiqué LDH - Paris, le 14 mars 2013

14/03/2013

Une suite au CESEDA

En France, de plus en plus d’enfants étrangers sont enfermés dans des centres de rétention. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat pour détention "inhumaine" et "dégradante" de réfugiés mineurs.

Qu'à cela ne tienne, Valls "infléchie" le ceseda vers l'assignation à résidence et décomplexe la tentation xénophobe.

ceseda, valls

Pénalisation des étrangers : « tout changer pour que rien ne change » ?

Contraint de se plier aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, le gouvernement a fait adopter la loi du 31 décembre 2012 supprimant le délit de séjour irrégulier.

Une rupture avec la ligne de fermeté envers les étrangers en situation irrégulière ? Un pas vers plus d’humanité dans une logique de protection des droits fondamentaux ? Ce n’est malheureusement pas le cas.

Pour pallier la suppression du délit de séjour irrégulier, des infractions demeurent ou sont mises en place. C’est ainsi que l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit toujours la répression de l’entrée irrégulière et que la loi du 31 décembre 2012, reprenant d’une main ce qu’elle donne de l’autre, introduit une infraction de résistance passive à une mesure d’éloignement ou d’assignation à résidence (nouvel alinéa 1 ajouté à l’article L. 624-1 du Ceseda) : une façon de ne pas heurter de front la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ;

La garde à vue des étrangers, rendue impraticable du fait de la dépénalisation du séjour irrégulier, est remplacée par une mesure de retenue administrative qui en est la copie quasi conforme : les services de police peuvent continuer de remplir les centres de rétention et les salles d’embarquement en tout confort.

L’essentiel répressif étant ainsi préservé, ce même gouvernement aurait pu se montrer plus compréhensif dans le traitement des conséquences réglementaires et administratives de ce tour de passe-passe législatif. Il n’en est rien.

Le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 portant création du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) n’autorise que l’enregistrement de données destinées à permettre l’identification d’auteurs de crimes ou délits ; il est donc en toute logique devenu inutilisable pour identifier les étrangers en situation de séjour irrégulier. Qu’à cela ne tienne, le ministère de l’intérieur prépare un décret élargissant l’objet du FAED, qui permettra de continuer à traiter leurs empreintes comme s’il s’agissait de délinquants ;

Les dépenses médicales et d’interprétariat engagées dans le cadre des nouvelles mesures de retenue administrative ne peuvent plus constituer des frais de justice, car ne se rattachant plus à la recherche d’auteurs d’infraction ; le ministère de la justice demandait donc que la logique budgétaire soit respectée et que le ministère de l’intérieur les prenne en charge. Matignon a pourtant tranché : ces dépenses continueront d’être imputées sur les frais de justice correctionnelle.

Ainsi, malgré la suppression du délit de séjour irrégulier, la pénalisation des étrangers continue d’imprégner la loi jusque dans ses moindres détails.

Le 13 mars 2013

Les associations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers sont : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Anafe, ADDE, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, LDH, Mrap, Observatoire du CRA de Palaiseau, Revue « Pratiques », Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG), Syndicat des avocats de France (SAF)

13/03/2013

Congrès de Niort 2013

La LDH de Manosque s'associe pleinement à la résolution suivante et souhaite s'en faire le relais auprès des sections qui n'y auraient pas encore souscrit.
Mieux, elle sollicite l'attention de ses instances parisiennes pour l'inscrire lors du prochain congrès sur ses tablettes et engagements ...

Congrès de Niort, Palestine
Source : Bastamag.net

Proposition de résolution des sections soussignées

La Palestine : un sociocide programmé

L’analyse du "conflit" israélo palestinien se termine trop souvent sur l’invocation d’une paix inéluctable entre peuples qui sont faits pour s’entendre, analyse démentie par la réalité sur le terrain. Côté israélien, le parti des colons et des sionistes ultras et racistes gagne en influence dans l’ensemble de la société. Côté palestinien, le processus de réconciliation nationale, condition d'élaboration d'une stratégie unifiée pour mettre fin à l'occupation et à la colonisation, se heurte encore à de nombreux obstacles ainsi qu’à des rancœurs accumulées et progresse par à-coups.
Tout en dénonçant les crimes de l’État d’Israël, son refus permanent de respecter les décisions de justice internationale, son mépris absolu des conventions de Genève, notamment la 4ème qui proscrit toute colonisation de territoire occupé, etc., etc., les mouvements démocratiques et les intellectuels se rejoignent tous ainsi par leurs analyses en critique pointilliste de l’action terroriste de cet État.
Par la voix de ses responsables dans la presse, par des lettres ouvertes ou dans ses documents internes, la LDH n’envisage pas d’autre fin que la paix entre deux États, reconnus mutuellement et internationalement, à l’issue de négociations de "paix", à condition qu'ils respectent la justice et l'égalité des droits. Au cours de l’année 2012, l’un de nos présidents d’honneur (par ailleurs Président du Réseau euroméditerranéen des droits de l’Homme) et le Président de la LDH ont rendu publiques des analyses pertinentes sur des problèmes particuliers du conflit, dénonçant les abus d’Israël et la lâcheté des gouvernements occidentaux. Analyses que tout ligueur a pu faire siennes.

La colonisation n'a cessé de s'étendre et tout laisse à penser que le pouvoir militaro-politique israélien va amplifier la politique brutale menée contre les Palestiniens ces dernières années, avec la reconduction de Netanyahou à la tête du gouvernement. Ce dernier fait d’évidence entrer son pays dans ce qu’il faut bien considérer comme la dernière phase de la stratégie sioniste. Tous ses actes conduisent en effet à la conquête quasi totale de la Palestine mandataire pour créer "l’État juif" qu’il revendique, les présentes frontières étant toutes provisoires. Sharon, au pouvoir en 2001, n‘annonçait-il pas cette dernière étape en répétant : «La guerre d’indépendance de 1948 n’est pas achevée» ? Seules subsisteront des "réserves d’Indiens" pour touristes.

Le mot "sociocide" a souvent été répété avec force par Stéphane Hessel pour désigner la tragédie palestinienne. Car ce sont en effet une culture, un peuple, une société originale du Moyen-Orient qui vont disparaître. Société qui connaissait la démocratie et le multipartisme, les droits de la femme, l’éducation mixte, une riche vie associative. Un exemple mis récemment en lumière par des intellectuels israéliens démontre la détermination d’Israël, sa brutalité et le raffinement dans la volonté d’effacer ses ennemis : 70 000 livres laissés dans leurs bibliothèques par les Palestiniens fuyant la Nakbah en 1948 furent considérés par Israël comme "propriétés abandonnées".  Un patrimoine culturel est devenu une "prise de guerre" !

Cet exemple ne doit bien évidemment pas faire oublier la mort, l’exil, les drames familiaux de tant de Palestiniens victimes d’une persécution sans limites. Il doit aussi nous rappeler le travail courageux d’historiens, archéologues, journalistes, ou artistes et intellectuels israéliens. À côté ou au cœur d’associations, d’authentiques femmes et hommes de paix en Israël organisent la résistance, conscients du réveil terrible que sera pour le judaïsme et pour les Juifs de la diaspora l’aboutissement de cette politique folle et guerrière de conquête.

Pour empêcher cette fin tragique, il est du devoir de la LDH d’écouter et de soutenir, en même temps que les voix palestiniennes, celles et ceux qui, en Israël, militent pour une vraie paix. Peuple nié sur sa terre, les Palestiniens sont, pour exister, entrés en résistance, un temps armée, mais de plus en plus non-violente. Il est de notre responsabilité de relayer les appels aux actions non-violentes qui viennent de là-bas. Et, comme pour le boycott efficace de l’Afrique du Sud de l’apartheid, de reprendre à notre compte l’action "Boycott, Désinvestissement, Sanction", en particulier contre tous les produits issus des colonies, seule action qui peut en même temps sensibiliser l’opinion internationale et inquiéter économiquement Israël.

Enfin rappelons que l’implantation de colonies en terre palestinienne est depuis 1967 la marque de tous les gouvernements israéliens. N’oublions pas que l’encre de la signature du traité d’Oslo n’était pas sèche que Rabin programmait encore de nouvelles colonies au point de s’attirer, après son assassinat, les félicitations posthumes du Likoud. Les colonies sont d’évidence le fer de lance de cette politique qui vise à installer Israël du Jourdain à la Méditerranée.

Ne laissons pas s’installer la paix des conquérants, une Pax Hébraïca semblable à la Pax Romana, celle dont Tacite faisait dire à Galgacus dans sa biographie du général romain Agricola : "Où ils font un désert, ils disent qu'ils ont donné la paix" … même si "le désert" est peuplé de colonies.

Février 2013

Sections de Cannes-Grasse, de Carcassonne, d’Istres-Ouest Provence, de Mantes la Jolie et du Mantois, de Marseille 15e/16e, de Nîmes, de Perpignan-Pyrénées Orientales, de Pertuis, de Talence, de Rodez, de Uzès et Ste. Anastasie, de Manosque…

09/03/2013

Notre monde

Il est probable que pour nous, à la LDH, "Notre Monde" soit LE film de l’année : celui qui devrait donner envie à chacun de faire de la politique. La faire comme nous concevons de la faire, autrement et collectivement.

 Le film est tourné vers l’avenir, dédié « à ceux qui viendront » (B. Brecht) mais aussi à ceux qui sont venus, Lucie et Raymond Aubrac. De quoi s’agit-il ? De trouver un domaine d’action, nous dit le philosophe Jean-Luc Nancy, et ce domaine d’action c’est la pensée, qui n’est pas le contraire de l’action mais sa condition. L’humanisme est en crise, la civilisation en train de changer, les religions font croire et non penser : ce qu’il faut, dans des lieux à inventer, c’est d’un élan chercher « la commune pensée, penser la Commune ».

Prologue ambitieux. Se met alors en place une sorte de séminaire, ou de chorale, où il est question d’éducation, de santé, de justice et de libertés, de frontières et de différences, de culture, de travail, d’économie, d’Europe, de démocratie. Et ce qui est remarquable, c’est que sur des sujets différents, ces voix diverses se croisent et convergent pour dénoncer la vaste entreprise de destruction des droits qui est en cours et proposer des réformes concrètes pour les défendre. Pour que l’école cesse de classifier et d’exclure, il faut évaluer les choses et non les enfants ; pour que le système de santé français échappe à la privatisation rampante et cesse de se dégrader, André Grimaldi énumère les mesures concrètes à prendre ; Matthieu Bonduelle dénonce la débauche pénale à l’œuvre depuis 2002, Patrick Henriot l’apartheid juridique auquel sont soumis les étrangers ; Eric Fassin rappelle que les étrangers sont des êtres sociaux, avec des liens, et que leur rendre leurs droits au regroupement et au mariage, ce serait commencer à en finir avec la xénophobie ; Françoise Héritier réclame le compte du travail domestique dans le PNB, pour lutter contre le sexisme ; Michel Butel veut une presse qui fasse place à l’écriture, à la poésie et aux sans-voix. C’est sur le travail et l’économie, le cœur même de la crise avec la prise du pouvoir, y compris politique, par la finance que les convergences sont les plus fortes. L’entreprise est devenue un bien marchand, les relations de travail ont changé ; chacun s’acharne, seul, à remplir les objectifs qu’on lui a assignés (« A bas l’excellence », s’exclame Luc Boltanski) ; on voit le précariat s’installer sous le salariat, les licenciements « financiers » se multiplier, avec des suicides sur le lieu de travail et un risque d’explosion sociale, voire d’implosion du système (Toni Negri, Robert Castel, Christophe Dejours). Susan George s’indigne d’un monde qui récompense les fraudeurs et les banquiers, et punit les victimes. Jean-Pierre Dubois observe que toutes les politiques conduites depuis trente ans aggravent les inégalités et propose d’agir par une politique fiscale et sociale en sens contraire. L’Europe peut fort bien s’effondrer si l’on ne construit pas un projet alternatif, selon Etienne Balibar, qui en appelle à la liberté de circuler, au cosmopolitisme et à une insurrection démocratique. Enfin, reconstruire la démocratie exige la participation effective des citoyens à la prise de décision (Bastien François) et la conquête de lieux pour en délibérer et pour faire rendre des comptes aux parlementaires, comme les clubs de la Révolution française (Sophie Wahnich).

Tout ceci n’est qu’un résumé très incomplet, chacun aura le sien, mais peu importe. Il est clair que la domination de l’homme blanc occidental sur les étrangers et sur les femmes, que la domination des banques sur les entreprises, les travailleurs et les gouvernements, que la destruction des services publics, et plus largement des droits et des libertés, ça suffit. Et que donc pour changer ce monde, il faut faire de la politique. « Ne jamais s’arrêter de monter », écrit Marie Ndiaye, dont un récit lu par une comédienne scande ce film à la fois réaliste et utopique, politique et, oui, poétique.

A lire aussi, cet entretien avec Thomas Lacoste, le réalisateur en attendant une projection à Manosque (deuxième quinzaine de mai)...

02/03/2013

"La mémoire n'est pas un truc fiable..."

Les accords d'Évian sont le résultat de négociations entre les représentants de la France et du Gouvernement provisoire de la République algérienne formé par le Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d'Algérie. Ces accords sont signés le 18 mars 1962 à Évian et se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu applicable sur tout le territoire algérien dès le lendemain.

Ces accords mettaient fin à huit ans d'une guerre qui n'en portait pas encore le nom.

Meurtres pour mémoire, jeanne Puchol

Prix Artémisia 2013 avec une BD intitulée «Charonne - Bou Kadir» (Editions Tirésias) , Jeanne Puchol nous rappelle un terrifiant souvenir d’enfance qui est aussi un fait d’histoire et l’un des fondements de son militantisme politique. Elle n'en est pas à son coup d'essai puisqu'elle a déjà publié « Meurtres pour mémoire» de Didier Daeninckx en 1991 qui traitait du même sujet.....Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce livre ?

«Charonne : ce nom sur mon enfance, qu’il traverse, à la fois lugubre et familier », ainsi commençait un témoignage que j’ai écrit pour le recueil «Elles et eux et l’Algérie», paru chez Tirésias en 2004. C’est à nouveau ce condensé de sens du mot Charonne - la rue où j’ai vécu enfant, le nom de la manifestation du 8 février 1962 – qui m’a donné envie de pousser cette première réflexion plus loin.

Quel est l’enjeu de mémoire d’un ouvrage comme celui-ci ?

Quand on voit Monsieur Gérard Longuet faire un bras d’honneur sur un plateau de télévision à l’idée de la moindre «repentance» vis-à-vis de l’Algérie, quand on voit Madame Michèle Tabarot, fille d’un dirigeant de l’OAS et fière de l’être, devenir secrétaire générale de l’UMP, quand on voit les «nostalgériques» de tout poil rendre hommage à des légionnaires putschistes et donner leur voix au FN, la question se pose-t-elle encore ?

Vous vous êtes basée sur des témoignages de militants, parfois familiaux. Quelles ont été vos autres sources ?

En dehors de ceux de mes parents, les témoignages cités sont indirects : je les ai trouvés sur le site du Comité Vérité et Justice pour Charonne et dans le livre d’Alain Dewerpe, lui-même fils d’une des victimes, «Charonne 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État» (Gallimard Folio Histoire, 2006).

L’OAS est au cœur du récit. Qu’a représenté cette organisation ?

J’aurais aimé dire que cette organisation n’a représenté qu’elle-même. Mais non : dès le départ, elle a été composite, rassemblant des radicaux issus de l’extrême droite française, des militaires séditieux et des Français de France ou d’Algérie, entre autres d’anciens grands résistants, sincèrement persuadés que l’Algérie devait rester française. Pourtant, ses visées auraient dû paraître claires dès le départ : créée dans une clandestinité abritée par l’Espagne franquiste, l’OAS révèle ses objectifs factieux et anti-républicains en assassinant des fonctionnaires français en poste en Algérie, tel le commissaire central d’Alger Roger Gavoury, difficilement soupçonnable de soutien au FLN.

La France a-t-elle mal géré la sortie de son aventure coloniale ?

Je ne sais trop comment elle l’a gérée, mais elle ne l’a toujours pas digérée, à mon avis. Il suffit de voir le racisme ordinaire contre les ressortissants «visiblement musulmans» dont un de ses anciens dirigeants, auteur de cette insultante périphrase, et une bonne partie de sa population, sont encore capables…

Vous décrivez les événements du Métro Charonne, le 8 février 1962. Ont-ils créé un trauma particulier dans l’opinion publique française ?

Sans aucun doute, au vu des funérailles des victimes qui ont rassemblé presque un million de personnes le 13 février suivant. Pourquoi ces morts-là ont-ils créé un tel choc, alors que le conflit avait fait déjà beaucoup de victimes de part et d’autre ? Pourquoi, parmi la dizaine d’attentats commis la veille par l’OAS, celui qui visait André Malraux et qui éborgne une fillette émeut-il l’opinion au point qu’il sera le seul qu’elle retiendra ? Peut-être parce que, dans les deux cas, ce sont des Français qui tuent ou blessent d’autres Français : policiers des Brigades Spéciales à Charonne, activistes de l’OAS la veille.

C’est annonciateur de Mai 68 ?

Je ne suis pas historienne et donc assez mal placée pour répondre à cette question, mais je n’en suis pas si sûre, ou bien vraiment de manière marginale. À Charonne, le gros du cortège est constitué de membres et sympathisants de la CGT et du PCF ; ces deux formations ont gardé leurs distances avec les événements de Mai 68. Dans d’autres parties du défilé, qui se déploie dans plusieurs quartiers parisiens, on trouve des étudiants, mais six ans plus tard, ils seront entrés dans la vie active. Sans doute, quelques lycéens auront-ils, ce jour-là, leur premier contact avec la politique et la violence policière, et se retrouveront-ils sur les barricades quelques années après. De même qu’une nouvelle force politique, le PSU, apparue en 1960 à la gauche de la SFIO pour réclamer l’indépendance de l’Algérie, prendra toute sa part à Mai 68.

Vous veniez d’une famille politisée qui habitait le quartier de Charonne. Il y a à l’époque un militantisme très déterminé, très structuré, par le Parti Communiste notamment. C’est une façon de vivre la politique qui a disparu aujourd’hui ?

Vous le savez aussi bien que moi, ce n’est pas parce que les médias ne parlent pas de certaines choses qu’elles n’existent pas. Or les militants sont toujours là, même si la télé ne les montre pas. Certes les formes de militantisme ont changé – l’époque aussi est différente ; mais il me semble que la lutte des travailleurs sans papiers, les assemblées citoyennes organisées par le Front de gauche, les nouvelles formations féministes, le mouvement contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes… relèvent d’une façon de vivre la politique peut-être moins structurée mais tout aussi déterminée qu’alors.

Il y a une très belle séquence avec Charon, le convoyeur des morts vers l’enfer. Quelle est la symbolique derrière ce personnage ?

Dans la mythologie grecque et romaine, Charon ou Caron, fils d’Érèbe et de la Nuit, reçoit les âmes des morts et les fait passer, sur sa barque, d’une rive à l’autre de l’Achéron, le fleuve qui entoure les Enfers. Encore faut-il que les morts aient de quoi le payer, raison pour laquelle les vivants doivent leur glisser une monnaie dans la bouche. Dans « Charonne – Bou Kadir », Charon passe dans un sens – quand il emmène les victimes de Charonne –, puis dans l’autre – quand il « ramène » aux vivants les morts d’Algérie, du moins leur souvenir, à travers les monuments parisiens qui leur sont dédiés.

Vous dites que la mémoire n’est pas un truc fiable. Raconter l’histoire en BD l’est davantage ?

La mémoire n’est pas un truc fiable tant qu’on n’en retourne pas les pierres, tant qu’on ne confronte pas ses souvenirs parfois défaillants avec les sources, les textes, les références… Ce que j’ai précisément été amenée à faire pour écrire et dessiner ce livre, que je vois comme un « documentaire subjectif ». Je ne sais pas si la démarche est fiable, en tout cas elle tente d’être honnête.

Vous faites en fin de volume le lien avec l’Algérie d’aujourd’hui. Il est question de « repentance » ?

La «repentance» c’est comme la «gouvernance», des mots créés de toute pièce pour éviter d’appeler les choses par leur nom. Et moi, tout ce que je souhaite, c’est qu’on appelle les choses par leur nom : voyez le temps qu’il a fallu pour qu’un précédent président français ne parle plus d’ « événements » mais de «guerre d’Algérie» ; le temps qu’il a fallu pour que l’actuel président français reconnaisse la répression de la manifestation du 17 octobre 1961…

Vous êtes publiée par un petit éditeur, plutôt versé dans la littérature, Tirésias. Comment êtes-vous arrivée à lui ?

Les éditions Tirésias publient de la littérature, certes, mais surtout des essais d’historiens sur les pages les plus sombres et souvent les plus méconnues des grands conflits du XXe siècle : guerre d’Espagne, Deuxième Guerre mondiale et guerre d’Algérie. En 1995, Michel Reynaud, directeur des éditions Tirésias, avait fait appel à plusieurs dizaines d’auteurs de BD (dont Baudoin, Chauzy, David B., Ferrandez, Guibert, Larcenet, Sfar, Willem…) pour créer un contrepoint visuel à son anthologie «La Foire à l’Homme. Écrits-dits dans les Camps du Système Nazi de 1933 à 1945». C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. J’ai par la suite travaillé à plusieurs reprises avec lui, en illustrant par exemple «Bleuette» de Madeleine Riffaud et «Comme une grande fête» de Max Rainat, parus à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération de Paris. Comme je l’ai dit au début de l’entretien, j’avais envie de pousser plus loin ma réflexion sur Charonne. Ce désir a rencontré celui de mon éditeur qui m’a invitée à lui donner corps au sein de sa collection « Lieu est mémoire ». Il en a aussi accepté la forme, alors qu’il ne publie pas de bande dessinée.

Vous passez de Jeanne d’Arc à l’Algérie, toujours l’Histoire ?

Oui, bien que d’une tout autre façon. Cela m’intrigue d’ailleurs, car j’ai toujours été nulle en Histoire à l’école ! Mais dans un cas comme dans l’autre, l’Histoire a trouvé une profonde résonance avec mes propres préoccupations, qu’elles soient politiques, mythologiques, psychanalytiques… avec mes petites obsessions personnelles, en un mot.

Quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement avec Laurent Galandon sur «Vivre à en mourir», qui paraitra au Lombard l’année prochaine. L’album raconte le parcours d’un des jeunes résistants juifs qui figurent sur l’Affiche rouge. Encore de l’historique, toujours du politique !

Propos recueillis par Didier Pasamonik pour Actua BD

28/02/2013

Devoir d’intelligence et de vérité

Thierry Tuot : «C’est tellement simple de dire 
qu’il y a trop d’immigrés…»

Synthèse - Rapport de Thierry Tuot sur la refondation des politiques d'intégration


Remis il y a peu au premier ministre Jean-Marc Ayrault, le rapport de ce conseiller d’État pointe les ratés de trente ans de politiques d’intégration et d’immigration. Ancien juge délégué de la reconduite aux frontières, Thierry Tuot appelle à un « devoir d’intelligence et de vérité » sur le sujet. Entretien avec un haut fonctionnaire qui n’a pas la langue dans sa poche.

Vous consacrez de nombreuses pages 
de votre rapport à tenter de circonscrire le terme d’« intégration ». Faut-il 
le remplacer ?

Thierry Tuot. Je n’ai rien contre le mot lui-même. Ce qui est important, ce sont les réalités sociales plutôt que la façade. Mais ce terme se prête à des interprétations extrêmement variées. Certains considèrent que ça ne concerne que les primo-arrivants, c’est-à-dire les étrangers qui viennent de passer notre frontière. Je ne suis pas sûr que la politique d’intégration concerne les Américains qui séjournent en France, même durablement. C’est la première difficulté : il n’y a pas de consensus politique sur la signification de ce mot. Deuxième problème : les personnes qui sont l’objet de ces politiques sont majoritairement françaises, parfois depuis deux à trois générations. Leur dire, alors qu’ils ont une carte d’identité française et qu’ils sont eux-mêmes enfants de Français, « vous n’êtes pas intégrés », c’est quand même assez dur à entendre. Ce mot pose aussi des problèmes théoriques : intégrer à quoi ? La nation, la France, la République ? Et puis, il place les gens comme objets d’une politique : « Restez passifs, on va vous intégrer. » Mais la question est politique avant d’être lexicale : que veut-on faire de nos compatriotes qu’on répute d’origine étrangère ? Quand on saura cela, on saura le nommer.

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Vous proposez le mot « inclusion »…

Thierry Tuot. J’essaye d’explorer une alternative, mais je ne prétends pas l’avoir trouvée. Je propose d’aller vers une société inclusive, dans laquelle personne ne serait sur les marges, ni, surtout, de l’autre côté des marges. Le but, c’est que les immigrés n’aient plus le sentiment – ni la perception réelle – qu’ils ont des problèmes de logement, d’emploi, etc., parce qu’ils sont immigrés. La dimension étrangère ne serait pas niée, mais elle ne serait plus la variable explicative majeure des difficultés sociales. Le chemin pour y parvenir pourrait être ce que les Américains appellent l’« empowerment », que j’ai traduit par « mise en capacité ». Il s’agit de donner des moyens (sociaux, culturels, politiques, etc.) aux gens de participer à la vie sociale. Cela ne veut pas dire qu’ils réussiront mieux que les autres ou auront des droits supplémentaires, mais ils seront à égalité de capacité. La création de réseaux au profit des plus démunis pourrait supprimer le plafond de verre. Ces barrières – qui sont souvent en béton et pas en verre – les empêchent d’être les acteurs de leur propre destin social.

Existe-t-il des exemples de pays ayant réussi 
leur politique inclusive?

Thierry Tuot. Aucun modèle n’est réplicable. On cite souvent le modèle canadien qui intègre assez bien les flux d’étrangers, mais qui reste très dominé par le modèle anglo-saxon. Je ne crois pas qu’il y ait de modèle étranger applicable en France. À nous de nous débrouiller avec notre modèle républicain et notre roman national.

Vous exhortez les politiques à un « devoir d’intelligence » sur ces questions…

Thierry Tuot. Le discours politique ne peut avoir de crédibilité s’il ne repose pas sur une bonne compréhension des faits. J’appelle aussi à un devoir de vérité. Je prends l’exemple des clandestins, parce que c’est l’un des points de mon rapport sur lequel j’ai été le plus mal compris. Les gouvernements – gauche et droite confondues – de ces quinze dernières années ont régularisé le même nombre de clandestins chaque année. Et ce quelles que soient les différences de discours. Pourquoi ? Parce que ces gens se sont maintenus sur le territoire. Ils ont statistiquement été appréhendés deux ou trois fois par la police, mais on n’a jamais réussi à les reconduire à la frontière. Heureusement, car nous sommes dans un État de droit. Ces gens ont des enfants scolarisés en France, ou sont ascendants de Français, ou malades sans pouvoir être soignés à l’étranger, etc. Donc on n’a pas le droit de les expulser. Pourquoi continue-t-on à dire « nous allons lutter contre les clandestins » ? En laissant croire qu’on pourrait faire autrement, alors qu’on fait le contraire, on détruit la crédibilité de l’action publique. Commençons par admettre la réalité : nous ne pouvons pas peser sur les flux migratoires. Pour une raison simple : nous avons ratifié la Déclaration des droits de l’homme, puis la Constitution en 1946. Ce droit nous engage collectivement et représente nos valeurs vis-à-vis des étrangers. Donc reconnaissons-le. Et puisque, à la fin, ils sont régularisés, est-ce qu’on ne pourrait pas faire un travail social avant, plutôt que de le faire du bout des lèvres, en créant de l’amertume ?

Ce « titre de tolérance » que vous proposez n’est pas une régularisation immédiate de la majorité des sans-papiers, comme certains l’ont dit, mais un projet sur cinq ans…

Thierry Tuot. Sous le gouvernement Sarkozy, il y avait 30 000 régularisations par an. Je ne propose pas d’en régulariser plus, ce n’est pas la question, je dis simplement : plutôt que de laisser les gens entre cinq et dix ans à la dérive, en les pourchassant, en les laissant dans des hôtels pourris avec du saturnisme, à la merci des employeurs clandestins, pourquoi ne pas dire : « On va vous régulariser dans cinq ans, entrons dans une démarche ensemble. » Si vous trouver une adresse autre qu’un foyer, on vous donne des allocations logement ; si vous suivez des cours de français, on vous donne le RSA, etc. Cela permettrait que les régularisations ne soient plus un sacrifice, mais la reconnaissance d’un vrai travail d’intégration. Mon modèle est d’un gauchisme échevelé : c’est celui de Mme Merkel. Le gouvernement allemand a mis en place ce titre de tolérance depuis cinq ou six ans.

Ce sont donc des régularisations au mérite ?

Thierry Tuot. Ce sont des régularisations issues d’un travail social et qui ne sortent pas les gens d’un no man’s land juridique.

Le ministre de l’Intérieur vous a déjà répondu qu’il ne mettrait pas cette mesure en place…

Thierry Tuot. Non, Manuel Valls a dit : « Je ne vais pas régulariser massivement tous les clandestins. » Je confirme : je ne propose nulle part de régulariser plus de clandestins, je propose que les régularisations auxquelles nous sommes contraints par le droit international soient précédées d’un travail social plutôt que par du harcèlement. Le gouvernement a dit qu’il allait réfléchir à mes propositions.

Mais ces régularisations représentent forcément plus de 30 000 personnes !

Thierry Tuot. Je ne me prononce pas sur les chiffres. Je propose que, dans le cadre de la nouvelle ­circulaire Valls sur les régularisations, ces mesures soient mises en place. Mon propos n’est pas sur le nombre de régularisations, mais sur le chemin pour y aboutir.

Comment expliquez-vous que cette mesure 
de votre rapport fasse déjà polémique ?

Thierry Tuot. Travailler sur l’immigration place tous ceux qui en parlent dans une situation politique extrêmement délicate. Depuis 1945, au lieu de parler d’intégration, nous parlons d’immigration. C’est tellement simple de dire qu’il y a trop d’immigrés. On se cache derrière les flux migratoires pour ne pas traiter les réalités sociales.

Vous proposez aussi un assouplissement 
des règles pour obtenir la nationalité française. Pourquoi lier nationalisation et intégration ?

Thierry Tuot. Si le gouvernement a, comme il l’a annoncé, une grande ambition en matière d’intégration, il part avec un handicap très lourd : la remise en cause très forte de la parole publique. Cela fait des années que nous promettons des choses qui ne fonctionnent pas. La deuxième partie de mon rapport appelle le gouvernement à prendre des mesures symboliques et concrètes pour réhabiliter cette parole publique. Si on dit « valeurs républicaines », « école », je dis : « Chiche !» Donnons la nationalité aux enfants qui ont suivi une scolarité complète en France, alors même qu’ils étaient en ­situation irrégulière. Cela crédibiliserait le discours sur l’école auquel personne ne croit plus ­aujourd’hui. De même, quand on dit « il faut s’intégrer à la France, servir la patrie » avec un discours grandiloquent très 1870, moi je dis qu’une femme qui a des enfants français, qui vit ici depuis vingt-cinq ans, on n’a pas le droit de lui dire qu’elle n’est pas bien intégrée et de lui refuser des papiers parce qu’elle n’a pas passé le test de connaissance sur Louis XIV ! Quand on donne des enfants à la France, on est français. Je ne crois pas que donner une carte d’identité confère une identité reconnue par la collectivité, mais c’est un acte qui crédibilise un discours public.

Vous évoquez longuement, dans votre rapport, la place des vieux immigrés, avec les propositions de rénover les foyers, de faciliter les allers-retours entre la France et les pays d’origine…

Thierry Tuot. Là aussi, c’est une question de ­crédibilité. Si on veut parler aux jeunes, il faut leur retirer tous les arguments qu’ils ont pour être révoltés et tomber dans l’islamisme le plus débile. Si on continue à mépriser leurs pères et leurs grands-pères, non seulement on se prive d’une richesse humaine extraordinaire, mais, en plus, on s’enlève toute crédibilité dans le discours moralisateur. Quand on a visité un foyer de travailleurs migrants, les droits et les devoirs, ça fait doucement rigoler…

C’est la même logique pour le devoir de mémoire ? Vous réclamez des monuments aux morts pour les anciens combattants immigrés…

Thierry Tuot. Oui, je prends les nationalistes au pied de la lettre. Moi aussi, je suis attaché à la nation. Et à tous ceux, noirs, jaunes, basanés, qui sont morts sous le drapeau. Je voudrais qu’on se rappelle que si Jean Moulin portait une écharpe sur toutes les photos, c’était pour cacher les cicatrices de sa tentative de suicide. Cette tentative a eu lieu en juin 1940, parce que les Allemands lui avaient demandé de signer un papier qui leur aurait permis d’exécuter les prisonniers sénégalais. Plutôt que de se prêter à une ignominie, il a préféré essayer de se suicider. Je ne suis pas sûr que les tirailleurs sénégalais avaient demandé à mourir près de la cathédrale de Chartes. On pourrait peut-être avoir un peu de reconnaissance pour eux. Quand on parle de la racaille islamiste des banlieues, qu’on se souvienne de ce que leurs grands-pères ont fait pour la France.

Vous proposez la publication annuelle 
de chiffres sur les flux migratoires. Le FN 
s’est empressé de se réjouir… Ne craignez-vous pas que ces chiffres soient récupérés ?

Thierry Tuot. Pas du tout. Ce que je propose, c’est que l’appareil statistique soit refondé scientifiquement, en mobilisant l’Insee, l’Ined, toute la recherche universitaire, et que tout cela soit expertisé par des scientifiques français et européens, pour qu’il n’y ait pas le moindre doute sur ces chiffres. Je propose ensuite que le Haut Conseil à l’intégration, complètement reformé, soit le garant de ces statistiques. Si on le fait de cette façon-là, je pense que les partis qui se réjouiront ne seront pas les mêmes que ceux qui se réjouissent aujourd’hui. Que va-t-on apprendre ? Que l’immigration est à peu près constante, que les immigrés sont à 80 % européens, que l’immigration est un immense atout qui nous aide à tenir le coup malgré la crise économique, que les immigrés font à peine plus d’enfants que nous. On pourra avoir des débats, non plus sur des fantasmes ou des chiffres bidon, mais sur des réalités. Il y a quinze ans, on se battait sur les chiffres du chômage, maintenant personne ne discute ces chiffres, mais les politiques de l’emploi. Il faut qu’on arrive à cette pacification, pour qu’on puisse parler des vrais problèmes.

Qu’attendez-vous de la « réflexion interministérielle » lancée par 
Jean-Marc Ayrault pour une nouvelle 
politique d’immigration et d’intégration ?

Thierry Tuot. Mon travail est fini. Ce que j’espère comme citoyen, et pas comme auteur du rapport, c’est que le débat reprenne avec des ambitions collectives et sur des bases sereines. Je ne veux pas savoir si je vais être suivi sur la mesure B ou 24, je suis le premier à dire que mes suggestions ne sont pas forcément les bonnes. Ce qui me navrerait, c’est que le débat retombe. Le silence est ce qui est le plus grave après la xénophobie dans ce champ des politiques sociales.

Le rapport de Thierry Tuot, « La grande nation : 
pour une société inclusive », est téléchargeable dans 
son intégralité sur le site de la Documentation française.

Un rapport qui dérange, du PS à l’UMP  Remis à Jean-Marc Ayrault le 11 février, le rapport 
de Thierry Tuot a immédiatement déclenché les foudres de l’opposition et... du ministre de l’Intérieur. Pour 
le député UMP Guillaume Larrivé, ce « rapport caché » définit le « mode d’emploi d’une régularisation générale des clandestins ». Manuel Valls a assuré qu’« il n’y 
aura pas de régularisations massives » avant de réagir 
sur la question du port du voile. Dans son rapport, 
Thierry Tuot regrette que « la question musulmane, 
pure invention, (...) ne cesse de polluer le débat public » et s’interroge : « La France a-t-elle jamais dépendu de 
ce qu’un bout de tissu (boubou, coiffe bretonne, chèche ou béret) soit porté d’une façon ou d’une autre ? » Manuel Valls lui a sèchement répondu que le voile « restera pour (lui) et doit rester pour la République 
un combat essentiel ». Le premier ministre a lancé 
une « réflexion interministérielle » à partir des préconisations de ce rapport, pour « proposer une profonde refondation de notre politique d’intégration ».

Entretien réalisé par Marie Barbier pour l'Humanité des débats - 22 Février 2013

27/02/2013

Exit Stéphane Hessel

Vous nous aviez prévenu...

Stephane Hessel

"Prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux. Quand quelque chose vous indigne, comme j'ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint le courant de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté, mais pas cette liberté incontrôlée du renard dans le poulailler."
Stéphane Hessel.

 Stephane Hessel

Merci.

19/02/2013

On étiquette bien les chevaux

Campagne de la Plateforme des ONG dont la LDH est membre : « Colonisation israélienne illégale, Palestine en danger ». Quelle "réglementation" du commerce des produits fabriqués dans les colonies israéliennes ?

made in israël, http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/PikiWiki_Israel_20856_Art_of_Israel.jpg&imgrefurl=http://commons.wikimedia.org/wiki/File:PikiWiki_Israel_20856_Art_of_Israel.jpg&usg=__-nhRVgAlZFq-R1E-zkaVqAekFzw=&h=1536&w=2048&sz=1075&hl=fr&start=1&zoom=1&tbnid=S6pEOTPIOwgGUM:&tbnh=140&tbnw=197&ei=S3IjUa3TO-6V0QXX_4D4Bw&prev=/search%3Fq%3Dart%2Bisrael%26hl%3Dfr%26sa%3DX%26tbo%3Dd%26imgrefurl%3Dhttp://commons.wikimedia.org/wiki/File:PikiWiki_Israel_20856_Art_of_Israel.jpg%26imgurl%3Dhttp://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/PikiWiki_Israel_20856_Art_of_Israel.jpg%26w%3D2048%26h%3D1536%26sig%3D113962498132958203940%26ndsp%3D22%26biw%3D1340%26bih%3D524%26tbs%3Dsimg:CAESEglLqkQ5M8g7CCHpwqB3xhCL_1g%26tbm%3Disch&itbs=1&iact=hc&vpx=4&vpy=161&dur=38&hovh=194&hovw=259&tx=136&ty=101&sig=113962498132958203940&page=1&ved=1t:429,r:0,s:0,i:87

Quels objectifs ?

Les colonies israéliennes installées dans les Territoires palestiniens depuis 1967 sont illégales au regard du droit international. De nombreuses déclarations européennes et françaises répètent le caractère illégal de ces colonies. Pourtant, les colonies bénéficient des relations économiques entre l’Union européenne et Israël. Il est impossible de savoir si un produit étiqueté « Made in Israel » a été fabriqué ou non dans une colonie. C’est pourquoi nous appelons, dans un premier temps, le gouvernement français à mettre en place l’étiquetage des produits des colonies. Laurent Fabius dans une réponse à la question d’un parlementaire, a affirmé que la France « étudie actuellement, en lien avec plusieurs de ses partenaires européens, la possibilité de publier un code de conduite sur l’étiquetage distinctif des produits issus des colonies ». Le chemin est encore long. Le rôle des parlementaires sera crucial pour que s’exerce la pression populaire sur nos dirigeants et que le gouvernement passe à l’acte. Nous vous proposons donc de rentrer en contact avec votre déput-é-e afin de lui soumettre des questions écrites à poser au gouvernement et/ou de lui-la faire signer un appel volontairement centré sur l’étiquetage, plus accessible à un(e) élu(e) sans connaissance approfondie de la situation en Israël/Palestine).

Nous concevons néanmoins l’étiquetage comme une première étape, qui permettra au consommateur de faire son choix en connaissance cause. La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine soutient l’interdiction des produis issus des colonies. Nos gouvernements ont, selon le droit international, le devoir de ne pas reconnaître ou contribuer au maintien d’une situation illégal. Les colonies sont la principale menace contre un Etat palestinien, la France doit interdire les produits qui y sont fabriqués sur le marché français

Comment ?

Interpellez votre député(e) et/ou sénateur(trice)
- Les député(e)s ou sénateurs/trice ont la possibilité d’interpeller le gouvernement en lui posant une question écrite ou orale. Plus le nombre de questions sera important, plus le gouvernement sera contraint de se mobiliser. En tant qu’associations, allez à la rencontre de votre élu(e) et soumettez lui les propositions de questions, inclues dans la brochure jointe à ce message.
- Faites-lui/la signer l’appel aux parlementaires (en pièce jointe) pour l’étiquetage des produits des colonies israéliennes (cet appel est volontairement centré sur l’étiquetage, qui est plus accessible à un(e) élu(e) qui n’a pas une connaissance approfondie de la situation en Israël/Palestine)

Interpellez le grand public
Informez le grand public, grâce à la brochure d’information jointe, et faites signer, diffusez la pétition pour l’interdiction des produits des colonies, lequel est aussi en ligne sur le site de la Plateforme.

Quels outils ?

- Une brochure d’information destinée à la fois aux élus et au grand public – 8 pages – sur les enjeux de la colonisation, des produits des colonies, sur la nécessité d’étiqueter et interdire les produits des colonies, comprenant une carte et des propositions de questions écrites à destination des Parlementaires. Cette brochure est téléchargeable ici et/ou disponible en couleur, 4 volets 3 plis accordéon, voir schéma. Vendue 0,60 centimes/pièce frais de port compris – attention ! quantité minimum : 20 exemplaires (soit 12 euros). Si vous en souhaitez des exemplaires, merci de remplir le bon de commande.
- Un appel destiné aux parlementaires, demandant l’étiquetage des produits des colonies.
- Une pétition électronique destinée au réseau de solidarité et au grand public demandant l’interdiction des produits des colonies
- Une pétition papier(texte identique à la version électronique) destinée au réseau de solidarité et au grand public demandant l’interdiction des produits des colonies, à faire signer lors des rassemblements publics, débats, projection, manifestations. A retourner à la Plateforme (adresse indiquée dans le document).
- Un récapitulatif des député(e)s qui ont posé une question écrite sur les produits des colonies sur le site.
- Le visuel haute définition de la campagne

Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
14, passage Dubail
75010 Paris
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Pour plus d’information, voir le site internet