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08/04/2014

8 avril, journée internationale des Roms

Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France (Premier trimestre 2014)

Communiqué commun LDH, ERRC
1. Résumé
Les évacuations forcées : un entêtement incompréhensible !
Le 8 avril est la Journée internationale des Roms, et il aurait fallu la fêter dans la joie et la dignité. Mais les réalités restent tristes et indignes, car les évacuations forcées des Roms étrangers durant le premier trimestre 2014 ont perduré. On aurait pu imaginer un autre scénario, durant la période hivernale. Comme les années précédentes, les conditions de froid, de vent, de pluie ou de neige durant l’hiver n’infléchissent pas la politique de rejet du gouvernement. En effet, depuis le 1er janvier 2014, 3 428 personnes se sont fait évacuer de force de 36 lieux de vie, 2 904 par les autorités lors de 27 évacuations, et 524 suite à un incendie à 9 occasions.

Ces chiffres restent très élevés en période hivernale, tout comme lors des années précédentes, puisque nous avions recensé 3 007 personnes évacuées de force par les autorités de leurs lieux de vie au premier trimestre 2013, et 2 153 en 2012. Il y eut 22 évacuations forcées faisant suite à une assignation par les propriétaires des terrains ou des squats, devant les tribunaux, 3 faisant suite à un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet, et un abandon des bidonvilles par les personnes elles-mêmes, sous la menace d’une évacuation forcée imminente. Il y eut une évacuation ne faisant suite à aucune décision de justice ni aucune autre décision légale (Champs-sur-Marne, le 21 mars 2014).

Aucun changement sensible n’est observé dans l’application de la circulaire du 26 août 2012. Les évacuations forcées ont continué pratiquement, partout sans solution alternative crédible de relogement ni d’accompagnement social. Les diagnostics, quand ils sont réalisés, restent faits de manière superficielle et ne servent généralement qu’à recenser les personnes en vue de leurs évacuations.

On déplore malheureusement le décès d’une enfant, lors d’un incendie dans un bidonville à Bobigny, le 12 février 2014.

Pendant cette période d’élections municipales, le climat est resté déplorable, les paroles extrémistes et les discours de haine ont continué.

L’annonce, par la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, d’un plan pour l’« éradication des bidonvilles », avec Adoma comme opérateur, reste à concrétiser. Mais on peut s’interroger sur la faisabilité d’une telle démarche dans le contexte d’une politique menée d’autre part par le ministère de l’Intérieur et centrée sur les évacuations forcées devenues systématiques, comme le montrent les chiffres : c’est toujours la même politique de rejet qui est menée. Les bidonvilles sont reconstruits un peu plus loin, et les personnes s’y retrouvent de plus en plus précarisées.

Etant donné que le ministre de l’Intérieur est maintenant nommé Premier ministre, le plan d’éradication des bidonvilles ne va-t-il pas se traduire par une accélération de la systématisation de leurs évacuations ? Ce qui peut faire craindre le pire des scénarios.

Remarque :

Ce recensement est le fruit d’un travail commun entre la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et l’« European Roma Rights Centre » (ERRC). Sans avoir la prétention à l’exhaustivité de la situation étant donné le manque de données officielles disponibles, ce recensement voudrait cependant en être l’expression la plus objective possible.

2. Résultats observés

Durant le premier trimestre 2014, 3 428 personnes furent obligées de quitter leurs lieux de vie, dont 27 suite à une évacuation forcée par les autorités, et 9 suite à un incendie.

Les évacuations ont concerné 36 sites. Une solution partielle de relogement aurait été proposée dix-sept fois.

Il y eut 22 évacuations forcées faisant suite à une décision d’un tribunal, 3 faisant suite à un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet, et un abandon des bidonvilles par les personnes elles-mêmes. Il y eut une évacuation sans décision de justice.

L’analyse des résultats montre que quatre régions de France ont été les principaux témoins d’évacuations forcées, totalisant 95 % des évacuations : Ile-de-France (73 %), Rhône-Alpes (16 %), Aquitaine (3 %) et Provence-Alpes-Côte-D’azur (3 %).

Les solutions de relogement restent dérisoires dans la pratique, même si, dans ce rapport, elles sont comptabilisées quand elles sont faites. Les propositions de relogement sont le plus souvent temporaires (deux à trois jours), dans des hébergements d’urgence, ou parfois plus durables pour certaines familles (un mois renouvelable, selon des critères mal définis), dans des hôtels du Samu social. Elles sont généralement éparpillées et éloignées des lieux de scolarisation des enfants, et elles ne sont adressées qu’à une partie de la population du lieu de vie. Aussi, les solutions de relogement sont le plus souvent offertes le jour même de l’évacuation : les personnes n’étant pas informées qu’elles pourraient être relogées pour quelques nuits, elles quittent leur lieu de vie avant l’arrivée des forces de l’ordre et des services de relogement. Il arrive fréquemment que les autorités envisagent de séparer les familles en proposant des solutions d’hébergement d’urgence uniquement aux mères et aux plus jeunes enfants, laissant les pères et les autres enfants plus âgés à la rue. On continue à observer que les évacuations forcées s’accompagnent souvent d’une distribution d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).

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 3. Évolutions par rapport aux périodes précédentes

Les tableaux suivants détaillent les différents nombres recensés et leurs évolutions.

Cette analyse montre que le nombre de personnes évacuées durant le premier trimestre de l’année 2014 reste à un niveau élevé, et que la trêve hivernale n’est absolument pas prise en compte malgré un fléchissement du nombre de personnes évacuées.

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Note : Ces estimations n’incluent pas les éloignements du territoire suite à une décision administrative, ni les rapatriements par charter de l’Ofii (pour information, en dehors des rapatriements personnels, au moins 446 personnes rapatriées en groupe lors de quatre charters en 2013).

4. Harcèlements, rejets, mises en péril, menaces

La liste ci-dessous n’est pas exhaustive et ne donne que quelques exemples des faits de violence.

Durant le premier trimestre 2014 :
 durant l’incendie du bidonville des Coquetiers à Bobigny, le 12 février, on déplore le décès d’une enfant âgée de 8 ans ;
 suite à l’évacuation du bidonville de Wattignies, le 21 février ;
 une famille s’était réfugiée dans un autre bidonville, à Roncq. Le soir même, leur enfant âgée de 8 ans est fauchée accidentellement par une voiture à la sortie du bidonville. Elle est décédée sur les lieux ; une famille rom, réfugiée sur les trottoirs de la place de la République, à Paris, a été agressée à l’acide par un passant. On a appris lors de cette sordide découverte que les faits se répétaient depuis le mois d’août 2013 ;
 « Paul-Marie Coûteaux, tête de liste FN-Rassemblement bleu marine dans le 6e arrondissement de Paris pour les élections municipales, évoque dans une note de blog l’idée de « concentrer » les Roms « dans des camps »  »[1] ;
 le commissaire européen des droits de l’Homme dénonce qu’ « une autre forme grave d’abus policier est la violence envers les minorités, en particulier les Roms, et les migrants  »[2], pointant plus particulièrement la Grèce et la France.

5. Résultats détaillés pour le 1er trimestre 2014

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 Annexe 1

1. Description des données prises en compte dans l’étude

L’étude a recensé la dénomination du lieu de vie, la commune, le nombre de personnes expulsées, les causes de l’évacuation forcée, le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) distribuées (quand il est connu), la présence simultanée de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) avec les forces de l’ordre (quand il est signalé), les expulsions collectives du territoire, les propositions de relogement, les bases légales de l’évacuation (procédure d’expulsion initiée par le propriétaire du lieu de vie, ou arrêté pris par le maire ou le préfet) ainsi que les sources de l’information dans chacun des cas

Chaque évacuation ou expulsion est caractérisée de la manière la plus complète et seules les informations vérifiables obtenues de sources fiables, mentionnées ci-dessous, sont comptabilisées.

2. Définitions

Le vocabulaire doit être précisé : un terrain est évacué et une personne expulsée. En droit, on parle d’évacuation d’un terrain, d’un bâtiment lorsque la mesure vise le lieu, et d’expulsion lorsque la mesure vise la ou les personnes. D’autre part, le terme « lieu de vie » désigne l’endroit où vivent les personnes, cet endroit pouvant être un bidonville, un squat, un hangar désaffecté… ou une caravane en état ou non de marche. La dénomination du lieu de vie est celle de l’endroit mentionné dans la source, par exemple « le Hanul ». L’adresse est évidemment notée, quand c’est possible.

La commune est celle sur laquelle le lieu de vie existe. Les cas sont fréquents où le lieu de vie chevauche plusieurs communes, par exemple Noisy-le-Grand/Bry-sur-Marne. Ces cas prêtent souvent à confusion : plusieurs rapports d’apparence différente concernent en fait le même lieu de vie. Une attention particulière a été portée à ce point afin de garantir l’information.

La date est celle du jour où a eu lieu l’évacuation forcée.

Le nombre de personnes est celui mentionné dans la source.

L’expulsion forcée peut résulter d’un arrêté d’expulsion pour occupation illégale ou insalubrité du lieu de vie, ou un accident (incendie). Plusieurs causes peuvent se cumuler. Par exemple, à Massy (Essonne) en 2010, il y eut : distributions d’OQTF, incendie, arrêté d’expulsion, enfermement, retours ARH et retours forcés, et destruction de ce qui restait du lieu de vie par les autorités communales.

Quand des propositions de relogement sont mentionnées dans la source, elles figurent au tableau. Elles sont généralement partielles car, dans la majorité des cas, elles séparent les familles et sont destinées uniquement aux femmes accompagnées d’enfants en bas âge dans un hébergement d’urgence pour quelques jours. Pour cette raison, elles sont très souvent refusées par les personnes concernées.

L’origine des décisions justifiant les évacuations est comptabilisée. Elles peuvent être prises par un tribunal (d’instance, de grande instance, administratif, une cour d’appel), ou suite à un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par une mairie ou un préfet. Le nombre de départs ne faisant pas suite à l’usage de la force est aussi recensé. Ces départs font généralement suite à un harcèlement et des menaces policières. La source est l’origine de l’information. Le même événement peut être décrit dans plusieurs sources. Chaque source est référencée. Seules les plus fiables et les plus précises ont été retenues : articles de presse et média, communiqués de presse, témoignages directs diffusés ou transmis par une ONG.

Téléchargez le recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France

[1] « Un candidat d’extrême droite évoque l’idée de « concentrer » les Roms dans des « camps » », Le Monde, 3 mars 2014.

[2] « Les violences policières – une menace grave pour l’État de droit », le Carnet des droits de l’Homme du Commissaire du Conseil de l’Europe, 25 février 2014 à 9:45.

Paris, le 7 avril 2014

01/04/2014

Reprenez votre circulaire et vos cartons Valls Manuel

Manuel Valls quitte son ministère en laissant une circulaire pour renvoyer davantage de réfugiés.

La circulaire du ministre de l’Intérieur est claire : il faut éloigner davantage d’étrangers; y compris certains demandeurs d’asile avant la fin de leur procédure. Ce rappel aux préfets est conforme à la loi, mais celle-ci ne respecte ni le droit international ni le droit européen. Un problème qui met en danger plusieurs milliers de personnes chaque année.

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Extrait de la circulaire du 11 mars 2014  de Manuel Valls  aux préfets :

Je vous invite donc à vous assurer que des Obligations de Quitter le Territoire Français soient  prises dès le refus opposé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en cas d'examen de la demande selon la procédure prioritaire
»


La circulaire est disponible à cette adresse

Amnesty International (AI) France et l’ACAT-France avait demandé à Monsieur Valls,  avant qu'il ne quitte son ministère, d’abroger cette circulaire pour quatre raisons :

1 - La loi française est défaillante et dangereuse pour les réfugiés.

La loi française autorise le renvoi de certains demandeurs d’asile dès le rejet de leur demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Même si ces personnes demandent à la Cour nationale du droit d’asile de réviser cette décision, les préfets peuvent les renvoyer dans leur pays.

Or, sur la totalité des personnes réfugiées en France, près de la moitié le sont grâce à l’intervention de la Cour. Pourtant, la circulaire du ministre de l’Intérieur incite à mieux utiliser cette procédure accélérée et donc à renvoyer effectivement hors du territoire ces demandeurs d’asile.

En 2013, plus de 13.200 personnes étaient concernées par cette procédure accélérée.

Depuis plusieurs années, AI France et l’ACAT-France poursuive un plaidoyer inlassable pour que la France modifie sa législation et cesse de prendre le risque de renvoyer des personnes, avant la fin de leur procédure, dans des pays où elles pourraient être persécutées.

2- Une mesure à contre-courant des engagements de François Hollande

Cette consigne donnée aux préfets entre en contradiction flagrante avec les engagements pris par Françoise Hollande lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle. Ce dernier s’était engagé à reconnaître un recours suspensif pour tous les demandeurs d’asile.

3- Une décision contraire aux règles européennes

Le 2 février 2012, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans cette affaire, la Cour a jugé que le risque pour un demandeur d’asile d’être éloigné sans pouvoir bénéficier d’un « recours effectif » devant une juridiction, violait la Convention européenne des droits de l’homme.

Plus clairement encore, un texte européen, adopté le 23 juin 2013, indique que « les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours ». Cette directive relative aux procédures d’asile doit d’ailleurs être transposée par la France.

4- La réforme du droit d’asile : une occasion pour assainir la procédure d’asile

A l’occasion des débats sur le projet de loi relatif à l’asile, dont la publication est prévue d’ici quelques semaines, AI France demandera aux parlementaires de renforcer la protection des réfugiés en France en modifiant sur ce point crucial du « droit au recours effectif » la législation française.

 

A consulter : Argumentaire pour un recours suspensif pour tous les demandeurs d'asile

30/03/2014

Platon sur la place rouge

Sur l’agora de la « place rouge » à Manosque, autrement désignée « Place Pagnol », au beau milieu de livres anciens, fromages de chèvre et cafés fumants, un ami me fait part ce samedi de ses hésitations, voire difficultés, à considérer les méthodes de gouvernance comme dénuées d’arrière-pensées et débarrassées, au moins partiellement, de leur écorce égocentrique. Nous convenons facilement du malaise.
Pour étayer ce constat désabusé et le prolonger, référence est alors faite à la lettre VII de Platon, une réflexion portant sur un gouvernement juste à partir de l’expérience d’injustice faite à Socrate.
Les auteurs anciens comme ceux qui le sont moins, ont la très heureuse manie de se rappeler à notre bon souvenir dès lors que nous déplorons ici et là une déficience de la pensée critique.

Cette lettre est un bonheur à découvrir ou à redécouvrir que les tempêtes et les gras rires de quelques caffis n’ont encore jamais contredit.

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Platon. Lettre 7. Extrait


«Jadis dans ma jeunesse, j'éprouvais ce qu'éprouvent tant de jeunes gens.

J'avais le projet, du jour où je pourrais disposer de moi-même, d'aborder aussitôt la politique. Or voici en quel état s'offraient alors à moi les affaires du pays : la forme existante du gouvernement battue en brèche de divers côtés, une révolution se produisit.

A la tête de l'ordre nouveau cinquante et un citoyens furent établis comme chefs, onze dans la ville, dix au Pirée (ces deux groupes furent préposés à l'agora et à tout ce qui concerne l'administration des villes), - mais trente constituaient l'autorité supérieure avec pouvoir absolu.

Plusieurs d'entre eux étaient soit mes parents, soit des connaissances qui m'invitèrent aussitôt comme à des travaux qui me convenaient.

Je me fis des illusions qui n'avaient rien d'étonnant à cause de ma jeunesse. Je m'imaginais, en effet, qu'ils gouverneraient la ville en la ramenant des voies de l'injustice dans celles de la justice. Aussi observai-je anxieusement ce qu'ils allaient faire.

Or, je vis ces hommes faire regretter en peu de temps l'ancien ordre de choses comme un âge d'or. Entre autres, mon cher vieil ami Socrate, que je ne crains pas de proclamer l'homme le plus juste de son temps, ils voulurent l'adjoindre à quelques autres chargés d'amener de force un citoyen pour le mettre à mort, et cela dans le but de le mêler à leur politique bon gré malgré.

Socrate n'obéit pas et préféra s'exposer aux pires dangers plutôt que de devenir complice d'actions criminelles.

A la vue de toutes ces choses et d'autres encore du même genre et de non moindre importance, je fus indigné et me détournai des misères de cette époque. Bientôt les Trente tombèrent et, avec eux, tout leur régime. De nouveau, bien que plus mollement, j'étais pressé du désir de me mêler des affaires de l'état.

Il se passa alors, car c'était une période de troubles, bien des faits révoltants, et il n'est pas extraordinaire que les révolutions aient servi à multiplier les actes de vengeance personnelle.

Pourtant ceux qui revinrent à ce moment usèrent de beaucoup de modération.

Mais, je ne sais comment cela se fit, voici que des gens puissants traînent devant les tribunaux ce même Socrate, notre ami, et portent contre lui une accusation des plus graves qu'il ne méritait certes point : c'est pour impiété que les uns l'assignèrent devant le tribunal et que les autres le condamnèrent, et ils firent mourir l'homme qui n'avait pas voulu participer à la criminelle arrestation d'un de leurs amis alors banni, lorsque, bannis eux-mêmes, ils étaient dans le malheur.

Voyant cela et voyant les hommes qui menaient la politique, plus je considérais les lois et les mœurs, plus aussi j'avançais en âge, plus il me parut difficile de bien administrer les affaires de l'état.

D'une part, sans amis et sans collaborateurs fidèles, cela ne me semblait pas possible.

(Or, parmi les citoyens actuels, il n'était pas commode d'en trouver, car ce n'était plus selon les us et coutumes de nos ancêtres que notre ville était régie. Quant à en acquérir de nouveaux, on ne pouvait compter le faire sans trop de peine.)

De plus, la législation et la moralité étaient corrompues à un tel point que moi, d'abord plein d'ardeur pour travailler au bien public, considérant cette situation et voyant comment tout marchait à la dérive, je finis par en être étourdi.

Je ne cessais pourtant d'épier les signes possibles d'une amélioration dans ces événements et spécialement dans le régime politique, mais j'attendais toujours, pour agir, le bon moment. Finalement, je compris que tous les états actuels sont mal gouvernés (car leur législation est à peu près incurable sans d'énergiques préparatifs joints à d'heureuses circonstances).

Je fus alors irrésistiblement amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée.

Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement.»

Traduction Joseph Souilhé, Paris, 1926

27/03/2014

Les associations sont nécessaires

Pour info : le secteur associatif dans les Alpes de Haute Provence

Le premier tour des élections municipales montre une abstention record, une percée du Front National et un désaveu de la politique du gouvernement.

Mais qui ne voit que, parmi les causes principales, figurent le déclin de la vie sociale et la disparition de la vie associative dans les quartiers, dans les zones rurales, dans les territoires périurbains ?

Les gouvernements successifs et de nombreuses collectivités ont multiplié sans discernement les suppressions de subventions, le passage aux appels d’offres, l’allongement indéfini des délais de paiement, la complexification des procédures.

De ce fait nombre d’associations porteuses des valeurs de coopération, de responsabilité, d’égalité, de liberté et de fraternité ont disparu : par exemple la Cathode en Seine-Saint-Denis, télévision locale qui donnait la parole aux habitants des banlieues, Intolérage, qui travaillait à Marseille sur la tolérance chez les enfants dès la maternelle, les Clubs de prévention du Loiret et de Seine Maritime, etc. Les licenciements se sont multipliés dans des petites et moyennes associations qui « tenaient le terrain », avec les plans de rigueur successifs. Partout, les conditions de travail se dégradent et la capacité d’agir diminue.(LIRE ICI d’autres exemples)

Aujourd’hui, nous le disons avec force : pour l’avenir de la démocratie, les associations sont nécessaires.

collectif associations

Cela doit se traduire par une autre politique associative au niveau local, national et européen :

- la reconnaissance du rôle des associations dans la société. Celles-ci produisent avant tout du développement humain, de la participation à la vie de la cité, du lien social et de l’épanouissement des personnes. La création de richesse économique, bien que réelle, n’est jamais qu’une conséquence de leur activité et ne correspond aucunement à leur finalité ;

- des financements publics stables et garantis aux associations qui traduisent cette reconnaissance, dès le budget 2015 de l’État, avec le maintien des dotations globales aux collectivités et une autre orientation des subventions de l’État ;

- une autre réglementation nationale et européenne qui reconnaisse la diversité associative et favorise la libre initiative des citoyens, dimension indispensable de la démocratie.

Mais avec la signature du pacte budgétaire européen, la France est devenue un protectorat de la Commission européenne*. C’est pourquoi le changement incombe également aux instances européennes, qui portent une grande part de responsabilité dans la situation actuelle. Celui-ci doit se traduire après le renouvellement du Parlement européen et de la Commission par une autre construction européenne, dans laquelle les droits fondamentaux seront premiers par rapport au droit de la concurrence.

Faute de quoi la dérive que nous observons en France sera celle de toute l’Europe.

Le Collectif des Associations Citoyennes

Contact presse : Isabelle Boyer – 07 70 98 78 56 – contact@associations-citoyennes.net

C.A.C. : 108, rue Saint-Maur 75011 Paris -www.associations-citoyennes.net

*Le projet de budget est soumis à la Commission européenne avant toute mise en discussion au niveau national.

Travail détaché à contre-emploi

Travail détaché, travailleurs enchaînés par Gilles Balbastre, auteur des "Nouveaux Chiens de Garde" qui avait tant déplu aux éditocrates patentés et rétribués par le Medef et autres libéraux. Avril 2014 dans le Monde Diplomatique et à l'attention de celles et ceux qui ne sont pas abonnés...

travail détaché

 

Changement de personnel : du 22 au 25 mai 2014, les Européens éliront leurs députés, un scrutin qui influera sur le choix du prochain président de la Commission. Mais l’Union abandonnera-t-elle pour autant une feuille de route politique qui, pour l’heure, se caractérise par l’organisation du dumping social ?

 

Ils sont quatre, un peu à l’écart du dernier rond-point qui mène par une petite route à un poste de gardiennage. Ils ne lâchent pas des yeux la vingtaine de militants de la Confédération générale du travail (CGT) qui, par ce petit matin de janvier, frigorifiés et les bras chargés de tracts, attendent l’embauche des centaines de travailleurs de l’immense chantier voisin.

Une première camionnette approche. Des syndicalistes l’arrêtent, interrogent les ouvriers sur leur origine, tendent des tracts en portugais. Malgré la barrière de la langue, un échange sur leurs droits s’engage à travers la fenêtre entrouverte. Aussitôt, les quatre hommes s’approchent. « Je vous demande de circuler, lance le plus âgé, menaçant. Vous n’avez pas à leur parler. Entrez sur le chantier. » Les syndicalistes repoussent énergiquement le quarteron, qui se remet à l’écart.

A chaque nouvelle camionnette arrêtée, les quatre individus notent le numéro d’immatriculation, prennent discrètement des photos, chuchotent dans un Dictaphone. La scène se passe en 2014, en France. A Loon-Plage, plus précisément : un no man’s land balayé par un vent glacial, au bord de la mer du Nord.

On découvrira que l’homme agressif n’est autre que le responsable du chantier du terminal méthanier d’Electricité de France (EDF) ; les trois autres, ses sbires. Tous refusent de répondre à nos questions. « Là, on est sur un rond-point public, glisse M. Marcel Croquefer, délégué CGT de Polimeri Europa France. Vous imaginez ce qui se passe à l’intérieur du site ? »

Effectivement, il vaut mieux avoir de l’imagination pour savoir ce qui se passe sur le deuxième plus grand chantier de France — derrière celui du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville. Le dossier de presse produit par le maître d’œuvre, Dunkerque LNG (filiale d’EDF), daté du 19 février 2014, annonce mille trois cent trente-sept salariés : « 95 % d’Européens, dont un tiers originaires du Nord-Pas-de-Calais. » Mais si les syndicalistes se sont déplacés avec leurs tracts en langues étrangères, c’est qu’ils savent qu’ici les travailleurs viennent majoritairement d’Italie, du Portugal et de Roumanie.

Est-ce le résultat de la directive européenne 96/71/CE, dite de « détachement des salariés » (lire « Odyssée d’une « bonne idée » »), qui permet aux entreprises européennes de recruter des étrangers en versant les cotisations sociales dans leur pays d’origine ? « On a du mal à connaître le nombre exact de travailleurs étrangers sur le chantier. Ça tourne quand même autour de 60 % », estime Mme Christelle Veignie, secrétaire de l’union locale CGT de Dunkerque.

Les syndicalistes attendront longtemps les ouvriers italiens. Bloqués par leur direction dans les campings où ils logent, ceux-ci ne seront autorisés à retourner travailler que vers 10 heures du matin, une fois le dernier militant parti...

C’est grâce à une opération coup de poing similaire, menée le 10 décembre 2013 par des syndicalistes de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et de la CGT du bâtiment, que cette question de la proportion de salariés détachés sur le chantier du terminal méthanier est apparue dans la presse locale. Et pourtant, il a fallu attendre l’intervention spectaculaire d’une quinzaine de militants du Front national (FN) pour que l’affaire prenne de l’ampleur. Le 12 décembre, ceux-ci occupent le toit de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Dunkerque et déploient une banderole : « Emploi, les nôtres d’abord ». L’action pique la curiosité des médias nationaux ; elle affole les autorités politiques et préfectorales à quelques mois des élections municipales. Manifestement, la jolie façade qui ceint le chantier a fini par se lézarder.

Depuis l’annonce par le président Nicolas Sarkozy, le 3 mai 2011, de sa construction à Loon-Plage, ce terminal faisait en effet office de dépliant publicitaire patronal et politique en matière de lutte contre le chômage dans le Dunkerquois, particulièrement touché. Tout commence quand, devant une foule de journalistes, M. Sarkozy promet des centaines d’emplois — l’année précédente, la fermeture de la raffinerie des Flandres a entraîné le licenciement de trois cent soixante-dix salariés. Le maître d’œuvre Dunkerque LNG et les acteurs locaux, économiques et politiques, déploient alors une communication d’envergure : le 12 décembre 2011, par exemple, la filiale d’EDF organise une grande manifestation au palais des congrès de Dunkerque, en partenariat avec Pôle emploi, la CCI et Entreprendre ensemble, une association pour l’insertion et l’emploi présidée par le maire socialiste de la ville, l’ancien ministre du travail Michel Delebarre. Celui-ci évoque à cette occasion un « coup de fouet psychologique » pour la région (Nord Littoral, 19 décembre 2011).

Prêtes à tout pour atteindre le Graal d’un emploi, mille cinq cents personnes font le déplacement : « Un véritable rush, à la hauteur des espoirs suscités par le chantier du terminal méthanier », commente le quotidien Nord Littoral. « Le terminal méthanier a un effet objectif et indiscutable, déclare en octobre 2012 le responsable de l’antenne locale de Pôle emploi, M. Cyrille Rommelaere. Six cent dix-huit contrats ont été signés avec des demandeurs d’emploi. La moitié d’entre eux étaient inscrits à Pôle emploi depuis plus de douze mois, et à 68 % ils viennent de la Côte d’Opale (1). »

« On se bat
contre le dumping social,
pas contre les étrangers »

Quelques semaines plus tard, on entend déjà parler italien, portugais et roumain dans la région. Le mirage se dissipe ; la population a compris : « Nous, on se bat contre le dumping social, contre les entorses au droit du travail, pas contre les étrangers », insiste Mme Veignie. « Mais les gens en ont marre des belles promesses, complète M. Croquefer. Le FN n’a plus qu’à surfer sur la déception accumulée. Le vote Le Pen aux municipales, ce sera de leur faute ! »

Le scandale des salariés détachés de Loon-Plage tombe mal pour le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, empêtré en cette fin d’année 2013 dans la promesse du président François Hollande d’inverser la courbe du chômage. En décembre, une renégociation à Bruxelles de la directive relative au détachement des travailleurs offre au ministre du travail Michel Sapin un prétexte pour claironner, à son retour, que la France a obtenu un « accord satisfaisant et ambitieux, conforme à la position [qu’elle a] défendue avec constance (2) ». Les médias relaient aussitôt.

Or il ne s’agit que d’un « compromis » entre les ministres du travail européens au sein du Conseil, qui édulcore une proposition initiale du Parlement — et qui demeure soumis à la validation des députés. Accompagné du ministre de l’intérieur Manuel Valls (et donc d’un grand nombre de caméras), M. Sapin se rend néanmoins aussitôt au terminal méthanier pour une visite-surprise : « Il s’agit de voir si le code du travail, les directives européennes sur le détachement sont bien appliqués », explique « fermement » à l’Agence France-Presse (AFP) l’entourage du ministre (19 décembre 2013).

Sur place, certains agents de l’Etat ne décolèrent pas. La visite- « surprise » a été annoncée... la veille par la presse locale. Le jour dit, les employeurs ont conseillé à leurs ouvriers italiens et portugais de rester dans leurs mobile homes. Le directeur adjoint de l’inspection du travail de Dunkerque, M. Olivier Moyon, qui a refusé de participer à cette « mascarade », dénonce l’expédition auprès de son ministre de tutelle dans un courrier daté du 5 février, dont nous avons pu prendre connaissance : « La divulgation dans la presse locale la veille des détails de l’opération obérait toute chance d’effectuer des constatations en flagrance d’infractions de travail illégal, en plus de décrédibiliser nos services, sur lesquels certains travailleurs rencontrés dans le cadre de nos missions nous expriment déjà régulièrement leurs doutes. (...) [Ils questionnent] la réalité de notre détermination à faire respecter le droit du travail par leurs employeurs. »

Echec du contrôle, réussite de l’opération de communication. Les médias repartent de Loon-Plage, les autorités locales peuvent à nouveau détourner les yeux, et Dunkerque LNG, continuer de sous-traiter ses travaux à une forte proportion d’ouvriers étrangers.

Le retour de l’omerta ne satisfait toutefois pas les militants syndicaux. Le 14 février, dans un petit matin toujours aussi glacial, l’union locale CGT de Dunkerque s’installe une fois de plus à l’entrée du chantier avec camion sono et tracts. Plus de journalistes, mais encore beaucoup de travailleurs italiens et portugais... Bus, camionnettes, quelques voitures : au bas mot quatre cents salariés défilent devant les syndicalistes, décidés à ne pas accepter une telle situation.

Le lendemain, vers 17 h 30, le même ballet reprend, mais en sens inverse. Quid des trente-cinq heures réglementaires ? Un ouvrier portugais ose nous répondre : « En ce moment, on travaille quarante heures par semaine. Mais, normalement, on en travaille cinquante. Pour nous, c’est bien, parce que comme ça on gagne un peu plus. On a besoin d’argent, on a besoin de bosser. »

Sur le chantier, pas de syndicat, pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Difficile, dès lors, d’obtenir des informations sur le respect du paiement des heures supplémentaires. « Dans le bâtiment, les sept premières heures au-dessus de trente-cinq heures sont majorées d’un quart. Les suivantes, de 50 %. Vous imaginez les gains potentiels pour les entreprises si elles ne les paient pas ?, lance M. David Sans, délégué CGT du groupe Vinci. Les fiches de salaire, on n’a pas pu les voir, parce qu’elles sont directement données au pays. On a su que certains ouvriers étaient hébergés à cinq dans une petite maison. Ils touchaient bien le smic, mais le loyer leur était défalqué de la paie. » « Lors de l’appel d’offres de Dunkerque LNG sur le lot électricité, Spie s’est positionné à hauteur de 16 millions d’euros pour un marché proposé à 25 millions. Les Italiens de Techint Sener l’ont emporté à 12 millions, confie M. Didier Czajka, délégué CGT de la société Spie. Le différentiel du niveau des cotisations sociales entre la France et l’Italie n’est pas si important que ça. » Une seule explication : « Le non-respect des conventions collectives françaises. »

Traduire les citations
à comparaître coûte plus cher
que l’amende encourue

Le 5 mars, le trilogue (lire « Une directive trop cruciale pour être débattue publiquement ») entre négociateurs du Parlement européen a abouti à un accord de principe visant à « renforcer les contrôles et à responsabiliser les entreprises donneuses d’ordres », selon M. Sapin. Pour le commissaire européen chargé des affaires sociales, M. László Andor, il s’agit d’un « signal clair : l’Europe n’accepte pas la fraude ou l’abus des règles applicables au détriment des travailleurs détachés (3) ».

Parmi les agents de l’Etat, tout le monde n’en est pas convaincu. Notamment parmi les inspecteurs du travail, nombreux à dénoncer les difficultés croissantes à assurer leur mission. Dans un premier temps, l’entreprise étrangère qui « détache » un salarié vers la France doit fournir une déclaration préalable à la direction locale du travail. Mais le document — qui précise le nom du salarié, sa qualification, l’entreprise où il doit travailler, la durée de sa mission, ses horaires, ses temps de pause, le taux de salaire horaire — passe régulièrement à la trappe. Et, quand un inspecteur constate la présence d’un salarié étranger sans l’envoi de la fameuse déclaration, la sanction de l’employeur demeure une menace très lointaine. « Quand le procureur décide de délivrer une citation à comparaître contre une entreprise étrangère, la traduction de la citation s’avère souvent plus coûteuse que l’amende encourue. La plupart du temps, le parquet classe », constate, un peu amer, M. Pierre Joanny, inspecteur du travail lillois et ancien secrétaire de SUD-Travail. Imaginons que, malgré tout, la justice condamne une entreprise ? « Les amendes sont rarement recouvrées », tranche-t-il.

Restent les dizaines de milliers de salariés détachés dans les règles, qui pourraient être contrôlés. Mais encore faudrait-il pouvoir le faire... L’arbre du chantier du terminal méthanier cache une forêt touffue. La lecture des tableaux de déclarations de détachement 2013 et 2014 illustre l’ampleur du phénomène, dans une région où se concentrent l’un des principaux ports de France et quinze usines de type Seveso 2, majoritairement détenues par des multinationales. Vingt-cinq Roumains chez Polimeri Europa France, huit Lituaniens chez Total, treize Roumains chez McDonald’s, plusieurs centaines de Portugais chez Aluminium Dunkerque... Au total, plusieurs milliers de travailleurs européens ont été détachés en 2013 dans des sociétés dunkerquoises. Ils étaient officiellement 144 411 en France en 2011, contre 16 545 en 2002, selon un rapport parlementaire publié en avril 2013 (4).

Il suffit de se promener, un dimanche, dans les campings de la région dunkerquoise — Mer et Vacances à Leffrinckoucke (59), Los Palomitos aux Hemmes de Marck (62) ou Vert Village à Crochte (59) — pour voir des camionnettes portugaises, des voitures italiennes et des hommes discrets et furtifs, peu bavards, qui filent entre les mobile homes. Il faut se rendre à l’hôtel Première classe d’Armbouts-Cappel (59) le soir après 18 heures pour entendre parler polonais, à Looberghe pour apprendre le roumain, à Bray-Dunes pour découvrir le lituanien. Sur le site des Gîtes de France du Nord, en plein hiver, tous les logements autour de Dunkerque affichent complet.

« Les entreprises prétendent qu’elles se tournent vers l’étranger faute de pouvoir trouver en France les spécialisations dont elles ont besoin. En réalité, des salariés français pourraient effectuer la plupart des tâches », précise M. Joanny. « La véritable motivation ? Les gains réalisés sur les horaires, les salaires, les indemnités professionnelles, l’hébergement ou la restauration, complète Mme Veignie. Pour les salariés français, c’est l’introduction organisée du ver dans le fruit. »

Cette concentration massive d’étrangers détachés alourdit la charge de travail déjà importante des dix agents affectés au service de l’inspection du travail de Dunkerque. Or une réforme gouvernementale en cours pourrait encore aggraver les choses : « Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a actuellement cent quarante-sept agents. Il n’y en aurait plus que cent vingt-neuf si cette réforme aboutissait, s’alarme M. Joanny. Si les gouvernants avaient vraiment la volonté de protéger les travailleurs, il suffirait par exemple de construire le même cadre de coopération internationale que celui qui existe en matière policière. Nous pourrions alors nous rendre dans un autre pays européen pour travailler avec nos collègues. »

Mais cette volonté politique existe-t-elle ? Dans sa lettre à M. Sapin, M. Moyon écrit : « Le procureur de la République de Dunkerque a déjà été destinataire de deux procès-verbaux d’infractions multiples constatées à l’encontre d’entreprises étrangères contrôlées en 2012, pour lesquelles à ce jour les suites judiciaires données sont inconnues. » Les employeurs des salariés détachés ont peut-être des raisons de ne pas s’inquiéter du « durcissement » de la directive 96/71/CE...

Gilles Balbastre, Journaliste.

(1) Libération, Paris, 5 octobre 2012.

(2) Libération, 9 décembre 2013.

(3) AFP, 5 mars 2013.

23/03/2014

Indispensable Bertold Brecht

Un texte dont on ne devrait pas se passer...

Pour la défense de la culture, contre la barbarie*
« Précision indispensable à toute lutte contre la barbarie »

Brecht, culture contre barbarie

Camarades, sans prétendre apporter beaucoup de nouveauté, j’aimerais dire quelque chose sur la lutte contre ces forces qui s’apprêtent, aujourd’hui, à étouffer la culture dans le sang et l’ordure, ou plutôt les restes de culture qu’a laissé subsister un siècle d’exploitation.
Je voudrais attirer votre attention sur un seul point, sur lequel la clarté devrait, à mon avis, être faite, si vraiment l’on veut mener contre ces puissances une lutte efficace, et surtout si l’on veut la mener jusqu’à sa conclusion finale.
Les écrivains qui éprouvent les horreurs du fascisme, dans leur chair ou dans celle des autres, et en demeurent épouvantés, ne sont pas pour autant, avec cette expérience vécue ou cette épouvante, en état de combattre ces horreurs.

Beaucoup peuvent croire qu’il suffit de les décrire, surtout lorsqu’un grand talent littéraire et une sincère indignation rendent la description prenante.
De fait, ces descriptions sont d’une grande importance.
Voilà qu’on commet des horreurs.
Cela ne doit pas être.
Voilà qu’on bat des êtres humains.
Il ne faut pas que cela soit.
À quoi bon de longs commentaires ?
Les gens bondiront, et ils arrêteront le bras des bourreaux.
Camarades, il faut des commentaires.
Les gens bondiront, peut-être, c’est relativement facile.
Mais pour ce qui est d’arrêter le bras des bourreaux, c’est déjà plus difficile. L’indignation existe, l’adversaire est désigné.
Mais comment le vaincre ?

L’écrivain peut dire : ma tâche est de dénoncer l’injustice, et il abandonne au lecteur le soin d’en finir avec elle.
Mais alors, l’écrivain va faire une expérience singulière.
Il va s’apercevoir que la colère comme la pitié sont des phénomènes de masse, des sentiments qui quittent les foules comme ils y sont entrés.
Et le pire est qu’ils les quittent d’autant plus qu’ils deviennent plus nécessaires.
Des camarades me disaient : la première fois que nous avons annoncé que des amis étaient massacrés, il y a eu un cri d’horreur, et l’aide est venue, en quantité.
Puis on en a massacré cent. Et lorsqu’on en eut tué mille et que le massacre ne sembla plus devoir finir, le silence recouvrit tout, et l’aide se fit rare.

C’est ainsi : « Lorsque les crimes s’accumulent, ils passent inaperçus. Lorsque les souffrances deviennent intolérables, on n’entend plus les cris. Un homme est frappé à mort, et celui qui assiste est frappé d’impuissance.
Rien là que de normal.
Lorsque les forfaits s’abattent comme la pluie, il n’y a plus personne pour crier qu’on les arrête. »
Voilà ce qu’il en est.

Comment y parer ? N’y a-t-il donc aucun moyen d’empêcher les hommes de se détourner de l’horreur ? Pourquoi s’en détournent-ils ?
Parce qu’ils ne voient pas la possibilité d’intervenir.

S’il n’a pas la possibilité de les aider, l’homme ne s’attarde pas sur la douleur des autres. On peut retenir le coup lorsqu’on sait où, quand, pour quelle raison, dans quel but il est donné.
Et lorsqu’on peut arrêter le coup, lorsqu’il subsiste pour cela une possibilité, fût-ce la plus mince, alors on peut avoir pitié de la victime.
On le peut aussi dans le cas contraire, mais pas longtemps, en tout cas pas au-delà du moment où les coups commencent à s’abattre sur la victime comme la grêle.

Alors, pourquoi les coups tombent-ils ? Pourquoi la culture, ou ces restes de culture qu’on nous a laissés, pourquoi est-ce jeté par-dessus bord comme un poids mort et encombrant ?
Pourquoi la vie de millions d’hommes, de la grande majorité des hommes, est-elle à ce point appauvrie, dénudée, à moitié ou complètement détruite ?

Il y en a parmi nous qui ont une réponse.
Ils disent : c’est la sauvagerie.
Ils croient assister chez une part, et une part de plus en plus grande, de l’humanité, à un déchaînement effrayant, un déchaînement soudain, sans cause décelable, et qui disparaîtra peut-être, du moins ils l’espèrent, aussi vite qu’il est survenu ; à l’irrésistible remontée au grand jour d’une barbarie longtemps réprimée ou en sommeil, et de nature instinctuelle.
Ceux qui répondent de la sorte sentent évidemment eux-mêmes qu’une telle réponse ne porte pas très loin.
Et ils sentent également eux-mêmes qu’il n’est pas juste d’attribuer à la sauvagerie l’apparence d’une force naturelle, d’une invincible puissance infernale.

Aussi disent-ils qu’on a négligé l’éducation du genre humain.
Il y a un devoir dans ce domaine auquel on a manqué, ou bien c’est le temps qui a manqué. Il faut rattraper cela, réparer cette négligence, et mobiliser contre la barbarie – la bonté.

Il faut faire appel aux grands mots, conjurer les grandes et impérissables idées qui nous ont déjà sauvés une fois : liberté, dignité, justice, dont l’histoire passée est là pour garantir l’efficacité.
Et les voilà tout à leurs grandes incantations.
Que se passe-t-il alors ? Lui fait-on reproche d’être sauvage, le fascisme répond par un éloge fanatique de la sauvagerie.
Accusé d’être fanatique, il répond par l’apologie du fanatisme.
Le convainc-t-on de violation, de destruction de la raison, il franchit le pas allègrement, et il condamne la raison.

C’est que le fascisme trouve, lui aussi, qu’on a négligé l’éducation des masses. Il attend beaucoup de la suggestion des esprits et de l’endurcissement des cœurs.
À la barbarie de ses chambres de torture, il ajoute celle de ses écoles, de ses journaux, de ses théâtres.
Il éduque l’ensemble de la nation, il ne fait même que cela du matin au soir. Il n’a pas grand-chose d’autre à distribuer aux masses : d’où un gros travail d’éducation.

Comme il (le fascisme) ne donne pas aux gens de quoi manger, il leur apprend comment se discipliner.
Il n’arrive pas à mettre de l’ordre dans son système de production, il lui faut pour cela des guerres, il développera donc l’éducation et le courage physiques.
Il lui faut sacrifier des victimes, il développera donc le sens du sacrifice.

Cela aussi, c’est exiger beaucoup des hommes, cela aussi, ce sont bel et bien des idéaux, parfois même des exigences très hautes, des idéaux élevés.
Seulement, nous savons à quoi servent ces idéaux, qui est ici l’éducateur, et au service de qui cette éducation est mise : sûrement pas au service des éduqués.

Qu’en est-il de nos idéaux à nous ?
Même ceux d’entre nous qui aperçoivent dans la barbarie la racine du mal ne parlent, on l’a vu, que d’éduquer, d’influencer les esprits – sans rien influencer d’autre.
Ils parlent d’apprendre aux gens la bonté. Mais on n’arrivera pas à la bonté par l’exigence de bonté, de bonté sous n’importe quelles conditions, même les pires ; pas plus que la barbarie ne résulte de la barbarie.

Pour ma part, je ne crois pas à la barbarie pour la barbarie. Il faut défendre l’humanité quand on prétend qu’elle serait barbare même si la barbarie n’était pas une bonne affaire.

Mon ami Feutchwanger parodie avec esprit les Nazis lorsqu’il dit : la bassesse générale prime l’intérêt particulier (1) ; mais il n’a pas raison. La barbarie ne provient pas de la barbarie, mais des affaires ; elle apparaît lorsque les gens d’affaires ne peuvent plus faire d’affaires sans elle.

Dans le petit pays d’où je viens (2), le régime est moins terrible que dans bien d’autres. Et pourtant, chaque semaine, on y détruit cinq mille têtes du meilleur bétail. C’est un malheur, mais ce n’est pas le déchaînement subit d’instincts sanguinaires.
S’il en était ainsi, ce serait moins grave. La cause commune à la destruction du bétail et à la destruction des biens culturels, ce ne sont pas des instincts barbares. Dans un cas comme dans l’autre, on détruit une partie de ces biens qui ont coûté beaucoup de peines, parce qu’elle est devenue une gêne et une charge.
Quand on sait que les cinq continents souffrent de la faim, ces mesures sont à n’en pas douter des crimes, mais ils n’ont rien, absolument rien d’actes gratuits commis par malignité pure.
Dans le régime social en vigueur actuellement dans la plupart des pays du globe, les crimes en tous genres sont largement récompensés et les vertus coûtent très cher. « L’homme bon est sans défense et l’homme sans défense se fait matraquer : mais avec de la bassesse on obtient tout.

La bassesse s’installe pour dix mille ans.
La bonté, elle, a besoin de gardes du corps, et elle n’en trouve pas. »
Gardons-nous d’exiger des hommes la bonté, sans autre précision !
Puissions-nous, nous aussi, ne rien demander d’impossible !
Ne nous exposons pas, nous aussi, au reproche d’exhorter l’homme à des performances surhumaines, comme de supporter un régime effroyable grâce à de hautes vertus, un régime dont on dit qu’il pourrait sans doute être changé, mais non pas qu’il doit l’être ! Ne défendons pas que la culture !

Ayons pitié de la culture, mais ayons d’abord pitié des hommes !
La culture sera sauvée quand les hommes seront sauvés.
Ne nous laissons pas entraîner à dire que les hommes sont faits pour la culture et non la culture pour les hommes ! Cela rappellerait trop la pratique des foires où les hommes sont là pour les bêtes de boucherie, et non l’inverse !

Camarades, réfléchissons aux racines du mal !
Voici qu’une grande doctrine, qui s’empare de masses de plus en plus grandes sur notre planète (laquelle est encore très jeune), dit que la racine de tous nos maux est dans les rapports de propriété.
Cette doctrine, simple comme toutes les grandes doctrines, s’est emparée des masses qui ont le plus à souffrir des rapports de propriété existants et des méthodes barbares par lesquelles ils sont défendus.
Elle devient réalité dans un pays qui couvre le sixième du globe, où les opprimés et les non-propriétaires ont pris le pouvoir.

Là-bas on ne détruit pas les denrées alimentaires, on ne détruit pas les biens culturels.
Beaucoup d’entre nous, écrivains, qui apprenons et réprouvons les horreurs du fascisme, n’ont pas encore compris cette doctrine et n’ont pas décelé les racines de la barbarie.
Ils courent toujours, comme avant, le danger de considérer les cruautés du fascisme comme des cruautés gratuites.
Ils demeurent attachés aux rapports de propriété parce qu’ils croient que les cruautés du fascisme ne sont pas nécessaires pour les défendre.
Mais ces cruautés sont nécessaires à la préservation des rapports de propriété existants.
En cela les fascistes ne mentent pas, ils disent la vérité.

Ceux d’entre nos amis que les cruautés du fascisme indignent autant que nous, mais qui tiennent aux rapports de propriété existants, ou que la question de leur maintien ou de leur renversement laisse indifférents, ne peuvent mener le combat contre une barbarie qui submerge tout avec suffisamment d’énergie et de persévérance, parce qu’ils ne peuvent nommer, et aider à instaurer, les rapports sociaux qui devraient rendre la barbarie superflue.

Par contre, ceux qui, à la recherche des sources de nos maux, sont tombés sur les rapports de propriété, ont plongé toujours plus bas, à travers un enfer d’atrocités de plus en plus profondément enracinées, pour en arriver au point d’ancrage qui a permis à une petite minorité d’hommes d’assurer son impitoyable domination.

Ce point d’ancrage, c’est la propriété individuelle, qui sert à exploiter d’autres hommes, et que l’on défend du bec et des dents, en sacrifiant une culture qui ne se prête plus à cette défense ou refuse désormais de s’y prêter, en sacrifiant les lois de toute société humaine, pour lesquelles l’humanité a combattu si longtemps et avec l’énergie du désespoir.
Camarades, parlons des rapports de propriété ! Voilà ce que je voulais dire au sujet de la lutte contre la barbarie montante, afin que cela fût dit ici aussi, ou que moi aussi je l’aie dit.

Juin 1935

* Bertolt Brecht, « Précision indispensable à toute lutte contre la barbarie », Discours au Premier Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, juin 1935, dans Sur le réalisme, Éd. L’Arche, Paris, 1970, pp. 31-37.

1. Calembour. Le slogan démagogique des nazis qui est ainsi parodié (« Gemeinnutz geht vor Eigennutz ») signifie : « L’intérêt général prime l’intérêt particulier ».

2. Le Danemark.

18/03/2014

Pensum

Après la rencontre avec le président de la République, LDH, Licra, Mrap et SOS Racisme entendent poursuivre leurs efforts communs.....
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que tout reste à faire !

racisme,antisémitisme,discriminations
Circulaire adressée aux préfets

Que peut-on en effet espérer d'un chef de l’État qui ne désavouera jamais son exorbitant ministre de l'Intérieur, qui est pourtant un des premiers visés lorsqu'il s'agit de dénoncer le contexte politique qui favorise, admet et attise "une parole de haine dans le débat et l’espace public(...)." ?
Au final, il pourrait donc bien s'agir d'une visite courtoisie tout à fait vaine et organisée comme un pensum.

La Ligue des droits de l’Homme, la Licra, le Mrap et SOS Racisme ont été reçues ensemble, vendredi 14 mars, par le président de la République ; les associations, qui partagent les valeurs universelles de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, se félicitent de cette rencontre de travail, une première dans l’histoire de la République. Elles ont d’emblée souligné la dégradation du contexte politique qui a vu se déchaîner une parole de haine dans le débat et l’espace public, et pointé le risque de voir cette parole légitimée par des forces politiques engagées contre les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité.

Exprimant leur volonté de mettre en place des éléments de contre-offensive, elles ont déploré l’absence d’une parole d’État ferme, condamnant, au juste niveau, le caractère toxique de cette libération, l’absence d’un grand débat sur la place des étrangers et le déficit, au sein de l’appareil d’État, d’une représentation disposant à la fois d’une forte légitimité et de moyens suffisants.

Elles ont abordé la question du statut des étrangers, du sentiment de deux poids deux mesures qui s’enracine dans le pays, des discriminations dont les Roms sont la cible, et déploré l’état du dossier du droit de vote des résidents non européens et le fait que le récépissé de contrôle d’identité n’ait pas fait l’objet d’expérimentations. Elles ont également souligné l’importance de revivifier la Semaine d’éducation contre le racisme.

A l’écoute sur l’ensemble de ces sujets, le président de la République en a reconnu l’importance et n’a fermé aucune porte.

Les quatre associations entendent poursuivre leurs efforts communs face à la montée de la haine raciste, antisémite et xénophobe, face aux préjugés sexistes et homophobes. Elles entendent faire preuve de vigilance et de mobilisation durant les campagnes électorales des municipales et des européennes, et construire une dynamique de débat public qui fasse obstacle aux semeurs de haine et réhabilite la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.

Communiqué conjoint LDH, Licra, Mrap, SOS Racisme / Paris, le 17 mars 2014

16/03/2014

Léon Landini, écoutes et leurres diplomatiques

Comme tout sujet s’épuise et peut même finir par lasser la caravane éditorialiste, on pourra toujours faire provisoirement diversion en examinant les 634 pistes sur lesquelles le vol MH370 a pu atterrir… En attendant et si l’on veut bien y prêter attention, Léon Landini fait une fois de plus preuve de lucidité. A défaut de rassurer, son éclairage sur la récente actualité est une respiration nécessaire.

Landini, écoutes et leurres diplomatiques
E. Snowden

Depuis quelques jours, la droite est sens dessus dessous parce que certains juges ont mis sur écoute les conversations téléphoniques de Sarkozy, mis en cause dans plusieurs affaires graves.

Pourtant personne n’est scandalisé quand le gouvernement américain se permet d’espionner les conversations de tous les Français et, ajouterai-je, de tous les "Européens", Angela Merkel en tête !

Cela semble à peine « problématique » à nos gouvernants, qu’ils soient de droite ou de gauche, puisque les protestations à ce sujet sont de pure forme…

En définitive pour savoir ce que disent Sarkozy ou son avocat, le plus simple serait de le demander aux Américains qui, eux sont au courant de tout sans que cela préoccupe grand monde !

Au sujet de l’Ukraine, par l’intermédiaire des médias à leur dévotion, nos gouvernants déclarent péremptoirement qu’il est interdit à un pays de diviser en deux une nation et que cette interdiction est une loi internationale.

C’est sans doute pour cette raison qu’ils s’y sont mis à plusieurs pour dépecer la Yougoslavie en utilisant pour cela des bombes à uranium appauvri. Dans certains villages de ce pays où des bombes radio-actives ont été lâchées, les villages se dépeuplent car un nombre important d’habitants décède brutalement entre 50 et 60 ans : mais cela n’intéresse ni nos médias, ni nos gouvernants.

C’est sans doute aussi « parce qu’on n’a pas le droit de diviser un pays » que les puissances occidentales ont divisé la Corée, avec un mur frontalier de plusieurs centaines de kilomètres, qu’elles refusent la réunion de Taïwan à la Chine populaire, qu’elles viennent de susciter la division meurtrière du Soudan et que pendant trente ans, elles ont imposé la division en deux du Vietnam. Quant à la Tchécoslovaquie, elle a été divisée en deux parties sans même un référendum avec la bénédiction de son grand voisin allemand et de toute l’Union européenne… Ne parlons même pas de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques qui fut démantelée en 1991 sur une simple décision de trois présidents de République (sur 15 !), dont l’Ukrainien Koutchma, sous les applaudissements des Occidentaux, alors qu’UN AN PLUS TÔT, 76% des Soviétiques avaient voté pour le maintien de la Fédération soviétique ! Enfin, Laurent Fabius a-t-il entendu parler du Mur de la honte qui, à l’initiative de l’Etat d’Israël, divise la Palestine historique en instituant un véritable apartheid à l’encontre les habitants des Territoires occupés ?

En ce moment-même, les eurocrates de droite et de « gauche » réfléchissent à la manière la plus efficace de faire éclater l’Espagne, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Italie ou la France en invoquant l’Europe des régions transfrontalières…

Par ailleurs, en tant qu’ancien résistant, je suis révolté – le mot est faible ! – pour dire le mépris et le dégoût que m’inspire le Président de la République lorsqu’il reçoit à l’Elysée, en notre nom à tous, le soi-disant premier ministre de l’Ukraine. Premier ministre autoproclamé qu’une photo parue récemment sur l’internet montre effectuant le salut hitlérien !!!

Recevoir ce personnage au moment même où nous célébrons le 70ème anniversaire du Conseil National de la Résistance est indigne d’un président qui est censé nous représenter !

Léon Landini, ancien officier F.T.P.-M.O.I

11/03/2014

Jules Durand, Dreyfus ouvrier

L'émission « La Fabrique de l'Histoire » sur France culture vient de consacrer un documentaire sur l'affaire du « Dreyfus ouvrier » Jules Durand, dans le cadre d'une semaine sur le thème de l'engagement.

Elle fait suite à la réunion publique et à la journée d'études à l'université du Havre des 13 et 14 novembre derniers, où la LDH était très présente, et dont les travaux vont être prochainement publiés.

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Enquête sur l'affaire Jules Durand ou le 2 poids & 2 mesures
Mise en perspective : Les ouvriers marseillais soutiennent Jules Durand (3 février 2014) 

Portrait de Jules Durand inconnu © Radio France
Un documentaire de Anaïs Kien, réalisé par Françoise Camar

 

Le 25 novembre 1910, Jules Durand est condamné à avoir la tête tranchée par la cour d’assises de Rouen.

Le jeune secrétaire du syndicat des Dockers charbonniers du Havre, était accusé d'avoir appelé à se débarrasser des "Jaunes", ceux qui ne font pas grève contrairement à leurs collègues depuis près de trois semaines. 

A la suite d'une rixe un soir sur le port à la sortie des bistrots un Jaune trouve la mort. 

La Compagnie Transatlantique saisit cette belle occasion d'en finir avec cette grève et organise l'instruction dans ses propres locaux. 

Lorsque le verdict tombe, l'affaire devient nationale, Jaurès s'insurge de cette machination dans les colonnes de l'Humanité, les dockers du monde entier envoient pétitions et messages de soutien pour que Durand soit innocenté. Il le sera mais trop tard. Devenu fou, Il trouvera la mort à l'asile de Rouen, probablement inconscient que la vérité avait été rétablie. 

Cependant les auteurs de cette machination ne furent jamais inquiétés. 
Avec les témoignages de:

Marc Hedrich, juge d'instruction au tribunal de grande instance du Havre, Jean-Pierre Castelain, ethnologue, association des Amis de Jules Durand, Johan Porthier, secrétaire du syndicat des dockers, Jacques Defortescu, secrétaire de l'institut  d'histoire sociale CGT-Seine-Maritime, Pierre Lebas, ancien secrétaire de l'union locale CGT du Havre...

Dockers charbonniers havrais © Radio France

Site des Amis de Jules Durand 

08/03/2014

PAF, Roissy, violences faites aux femmes

Campagne contre les violences faites aux femmes, version Roissy ? Silence, on tape !

Communiqué cosigné par la LDH
Mercredi 26 février 2014, zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle. Six femmes honduriennes et nicaraguayennes se rendent dans le bureau de l’Anafé (Association nationale d'assistance aux frontières pour le étrangers - Permanence juridique : 01.42.08.69.93) et racontent avoir été victimes quelques heures plus tôt de violences policières lors d’une tentative de renvoi forcé à destination de Mexico. Cette première tentative a échoué devant le refus du commandant de bord d’embarquer des passager.e.s dans de telles conditions.

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Ces femmes apparaissent bouleversées, et souhaitent porter plainte. L’Anafé les assiste dans cette démarche et récolte leurs témoignages. Quatre d’entre elles sont examinées par le médecin intervenant en zone d’attente, et se voient délivrer un certificat médical attestant de lésions et hématomes multiples.
Devant la gravité des accusations, l’Anafé saisit immédiatement le ministère de l’intérieur de cette situation, et lui demande de surseoir au renvoi forcé de ces femmes dans l’attente qu’une enquête soit diligentée. Dès le lendemain, la police aux frontières (PAF) tente à nouveau de les refouler. Depuis, les tentatives de renvoi sont quotidiennes et le ministère de l’intérieur ne manifeste aucune réaction.
Mardi 4 mars, la PAF parvient à expulser deux d’entre elles : l’une d’elle aurait été menottée et bâillonnée, tandis que l’autre est renvoyée la veille de l’audience prévue devant le Juge des libertés et de la détention, et ne pourra pas faire valoir sa cause devant la Justice.
Mercredi 5 mars : les tentatives pour refouler les quatre femmes, toujours maintenues en zone d’attente se poursuivent, de même que le silence du ministère de l’intérieur. L’une d’entre elle est placée en garde à vue pour avoir refusé d’embarquer vers le Mexique, et sera finalement condamnée par le tribunal correctionnel à deux mois de prison et cinq ans d’interdiction du territoire français.
Au moment même où le gouvernement lance une campagne, conduite par la ministre des droits des femmes, pour « libérer la parole face aux violences et orienter les victimes vers les professionnels », ce slogan resterait-il lettre morte pour les femmes étrangères placées en zone d’attente ?

Face à la gravité de cette situation, nos organisations demandent au gouvernement :

  •  de permettre à celles qui ont été expulsées le 4 mars de pouvoir, si elles le souhaitent, revenir en France pour soutenir leur cause devant la Justice, et de veiller à ce que celle qui a été condamnée puisse faire valoir ses droits en appel ;
  •  de protéger d’un renvoi forcé les femmes toujours maintenues en zone d’attente de Roissy, dans l’attente que leurs plaintes soient examinées ;
  •  de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le droit à la protection contre les violences faites aux femmes soit également une réalité en zone d’attente ;
  •  et, pour les personnes demandeuses d’asile, de garantir la présence en zone d’attente de référent.e.s sur les questions de violences liées au genre.

Les organisations signataires :
ACAT ADDE ANAFE COMEDE FASTI Femmes de la terre Femmes pour le dire, Femmes pour agir Forum Femmes Méditerranée GENEPI GISTI Ligue du droit international des femmes Ligue des droits de l’Homme (LDH) Mouvement Français pour le Planning Familial Mouvement Jeunes Femmes Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) Osez le Féminisme RAJFIRE Revue Pratiques Syndicat des avocats de France (SAF) Syndicat de la Magistrature (SM) Syndicat de la Médecine générale (SMG) SOS Sexisme

7 mars 2014, Veille de la journée internationale des droits des femmes

06/03/2014

Chantage et immigration

Comment accepter sans broncher les accords de gestion concertée de l’immigration imposés par l’Union européenne aux pays limitrophes de l’UE ?... Et ce, sans qu'il soit question de faire respecter par les pays signataires le moindre engagement à respecter les droits humains ?

Quant à l'Ukraine, la question saurait-elle seulement se poser ?

immigration,accord de réadmission

Communiqué commun cosigné par la LDH
L’Union Européenne et la Tunisie ont signé, lundi 3 mars, un accord de lutte contre l’immigration clandestine, en échange d’une promesse de simplification des visas et d’ouverture à l’immigration régulière. L’UE s’est engagée à favoriser une meilleure intégration des ressortissants tunisiens en situation régulière dans l’UE, ainsi que des migrants en situation régulière en Tunisie.

Nous avons appris ce que valent ces promesses soumises aux politiques restrictives des pays européens avec des quotas par profession, par exemple, en France.

En fait l’UE recherche avec ce type d’accord déjà signé avec un premier pays méditerranéen, le Maroc en juin 2013, ainsi qu’avec d’anciennes républiques soviétiques - Moldavie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan -, à imposer à ces pays des accords de réadmission des migrants irréguliers et à transformer ces pays en gestionnaires des frontières extérieures de l’UE.

Alors même que les organisations démocratiques de Tunisie : Union générale tunisienne du travail (UGTT), Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et de l’immigration tunisienne : Coordination des Assises de l’immigration tunisienne (FTCR - ADTF- UTIT - AIDDA - COLLECTIF 3C - UTAC - ZEMBRA - ATNF - ATML- FILIGRANES - ACDR - UTS - CAPMED - CFT – YOUNGA) avaient appelé le gouvernement tunisien à ne pas signer cet accord, l’Union européenne a soumis celui-ci à une pression intense et à un chantage à l’aide économique.

Nos organisations dénoncent cette politique de l’Union européenne, qui vise à fortifier une Europe forteresse par un glacis constitué par les pays limitrophes en usant de pressions inacceptables sur ceux-ci.

Signataires : Ailes Femmes du Maroc, Association Femmes Plurielles, Attac, CGT, Cedetim-IPAM, Centre d’information inter-peuples (CIIP Grenoble), Cimade, Collectif de soutien aux réfugiés algériens, FSU, FTCR, GISTI, LDH, Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), Solidaires, Europe Écologie - Les Verts, Ensemble (Front de Gauche), Parti de Gauche (Front de Gauche).

Paris, le 6 mars 2014

05/03/2014

Extrêmes droites mutantes en Europe

Pour celles et ceux qui ne sont pas abonné(e)s...

A paraître dans le "diplo" de mars sous le titre

"Extrêmes droites mutantes en Europe"

extremes droites en europe

Depuis une trentaine d’années, un peu partout en Europe, les extrêmes droites ont le vent en poupe. Si quelques partis imprègnent leurs diatribes de références néonazies, la plupart cherchent la respectabilité et envahissent le terrain social. Se présentant comme le dernier recours et comme un rempart contre une supposée islamisation de la société, ils poussent à une recomposition des droites.

par Jean-Yves Camus, mars 2014

Si l’on fait remonter l’émergence des populismes d’extrême droite au début des années 1980, plus de trente ans ont passé sans qu’apparaisse plus clairement une définition à la fois précise et opérationnelle de cette catégorie politique. Il faut donc tenter d’y voir plus clair dans la catégorie fourre-tout de ce que l’on nomme communément « extrême droite » ou « populisme » (1).

En Europe, depuis 1945, le terme d’« extrême droite » désigne des phénomènes très différents : populismes xénophobes et « antisystème », partis politiques nationaux-populistes, parfois fondamentalismes religieux. La consistance du concept est sujette à caution, dans la mesure où, d’un point de vue plus militant qu’objectif, les mouvements affublés de cette étiquette sont interprétés comme une continuation, parfois adaptée aux nécessités de l’époque, des idéologies nationale-socialiste, fasciste et nationaliste autoritaire dans leurs diverses déclinaisons. Ce qui ne reflète pas la réalité.

Certes, le néonazisme allemand — et le Parti national-démocratique d’Allemagne (NPD) dans une certaine mesure — comme le néofascisme italien (réduit à CasaPound Italia, Flamme tricolore et Force nouvelle, soit 0,53 % des voix au total) s’inscrivent bien dans la continuité idéologique de leurs modèles, de même que les avatars tardifs des mouvements des années 1930 en Europe centrale et orientale : Ligue des familles polonaises, Parti national slovaque, Parti de la Grande Roumanie. Toutefois, au plan électoral, seul le défunt Mouvement social italien (MSI), dont l’histoire s’interrompt en 1995 avec le tournant conservateur impulsé par son chef Gianfranco Fini, a réussi à sortir cette famille politique de la marginalité en Europe occidentale (2) ; et à l’Est, elle marque aujourd’hui le pas (voir carte). Même si les succès d’Aube dorée en Grèce et du Jobbik en Hongrie (3) prouvent qu’elle n’est pas définitivement enterrée, en 2014 elle est très minoritaire.

Acceptation de la démocratie parlementaire

L’époque ne prisant guère les grandes idéologies qui prônent l’avènement d’un homme et d’un monde nouveaux, les valeurs de cette extrême droite traditionnelle s’avèrent inadaptées. Le culte du chef et du parti unique convient mal aux attentes de sociétés éclatées, individualistes, dans lesquelles l’opinion se forge à travers les débats télévisés et la fréquentation des réseaux sociaux. Toutefois, le legs idéologique de cette extrême droite « à l’ancienne » reste fondamental. C’est d’abord une conception ethniciste du peuple et de l’identité nationale, dont découle la double détestation de l’ennemi extérieur — l’individu ou l’Etat étranger — et de l’ennemi intérieur — les minorités ethniques ou religieuses et l’ensemble des adversaires politiques. C’est aussi un modèle de société organiciste, souvent corporatiste, fondé sur un antilibéralisme économique et politique niant le primat des libertés individuelles et l’existence des antagonismes sociaux, si ce n’est celui opposant le « peuple » et les « élites ».

Les années 1980-1990 ont vu le succès électoral d’une autre famille, que les médias et nombre de commentateurs ont continué à appeler « extrême droite », même si certains sentaient déjà que la comparaison avec les fascismes des années 1930 n’était plus pertinente, qu’elle empêchait la gauche d’élaborer une réponse autre qu’incantatoire à ses adversaires. Comment nommer les populismes xénophobes scandinaves, le Front national (FN) en France, le Vlaams Belang en Flandre, le Parti libéral d’Autriche (FPÖ) ? La grande querelle terminologique commençait, qui n’est pas encore close. « National-populisme » — utilisé par Pierre-André Taguieff (4) —, « droites radicales », « extrême droite » : l’exposé des controverses sémantiques qui opposent les politistes nécessiterait un livre entier. Suggérons donc simplement que les partis mentionnés ont muté de l’extrême droite vers la catégorie des droites populistes et radicales.

La différence tient à ce que, formellement et le plus souvent sincèrement, ces partis acceptent la démocratie parlementaire et l’accession au pouvoir par la seule voie des urnes. Si leur projet institutionnel reste flou, il est clair qu’il valorise la démocratie directe, par le moyen du référendum d’initiative populaire, au détriment de la démocratie représentative. Le slogan du « coup de balai » destiné à chasser du pouvoir des élites jugées corrompues et coupées du peuple leur est commun. Il vise tout à la fois la social-démocratie, les libéraux et la droite conservatrice.

Le peuple est pour eux une entité transhistorique englobant les morts, les vivants et les générations à venir, reliés par un fonds culturel invariant et homogène. Ce qui induit la distinction entre les nationaux « de souche » et les immigrés, en particulier extra-européens, dont il faudrait limiter le droit de résidence ainsi que les droits économiques et sociaux. Si l’extrême droite traditionnelle reste à la fois antisémite et raciste, les droites radicales privilégient une nouvelle figure de l’ennemi, à la fois intérieur et extérieur : l’islam, auquel sont associés tous les individus originaires de pays culturellement musulmans.

Les droites radicales défendent l’économie de marché dans la mesure où celle-ci permet à l’individu d’exercer son esprit d’entreprise, mais le capitalisme qu’elles promeuvent est exclusivement national, d’où leur hostilité à la mondialisation. Ce sont en somme des partis nationaux-libéraux, qui admettent l’intervention de l’Etat non plus seulement dans les champs de compétence régaliens, mais aussi pour protéger les laissés-pour-compte de l’économie globalisée et financiarisée, comme en témoigne le discours de Mme Marine Le Pen, présidente du FN (5).

En quoi les droites radicales se distinguent-elles finalement des droites extrêmes ? Avant tout, par leur moindre degré d’antagonisme avec la démocratie. Le politologue Uwe Backes (6) montre que la norme juridique en vigueur en Allemagne admet comme légitime et légale la critique radicale de l’ordre économique et social existant, tandis qu’elle définit comme un danger pour l’Etat l’extrémisme, qui est un rejet en bloc des valeurs contenues dans la Loi fondamentale. Sur la base de cette classification, il semble pertinent de nommer « droites extrêmes » les mouvements qui récusent totalement la démocratie parlementaire et l’idéologie des droits de l’homme, et « droites radicales » ceux qui s’en accommodent.

Un ethnicisme explicite ou latent

Ces deux familles occupent une place différente dans le système politique. Non seulement l’extrême droite se trouve dans la situation de ce que le chercheur italien Piero Ignazi appelle le « tiers exclu » (7), mais elle se fait aussi gloire de cette position et en tire des ressources. Les droites radicales, elles, acceptent de participer au pouvoir, soit comme partenaires d’une coalition gouvernementale — la Ligue du Nord en Italie, l’Union démocratique du centre (UDC) en Suisse, le Parti du progrès en Norvège, soit comme force d’appoint parlementaire d’un cabinet dans lequel elles ne siègent pas : le Parti pour la liberté (PVV) de M. Geert Wilders aux Pays-Bas, le Parti du peuple danois. Leur pérennité est-elle assurée ? Ce type de parti vit sur le fil, entre une marginalité qui, si elle dure, mène à un « plafond de verre » électoral et une normalisation qui, si elle s’avère trop évidente, peut conduire au déclin.

L’exemple grec est un cas d’école. Après presque trente ans d’existence groupusculaire, le mouvement néonazi Aube dorée remporte près de 7 % des voix lors des deux scrutins législatifs de 2012 (8). Faut-il en déduire que son racisme ésotérico-nazi a subitement gagné quatre cent vingt-six mille électeurs ? Nullement. Ceux-ci ont d’abord préféré l’extrême droite traditionnelle, incarnée par le LAOS (Alarme populaire orthodoxe) entré au Parlement en 2007. Mais entre les deux scrutins législatifs de 2012 s’est produit un événement clé : la participation du LAOS au gouvernement d’union nationale dirigé par M. Lucas Papadémos, dont la feuille de route consistait à faire approuver par le Parlement un nouveau plan de « sauvetage » financier, accordé par la « troïka (9) » au prix de mesures d’austérité drastiques. Devenu une droite radicale (10), le LAOS a perdu de son attrait au profit d’une Aube dorée qui refusait toute concession. A l’inverse, dans la plupart des pays européens, les droites radicales ont soit totalement supplanté leurs rivales extrémistes (Suède, Norvège, Suisse et Pays-Bas), soit réussi, comme les Vrais Finlandais, à émerger dans des pays où celles-ci avaient échoué.

Dernier cas de figure, qui devient fréquent : celui où la droite radicale subit la concurrence électorale de formations « souverainistes ». La volonté de sortir de l’Union européenne constitue le cœur du programme de ces partis, mais ils exploitent aussi les thématiques de l’identité, de l’immigration et du déclin culturel, sans pour autant porter le stigmate d’une origine extrémiste et en évacuant la dimension raciste. On mentionnera l’Alternative pour l’Allemagne, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), le Team Stronach pour l’Autriche et Debout la République, dirigé par M. Nicolas Dupont-Aignan, en France.

Ce n’est pas le moindre défaut du terme « populisme » que d’être utilisé à tort et à travers, en particulier pour discréditer toute critique du consensus idéologique libéral, toute remise en question de la bipolarisation du débat politique européen entre conservateurs-libéraux et sociaux-démocrates, toute expression dans les urnes du sentiment populaire de défiance envers les dysfonctionnements de la démocratie représentative. L’universitaire Paul Taggart, par exemple, malgré les qualités et la relative précision de sa définition des populismes de droite, ne peut s’empêcher d’établir une symétrie entre ces derniers et la gauche anticapitaliste. Il évacue ainsi la différence fondamentale que constitue l’ethnicisme explicite ou latent des droites extrêmes et radicales (11). Chez lui comme chez bien d’autres, le populisme de la droite radicale ne se définit pas par sa singularité idéologique, mais par sa position de dissensus au sein d’un système politique où seul serait légitime le choix de formations libérales ou de centre gauche.

De même, la thèse défendue par Giovanni Sartori selon laquelle le jeu politique s’ordonnerait autour de la distinction entre partis du consensus et partis protestataires, les premiers étant ceux qui ont la capacité d’exercer le pouvoir et qui sont acceptables comme partenaires de coalition, pose le problème d’une démocratie de cooptation, d’un système fermé. Si la source de toute légitimité est le peuple et qu’une partie conséquente de celui-ci (entre 15 et 25 % dans de nombreux pays) vote pour une droite radicale « populiste » et « antisystème », au nom de quel principe faut-il la protéger d’elle-même en maintenant un ostracisme qui tient ces formations à l’écart du pouvoir — sans d’ailleurs, sur la durée, réussir à réduire leur influence ?

Ce point de philosophie politique est d’autant plus important qu’il concerne aussi l’attitude des faiseurs d’opinion à l’égard des gauches alternatives et radicales, délégitimées parce qu’elles veulent transformer — et non aménager — la société. Ce qui leur vaut souvent, selon la vieille et fausse idée des « extrêmes qui se rejoignent », d’être désignées comme le double inversé des radicalités de droite. Le politiste Meindert Fennema construit ainsi une vaste catégorie des « partis protestataires », définis comme s’opposant à l’ensemble du système politique, blâmant celui-ci pour tous les maux de la société et n’offrant, selon lui, aucune « réponse précise » aux problèmes qu’ils soulèvent. Mais qu’est-ce qu’une « réponse précise » aux problèmes que la social-démocratie et la droite libérale-conservatrice n’ont pas réussi à résoudre ?

Le problème de l’Europe est-il d’ailleurs la montée des droites extrêmes et radicales ou le changement de paradigme idéologique des droites ? L’un des phénomènes majeurs des années 2010, c’est que la droite classique a de moins en moins de réticences à accepter comme partenaires de gouvernement des formations radicales telles que la Ligue du Nord en Italie, l’UDC suisse, le FPÖ en Autriche, la Ligue des familles polonaises, le Parti de la Grande Roumanie, le Parti national slovaque et désormais le Parti du progrès norvégien.

Il ne s’agit pas que de tactique et d’arithmétique électorales. La porosité croissante entre les électorats du FN et de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) le démontre, au point que le modèle des trois droites — contre-révolutionnaire, libérale et plébiscitaire (avec son mythe de l’homme providentiel) — élaboré naguère par René Rémond, même si on y ajoute une quatrième incarnée par le Front national (12), ne rend plus du tout compte de la réalité française. Sans doute va-t-on vers une concurrence entre deux droites. L’une, nationale-républicaine, opérerait une synthèse souverainiste et moralement conservatrice de la tradition plébiscitaire et de la droite radicale frontiste ; ce serait le retour de la famille « nationale ». L’autre serait fédéraliste, proeuropéenne, libre-échangiste et libérale au plan sociétal.

Avec bien sûr des variantes locales, la lutte de pouvoir au sein de la grande nébuleuse des droites se joue partout en Europe autour des mêmes clivages : Etat-nation contre gouvernement européen ; « une terre, un peuple » contre une société multiculturelle ; « soumission totale de la vie à la logique du profit (13) » ou primat de la communauté. Avant de penser la manière de battre les droites radicales dans les urnes, la gauche européenne devra admettre les mutations de son adversaire. On en est loin.

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, fondation Jean-Jaurès. Auteur de l’ouvrage Les Droites extrêmes en Europe, Seuil, Paris, à paraître.
 

(1) Lire Serge Halimi, «  Le populisme, voilà l’ennemi  !  », et Alexandre Dorna, «  Faut-il avoir peur du populisme  ?   », Le Monde diplomatique, respectivement avril 1996 et novembre 2003.

(2) Son parti Futur et liberté pour l’Italie a obtenu 0,47 % des voix aux élections de février 2013.

(3) Lire G. M. Tamas, «  Hongrie, laboratoire d’une nouvelle droite  », Le Monde diplomatique, février 2012.

(4) Pierre-André Taguieff, L’Illusion populiste, Berg International, Paris, 2002.

(5) Lire Eric Dupin, «  Acrobaties doctrinales au Front national  », Le Monde diplomatique, avril 2012.

(6) Uwe Backes, Political Extremes : A Conceptual History From Antiquity to the Present, Routledge, Abingdon (Royaume-Uni), 2010.

(7) Piero Ignazi, Il Polo escluso. Profilo storico del Movimento Sociale Italiano, Il Mulino, Bologne, 1989.

(8) Aucune majorité ne s’étant dégagée pour former un nouveau gouvernement après les élections législatives de mai 2012, un nouveau scrutin s’est tenu un mois plus tard.

(9) Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Commission européenne.

(10) M. Georgios Karatzaferis, qui le dirige, appartenait auparavant à la Nouvelle Démocratie du premier ministre Antonis Samaras.

(11) Paul Taggart, The New Populism and the New Politics : New Protest Parties in Sweden in a Comparative Perspective, Palgrave Macmillan, Londres, 1996.

(12) René Rémond, La Droite en France de 1815 à nos jours. Continuité et diversité d’une tradition politique, Aubier, Paris, 1954. Ajout pris en compte par l’auteur dans Les Droites aujourd’hui, Louis Audibert, Paris, 2005.

(13) Robert de Herte, Eléments, n° 150, Paris, janvier-mars 2014.

02/03/2014

UKRAINE, mission impossible

Pour Svoboda et les nouveaux maîtres auto-déclarés de Kiev, qui ne réussissent à masquer ni leur antisémitisme ni leurs origines fascistes, tout est bon pour une «dé-soviétisation» de l’Ukraine, y compris un rapprochement avec une UE impuissante, prête à tous les compromis mais trop heureuse de pouvoir jouer le rôle très subalterne quoique déstabilisant de "miroir aux alouettes".

La guerre des corrompus est-ouest n'en est qu'à ses débuts et il ne faut sans doute pas compter sur Poutine pour éprouver une quelconque bienveillance à l'égard de l'Europe et des USA qui, sans en avoir les moyens, lorgnent jusqu'à en loucher sur les positions géostratégiques de la fédération de Russie.
Pour sortir de l'impasse, encore faudrait-il que les dirigeants, de part et d'autre de l'Ukraine, fassent l’effort de se parler et renoncent à leurs prétentions. Mission impossible ?...

L'analyse de Jacques Sapir vaut mise au point :

ukraine

  • Le mouvement de contestation du pouvoir du Président Ianoukovitch, mouvement dont la base était une révolte contre la corruption bien plus qu’une volonté d’adhésion à l’union Européenne, a été débordé par des éléments ultra-nationalistes, dont certains appartiennent à des groupuscules fascisants. Ces éléments ont délibérément cherché l’affrontement, en tirant sur les forces de sécurité, faisant prendre des risques inconsidérés aux autres manifestants qui étaient pris en otage. Ces militants portent une large part de responsabilité dans les morts de la place Maidan. Leur nombre oscille entre 10000 et 20000 ; ils étaient minoritaires dans le mouvement de protestation, mais ils sont devenus politiquement dominants au fur et à mesure que la situation se dégradait et que montait la violence des affrontements. Ce sont eux qui ont cherché à prendre d’assaut le Parlement, provoquant la réaction des forces de sécurité, et déclenchant la séquence des événements qui a conduit à la fuite de Ianoukovitch.

  • Il faut ici rappeler que le Président et le Parlement ont été régulièrement élus. Mais, ces élections (2010) avaient permis de mesurer combien la politique ukrainienne était marquée par une division entre des populations russes (et russophones) regroupées à l’est du pays et des population ukrainophonnes, dont une partie habite les régions qui, avant 1914, étaient soit dans l’empire Austro-Hongrois soit étaient en Pologne. L’Ukraine est un pays neuf, dont l’existence est fragilisée par ces divisions. Ces dernières ont été renforcées par les évolutions économiques de ces dix dernières années, qui ont vu les relations avec la Russie se développer rapidement. L’Ukraine de l’Est, russophone, vit mieux que l’Ukraine de l’Ouest. Pour cette dernière, l’Union européenne représente un pôle d’attraction important, même s’il est probablement imaginaire compte tenu de la situation économique actuelle de l’UE.

  • Le pouvoir légal a lui aussi une part de responsabilité dans ces événements tragiques, que ce soit par un usage disproportionné de la force au début des manifestations, ou par ses hésitations par la suite qui ont démoralisé une bonne part de ses soutiens. Il a été incapable de s’opposer à une logique minoritaire, qui s’est exprimée même au Parlement lors du vote, au début du mois de février de la loi supprimant le statut de langue officielle au Russe (à côté de l’Ukrainien). Ce vote apparaît aujourd’hui comme un tournant symbolique car il a fait basculer l’affrontement d’une logique de lutte pour la démocratie et contre la corruption à une logique nationaliste-ethniciste. Les populations tant russes que russophones des régions de l’Est de l’Ukraine et de la Crimée n’ont pu qu’être légitimement inquiètes de la rupture du pacte sur lequel était fondé l’Ukraine indépendante depuis 1991.

  • Mais, l’opposition légale a aussi une part de responsabilité en particulier dans son incapacité à faire respecter les accords signés avec le Président. Elle s’est laissée déborder par les groupes ultra-nationalistes et n’a pu ni su les reprendre en main. Elle s’est aussi bercée d’illusion sur le soutien que les pays de l’Union européenne pourraient lui apporter.

  • À la suite des événements tragiques de fin février s’est donc mis en place un pouvoir de fait à Kiev, provoquant un effondrement de la légitimité de l’État ukrainien. La dissolution d’unités de la police, qui n’avaient fait qu’obéir aux ordres, a provoqué une profonde inquiétude dans les régions de l’Est. Ce à quoi on assiste depuis le 28 février, soit la prise du pouvoir par des groupes pro-russes en Crimée, à Kharkov, à Donetsk et même à Odessa, n’est que la suite logique du basculement d’une lutte pour la démocratie et contre la corruption vers un affrontement ethnique. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’intervention militaire de la Russie qui est en cours. Il faut ici ajouter qu’il y a en Ukraine pas moins de 17 réacteurs nucléaires et de nombreux centres de stockage de matériaux fissiles, ce qui représente un autre danger pour la sécurité de la région toute entière.

  • Personne, dans ces conditions, n’a intérêt, sauf les groupes extrémistes, à une partition de l’Ukraine. Ce n’est pas dans l’intérêt de la Russie, qui certes y gagnerait ce qu’elle possède de facto déjà, soit l’industrie ukrainienne, mais qui verrait alors se profiler une longue période d’affrontements avec l’UE et les États-Unis. Ce n’est pas non plus l’intérêt de l’UE, car il lui faudrait porter littéralement à bout de bras l’Ukraine occidentale (et la moitié de la population). Le coût économique serait élevé dans une situation où plus personne ne veut payer pour autrui. Il serait aussi répété sur de nombreuses années, car l’on voit mal comment la situation de l’Ukraine occidentale pourrait s’améliorer à court terme. Les conséquences financières seraient aussi importantes, car les banques européennes, et en particulier autrichiennes, sont lourdement exposées au risque ukrainien. De plus, l’UE pourrait être tenue pour responsable de la situation en Ukraine centrale et occidentale et, avec la montée rapide d’un désenchantement qui n’est hélas que trop probable, elle devrait affronter la montée de sentiments pro-russes dans cette population.

  • Il faut donc aujourd’hui que les dirigeants de l’UE et les dirigeants russes se rencontrent d’urgence et établissent une feuille de route pour une fédéralisation de l’Ukraine, mais maintenant son intégrité territoriale. Des garanties doivent être apportées à la population russophone, et les groupes ultra-nationalistes doivent être d’urgence désarmés et réduits à l’impuissance. L’Ukraine peut vivre comme une Nation souveraine, mais à la condition de trouver les formes de son intégration économique. Or, aujourd’hui, seule la Russie et l’union eurasienne sont en mesure de fournir un véritable moteur au développement du pays. L’Union Européenne doit cesser de penser que la Russie financera une Ukraine hostile. La Russie doit pour sa part comprendre le tropisme politique et culturel vers l’Europe d’une partie de la population ukrainienne. Les conditions d’un accord permettant au pays de retrouver sa stabilité sont possibles. Elles correspondent aux intérêts tant de l’UE que de la Russie. Il faut espérer que l’idéologie de l’affrontement ne l’emportera pas et que la raison triomphera.

24/02/2014

Asile, contre-propositions au rapport Létard-Touraine

Recommandations de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) pour une réforme d’envergure

Contre-propositions de la CFDA, dont la LDH est membre, au rapport des parlementaires Létard et Touraine.
Reporté à plusieurs reprises, le projet de réforme législative de l’asile devrait être présenté par le gouvernement au mois d’avril 2014 et examiné au parlement à la rentrée.

Asile, contre-propositions

Pour le ministre de l’intérieur, selon lequel « notre politique de l’asile a atteint ses limites », la réforme est censée apporter des « garanties nouvelles aux demandeurs d’asile en renforçant l’efficacité des procédures, l’accès au système d’accueil et d’hébergement sur le territoire, et l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale ».

Le rapport parlementaire Létard-Touraine sur la réforme du droit d’asile, remis au ministre de l’intérieur le 28/11/13, donne les principales orientations de la réforme à venir.

Si les organisations membres de la CFDA s’accordent sur la nécessité de repenser la procédure d’asile, elles ne partagent ni les préconisations présentées dans le rapport ni les postulats et les analyses qui les sous-tendent. C’est pourquoi elles ont élaboré ce document, intitulé Recommandations de la CFDA pour une réforme d’envergure, conçu essentiellement à partir des 7 préconisations énoncées dans la synthèse du rapport des parlementaires (lire rapport pp.75 à 79). Ces recommandations, qui font ainsi, en quelque sorte, office de contre-rapport, se situent dans la droite ligne des propositions de la CFDA en matière de droit d’asile, réactualisées en février 2013. Recommandations, 13 février 2013, « Conditions minimales pour que l’asile soit un droit réel ».

Pour que priorité soit donnée à la protection des personnes en danger dans leur pays plutôt qu’à la multiplication des préjugés et des obstacles, c’est sans surprise que la CFDA appelle à une politique de rupture par rapport aux politiques menées ces dernières décennies, fondée sur :
- un renversement de logique, en passant d’une vision de police des étrangers assise sur le contrôle et la dissuasion à une logique de protection des personnes sollicitant l’asile, dans le respect du droit international, à l’exclusion de toute considération relative à la gestion de l’immigration ;
- une simplification réelle de la procédure d’asile dans l’intérêt exclusif des demandeurs d’asile ;
- un renforcement des garanties tout au long de la procédure de façon à la rendre satisfaisante et équitable.

Télécharger les
Recommandations de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) pour une réforme d’envergure

18/02/2014

Affaire Ben Barka (suite)

Affaire Ben Barka : après les blocages, on s’attaque à l’avocat de la famille

Ben Barka, maroc

Communiqué commun cosigné par la LDH
Nous, associations et organisations signataires, sommes scandalisées d’apprendre que l’avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin, sera jugé le 18 février à Lille pour « violation du secret professionnel ».

Force est de constater qu’au lieu d’agir dans le sens de la levée des blocages pour favoriser la manifestation de la vérité sur le sort de la disparition de Mehdi Ben Barka, les autorités judiciaires françaises n’ont mieux trouvé que de poursuivre en justice le plus ancien avocat de la famille Ben Barka qui prend en charge l’affaire depuis 50 ans. Elles reprochent à Me Maurice Buttin d’avoir divulgué des secrets de l’instruction à propos des mandats d’arrêt internationaux lancés contre les sécuritaires marocains en 2007*.

Cette plainte fait curieusement suite à celle de Miloud Tounsi, concerné par ces mandats d’arrêt, contre le journaliste Joseph Tual, spécialiste de l’affaire. Ce procès a, rappelons-le, été perdu par Miloud Tounsi.

Au moment où les blocages politiques continuent d’empêcher la justice de progresser dans l’établissement de la vérité, les autorités judiciaires françaises s’en prennent scandaleusement à l’avocat de la famille de la victime.

Par ces procédés d’intimidation, on tente vainement d’empêcher la famille Ben Barka et son avocat de poursuivre ce travail acharné, entamé il y a presque 50 ans, et de rechercher la vérité quant aux circonstances exactes de la disparation du leader marocain. Cela confirme malheureusement la volonté de poursuivre la même politique de complaisance et de complicité avec les autorités marocaines pour que rien ne soit dévoilé sur ce crime abominable commis au cœur de Paris.

Les associations et les organisations signataires dénoncent ces procédés et réaffirment leur soutien à Maître Buttin et à la famille Ben Barka. Elles considèrent que rien ne pourra arrêter le combat engagé pour que triomphent la vérité et la justice.

* Les cinq personnes visées par ce mandat d’arrêt international sont le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, Abdelkader Kadiri, ancien patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, l’un des membres présumés du commando marocain qui aurait enlevé Ben Barka, Boubker Hassouni, infirmier et agent du Cab 1, une des unités des services marocains ultrasecrète, et Abdelhaq Achaachi, également agent du Cab 1.

Paris, le 13 février 2014

Organisations Institut Mehdi Ben Barka-Mémoire Vivante, ASDHOM, AMBDH, AMF, ATMF, FMVJ-France, APADM, FEMED, CRLDHT, Vérité et Justice pour Farhat Hached, LDH, FIDH, PG, Elghorba, FORSEM, AMDH-Paris, PADS-Maroc, Voie Démocratique-Région Europe, Solidarité Maroc 05, Assemblée des Citoyens-Maroc, AMDH-Nord France, AMRVT-Maroc, Al Wasl, CEDETIM/IPAM, MRAP, EMCEMO-Pays Bas, Maroc Solidarités Citoyennes, ADTF, Parti des Travailleurs de Tunisie, Ailes-Femmes du Maroc, UTIT, Une Autre Voix Juive, LMCDH-Maroc, PCF, Ensemble !, Manifeste des Libertés, LO, Fondation FRANTZ FANON

11/02/2014

«Fermer les frontières est inefficace et coûteux»

Présentation intéressante mais qui, dans le contexte de la dernière votation suisse, ne tient pas compte des différentes formes de migration. Difficile en effet de mettre sur le même plan les travailleurs frontaliers résidents en France ou en Allemagne ; les travailleurs détachés embauchés à bas coût par des entreprises européennes en général peu versées dans l'acte philanthropique (!); les migrants économiques venus d’Afrique, du Moyen-Orient et d’ailleurs.

Par ailleurs, il semble bien que les remous de cette votation suisse n’auraient pas l’écho qu’on lui prête si les «frontaliers» n’étaient pas concernés.

Mais Catherine Wihtol de Wenden connaît bien ce sujet et l’aborde comme toujours, sans affect. Ce qui peut déranger !.


Et si les Suisses, en cherchant à limiter l'immigration, agissaient contre leurs intérêts ? Dans son livre "Faut-il ouvrir les frontières?", la chercheuse Catherine Wihtol de Wenden explique pourquoi les politiques de renforcement des contrôles aux frontières sont contre-productives.

migration,frontex

À l’heure où les Suisses veulent limiter l’immigration des ressortissants de l’Union européenne et où la Grande-Bretagne envisage de plafonner les entrées d’Européens de l’Est, une meilleure compréhension des mécanismes migratoires internationaux est indispensable. C’est à cette remise à plat que s’emploie Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des questions d’immigration en France et dans le monde.

Dans son livre Faut-il ouvrir les frontières ? publié aux Presses de SciencesPo, la directrice de recherche du CNRS au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) rappelle que le renforcement des contrôles aux frontières est non seulement inefficace mais aussi coûteux. Inefficace car la multiplication des barrières et des législations répressives n’a jamais empêché quiconque de migrer. Tout juste les personnes désireuses de quitter leur pays, quelles qu’en soient les raisons, prendront plus de risques pour parvenir à leurs fins.

Ces politiques sont par ailleurs coûteuses, humainement, tout d’abord, comme en témoignent les drames à répétition aux abords de Lampedusa. Mais aussi économiquement : l’auteur liste les millions d’euros utilisés par les pays d’accueil pour les reconduites à la frontière (de l’interpellation des sans-papiers aux expulsions en passant par l’enfermement dans des centres de rétention) et la surveillance des frontières extérieures de l’UE via Frontex notamment. Elle constate que le faible rythme des régularisations, en particulier de déboutés du droit d’asile pourtant non expulsables, représente un manque à gagner pour les finances publiques.

Catherine Wihtol de Wenden estime enfin que ces politiques sont contre-productives. À court terme, elles peuvent apparaître aux responsables politiques comme la réponse adéquate aux interrogations d’opinions publiques tentées par le repli sur soi, mais à long terme, estime-t-elle, elles mettent en péril les économies du vieux continent, vouées à péricliter sans l’apport de main-d’œuvre étrangère. Anticipant les critiques qui pourraient lui être adressées, elle explique pourquoi les systèmes de protection sociale n'en pâtiraient pas, malgré les idées reçues.

Pour finir de convaincre les lecteurs réticents à l'idée d'une ouverture des frontières, la chercheuse propose d'inverser la logique, en appelant les États à considérer que la liberté de circulation des personnes est un droit universel, tout en leur laissant la possibilité de restreindre l'entrée sur leur territoire. Ni plaidoyer ultra-libéral (au sens où toute frontière serait un frein à l'enrichissement capitalistique), ni «angéliste» (selon l'une des expressions favorites de la droite pour désigner les politiques migratoires et sécuritaires de la gauche), ce livre se veut une alternative pragmatique, fondée sur le droit international et les intérêts bien compris de chacun.

Carine Fouteau

05/02/2014

Qui fait et défait la loi dans la République ?

D’usurpation en triangulation, les défilants de «jour de colère» autant que ceux de la «manif pour tous» en viennent à utiliser les slogans de mai 68 (ici  ou ) qu’ils récusent pourtant, et notamment celui réclamant l’impossible au nom d’un réalisme de circonstance ! !?

Manif pour tous, jour de colère, triangulation
Madrid, au jour le jour

Tout débat reste en effet impossible tant que le sens de tout argument est éteint sous un flot d’inepties et de mauvaise foi partagées au nom de la survie d’un capitalisme à œillères en guise de bonnet d’âne.

«La colère des imbéciles m'a toujours rempli de tristesse, mais aujourd'hui elle m'épouvanterait plutôt (notait Georges Bernanos en 1938). Le monde entier retentit de cette colère. Que voulez-vous ? Ils ne demandaient pas mieux que de ne rien comprendre, et même ils se mettaient à plusieurs pour ça…» Cette réflexion est à transcrire au présent.



Communiqué LDH ...

Ainsi donc, la « Manif pour tous les intégristes » a gagné. La promesse faite en 2012, les amendements présentés par les députés socialistes lors de la loi sur le mariage instituant l’égalité d’accès à la PMA, l’engagement qui leur avait été fait que ce que l’on bloquait alors serait repris en 2014 dans la loi sur la famille… Tout cela est passé à la trappe.

Comme il y a dix ans, le ministre de l’Intérieur est Premier ministre, ministre de la Famille, ministre de la Justice, auto-investi du pouvoir de définir le « destin » des Roms, des étrangers, des homosexuels, de déclencher des censures a priori, etc.

Ainsi donc, le reste du gouvernement ne sert à rien. Le Parlement ne sert à rien. Les associations porteuses d’égalité des droits, la « société civile », dont on nous rebat les oreilles quand cela peut servir la communication électoraliste, tous ceux qui connaissent l’état réel de la société quant aux rapports familiaux, aux droits et à l’intérêt réel des enfants, eux non plus ne servent à rien.

Quel gâchis démocratique ! Aujourd’hui comme hier, le mélange d’astuce et d’inaction est un double message que ses auteurs ne sont pas en état de maîtriser. Aux manifestants d’extrême droite et de droite extrême, que l’on croit naïvement « apaiser », on montre « ce qui paie » : à quand les mobilisations des « familles » sur la « fin de vie », contre l’avortement, pour une Europe à la Mariano Rajoy ? Et message non moins redoutable, pour toutes celles et tous ceux qui avaient entendu « le changement, c’est maintenant » : citoyens électeurs qui vous imaginiez souverains, députés qui vous imaginiez législateurs, voyez comme le vrai pouvoir, qui est ailleurs, est capable de faire très vite ce qu’il n’avait pas dit, et d’oublier très vite de faire ce qu’il avait promis.

Avec cette combinaison d’impuissance et de reculade face aux forces les plus régressives, avec une forme d’autoritarisme face au Parlement et un mépris des engagements pris, c’est l’effectivité de la démocratie qui est gravement compromise. Et l’on peut craindre que ceux qui ont fait ce pas de clerc ne soient pas les seuls à en payer le prix.

La Ligue des droits de l’Homme, solidaire de tous ceux et toutes celles qui continuent à faire avancer l’égalité des droits, appelle les citoyennes et les citoyens à continuer à construire ensemble un avenir qui n’est ni dans le rétroviseur ni dans l’immobilisme.

Paris, le 4 février 2014

03/02/2014

"La manip' pour tous"

Par Pascal Maillard

Dans une chronique de ce jour, Hubert Huertas fait l'hypothèse d'un "pourrissement" de la "Manif pour tous" et d'une "démobilisation accompagnée de la radicalisation de petits groupes morcelés". Tout au contraire, j'estime que ce mouvement populaire, lié à "Jour de colère" et à bien d'autres branches de la fachosphère, constitue une lame de fond, puissante, durable, insidieuse. 
Un nouveau clérico-fascisme se développe en France, soluble dans le dieudonnisme, et qui se diffuse dans toutes les couches de la société, de la bonne bourgeoisie catholique aux classes sociales les plus défavorisées, prospérant particulièrement dans les quartiers pauvres des banlieues et se nourrissant de la misère matérielle et morale. Nous savons que c'est dans toute l'Europe que la peste brune reprend du poil de la bête, nourrie et renforcée par les politiques qui y sont conduites. La première cause du développement exponentiel des droites extrêmes est bien.
manip pour tous,
Théodore GERICAULT,
Étude de pieds et de main,1817-1819
Musée Fabre, Montpellier
Cela fait au moins un an que l'on peut observer comment ce milieu protéiforme se déploie sur la toile, emploie habilement les réseaux sociaux et noyaute les commentaires de tous les sites. Même Mediapart est envahi par plusieurs centaines d'abonnés hyperactifs et appartenant à cette fachosphère. L'efficacité de cette pieuvre sous-Marine repose sur un art consommé de la manipulation, qui s'est revélé redoutable à l'occasion du mouvement "Jour de colère" que les pouvoirs publics semblent bien impuissants à juguler.
Le site Vigi-gender, d'un professionalisme exceptionnel, et une large campagne de "mailing" aux parents d'élèves, auront permis d'assoir durablement un travail de sape orienté vers l'Education nationale, la communauté enseignante et les recherches en sociologie. Les relais dieudonnesque et soraliens auront fait le reste. A cet égard, il est intéressant de lire l'entretien que Farida Belghoul a donné au site d'information franco-turc Zaman-France. Les commentaires sont éloquents, de même qu'une vidéo qu'on y trouve postée (ici sur Youtube).
Cette vidéo témoigne d'une attaque contre la sociologie à partir d'une conception strictement biologiste et génétique de la sexualité. Une attaque délibérée contre tous les féminismes et les associations LGBT. Une attaque contre tous les homosexuels. Une attaque aussi contre l’Éducation nationale et les services publics. A écouter cette professeure de biologie, on a la conviction que ces très excellents manipulateurs voudraient nous faire retourner un siècle en arrière. N'aurait-elle paspeur de l'égalité entre les sexes? Ce qui est certain, c'est que cette campagne perverse est directement homophobe. Elle se développe avec des relais enseignants dans les écoles, les collèges, les lycées et les universités.
Elle ment sciemment et va jusqu'à produire de faux documents. La plus grande vigilance s'impose de la maternelle à l'université.Mais ce qu'il convient de souligner aussi, c'est que cette campagne a des soubassements antisémites. Peu semblent avoir aperçu que l'extrême-droite catholique fait cause commune avec les islamistes les plus radicaux, sur fond d'homophobie et d'antisémitisme. La supposée "théorie du genre" (elle n'existe pas, rappelons-le) serait, selon quelques dangereux idéologues, "le fruit de lesbiennes juives américaines". Où trouve-t-on cette thèse antisémite? Sur un site catholique (ici) et sur le site salafiste Al-Imane (c'est ). La même vidéo. La conférence de Claude Timmerman, un ingénieur qui se fait passer pour un scientifique alors qu'il ne professe que des insanités, circule sur les sites royalistes, catholiques intégristes, dieudonnistes, islamistes, de droite extrême, etc. Il est très facile de la retrouver. Les thèses de Timmerman et des catholiques anti-gender ont leur pendant dans les discours que tiennent aujourd'hui certains imams. Il faut entendre et analyser l'intégralité de ce prêche d'un imam toulousain. Il y a une urgence à saisir et alerter toutes les autorités religieuses, catholiques et musulmanes en priorité, afin qu'elles rappellent à leurs cadres religieux et à leur fidèles, le respect de l'Etat, les lois de la République et les règles du vivre ensemble.
Combattre l'extrême-droite est désormais inséparable d'une vigoureuse dénonciation de ces illuminés, catholiques intégristes ou réactionnaires, qui ont réussi à faire la jonction avec certains milieux  islamistes. Il y a un énorme travail d'analyse et d'explication à produire pour contrer leurs insinuations et leurs mensonges qui surfent sur l'homophobie ordinaire et visent à la renforcer. La contre-offensive face à ces extrémistes incultes mais bien organisés, doit être conduite dans tous les lieux où ils manipulent l'opinion et diffusent leur venin. C'est-à-dire partout, dans les lieux d'éducation et de culture, dans les établissements scolaires, publics et privés, dans les quartiers populaires surtout, où ils font des ravages.
Et ici même, sur Mediapart, comme sur tous les sites où ils s'infiltrent et propèrent. Je profite de ce billet pour reproduire l'Appel de Strasbourg, déjà signé par une centaine d'universitaires, relayé par de nombreux journaux (ici, ou ), et qui sera mis à la pétition dans les jours qui viennent. Ce texte rétablit la vérité et gagnerait à être largement diffusé. Le combat pour l'égalité doit être conduit avec des outils d'information et d'explication efficaces, avec un souci de pédagogie, mais sans aucune concession pour les manipulateurs de tous poils.
Il est temps de comprendre et de faire comprendre que "La manif pour tous", c'est "LA MANIP POUR TOUS"! Merci de faire passer le message. Pascal Maillard 
 
PS : Ce billet constitue la reprise de plusieurs commentaires publiés sur le fil de discussion de cette chronique de Hubert Huertas.

Simone de Beauvoir, manip pour tousPOUR EN FINIR AVEC LES IDÉES REÇUES.
LES ÉTUDES DE GENRE, LA RECHERCHE ET L’ÉDUCATION : LA BONNE RENCONTRE

Des enseignants et chercheurs de l’Université de Strasbourg réagissent.Depuis quelques jours, les élèves et les parents d’élèves sont harcelés de mails et de SMS provenant d’associations extrémistes qui propagent la rumeur selon laquelle, parce que « le genre » est introduit dans les programmes scolaires, leurs enfants seraient en danger à l’école. Non seulement cette manœuvre de déstabilisation des parents est révoltante (les enfants ont été privés d’école) mais de plus cette rumeur est totalement mensongère.
NON, les enfants ne sont pas en danger. Non, il n’y aura pas de projection de films « sexuels » à l’école, et les garçons ne seront pas transformés en filles (et inversement).
NON, la prétendue « théorie du genre » n’existe pas. Le genre est simplement un concept pour penser des réalités objectives. On n’est pas homme ou femme de la même manière au moyen-­âge et aujourd’hui. On n’est pas homme ou femme de la même manière en Afrique, en Asie, dans le monde arabe, en Suède, en France ou en Italie. On n’est pas homme ou femme de la même manière selon qu’on est cadre ou ouvrier. Le genre est un outil que les scientifiques utilisent pour penser et analyser ces différences.
OUI, les programmes scolaires invitent à réfléchir sur les stéréotypes de sexe, car l’école, le collège, le lycée sont le lieu où les enseignants promeuvent l’égalité et le respect mutuel, où les enfants apprennent le respect des différences (culturelle, sexuelle, religieuse).
OUI, l’école est le lieu où l’on permet à chacun, par les cours de français, d’histoire, de SVT, d’éducation civique, d’éducation physique, de réfléchir sur les conséquences néfastes des idées reçues et d’interroger certains préjugés, ceux qui ont fait que pendant des siècles un protestant ne se mariait pas avec une catholique, ceux qui font que l’on insulte encore aujourd’hui une ministre à cause de sa couleur de peau, ceux qui font que des petits garçons sont malmenés aux cris de « pédés » dans la cour de l’école, ceux qui font que Matteo n’osera jamais dire qu’il est élevé et aimé par deux mamans, ceux qui font qu’Alice veut mourir car on la traite de garçon manqué, ceux qui créent la haine et la discorde.
Les études de genre recouvrent un champ scientifique soutenu par le Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et le CNRS, et elles ont des utilités nombreuses dans l’éducation et la lutte contre les discriminations : ces études et ces travaux existent à l’université depuis longtemps.
L’Académie de Strasbourg organise une journée de formation continue sur cette question, à destination des professeurs d’histoire géographie et, à l’Université de Strasbourg, un cours d’histoire des femmes et du genre est proposé dans la licence de Sciences historiques, tout comme, par exemple, plusieurs cours de sociologie, de sciences de l’éducation, d’anthropologie portent sur le genre. Des séances de sensibilisation aux questions d’égalité entre les sexes sont intégrées dans le parcours de formation des enseignants du primaire et du secondaire.
«Vati liest die Zeitung im Wohnzimmer. Mutti ist in der Küche.» (Papa lit le journal dans le salon, Maman est dans la cuisine). Voilà comment les petits Alsaciens apprenaient l’allemand, à travers les aventures de Rolf et Gisela, dans les années 1980.Réfléchir sur le genre, c'est réfléchir sur les effets de ce type de messages.
En permettant aux élèves de se demander pourquoi les princesses ne pourraient pas aussi sauver les princes, en montrant que, selon les lieux et les époques, les rôles des hommes et des femmes ont varié et que l’amour a des formes multiples, les chercheurs, les enseignants et les professeurs des écoles permettent aux enfants, citoyens et citoyennes de demain, de construire un monde plus égalitaire et plus harmonieux.
 
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30/01/2014

Le genre à l'école et hors l'école

Une suite au sketch "Dieudonné" où l’on assiste à une offensive faussement naïve et dont l’organisation a minutieusement été programmée, capable de revêtir des apparences légales et visant des populations économiquement et culturellement fragilisées, manipulables et sensibles aux mots d’ordre et théories négationnistes, complotistes, racistes ou xénophobes. Son but consiste manifestement à cristalliser, gonfler les effectifs de l’extrême droite non plus tant autour d'un bouc-émissaire «classique» que par la désignation d’un ennemie imaginaire. Lire aussi

Genre, école
Flatteur, le sexisme ?

Face aux mensonges de l’extrême droite, le gouvernement doit soutenir les ABCD de l’égalité - Communiqué LDH

Des activistes d’extrême droite ont lancé une action nationale pour l’interdiction de l’étude du genre à l’école. Cette campagne est basée sur un mensonge. En effet, les programmes scolaires et notamment les ABCD de l’égalité contiennent, conformément au Code de l’éducation, des éléments pédagogiques combattant les archétypes sexistes et promouvant l’égalité entre les sexes.

L’école, et c’est son rôle, enseigne le refus des discriminations, l’égalité entre les filles et les garçons, la liberté de construire l’esprit critique et l’intelligence par l’accès au savoir. C’est cette dimension d’égalité qui agresse une extrême droite familialiste, dont le modèle de société est de remettre les femmes « à leur place », à la maison ; de propager auprès des parents la peur d’une société sans préjugés et sans discriminations.

En appelant à boycotter l’école sur la base du mensonge et de la désinformation, en provoquant la censure d’un livre publié par le Centre national de documentation pédagogique, sous l’autorité du ministère de l’Éducation nationale lors du Salon de l’éducation, cette extrême droite familialiste entend peser sur les publications, les programmes ou encore la fréquentation scolaire.

Ces prétentions sont à prendre au sérieux et doivent être combattues énergiquement. L’école doit pouvoir poursuivre son travail pour la compréhension et l’éducation des rapports entre les hommes et les femmes, entre masculin et féminin, avec leur dimension d’inégalité, dont on sait qu’elle est grande. Leur « loi de la nature », c’est la loi du plus fort : alors que l’égalité se construit, s’apprend, comme la démocratie.

C’est pourquoi nous en appelons à la vigilance de tous les citoyens et citoyennes, face à des tentatives d’immixtion rétrogrades dans le système scolaire et de retour à l’ordre moral.

Paris, le 29 janvier 2014

29/01/2014

Les étrangers antifascistes à Marseille

Autour de Gilberto Bosques Saldivar
Un recueil de documents et de témoignages inédits sur la résistance au fascisme et au nazisme en Provence pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les étrangers antifascistes, antinazis et républicains chassés de leur pays par les dictatures, furent très nombreux en Provence et à Marseille.

Etrangers antifascistes à Marseille, Bosques Saldivar

Parmi eux il en est qui ont mené combat contre le fascisme et le nazisme sur le sol méridional, jouant un rôle non négligeable dans la lutte contre l'occupant.
Tous ont trouvé en Gilberto Bosques Saldivar (1892-1995), consul du Mexique en France et vétéran de la révolution mexicaine, un appui indéfectible. L'ouvrage, qui fait suite à une journée organisée le 11 octobre 2013 aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (dans le cadre du colloque "La culture de l'Europe en exil, Marseille, 1940-1944"), présente quatre cas emblématiques, au travers de témoignages.

  • Tout d'abord, celui de la jeune résistante autrichienne Mélanie Berger (née en 1921) qui, avec son groupe, œuvrait à la démoralisation des troupes allemandes. Arrêtée par la police de Vichy, lourdement condamnée par les juridictions d'exception de l’État français, incarcérée dans la prison des Baumettes, elle parvint toutefois à s'évader et à reprendre le combat.
  • Les mineurs espagnols de Meyreuil offrent un autre exemple d'engagement.Ces immigrés républicains faisaient partie du 6e GTE (groupe de travailleurs étrangers), structure crée par l’État français dans un but répressif et pour pallier au manque de main-d’œuvre. Ils s'organisèrent pour survivre, mais aussi, clandestinement, pour mener grèves et actions collectives. Leurs enfants, qui ont effectué un important travail de collecte de témoignages et de documents, évoquent ici leur vie à Meyreuil.
  • Le jeune communiste italien Giuliano Pajetta fut parmi les bénéficiaires d'un visa délivré par le consul du Mexique. Mais il choisit de ne pas partir pour les Amériques, s'évada du camp des Milles, relança l'action de son parti en Provence. Combattant en Italie, déporté à Mauthausen, il échappa à la mort. Sa fille Elvira, retrace son itinéraire de résistant, en Espagne, en France et dans son pays natal.
  • Une part importante de l'ouvrage est consacrée à Gilberto Bosques Saldivar, consul général du Mexique à Marseille et à son rôle essentiel dans le sauvetage de centaines de républicains espagnols, de combattants des brigades internationales et "d'indésirables", qu'il a pu faire partir pour le Mexique. Les deux filles du consul Bosques, Laura et Maria-Teresa, portent témoignage de son action, mais aussi de leur enfance à Marseille.
    Enfin, Gérard Malgat, auteur d'un important ouvrage sur Gilberto Bosques, apporte l'éclairage du biographe.

L'auteur : Robert Mencherini est historien spécialiste de l'histoire du monde et du mouvement ouvriers et participe à plusieurs équipes de recherche régionales et nationales. Il a coordonné l'écriture de cet ouvrage. Lequel fait suite à la Journée organisée par l'association PROMEMO avec le soutien du CG 13, de l'Office national des Anciens combattants - Victimes de Guerre des BdR (ONAC-VG), de l'Ambassade du Mexique en France, en partenariat avec l'association des Amis du Musée virtuel de la Résistance en PACA (MUREL), de l'association des anciens combattants de la Résistance (ANACR Marseille), de l'association Solidarité Provence Amérique du Sud (ASPAS) et des enfants de Républicains espagnols de Meyreuil.
L'ouvrage est actuellement en souscription (jusqu’au 4 mars) aux éditions Gaussen à Marseille.

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15/01/2014

L'UFAL a tort de s'inquiéter

L'Union des Familles Laïques a tort de s'inquiéter. François Hollande ne tiendra pas plus les promesses qu'il a faites au MEDEF que celles qu'il a faites avant 2012. C'est du moins ce qu'il faut espérer.

Conférence de presse 2014, MedefLes facultés du visiteur de la rue du Cirque, ont-elles
été amoindries par le bruit d'une "rumeur" sociale-libérale courant à son encontre ?

Le Président de la République François Hollande vient d’annoncer le contenu du pacte de responsabilité qu’il entend mettre en œuvre dans le cadre de sa politique de l’emploi. Il prévoit de supprimer à l’horizon 2017 la cotisation patronale d’allocations familiales, soit l’équivalent de 35 milliards d’euros qui financent actuellement la branche famille de la Sécurité sociale.

De la sorte, François Hollande fait renaître le projet de l’ancien Président Sarkozy qui avait créé la TVA sociale afin de compenser intégralement la baisse des cotisations familiales à travers une ponction injuste sur le revenu de consommation des familles. Le gouvernement Ayrault avait pourtant décidé d’abroger in extremis cette mesure inique lors de son arrivée au pouvoir. Or c’est la même politique anti-sociale dictée par la même idéologie néo-libérale que le gouvernement PS-EELV-PRG décide d’appliquer.

Pour l’UFAL cette décision sans précédent comporte des risques économiques et politiques considérables. Cet allègement de 35 milliards d’euros devra être compensé par un nouveau mouvement d’économies drastiques sur les dépenses sociales qui affecteront les familles déjà fortement fragilisées par la crise. De plus, une nouvelle augmentation des impôts et taxes sur la consommation ou sur les revenus du travail sera inévitable et aggravera durablement la crise actuelle dont les conséquences dramatiques se font sentir chaque jour. Mais surtout, en décidant d’appliquer une politique identique à celle de son prédécesseur de droite, François Hollande contribue à renforcer chez les classes populaires le malaise politique actuel et le sentiment de rejet de la classe politique qui se traduit par l’abstentionnisme et le vote anti-républicain d’extrême droite.

L’UFAL rappelle que la cotisation sociale (salariale ou patronale) est une part socialisée du salaire des travailleurs, prélevée directement sur la richesse créée par le travail. Ainsi, la cotisation patronale d’allocations familiales reconnaît et rémunère l’apport indispensable des familles à l’éducation des enfants et au renouvellement de la main-d’œuvre productive. À l’inverse, la suppression de la cotisation sociale familiale ne fera que renforcer l’emprise de la finance sur l’économie réelle et nourrit la ponction privée sur l’économie réelle. C’est pourquoi l’UFAL s’engage fermement aux côtés des salariés pour que cette part de leur salaire reste prélevée sur la richesse créée dans l’entreprise.

14/01/2014

Du symbole et du chiffre

Conférence de presse du jour .... Dispositions pour la culture .... RIEN !

Du symbole et du chiffre, par Nicolas Roméas

On a pu, ces derniers temps, lire et entendre un certain nombre de déclarations et autres articles de presse 1 dans lesquels des personnes sans doute bien intentionnées s'attachent à défendre ce qu'elles nomment la «culture», en mettant en avant son apport à l'économie nationale.

Du symbole et du chiffre
Via photomontage © Olivier Perrot

Outre le fait qu'une bonne part des éléments ainsi réunis et «valorisés» relève plus de l'industrie culturelle et d'un patrimoine souvent rentabilisé que de l'usage citoyen et vivant d'outils symboliques destinés à l'échange, cette utilisation du langage de l'adversaire pour prétendre défendre ce qui doit échapper à l'évaluation chiffrée est, selon moi, une faute majeure.

Ce n'est pas seulement une erreur fondamentale, c'est purement et simplement une abdication. Un renoncement au combat culturel qui consiste à défendre les valeurs symboliques portées par l'art et ce qu'on nomme «culture», face au règne de l'argent et la toute-puissance du chiffre à tous les niveaux de cette société. On comprend bien, sous la menace des poids lourds de la finance et leurs alliés, acharnés à détruire tout ce qui échappe à la loi du profit, ce qui motive ces argumentations.

Mais il faut rappeler une autre loi, universelle et intemporelle celle-là : lorsqu'on accepte les critères de l'adversaire, le combat est perdu d'avance.

Mesurer - pour en «justifier» la nécessité - la force du symbole avec les outils de l'évaluation quantitative et/ou financière, c'est admettre implicitement que l'on ne peut appréhender qu'avec des chiffres ce qui, pourtant, appartient à un univers non seulement très distinct, mais opposé. Repensons aux déclarations de Victor Hugo sur l'importance de la lecture et de l'éducation pour la santé morale d'un peuple. S'agissait-il de confondre le poids de l'économie avec la valeur des idées et de l'art ?

Le député Hugo sait de quoi il parle, il sait très bien que tout ce qu'il évoque n'est pas producteur de richesse matérielle, mais de valeur intellectuelle et morale. Il sait parfaitement que le coût de ces choses est sans rapport, sans commune mesure avec leur bénéfice humain. Le 10 novembre 1848, il déclare entre autres, devant l'Assemblée nationale : «Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies ; […] les maisons d'études, pour les enfants, les maisons de lecture […] ; tous les établissements, tous les asiles où l'on médite, où l’on s'instruit, où l’on se recueille, où l'on apprend quelque chose, où l'on devient meilleur, en un mot ; il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l'esprit du peuple, car c'est par les ténèbres qu'on le perd.»

Vous me direz : «c'était un autre temps !» Mais n'étions-nous pas censés avoir fait quelques progrès, depuis ce temps  ? Et dès la fin de la deuxième guerre mondiale, le grand mouvement de l'Éducation populaire nous a rappelé avec force qu'il s'agit là d'un moteur essentiel de la démocratie, d'un enjeu vraiment citoyen dans lequel non seulement il n'est pas question de rentabilité, mais que la rentabilité détruit à coup sûr.

La France, qui s'enorgueillit à juste titre d'avoir créé en 1959 le premier Ministère des affaires culturelles (avant qu'on y accole le honteux «communication») 2 est-elle encore capable de porter cette vision ?

Sans doute ne peut-on développer la vie culturelle et artistique d'un pays sans argent, mais ce qui importe ce sont les choix politiques, ce qui compte, c'est ce qu'on en fait ! Et ce que nous avons inventé de meilleur en la matière, et que nous devons défendre âprement : notre service public de l'art et de la culture, est aujourd'hui fragilisé par une Europe néolibérale qui impose le critère plus qu'absurde de «concurrence libre et non faussée». C'est contre cela qu'il faut lutter, c'est à ça qu'il faut s'opposer. Sinon, rien ne tiendra. Et nous pourrons toujours prouver la puissance économique des «activités culturelles», si nous ne savons plus nommer leur valeur symbolique, il ne sera plus question de contenu. Et il ne nous restera finalement plus qu'à défendre les pires industries «culturelles» : les plus rentables.

Théodore Adorno parlait ainsi de ce qu'il nommait l'industrie culturelle : «Dans toutes ses branches on confectionne plus ou moins selon un plan des produits qui seront étudiés pour la consommation des masses et qui déterminent par eux-mêmes dans une large mesure cette consommation.» Industrie dont il montre, dans la même conférence 3, qu'elle est issue d'un système fondé sur le profit : «Il ne faut pas en accuser ici une volonté consciente de ses promoteurs ; bien plutôt, il faudrait faire dériver le phénomène de l’économie, de la recherche de nouvelles possibilités de faire fructifier le capital dans les pays hautement industrialisés.»

Mêler indistinctement la valeur symbolique et le poids économique n'est pas seulement insensé, c'est profondément destructeur.

Faire dépendre l'importance de la «culture» de l'argent qu'elle génère ou qu'elle fait circuler, c'est lui faire perdre son sens propre. Cette confusion délétère anéantit ce qui résiste à l'évaluation chiffrée. Même si ce qu'on nomme «culture» ne rapportait pas un centime, ou au contraire beaucoup d'argent, ce n'est jamais à partir de ce critère qu'il faut juger de son utilité.

Nous parlons de l'univers du symbole. Ici, en les mesurant à l'aune de la quantité, on détruit la valeur des actes et des œuvres. Car ces mondes incompatibles se livrent une guerre sans merci, personne ne l'ignore plus. Tout peser avec la balance du chiffre revient à tuer le symbole. Et si la quantité l'emporte, l'esprit meurt, c'est-à-dire nous, humains pensant. Remettons les pendules à l'heure, il y a urgence !

Nicolas Roméas

www.horschamp.org

1- Le 3 janvier 2014 dans Le Monde : «57,8 milliards de richesse liée à la culture», le même jour dans La Tribune : «La culture contribue sept fois plus au PIB que l'industrie automobile».

2 - Comme le fait très bien remarquer la philosophe Marie-José Mondzain.

3 - Conférence pour l'université radiophonique internationale
1ère diffusion les 21 et 28 septembre 1963.

10/01/2014

Maurice Audin a-t-il été assassiné sur ordre ?

Durant la guerre d’Algérie, Maurice Audin, jeune mathématicien et militant communiste âgé de 25 ans, arrêté à son domicile, à Alger, le 11 juin 1957, par des militaires français, a disparu peu après alors qu’il se trouvait entre leurs mains. Depuis lors, son épouse, Josette Audin, le Comité Maurice Audin, présidé par Pierre Vidal-Naquet, et la Ligue des droits de l’Homme n’ont eu de cesse de demander aux autorités françaises qu’elles disent la vérité sur sa disparition.

Maurice Audin
Maurice Audin, esquisse d'Ernest PIGNON-ERNEST. Mars 2002

 

En mars 2012, suite à la publication par le Nouvel Observateur d’informations selon lesquelles ce serait le sous-lieutenant Gérard Garcet, chef d’état-major du général Massu, commandant la division parachutiste exerçant les fonctions de police à Alger, qui aurait mis fin à ses jours, la LDH a renouvelé publiquement sa demande.

Promises par le président de la République à Josette Audin dans la lettre qu’il lui avait adressée en décembre 2012, les archives qui lui ont été communiquées en février 2013 par le ministre de la Défense n’apportent aucun élément, aux dires des historiens qui les ont examinées, sur la disparition de son mari.

En revanche, le livre La Vérité sur la mort de Maurice Audin, où le journaliste et documentariste Jean-Charles Deniau publie les résultats de son enquête, avance des éléments nouveaux qui rendent indispensable que les autorités françaises disent enfin la vérité sur ces faits. D’après lui, l’ordre de tuer Maurice Audin a été donné au commandant Aussaresses par le général Massu, avec l’assentiment probable du ministre résident en Algérie, le socialiste SFIO Robert Lacoste, alors que le président du Conseil était depuis peu le membre du Parti radical, Maurice Bourgès-Maunoury. L’enquête confirme, par ailleurs, quant à l’exécuteur du crime, les informations publiées en mars 2012 par le Nouvel Observateur. L’objectif de cet assassinat étant de faire un exemple destiné à avertir et dissuader les communistes de soutenir la lutte d’indépendance algérienne.

L’assassinat de Maurice Audin, qui a frappé d’autant plus l’opinion publique qu’il s’agissait d’un jeune universitaire français, n’est qu’un exemple des tortures et exécutions sommaires infiniment plus nombreuses qui ont frappé des Algériens. Après d’autres travaux, ce livre montre comment, durant cette guerre, des autorités civiles et militaires françaises ont poussé des soldats à commettre en Algérie des actes qui ont été définis par des textes internationaux au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale comme des violations graves des droits de l’homme. Comme en ont témoigné le général Pâris de Bollardière ou le secrétaire général de la police d’Alger, Paul Teitgen, qui a démissionné en 1957 parce qu’il refusait d’en être complice, l’illégalité et l’irresponsabilité ne pouvaient conduire qu’à des crimes de guerre.

Pour la Ligue des droits de l’Homme, il est plus que temps, un demi-siècle après ces faits, que les plus hautes autorités de la République française, comme les différentes institutions de la société, le reconnaissent.

Communiqué LDH - Paris, le 9 janvier 2014

07/01/2014

Victor Basch

Fondateur de la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme pendant l’affaire Dreyfus (André Hélard, spécialiste de l’affaire Dreyfus, évoque son rôle éminent dans unevidéo mise en ligne ici), président de la Ligue des droits de l’Homme de 1926 jusqu’à son assassinat par la milice en 1944, Victor Basch est une des grandes figures non seulement de la Ligue des droits de l’Homme, mais simplement de l’Histoire de France. En dehors de son attachement indéfectible à la Ligue, Victor Basch a joué un rôle majeur pendant le Front populaire et dans la Résistance, notamment en tant que membre du comité directeur du Front national pour la zone sud (à ne pas confondre avec le groupe d’extrême droite qui en a volé le nom).

Consultée par la mission de réflexion sur le Panthéon, chargée de proposer des noms de personnes méritant de reposer dans la nécropole nationale, la Ligue des droits de l’Homme a proposé les noms de Victor Basch et de son épouse Ilona, assassinés par la milice le 10 janvier 1944. Le 10 janvier 2014 sera l’occasion pour la section de Rennes de la LDH d’honorer son fondateur, en collaboration avec le lycée Victor Basch et  du conseil régional de Bretagne. Plusieurs historiens et personnalités politiques interviendront pendant cette journée dont nous vous détaillerons le programme prochainement. Les sections LDH de Montrouge (92) et Villeurbanne (69) s’associeront à cet hommage, et cosignent avec la section de Rennes un appel en faveur de la proposition de la Ligue des droits de l’Homme de faire entrer au Panthéon le couple Victor et Ilona Basch. Voici, ci-dessous, l’appel commun qu’elles lancent.

Victor Basch, 70 ans après son assassinat

victor bash

Ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, Victor Basch est assassiné avec son épouse Ilona, le 10 janvier 1944 près de Lyon par la milice française et la Gestapo. Des commémorations sont d’ores et déjà programmées à Rennes (35), à Villeurbanne (69) et à Montrouge (92) en l’honneur de cet homme d’action, fervent dreyfusard, militant acharné de la défense du droit et de la justice.

La Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, tout en appuyant récemment l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, estimait également « que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme Ilona, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon ».

C’est à Rennes, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, que débute l’engagement politique de Victor Basch. Ce combat l’amène à faire partie dès juin 1898 des premiers adhérents de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen dont il assurera la présidence de 1926 jusqu’à sa mort, et à jouer un rôle essentiel dans la fondation de la section de Rennes, une des premières à voir le jour. En sa mémoire, la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes organisera le vendredi 10 janvier 2014 une journée d’hommage sur le thème « Militer hier et aujourd’hui » avec la participation d’historiens et de responsables associatifs et politiques.

L’engagement militant de Victor Basch l’amène à être également un acteur important du Front populaire. C’est ainsi qu’il préside à Montrouge, le 14 juillet 1935, au vélodrome Buffalo, les « Assises de la paix et de la liberté », évènement fondateur du Front populaire et de ses avancées sociales. La section de la Ligue des droits de l’Homme de Montrouge dévoilera une plaque rappelant cet événement, le mercredi 16 avril 2014, rue Victor Basch à Montrouge.

Réfugié pendant la guerre, avec son épouse Ilona, à Caluire-et-Cuire (69), Victor Basch devient membre du comité directeur du mouvement de résistance Front national pour la zone sud. Arrêtés tous les deux le 10 janvier 1944 par la milice française et la Gestapo, ils sont assassinés à Neyron (01) et sont inhumés à la Nécropole nationale de la Doua, à Villeurbanne (69). La Fédération de la Ligue des droits de l’Homme du Rhône invitera à se recueillir sur leur tombe le vendredi 10 janvier 2014 et proposera une projection-débat autour du film documentaire « Victor Basch, dreyfusard de combat ».

Le 10 janvier 2014, cela fera 70 ans que Victor Basch fut tué, avec son épouse Ilona, pour ses engagements et du fait de ses origines. Les assassins déposèrent sur leurs corps l’inscription « Terreur contre terreur : le juif paye toujours ». Alors qu’en France les propos racistes se multiplient, les diverses commémorations qui se dérouleront autour de l’action militante et de l’assassinat de Victor Basch appuieront la volonté de la Ligue des droits de l’Homme de dénoncer sans relâche et sans complaisance les incitations actuelles à la haine et de refuser que la brutalité verbale toujours annonciatrice de passages à l’acte dramatiques envahisse l’espace démocratique.

06/01/2014

Qu'opposer aux "spectacles" antisémites ...

Contre l’antisémitisme, les principes républicains doivent triompher

Communiqué LDH
Quand une démocratie est attaquée dans ses fondements, elle se montre forte quand elle applique ses principes. Elle est faible si, face aux extrémismes, elle les abdique.

antisémitisme,dieudonnéDieudonné a réussi ce tour de force : le Front national défend la liberté d’expression, alors que le ministre de l’Intérieur a déclaré vouloir interdire a priori son spectacle et lui sera en tournée dans de très nombreuses salles, notamment les Zéniths qui sont sous contrat avec l’État.

Or, en France, depuis le début du XXe siècle, la loi, et c’est heureux, ne permet plus l’interdiction a priori des spectacles. Dieudonné et ses zélateurs s’indignent donc de ce que l’État s’apprête à violer une liberté fondamentale, la liberté d’expression.

Tour de force, donc, que de se faire passer pour une victime quand on est celui qui a fait son fonds de commerce de l’agression systématique d’un groupe de personnes à raison de leur origine ethnique, de leur religion, et des horreurs qu’elles ont subies.

Dieudonné a pourtant tort de se revendiquer de la liberté de création pour justifier, dans ses spectacles, ses insultes antisémites, son apologie du révisionnisme, ce pour quoi la LDH s’honore de l’avoir fait condamner. Reste qu’il a toujours transformé ses procès en tribunes, organisant son insolvabilité de façon à échapper aux condamnations financières, qu’elles soient des amendes pour l’État ou des dommages et intérêts pour les associations qui, comme la LDH, l’ont poursuivi avec un succès qui reste théorique.

Le ministre de l’Intérieur, en cherchant à obtenir des préfets qu’ils interdisent ses spectacles, prend un risque d’une autre dimension, celui de fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent, pour des raisons qui peuvent par ailleurs parfaitement se comprendre, opprimés, socialement ou politiquement. Et auprès de ce public, le jeu ambigu, voire pervers, entre humour et haine, agression et victimisation, politique et show-business, peut marquer les esprits dans un sens particulièrement dangereux.

Dieudonné, dont les sympathies avec les thèses les plus extrêmes de la droite antisémite ne sont plus un mystère pour personne, met donc en défaut la démocratie, lorsqu’elle répond à la haine par une menace de restriction de la liberté d’expression.

La LDH rappelle donc que la règle qui doit prévaloir est la liberté, et que tout abus de celle-ci doit être condamné de façon ferme et efficace. La LDH et ses militants seront très vigilants et attentifs à ce que les propos de Dieudonné qui méritent une sanction pénale soient poursuivis, comme elle l’a fait par le passé, et elle engage vivement les pouvoirs publics à poursuivre les atteintes à la loi une fois qu’elles sont commises, plutôt qu’à se lancer dans des interdictions préalables au fondement juridique précaire et au résultat politique incertain, voire contreproductif.

Il est scandaleux que les associations parties civiles dans les procès qui ont été fait contre cet individu n’aient aucun moyen de le forcer à exécuter les condamnations, que les magistrats n’aient pas à ce sujet de plus amples pouvoir d’investigation, et prononcent donc des peines dont ils savent par avance qu’elle ne seront pas exécutées.

Puisque Dieudonné a fait son fonds de commerce de la haine, il faut qu’il soit condamné à chaque fois qu’il l’exprime, et que les peines prononcées soient effectives et décourageantes.

Paris, le 6 janvier 2014

05/01/2014

Dieudonné, l’imposteur raciste, n’est pas l’ami du peuple palestinien

Pour l'Association France Palestine Solidarité "Dieudonné, l’imposteur raciste, n’est pas l’ami du peuple palestinien". Exact et argumenté. Simplement, clairement. Et c’est bien parce que le personnage est en France médiatiquement surexposé que l’AFPS se devait de prendre position

Rappels :

palestine, Dieudonné

Dernièrement Dieudonné a déclaré au sujet de Patrick Cohen, journaliste à France Inter : « Moi, tu vois, quand je l’entends parler, Patrick Cohen, j’me dis, tu vois, les chambres à gaz… Dommage. » Il ne s’agit ni d’une « erreur » ni d’un dérapage. Mais de positions antisémites clairement et délibérément assumées depuis une bonne dizaine d’années. Les exemples en sont innombrables.

Dieudonné n’est pas un simple humoriste, c’est avant tout un militant politique d’extrême-droite. Et il y a une spécificité. Avec une forme d’expression particulière (humour), un vocabulaire pseudo-​​révolutionnaire (anti­système), et une cible du style fasciste des années 30 (le complot du "pouvoir juif mondial", de la finance mondiale, de l’axe Israël-​​USA …), Dieudonné attire certaines catégories, particulièrement dans la jeunesse, que le Front national serait incapable de mobiliser.

C’est le cas par exemple quand il fait applaudir le négationniste Robert Faurisson par 5.000 personnes au Zénith en 2008. C’est le cas aussi quand il inter­viewe Serge Ayoub, alias Batskin, le chef de l’organisation d’extrême-droite JNR, Jeunesses nationalistes révolutionnaires, dissoute après la mort de Clément Méric. La vidéo se conclut par une poignée de main entre ces deux hommes et une déclaration « On représente la France d’en bas … on a le même ennemi, c’est une évidence ».

C’est le cas aussi quand il prétend défendre les Palestiniens en développant des thèses racistes et antisémites sous le couvert de l’anti-sionisme. Il détourne ainsi au profit de l’extrême-droite le juste sentiment d’exaspération face à l’amalgame fait par les soutiens de la politique israélienne entre anti­sionisme et anti­sémitisme. Il donne prise à tous ceux qui se complaisent dans une dénonciation sélective des diverses formes de racisme. Il fait le jeu d’Israël et de tous ses soutiens qui cherchent à discréditer voire criminaliser toute forme de contestation de la politique israélienne..

L’AFPS condamne et rejette ces amalgames qui amènent à traîner devant les tribunaux en toute ignominie les militants du boycott citoyen qui dénoncent la politique coloniale et raciste de l’État d’Israël.

L’AFPS condamne et rejette toute instrumentalisation de la cause palestinienne au service de délires complotistes racistes qui font le jeu de ses adversaires.

Le peuple palestinien n’a aucun besoin de tels faux amis. Notre combat pour les droits nationaux du peuple palestinien se fonde sur les principes universels du droit des peuples. Il suppose le rejet déterminé de toute forme de racisme, d’antisémitisme et d’islamophobie, poisons dangereux que nous combattrons sans faiblesse.

Vendredi 3 janvier 2014
Le Bureau national de l'AFPS

03/01/2014

Vœux d’épopée d’Ariane Mnouchkine

"(...) fuir la peste de cette tristesse gluante, que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre, de méfiance de tout le monde, de ressentiments passifs et contagieux, d’amertumes stériles, de hargnes persécutoires.(...)"

 

Via Mediapart

« Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
À l’aube de cette année 2014, je vous souhaite beaucoup de bonheur.

Une fois dit ça… qu’ai-je dit? Que souhaité-je vraiment ?
Je m’explique :

Je nous souhaite d’abord une fuite périlleuse et ensuite un immense chantier.

Voeux Mnouchkine 2014

D’abord fuir la peste de cette tristesse gluante, que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre, de méfiance de tout le monde, de ressentiments passifs et contagieux, d’amertumes stériles, de hargnes persécutoires.

Fuir l’incrédulité ricanante, enflée de sa propre importance, fuir les triomphants prophètes de l’échec inévitable, fuir les pleureurs et vestales d’un passé avorté à jamais et barrant tout futur.

Une fois réussie cette difficile évasion, je nous souhaite un chantier, un chantier colossal, pharaonique, himalayesque, inouï, surhumain parce que justement totalement humain. Le chantier des chantiers.

Ce chantier sur la palissade duquel, dès les élections passées, nos élus s’empressent d’apposer l’écriteau : “Chantier Interdit Au Public“

Je crois que j’ose parler de la démocratie.

Être consultés de temps à autre ne suffit plus. Plus du tout. Déclarons-nous, tous, responsables de tout.

Entrons sur ce chantier. Pas besoin de violence. De cris, de rage. Pas besoin d’hostilité. Juste besoin de confiance. De regards. D’écoute. De constance.

L’État, en l’occurrence, c’est nous.

Ouvrons des laboratoires, ou rejoignons ceux, innombrables déjà, où, à tant de questions et de problèmes, des femmes et des hommes trouvent des réponses, imaginent et proposent des solutions qui ne demandent qu’à être expérimentées et mises en pratique, avec audace et prudence, avec confiance et exigence.

Ajoutons partout, à celles qui existent déjà, des petites zones libres.

Oui, de ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif.

Expérimentons, nous-mêmes, expérimentons, humblement, joyeusement et sans arrogance. Que l’échec soit notre professeur, pas notre censeur. Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage. Scrutons nos éprouvettes minuscules ou nos alambics énormes afin de progresser concrètement dans notre recherche d’une meilleure société humaine. Car c’est du minuscule au cosmique que ce travail nous entrainera et entraine déjà ceux qui s’y confrontent. Comme les poètes qui savent qu’il faut, tantôt écrire une ode à la tomate ou à la soupe de congre, tantôt écrire Les Châtiments. Sauver une herbe médicinale en Amazonie, garantir aux femmes la liberté, l’égalité, la vie souvent.

Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore aux tout premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée dont ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs.

Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble, avec leurs enfants et les enfants de leurs enfants.

Disons-le, haut et fort, car, beaucoup d’entre eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère.

Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient.

Qu’attendons-nous ? L’année 2014 ? La voici.

PS : Les deux poètes cités sont évidemment Pablo Neruda et Victor Hugo »

31/12/2013

Vivre pour comprendre

« La fraternité est la loi humaine, le racisme une monstruosité. Mais, attention, si vous ne luttez pas contre la misère, si vous laissez des gens mourir de solitude, ils peuvent devenir un jour la proie du racisme.»
Germaine Tillion

2014

A méditer en guise de vœux pour l'année 2014 et suivantes...

29/12/2013

« Les FTP-MOI dans la Résistance »

La LDH soutient le film documentaire « Les FTP-MOI dans la Résistance » de Mourad Laffitte et Laurence Karsznia

Le 21 février 2014, il y aura soixante-dix ans que le groupe Manouchian aura été fusillé au Mont-Valérien. L’année même de la Libération et du programme du Conseil national de la Résistance.

FTP-MOI,

C’était donc le moment de revenir sur cette histoire, ici de façon très différente de celle de Robert Guédiguian dans son film de 2009, L’Armée du crime. Ce sont les survivants ou leurs enfants qui racontent, témoignent, sans intervention de voix-off, et avec l’appui de documents audiovisuels, d’archives publiques et privées, d’historiens. Le récit s’ordonne chronologiquement : les origines de la FTP-MOI, son engagement dans la Résistance, la traque, le procès.

La MOI, Main-d’œuvre immigrée, était pour l’essentiel issue de l’organisation syndicale par nationalité des ouvriers étrangers, fondée par la CGTU. La France d’avant-guerre, très xénophobe, comptait 2,2 millions d’étrangers pour quarante millions d’habitants. Beaucoup avaient fui les persécutions dans leur pays – l’Arménie, l’Italie, l’Espagne, la Pologne – pour rejoindre la France, vue comme le pays de la liberté et des droits de l’Homme. C’est autour des plus politisés d’entre eux, comme Manouchian, poète arménien qui avait adhéré au Parti communiste à la suite de février 1934, et d’anciens des Brigades internationales, que de jeunes étrangers s’engagent dans la Résistance contre un régime collaborationniste et antisémite, inspiré par l’Action française, qui les désigne comme l’anti-France – Vichy effectue quinze mille dénaturalisations, dont cinq mille Juifs. Leur engagement a un caractère d’évidence.

Dès 1940, l’organisation est interdite et se reconstitue dans la clandestinité. Le film raconte comment elle passe d’une première phase d’action politique – tracts, inscriptions, propagande – à une organisation militaire, solidement structurée et commandée, qui pratique désormais le renseignement, la guérilla urbaine, le sabotage des usines et des trains, et les attentats individuels. Ils – et elles, les femmes aussi – n’étaient en fait que quelques dizaines, mais devenus des professionnels des attentats, malgré la difficulté de tuer des êtres humains. Stéphane Hessel raconte comment de Gaulle reconnut leur combat, comment Jean Moulin intégra, comme soldat d’une Résistance unifiée, les FTP dirigés par Charles Tillon, comment surtout, au-delà de la Résistance immédiate, ils étaient porteurs d’une foi humaniste pour la France d’après la guerre, la foi qui inspira le programme du CNR.

Auteurs d’actions retentissantes, pris en filature pendant l’année 1943, les membres du groupe Manouchian furent décimés en région parisienne grâce au zèle de la police française, traditionnellement très anticommuniste, et livrés aux nazis. Tout le monde connaît l’affiche rouge, destinée à convaincre le bon peuple, qui n’en crut rien, que des bandits juifs étrangers s’en prenaient à la France pour de l’argent. Condamnés d’avance, les « terroristes judéo-communistes » furent fusillés après une parodie de procès. Un célèbre poème d’Aragon les transforma en légende.

Entre cette légende, nourrie des belles photographies de certains de ces très jeunes gens, et le débat historique, parfois nauséabond, qui s’en est pris qui à ces « staliniens », qui à Jean Moulin lui-même, il reste des faits, des souvenirs personnels, des transmissions familiales, des lettres qui disent l’espoir pour la France, du courage plus que de la haine, de l’humanité. C’est ce que montre fort bien ce film de forme modeste, en fait bien plus ambitieux qu’il y paraît. Ajoutons qu’il est dédié à un ami de la LDH, Raymond Aubrac.

Les FTP-MOI dans la Résistance
Film documentaire, 2013
Durée : 90’
Réalisation : Mourad Laffitte et Laurence Karsznia
Production : Images contemporaines

23/12/2013

LAMPEDUSA, le sale business de l'accueil

Au lendemain de la diffusion d'une vidéo choc montrant le traitement épouvantable des migrants dans le centre d'accueil de Lampedusa, le grand quotidien national La Repubblica dénonce le cynique et juteux marché de l'accueil des immigrés et demandeurs d'asile en Italie.

Voir aussi "L'immigration, trop ou pas assez ?..."

Ce qu'en dit  la maire de Lampedusa...

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo
 

La Repubblica - Alessandra Ziniti / 19 Décembre 2013
 
«Plus ils sont entassés dans les dortoirs, mieux c’est. Plus ils restent, mieux c’est. Et s’ils sont mineurs, c’est la cerise sur le gâteau : l’État paie encore plus. Chaque fois qu’un bateau de migrants accoste, les "professionnels de l’accueil" sortent leurs calculatrices. Et les chiffres ont souvent beaucoup de zéros.

lampedusa,immigration

En 2013, l'Italie a déboursé plus de 1,8 million d’euros par jour pour accueillir les 40 244 migrants qui ont débarqué sur ses côtes. Lit, repas, vêtements, médicaments et argent de poche, la dépense moyenne se monte à 45 euros par immigré reçu dans l’un des 27 centres d’accueil, d’identification et d’expulsion (CIE) ou d’asile. L’addition atteint 70 euros pour les mineurs (ils sont 8 000 à avoir posé le pied en Italie cette année) en raison de l'attention particulière qui doit leur être accordée.

C’est une part de gâteau gargantuesque que se partagent depuis dix ans les géants du business de l’accueil : la Legacoop [Ligue nationale des coopératives et mutuelles], les entreprises du mouvement catholique Communion et Libération, les sociétés proches de la Ligue et quelques multinationales. Les appels d’offres du ministère de l’Intérieur sont généralement adjugés aux enchères avec un rabais moyen de 30 %. Mais les migrants restent parqués pendant des mois dans des centres qui sont surchargés au double ou au triple de leur capacité. Au détriment des conditions de vie, que beaucoup considèrent comme étant dignes des camps de concentration, mais au bénéfice des responsables de ces centres.

“Tout cela est possible parce qu’en Italie, la plupart des services à l’immigration sont attribués en fonction d’un seul principe : celui de l’offre la plus avantageuse financièrement. Ce commerce de l’immigration est inacceptable. On parle là de commande de plusieurs millions d’euros grâce auxquelles les dirigeants s’enrichissent, alors que les droits de la personne sont bafoués”, dénonce Christopher Hein, directeur du Conseil italien pour les réfugiés.

Univers concentrationnaire

Ceux qui aspirent au statut de réfugié constituent la part la plus importante du gâteau. C’est ainsi que le centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CARA) de Mineo [dans la commune de Catane en Sicile] est devenu une véritable ville dans la ville. Mineo, le "village des oranges", abritait autrefois les militaires américains déployés dans la base aérienne de Sigonella [près de Catane, en Sicile]. Depuis, le CARA s’est imposé comme moteur de l’économie dans la région. Quatre mille personnes issues de 50 ethnies, soit deux fois plus que le centre ne peut en accueillir, rapportent quelque 50 millions d’euros par an au consortium Calatino Terre di accoglienza [Calatino, terres d’accueil].

Ce groupe rassemble des entreprises telles que Sisifo (Legacoop) qui gère le centre de Lampedusa, la coopérative Senis Hospes, Cascina Global Service (lié à Communion et Libération), la Croix rouge, le consortium Casa Solidale (proche de l’ancien parti de Berlusconi Peuple de la liberté). Sans oublier la famille parmesane Pizzarotti, propriétaire des bâtiments réquisitionnés en échange de 6 millions d’euros par an en 2011, quand l’état d’urgence humanitaire avait été déclaré en raison de l’afflux massif de migrants venus d’Afrique du Nord. L’état d’urgence terminé, les Pizzarotti ont intégré à leur tour le consortium.

Ce que Silvio Berlusconi [alors président du Conseil] présentait il y a deux ans comme un modèle d’accueil des migrants en Europe s’est aujourd’hui transformé, à en croire les accusations des associations humanitaires, en un univers contrationnaire. Il y a quelques jours à peine, un jeune Syrien qui attendait son permis de séjour depuis des mois s’y est suicidé. Retenir les demandeurs d’asile plus que de raison est l’une des nombreuses "astuces" déployées par les responsables des différents CARA.

À Sant'Angelo di Brolo (dans la commune de Messine), le parquet a conclu que certains migrants étaient restés 300 jours après avoir obtenu leur permis de séjour, ce qui aurait rapporté 468 000 euros dans les caisses de Sisifo, qui a également remporté l’appel d’offres des centres d’Elmas (près de Cagliari en Sardaigne), de Foggia (dans les Pouilles) et de Lampedusa, où sont passés plus de 100 000 migrants.

L’appel d’offres prévoyait 2,5 millions d’euros pour les 250 places correspondant à la capacité officielle du centre. Pour chaque personne supplémentaire, le ministère de l’Intérieur sort le chéquier.

Et c’est partout pareil : la coopérative Auxilium à Potenza, dirigée par les entrepreneurs Pietro et Angelo Chiorazzo, touche bien plus des 40 millions d’euros prévus pour la gestion des centres de Bari Palese, de Ponte Galeria à Rome et de Pian del Lago à Caltanissetta (en Sicile).

La bonne affaire

L’entreprise française Gepsa [du groupe GDF-Suez, elle a en partie géré le centre de rétention italien de Gradisca d’Isonzo, Frioul-Vénétie Julienne], spécialisée dans les services aux établissements pénitentiaires, a également flairé la bonne affaire. Tout comme la multinationale Cofely Italia, qui ne nie pas collaborer avec l’association culturelle Acuarinto d’Agrigente (Sicile) et la coopérative sociale Synergasia pour gérer le CARA de Castelnuovo di Porto (Rome) et le centre d’expulsion de Gradisca d’Isonzo. Enfin, le prêtre-entrepreneur d’Isola Capo Rizzuto (Calabre) a aussi sa part de gâteau. Sa Fraternité de la Miséricorde gère depuis dix ans, en échange de 28 millions d’euros par an, un CARA où les migrants dorment pour la plupart entassés par dizaines dans de vieux conteneurs.»